Mémoire

Tramways de l'Ouest et Nord-Ouest parisien - les projets inachevés

Marc André Dubout

Nanterre—Le Pecq - le projet Léon Francq

La commune du Pecq se situe dans une boucle de la Seine, à 19 km à l'Ouest de Paris, au pied du château de Saint-Germain-en-Laye.
Son territoire se répartit sur les deux rives du fleuve et englobe une petite île, l'île Corbière, aujourd'hui protégée mais qui connut jusqu'après la seconde Guerre mondiale, un établissement de bains très fréquenté. En 1901 il y avait 1791 habitants, et en 1928 environ 4000 habitants.

Limitrophe des communes du Vésinet, de St Germain-en-Laye, de Mesnil-le-Roi, de Montesson et de Croissy-sur-Seine, elle fut impliquée avec ses voisines dans les différents projets de tramways de la fin XIXème, qui ne virent jamais le jour mais dont les études déjà très poussées coïncidaient aussi bien dans l'espace que dans le temps.

Le Pecq a été le premier terminus de chemin de fer de voyageurs en France. Sans vouloir refaire l'histoire, mainte fois contée, de cette ligne bien connue, rappelons-en quelques dates importantes :

Aujourd'hui Le Pecq est desservi par le RER A à la gare du Vésinet - Le Pecq et Le Pecq, les habitants de la partie du Pecq, proche de Marly-le-Roi, peuvent se rendre aussi à la gare de cette commune pour se rendre à Paris.

Mais laissons de coté le grand Chemin de fer pour nous intéresser aux lignes de tramways qui ont fait l'objet de plusieurs projets dont un seul a vu le jour et qui est devenu la ligne 60 (Rueil-Ville—St Germain) de la S.T.C.R.P. supprimée le 30 juillet 1928.
Il est difficile de donner une chronologie à ces divers projets qui jaillirent en cette fin du XIXème Siècle. Certains sont datés comme celui de M. F. Nave (1898), d'autres sont estimés comme celui de M. H. de Persin dont la correspondance remonte au 4 août 1876.

Il est, par ailleurs, difficile d'illustrer des lignes qui n'ont pas été construites mais par la lecture des textes, l'expérience et le repérage sur place, on peut sans erreur observer des endroits précis que le tramway devait emprunter s'il avait vu le jour mais surtout ne cherchez pas les rails.

Le projet Nanterre—Le Pecq remonte à l'année 1891 où M. Léon Francq1 dépose auprès des ingénieurs du Département de la Seine un projet de tramway mécanique partant de Nanterre place de la Boule Royale pour aboutir au Pecq près du Pont sur la rive droite et passant par Rueil, Chatou, Le Vésinet et Le Pecq.

Le 11 mai 1891 M. Léon Francq informe le maire du Vésinet que le 14 janvier il a demandé au Ministre des Travaux Publics la concession d'un tramway à vapeur à construire de la Boule Royale de Nanterre au Pecq rive droite en passant par Chatou et le Vésinet. Il a confirmé sa demande le 28 avril et déposé son avant-projet prescrit par la loi du 11 juin 1880.
De plus il a adressé à l'Administration supérieure une lettre par laquelle la Compagnie de Chemin de fer au capital de 40 000 000 Francs garantit l'exécution des engagements à prendre vis à vis de l'État.
Il joint le dossier comprenant de la ligne et le mémoire descriptif et demande au maire de prendre une délibération ayant pour objet de prendre le projet en considération et d'affirmer l'utilité publique de la ligne et d'obtenir à bref délai la concession demandée.
Archives municipales d
u Vésinet
Le 24 mai 1891 M. Léon Francq informe le maire de Courbevoie que MM. les ingénieurs de la Seine sont saisis de l'avant projet du tramway de Nanterre au pont du Pecq pour avoir un avis sur la prise en considération.
Archives municipales de Courbevoie
 

