Le carnet du CFC

Decauville, et le chemin de fer de Royan - 1/6

Marc André Dubout

 

Sommaire : 

 

Les petits trains balnéaires

À la fin du XIXème S., la mode des bains de mer et à la croissance du tourisme estival et/ou dominical, voit apparaître de nombreuses stations balnéaires dont quelques-unes sont desservies par un tramway de loisir. Si cette mode apparaît d'abord en Angleterre, elle se développe en France avec la révolution industrielle qui favorise l'intensification des loisirs et des voyages, et les classes aisées effectuent des migrations saisonnières vers la côte et la mer qui n'est plus redoutée mais désormais vue comme attrayante et excitante. De plus des lignes de chemin de fer sont créées pour en favoriser l'accès et par conséquent la fréquentation.
Paul Decauville n'est pas insensible à cette opportunité nouvelle et prend une part active dans l'émergence des "petits trains de plages", généralement à voie de 60 cm, établis dans les stations balnéaires. Ainsi, plusieurs chemin de fer devaient commencer à faire parler d’eux et connaître en général un succès facile qui allait durer jusqu’au premier conflit mondial.


Royan avant le tramway Decauville

Royan, station balnéaire par excellence, située en face de la pointe de Grave au Nord-Est de la Gironde, jouissant d'un ensoleillement exceptionnel était considéré comme le "Midi Atlantique".
À Royan deux installations ferroviaires de loisir ont existé antérieurement au tramway de la Société Générale des Tramways de Royan (T.R.). Le tramway du parc et le train des enfants.

Le petit train du parc était en voie de 60 et traction hippomobile En 1885, il fait l'objet d'une convention entre la Ville et M. Lemoine qui ne sera effective que deux ans plus tard. Un problème de tracé et des manques de pièces du dossier retarde encore la mise en oeuvre de deux ans. 
Des chevaux tractent de minuscules voitures larges de 1,50 m. et circulent en boucle dans le parc. Il ne remportât pas grand succès.

Le tramway dans le parc en 1888. "Les petits trains de jadis" (Ouest P.283).

Documents FACS n°139, le plan du tramway du parc de Royan

Le train des enfants

Plus près du manège que du tramway, le train des enfants, circulait en boucle sur un ovale de 600 m. dans un jardin d'attraction. Construit vers 1923, le petit train  circula jusqu'en 1929.
Une petite locomotive de construction artisanale tractait des voitures de 4 places (deux en vis à vis). Le parc a laissé place à des habitations.

 
Le train des enfants (V60) du parc de Royan et matériel roulant utilisé. (Document FACS n°139, Richard Vergez).

 


Le tramway forestier

Un modeste tramway hippomobile existait depuis 1874. Il avait été construit de 1868 à 1874 pour l'entretien des dunes qui s'effaçaient lentement au profit des sables. Dès 1810, les Ponts & Chaussées puis les Eaux & Forêts s'employaient à stabiliser le recul des terres. C'est ainsi que l'Administration a décidé de construire un tramway forestier de la Grande Côte à Ronce-les-Bains. La ligne fut concédée pour l'exploitation forestière et les promenades touristiques.
Il  longeait le rivage en desservant les maisons forestières. Longue de 23 kilomètres la ligne, allait de la "Combe à Massé" (près de Grande Côte) à Ronce-les-Bains. Exploitée, au début par diverses administrations Ponts & Chaussées, Eaux & Forêts, Douanes, etc., elle tomba en désuétude, suite à la reprise par un concessionnaire officiel. Vers 1890, ne servant plus qu'à la demande privée pour les chasseurs, les particuliers qui souhaitaient louer une voiture hippomobile pour se promener, etc., le tramway sombra dans l'inactivité.
De construction légère, la voie de 1,01 m. en rail de 9 kg au mètre ne supportait qu'une charge maximale de 4 tonnes par véhicule. Son profil était pratiquement sans déclivité. Les rampes étaient inférieures à 8 %
o.
La ligne a son terminus à la "Combe à Massé", non loin de la "Grande Côte", suit la côte jusqu'à "La Palmyre", s'incline vers le Nord à "La Coubre" traverse la zone marécageuse du Barachois, un embranchement en triangle, mène au "Pavillon de la Bouverie". Elle continue le long de la côte jusqu'à la "Pointe espagnole", desservie par un embranchement qui rejoint le bord de mer puis continue jusqu'au "Galon d'or" distante de 23 kilomètres. Elle sera prolongée en 1913 jusqu'à "Ronce-les-Bains".
En 1897, le Tramway de Royan atteint la "Grande Côte" ce qui met les deux réseaux en correspondance.
En 1903, apparition des automotrices à essence.


Le départ de "La Grande Côte" en traction hippomobile. La gare de la "Grande Côte avait une voie de garage abritée avec un toit de chaume. Une partie du bâtiment servait d'écurie pour les chevaux.