Le 11 septembre 1891, le Maire de Rueil donne lecture des lettres émanant des communes de Nanterre, Chatou, Le Vésinet et le Pecq et sui sont toute favorables au projet d'installation de tramway à vapeur de Nanterre au Pecq.
Plusieurs membres font observer que le projet tend à obtenir que les voyageurs puissent circuler sans transbordement entre Paris et le pont du Pecq, ce qui augmenterait encore le nombre des trains circulant sur la voie existante entre Paris et St Germain et ne pourra qu'aggraver une situation contre laquelle nombre de réclamations ont déjà été faites. le service de Rueil n'aura don rien à gagner à l'installation de cette nouvelle ligne.
 Le Conseil considérant qu le service de tramway à vapeur d paris à St Germain donne lieu fréquemment à de justes réclamations attendu que l'établissement d'une nouvelle ligne venant augmenter celle-ci sur une partie de son parcours ne pourra que nuire à son bon fonctionnement, à l'unanimité moins une voix passe à l'ordre du jour.
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Le 30 novembre 1891, le Conseiller d'État, Directeur des chemins de fer auprès du Ministre des Travaux Publics écrit au Préfet de Seine & Oise pour l'informer qu'il a soumis à l'examen du Conseil général des Ponts & Chaussées l'avant projet présenté par M. Léon Francq en vue d'obtenir la concession d'une ligne de tramway Nanterre—Le Pecq.
Le Conseil a présenté les observations suivantes :

- du point de vue financier, avec 112 730 F. par kilomètre, l'entreprise projetée est loin de se présenter avec des garanties indiscutables.

- du point de vue technique, sur le pont de Chatou l'établissement de la ligne ne laissant que 3,70 m. de largeur libre à la circulation sur un long défilé de 300 m. est déjà une disposition défectueuse et le développement contourné dans la rue de la Paroisse est à peu près inadmissible étant donné que pendant une partie de l'année la circulation d'équipage de luxe est considérable entre ces deux points.

- au point de vue de l'exploitation dont l'appréciation n'est appuyée que par d'ancienne preuve, le demandeur en concession pense qu'elle ne pourra être fructueuse qu'autant que la ligne s'embranchera sur celle de Paris à St Germain pour aboutir à la place de l'Étoile or aucune entente n'a eu lieu à ce sujet avec la Cie du Tramway à vapeur de Paris à St Germain et rien ne prouve que ce branchement soit possible en pratique, bien que le demandeur en concession déclare qu'il suffira d'ajouter une ou deux voitures en queue des trains de Paris à St Germain et de les détacher à la Boule Royale.
D'un autre côté l'inspection de la carte et du plan général de l'avant projet suffit à démontrer que la ligne dont la concession est demandée se trouve sur tout son parcours à moins d'un kilomètre de la ligne du chemin de fer de Paris à St Germain appartenant au réseau de l'Ouest garanti par l'État et que ses principales stations seraient identiquement les mêmes que celles de cette ligne et séparées de ces dernières seulement par des distances d'environ 500 mètres. Dans ces conditions la nouvelle ligne serait une concurrence réelle au chemin de fer existant.
Inutile de préciser que la demande est rejetée

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Le 29 décembre 1891, suite à la délibération du Conseil municipal du Pecq du 20 novembre 1891 relative à l'établissement d'un tramway Nanterre—Le Pecq, le Préfet de Seine & Oise transmet au maire une copie de la réunion ministérielle du 24 novembre contenant rejet de la demande en concession de M. Francq.
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Le 17 mars 1897, un collègue du maire de Courbevoie lui envoie un tracé de la demande de M. Francq, accompagné d'une note relative à la délibération à prendre par le Conseil municipal en sa faveur.
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Le 23 juillet 1897, le maire de Courbevoie écrit à M. Francq pour l'informer qu'aux termes de sa délibération, le Conseil municipal donne un avis favorable à sa demande en concession sous condition que le tracé soit modifié (tracé en vert) de manière à passer par La Garenne pour aboutir à Bezons avec terminus à St Germain. Par ailleurs, il refuse de statuer sur la question du syndicat et la désignation d'un membre pour représenter la commune à ce syndicat. Notons que cette modification fut en partie réalisée lors de la construction du tramway de Neuilly à Maisons Laffitte exploitée par les T.M.E.P. dont M. Francq était administrateur.
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Le 9 juin 1899, demande de concession de tramway électrique de Monsieur Nave.
La Commission a été saisie d'un rapport de M. L'Architecte-voyer exposant que Monsieur Nave sollicite la concession de diverses lignes de tramways électriques parmi lesquelles deux intéressent spécialement la Ville de Suresnes, savoir :
- La ligne de Chatou à Suresnes
- La ligne de la Porte Maillot à Versailles, Ville d'Avray.

En conformité des conclusions de ce rapport la commission considérant que la municipalité a des moyens de communications rapides est l'un des éléments principaux de la prospérité d'un pays, mais que les documents transmis mentionnent des prix de transport qui devront être l'objet d'un examen ultérieur, propose que le conseil municipal donne un avis favorable à la demande de M. Nave sous toute réserve au sujet des directions, des tracés, de l'horaire des trains, des prix de transport, etc.

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Cette affiche placardée à l'attention des habitants des cantons d'Argenteuil et de St Germain qui pour la plus part ne possèdent ni chevaux, ni voiture et qui attendez toujours le tramway rappelle qu'en 1891 un projet Francq proposait de relier Le Pecq, le Vésinet, Nanterre à Paris par la Boule et a été refusé par le gouvernement qui l'a rejeté à la suite d'une campagne hostile de gens qui travaillaient contre l'intérêt public.
Depuis un comité interdépartemental s'est formé regroupant les communes de St Germain, Le Pecq, le Vésinet, Chatou, Montesson, Carrières-St Denis, Houilles, Nanterre et Courbevoie. Ce comité a décidé de la création d'un ensemble de lignes qui viennent compléter un autre réseau du même groupe (T.M.E.P.) et qui comprend les lignes St Cloud—Pierrefitte et Houilles—St Ouen.
Le Comité a donc appuyé le projet de MM. Francq, Coignet et Grosselin. Depuis le gouvernement a adopté les projets et ordonné la mise à l'enquête des lignes Courbevoie—Le Pecq, Rueil—Chatou, Chatou—Montesson, Montesson—Asile St Fargeau, Le Pecq—Houilles.
Les protestataires de l'Union du Commerce, de l'Union des propriétaires et du Syndicat de l'Industrie et du Bâtiment possèdent des équipages ou ayant des moyens de transport et sont bien évidemment contre le tramway qui leur fera forcément concurrence.

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Un document intitulé "Tramway ou chemin de fer sur route de Nanterre au Pecq" - Avant projet - Traction mécanique à vapeur sans feu paraît à la fin du XIXème S. 
Le mémoire descriptif nous renseigne sur le tracé de la ligne, les alignements et courbes, le profil en long, la voie, les bâtiments et accessoires, le matériel fixe, le genre de service, les tarifs, le mode d'exploitation et la traction.
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Le tracé
La ligne qui fait l'objet de ce mémoire est entièrement établie sur la R.N.190 de Paris à Mantes. Elle prend naissance à Nanterre à la Boule Royale dans le département de la Seine, où passe déjà la ligne de Paris à St Germain exploitée par le Tramway de Paris à St Germain (P.S.G.) puis traverse, dans le Département de Seine & Oise, les communes de Rueil, Chatou, Le Vésinet pour aboutir au pont du Pecq (rive droite) après un parcours de 7203 mètres.