La ligne dans la forêt peu après la gare de la "Grande Côte". La voie de 1,01 m. est en alignement.


"La Palmyre", station typique, en forêt, avec une voie de garage et un abri en bois surmonté d'un toit de chaume. Il y avait peu de bâtiments
Noter le lorry en arrière plan stationné sur la voie de garage.


Le phare électrique de la "Bonne Anse" (905), juste après la station de "La Coubre". L'automotrice Decauville, en voie de 1,01 m., s'engage vers "Le Barachois".


"Le Barachois", zone marécageuse, traversée sur quatre kilomètres par le tramway forestier.

En rouge le tramway forestier, en bleu le tramway de Royan


"La Bouverie". L'automotrice attend le départ pour Ronce, sur la voie de droite. La voie de 1,01 m; est en rail de 9,5 Kg. posé sur traverses bois injecté ou chêne, fixé par des crampons. Il y avait aussi des rails à double champignons. Le profil était pratiquement plat à part quelques faibles déclivités. Le rayon des courbes ne descendait pas en-dessous de 140 m. de rayon


"Le Galon d'or", ancien terminus de la ligne avant son prolongement vers Ronce-les-Bains. On distingue l'ancien appontement à gauche du premier cliché.
L'automotrice Decauville à essence de 24 places y compris le conducteur, attend le départ.
Ce terminus fut prolongé de 3,5 Kilomètres en 1913, faisant aboutir la ligne à l'entrée de Ronce-les-Bains.

La traction était essentiellement assurée par des chevaux qui tiraient des voitures de promenade en bois de fabrication sommaire ou plus élaboré selon les utilisateurs.


Voiture rudimentaire style "char à bancs" au pavillon de Bouverie devant les bâtiments des Eaux & Forêts. Les voitures étaient amphidromes. Pour changer de sens, il suffisait d'atteler le cheval à l'autre bout.
Sur un cliché on distingue cependant un genre de dérailleur qui permettait de retourner les voitures.

 
Toujours au pavillon de la Bouverie mais avec une voiture à la fois plus élégante et plus spacieuse : baladeuse couverte à deux essieux, destinée à la promenade en forêt.
La visite de la forêt de la Coubre était très prisée des promeneurs les dimanches et jours de fête.


Voiture des Eaux & Forêts accompagnée des gardes forestiers au terminus primitif de la Ronce. Noter l'élégance de la voiture.

Vers 1900 apparaissent diverses automotrices légères à essence. L'une d'elle est de construction Decauville, tractant une remorque légère également.


Automotrice Decauville et sa remorque, au triangle de "La Bouverie", se dirigeant vers "La Combe Massé".
Noter le plan de voies important, géré par l'administration des Eaux & Forêts. Peut-être les installations d'injection des bois avec du sulfate de cuivre.

 
Le tramway forestier de Royan, de la traction hippomobile à l'automotrice... Decauville ?
. L'automobile pointe son nez !

Vers 1906, le transport des bois diminue et à part quelques demandes d'excursions, le tramway forestier perd de son activité.
En 1911, mise en adjudication pour le prolongement du Galon d'or à Ronce-les-Bains (1394 m.). Exploitation prévue par traction animale et automotrices légères.
En 1913, l'embranchement de Ronce est construit en Y, la remise en tête se faisant par gravité1
En 1914, la ligne fut prolongée jusqu'à Ronce-les-Bains, le service touristique d'automotrices fonctionna les dimanches et jeudis :

Les Lundis et samedis

Ces horaires ont bien évidement été modifiés au cours du temps. La ligne fut utilisée par l'armée pendant la Guerre de 14-18 pour divers transports, (bois, farine, etc.).
Restée en sommeil après la guerre de 14-18, elle fut mise à l'écartement de 60, en 1923, et reprise par la  Société générales des Tramways de Royan. Vieux rêve caressé par Paul Decauville.
Avec une activité très diminuée au fil du temps, le tramway forestier se met dans l'incapacité de faire face au petit train Decauville.

Ce tramway forestier sera raccordé en 1923 au tramways de Royan (voir plus loin).

Les diverses extensions en rouge la ligne de 1874, en bleu l'extension du Galon d'or, vers Ronce-les-Bains en vert celle de Ronce-les-Bains vers la gare État de la Tremblade.

 

 


Avis de reprise du service sur le tramway forestier.
http://www.passion-metrique.net/forums/viewtopic.php?f=2&t=9395&p=460544&hilit=tramway+royan#p460544

Notes
  • 1 Peu avant l'aiguillage, la traction dételait la remorque et se garait sur une voie, puis par gravité la remorque allait se positionner sur l'autre voie et ensuite la traction se remettait en tête.
  • 2 Frédéric Garnier maire de Royan.
  • 3 Les machines étaient chauffées au coke tout comme à l'Exposition universelle de 1889 afin de ne pas émettre trop de fumée.

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