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La traversée de Nanterre.
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La ligne prend son départ sur les voies du P.S.G. à la Boule Royale point d'intersection de la R.N. 190 avec la R.N. 13.
Dans Nanterre, elle emprunte le milieu de la chaussée de la rue Gambetta jusqu'à la place du Martroy et ensuite se place sur la bordure du trottoir de la rue St Germain, soit à droite soit à gauche pour permettre le développement des courbes selon la prescription de 18801. La ligne passe ensuite sous le pont du Chemin de fer de Paris à St Germain de la Cie de l'Ouest au point 1K3m (profil 1) pour gagner l'accotement droit de la route nationale qu'elle suit jusqu'à Chatou.

nanterre066.jpg (64968 octets)

Entre les point 1K345m et 2K079m, la route a été élargie au détriment des accotements et afin de conserver le tracé sur l'accotement, il sera nécessaire de déplacer la bordure du trottoir sur cette longueur de 734 m. (profil 2 & 3), la largeur restant libre pour la circulation des voitures particulières sera encore de 9,45 m. tandis qu'elle est de 7 m. entre les points 2K079m et le pont de Chatou.
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projet-nr_336b.jpg (66752 octets)Dans la traversée de la Seine au pont de Chatou, le tracé s'appuie sur le trottoir de droite, il conserve cette position dans la rue du Pont pour faciliter le développement de la courbe de 28 m. de rayon qui le fait entrer dans la rue de la Paroisse, en conservant le côté droit jusqu'au point 3K385m47. Par une traversée oblique, le tracé s'appuie sur le côté gauche de la rue de la Paroisse, condition indispensable au développement de la courbe de 25 m de rayon sous un angle de 84° qui lui permet d'aboutir et de se maintenir dans l'axe de la rue de St Germain jusqu'au point 3K846m16.

projet-nr_336a.jpg (47494 octets)De là, le tracé se met sur le large trottoir à gauche de la route nationale jusqu'à la fin de la traverse de Chatou pour ensuite rester entre les deux lignes d'arbres plantés sur l'accotement jusqu'à son point terminus.

 

 
Entre les points 6K129m50 et 6K 293m60, un jeu de quatre courbes de 50 m. de rayon est employé pour le passage par dessus le Chemin de fer de Paris à St Germain de la Cie de l'Ouest sur le pont actuel (profil n° 12).

 
À l'extrémité du tracé, une voie de garage et de manœuvre est projetée pour la formation du train arrivant, en train partant, laquelle n'apporte aucune gêne aux voitures particulières pouvant stationner en cet endroit.
 

Les alignements et courbes
Un tableau des alignements & courbes nous renseigne avec beaucoup de précision sur les distances cumulées, la désignation des alignements & courbes avec leur longueur, l'angle des alignements adjacents, les rayons et la direction des courbes et la longueur des tangentes.

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courbe de 25 m. 1
courbe de 28 m. 1
courbe de 30 m. 1
courbe de 40 m. 2
courbe de 50 m. 6
courbe de 60 m. 6
courbe de 65 m. 1
courbe de 100 m. 3
courbe de 110 m. 1
courbe de 200 m. 4
courbe de 300 m. 1
courbe de 500 m. 5
courbe de 1000 m. 2

Ainsi on a un total de 7K203m dont 850m48 de courbe et 6K352m52 d'alignement. 

Profil en long
Le profil en long nous renseigne sur les longueurs de palier, rampes et pentes, avec pour ces dernières la longueur des déclivités et d'élévations.
On obtient ainsi pour ce qui est du profil en long 6K232m21 dont 2K462m24 de rampes et 3K769m97 de pentes et 970m de palier.
La cote de départ est à 42m37 et celle d'arrivée à 29m75, la somme des élévations est de 27m31 et celle des abaissements de 39m93.

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La Voie
La voie est du type Vignole en rail d'acier de 20 Kg/m. posé sur des traverses au nombre de 11 par travée de 8 m. Ces traverses seront espacées normalement et seulement de 0,60 m. au point qui sera en porte à faux. L'assemblage se fera sur traverses en chêne de 2,40 m. par 0,15 par 0,22 m. au moyen de tirefonds galvanisés à chapeau et les rails seront reliés entre eux par des éclisses boulonnées comme d'ordinaire. Le tout reposera dans une couche de ballast de 0,35 m. d'épaisseur et de 2,50 m. de largeur.
Lorsque la voie traversera une voie charretière quelconque, elle sera établie en passage à niveau, c'est à dire avec du pavage et un contre-rail du côté intérieur. Le rail Vignole se poursuivra constamment et solidarisé avec le contre-rail, il reposera sur une longerine encastrée dans les traverses.
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 Les bâtiments et accessoires
Le dépôt principal sera établi entre le pont de Chatou et Nanterre en un point à déterminer seulement après enquête d'utilité publique et selon le système qui sera définitivement adopté pour exploiter la ligne, soit que l'exploitation se fasse d'une façon indépendante entre la Boule Royale de Nanterre et le Pont du Pecq avec transbordement des voyageurs, soit que les trains du Pecq à Nanterre continuent leur mouvement jusqu'à Courbevoie et Paris, par l'emprunt des voies d'autres concessionnaires2.
À ce sujet il faut noter que le P.S.G. en cette fin de siècle était exploité par les T.M.E.P. même si la compagnie restait propriétaire de sa ligne et de son matériel. On peut alors facilement imaginer qu'un raccordement permit d'atteindre directement Paris où le métropolitain était construit vers l'Ouest (Porte Maillot).  
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 Le matériel fixe
Il sera établi une voie d'évitement sur le parcours de la ligne et une voie de garage et de manœuvre à son extrémité. Ces voies nécessiteront des appareils d'aiguillage et de croisement.
La voie unique sera raccordée sur les deux voies du tramway de Courbevoie de St Germain à La Boule Royale, ce raccordement emploiera 3 appareils d'aiguillage et de croisement, soit au total 7 appareils d'aiguillage.
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Le genre de service
La ligne aura pour objet de transporter les voyageurs, leurs bagages et les petits colis ou messageries.
Le transport des marchandises se fera s'il y a lieu sur autorisation du Ministre des Travaux Publics et sur proposition du concessionnaire3.
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Les tarifs 
Les tarifs à percevoir seront les suivants : Voyageurs par tête et par kilomètres, en première classe 0,10 F., deuxième classe 0,075 F. Au-dessous de trois ans les enfants ne paieront rien à condition d'être portés sur les genoux des personnes qui les accompagneront. 
De trois à sept ans, ils paieront demi-place et auront droit à une place distincte, toutefois dans un même compartiment deux enfants ne pourront occuper que la place d'un voyageur. Au-dessus de sept ans ils paieront place entière.
Il sera délivré des billets d'aller et retour avec réduction d'un quart aux voyageurs qui circuleront entre Le Pecq et un point quelconque de la ligne dans la direction de Paris sur un parcours de six kilomètres au moins.
La perception aura lieu d'après le nombre de kilomètres parcourus.
Tout kilomètre entamé sera payé comme si il avait été parcouru en entier.
Le minimum de perception sera compté sur un parcours de trois kilomètres ; cependant les prix à percevoir pourront être au minimum de 0,95 F. en première classe et de de 0,15 F. en deuxième.
Tout voyageur dont le bagage ne pèsera pas plus de 30 kilogrammes n'aura à payer pour le port de ce bagage aucun supplément du prix de sa place. Cette franchise ne s'appliquera pas aux enfants transportés gratuitement et elle sera réduite à 15 Kg pour les enfants transportés à moitié prix.
Les chiens et animaux (moutons, brebis, agneau, cheval, etc.) sont également pris en compte dans les tarifs proposés dans le projet.

Les Marchandises
En-dessous de 100 Kg et d'un m3, pour les marchandises transportées en grande vitesse dans les trains de voyageurs il sera payé 0,75 F par tonne et par kilomètre. En petite vitesse le prix sera de 0,30 F, le minimum perçu dans tous les cas ne pouvant être inférieur à 0,50 F.
Tous ces prix sont hors impôt dû à l'État. Le texte rappelle que le poids de la tonne est de 1000 kilogrammes et que la fraction unitaire applicable aux tarifs est le centième de tonne.

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 Le mode d'exploitation
Les trains s'arrêteront à des points déterminés d'avance et indiqués sur les plans. Liste des arrêts.
Le rayon minimum des courbes est fixé à 25 m4. de rayon et sera augmenté en toutes circonstances où cela sera possible. 
Le maximum des déclivités est fixé à 44 mm/m.

 

 

Boule Royale de Nanterre Station-abri
Près de la mairie de Nanterre Halte poteau 
Pont de chemin de fer Paris—St Germain Halte poteau 
Pont de Chatou (rive gauche) Halte poteau 
Pont de Chatou (rive droite) Halte poteau 
À Chatou Station-abri
Au Vésinet Halte poteau 
Au Vésinet Station-abri
Au Pecq Halte poteau 
Pont du Pecq (rive droite) Station gardée

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 La traction
Le système retenu est la "locomotive à vapeur sans foyer" à eau chaude5 qui est en usage sur la ligne de Rueil à Marly-le-Roi6, de Lille à Roubaix, de Lille à Tourcoing, de Lyon St Fons et en dernier lieu de Paris (Place de l'Étoile) à Courbevoie et à St Germain-en-Laye.
Les machines à employer comprendront tous les perfectionnements réalisés jusqu'à ce jour. Elles seront conduites par un seul homme.
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 Matériel roulant et généralités
Il y aura entre la locomotive et le train une communication facile et le conducteur du train sera apte à remplacer le machiniste.
Le frein continu sera appliqué afin d'assurer la sécurité dans la marche ; il y aura en outre des freins à main.
La largeur maximale du matériel roulant, toutes saillies comprises est fixée à 2,15 m.
À la traversée des chemins publics ou particuliers, la voie sera posée avec des contre-rails pour soutenir un pavage qui règnera dans l'entre-rail et à 0,50 m. de chaque côté du rail. Les chemins empierrés seront pavés à neuf. Les chemins d'accès des maisons riveraines seront traversés par une voie avec rail et contre-rail pour soutenir le pavage ou l'empierrement existant.
Il sera pris des dispositions pour ralentir la marche du train aux endroits où le conducteur ou tout conducteur de voiture charretière ne s'apercevrait pas de la distance suffisante pour empêcher toute collision.
Les trains seront composés de la machine et de trois voitures. La vitesse maximum est limitée à 20 Km/h et la vitesse de marche sera de 15 Km/h en moyenne. Elle sera réduite selon les nécessités aux endroits réputés dangereux.
Le nombre minimum de trains est fixé pour le service d'hiver à douze par jour dans chaque sens, ce nombre sera augmenté selon les besoins et l'affluence des voyageurs en toute saison.
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Voilà détaillé le projet Nanterre—Le Pecq de M. Léon Francq. Ce projet ne vit pas le jour mais peut être considéré comme une variante du projet final des T.M.E.P.7 de Rueil au Pecq qui utilisa les machines légères (Corpet-Louvet et Winterthur) du Paris—St Germain à cause du franchissement des ponts de Chatou et du Pecq qui ne pouvaient supporter qu'un poids de 4 tonnes à l'essieu.

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Notes :
  • 1 Léon Francq (1848-1931) diplômé de l'École des arts industriels et des mines (École centrale de Lille), introduisit en France, en la perfectionnant notablement, la machine sans foyer mise en service par le docteur Émile Lamm sur les tramways de la Nouvelle-Orléans à Carrolton.
    Il est l'inventeur d'un procédé de moteur à vapeur pour locomotive fonctionnant à la vapeur comprimée. 
    Francq était par ailleurs concessionnaire des tramways de Versailles.
    Il contribua aussi au tramway électrique Lille-Roubaix-Tourcoing dont il conçu le rail à ornière. 
    Lorsque Alfred Mongy créa la Compagnie des Tramways et Voies Ferrées du Nord, il devint vice-président du Conseil d'administration de l'Électrique Lille-Roubaix-Tourcoing, concessionnaire de la ligne de tramway.
    Il fut aussi directeur de la compagnie continentale d'exploitation des locomotives sans foyer, administrateur de la société des voies ferrées des Alpes françaises, administrateur délégué de la compagnie des Tramways Mécaniques des Environs de Paris (T.M.E.P.)
    Il participa aussi aux études du métropolitain de Paris.
    Sur la vie et l'oeuvre de Léon Francq
  • 2 Le Concessionnaire en question est la Société du Paris—St Germain (P.S.G.) exploitée par les T.M.E.P. et avec lesquels elle a passé un accord pour l'exploitation de la future ligne Rueil-Ville—Le Pecq prolongée jusqu'à St Germain en 1914.
    Rappelons à ce sujet que les ponts de Chatou et du Pecq ne pouvant supporter le trop lourd poids des locomotives Francq ont vu circuler de petites machines Corpet et Winterthur du P.S.G. du temps de la vapeur.

  • 3 Conformément à la loi du 11 juin 1880 sur les tramways.
    • La loi du 11 juin 1880
      Après un démarrage réticent, dû aux inepties d'illustres académiciens, savants
      , politiciens, le chemin de fer se développa et le rail couvrit la France de ses réseaux. Cependant des espaces restèrent non desservis et la voie normale ne put atteindre certains endroits peu accessibles, montagnes, campagnes, usines avec des coûts raisonnables. Le coût du chemin de fer se divise en deux parts : ce qu'il faut payer à la compagnie et ce qu'il faut payer pour l'atteindre. On résolut le problème en établissant "des chemins de fer sur route à traction à vapeur transportant des voyageurs et des marchandises".
      Bien que cette solution fut accueillie avec des éclats de rires par de sages ignorants, le type de chemin de fer fut arrêté par M. de Freycinet
      Ministre des Travaux Publics qui déposa au Sénat en 1878 un projet de loi destinant à régler le mode de concession pour ces "chemins de fer établis sur route". Et après une double discussion à la Chambre et au Sénat, elle fut votée, ratifiée et promulguée le lendemain, le 11 juin 1880 au Journal Officiel.
      Dans son chapitre 2, la Loi relative "aux chemins de fer d'intérêt local et aux tramways", (sans vouloir en relater le détail, retenons que l'article 27) règle les concessions qui pourront être accordées.
    • "par l'État lorsque la ligne doit être établie tout ou partie sur une voie dépendant du domaine de l'État".
    • par le Conseil général au nom du département, lorsque le voie ferrée, sans emprunter une route nationale doit être établie tout ou partie soit sur un chemin de grande communication ou d'intérêt commun ou doit s'étendre sur le territoire de plusieurs communes. 
    • par le Conseil municipal lorsque la voie est établie entièrement sur le territoire de la commune et sur un chemin vicinal ordinaire ou sur un chemin rural.

    L'article 27 ouvrait la voie à un excès de décentralisation qui, s'il ne fut pas obvié, risquait de voir se développer une orgie des concessions. C'est la raison pour laquelle on introduisit l'article 29 par lequel "Aucune concession ne peut être faite qu'après une enquête dans les formes déterminées par un règlement d'administration publique et dans laquelle, les Conseils généraux des communes dont la voie doit traverser le territoire, seront entendus lorsqu'ils ne leur appartiendra pas de statuer sur la concession. L'utilité publique est déclarée et l'exécution est autorisée par décret délibéré en conseil d'État sur le rapport du Ministre des Travaux Publics après avis du Ministre de l'Intérieur".
    L'unité nationale est ainsi reconstituée, c'est le Conseil d'État qui déclare l'utilité publique des tramways et en autorise l'exécution après avis du Ministre de l'Intérieur. C'est aux auteurs de projets de se soumettre aux règles et de proposer des projets parfaitement étudiés et justifiés, les autorités compétentes se chargeant de les instruire.
    Reste à régler le problème de la garantie de l'État qui pouvait légitiment douter de l'abus qu'on pourrait en faire. Et c'est précisément l'article 36 qui donne satisfaction et garantie à tous les intérêts en jeu : "Lors de l'établissement d'un tramway desservi par des locomotives et destiné au transport des voyageurs, l'État peut d'engager en cas d'insuffisance du produit et cinq pour cent par an du capital d'établissement, tel qu'il a été prévu par l'acte de concession et augmenté, s'il y a lieu, des insuffisances constatées, pendant la période assignée à la construction par ledit acte, à subvenir, à condition qu'une partie au moins équivalente sera payée par le département ou la commune avec ou sans le concours des intéressés. La subvention de l'État sera formée :

    • d'une somme fixe de cinq cents francs par kilomètre exploité
    • du quart de la somme nécessaire pour élever la recette brute annuelle (impôts déduits au chiffre de six mille francs par kilomètre

    En aucun cas, la subvention de l'État ne pourra élever la recette brute au-dessus de six mille cinq cents francs par an.
    La participation de l'État sera suspendue de plein droit quand les recettes brutes annuelles atteindront la limite ci-dessus fixée".

    http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k58157198

  • 4 Courbe devant l'église de Chatou pour rejoindre l'avenue Carnot.
    La courbe minimal acceptée par les tramways parisiens était de 18m de rayon.

  • 5 Léon Francq introduisit en France, en la perfectionnant notablement, la machine sans foyer mise en service par le docteur Émile Lamm sur les tramways de la Nouvelle-Orléans à Carrolton.
    Le réservoir de vapeur soigneusement isolé, situé sur la locomotive, et constitué d'un réservoir en grande partie rempli d'eau que l'on échauffe progressivement par un courant de vapeur de manière à la porter à 200°, ce qui correspond à 15 atmosphères de pression (le temps de remplissage des machines utilisées sur la ligne Rueil - Marly durait vingt minutes pour un réservoir de 1800 litres) ;
    Un détendeur automatique dans lequel se rend la vapeur sortant du dôme, ce détendeur permettant de détendre la vapeur pour la mettre à la pression d'utilisation des pistons ;
    Une distribution et des cylindres avec leurs pistons classiques permettant toutefois de faire usage de la détente, ce qui n'existait pas dans les machines primitives de Lamm.
    Un condenseur à air permettait d'économiser l'eau de la vapeur, et de limiter fortement le bruit de l'échappement.
    La vapeur surchauffée était produite dans les dépôts par des chaudières industrielles, plus efficaces que les chaudières tubulaires utilisées dans les chemins de fer

  • 6 La ligne Paris—St Germain appartenait à la Compagnie du P.S.G. mais était exploitée par les T.M.E.P. dont M. Léon Francq était concessionnaire.
     
  • 7 Tramways Mécaniques des Environs de Paris (1896-1910) dont Léon Francq était devenu administrateur. 

Sources :

  • Archives municipales du Pecq
  • Archives municipales de Chatou
  • Archives municipales du Vésinet
  • Archives municipales de Courbevoie
  • Société Historique du Vésinet
  • Archives municipales de Suresnes
  • Archives de la RATP
  • Cent ans de transports en commun dans la Région Parisienne Tomes 1 à 4 - Louis Lagarrigue - 1956
  • Les tramways parisiens 2è Édition - Jean Robert - 1959.

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