Mémoire

Tramways de l'Ouest et Nord-Ouest parisien - les projets inachevés

Marc André Dubout

Le projet de réseau présenté par Monsieur F. Nave

Dans son rapport du 5 avril 1899 M. F. Nave présente à MM. les Préfets de la Seine et de la Seine & Oise son projet de réseau complet pour tout le Nord, Nord-Ouest et Ouest de la Seine & Oise qu'il veut mettre en relation directe avec Paris et qui a été transmis le 20 février aux préfectures, suivi de trois demandes en concession.
F. Nave aborde le sujet des transports en terme de réseau général et non pas de ligne. La carte jointe montre que le réseau général est basé sur la Porte Maillot que le jeune métropolitain va bientôt atteindre et sur l'importance que va prendre ce point unique vers Paris où vont converger quatre lignes de chemins de fer1 et quatre lignes de métropolitain. La Porte Maillot va être ainsi en communication avec tous les quartiers de la capitale et devenir le véritable centre autour duquel on pourra rayonner dans toutes les directions avec des moyens de transport extra-rapides.
La situation exceptionnelle de la Porte Maillot procurera un double résultat avantageux aux communes de la banlieue qui se trouveront en relation avec elle car elle facilitera l'accès de la banlieue aux parisiens et elle décidera aussi à aller s'y fixer en grand nombre du moment que les transports à leur disposition seront rapides
Ces habitudes empruntées à la vie anglaise tendent à se généraliser de plus en plus.
M. F. Nave propose un projet d'ensemble de quatre lignes avec des embranchements qui constituent un réseau général.
Ces quatre lignes sont :

Ces quatre lignes avec leurs embranchements qui s'en détachent forment avec les lignes déjà existantes de Neuilly à Maisons-Laffitte, de la Porte Maillot à Suresnes, de l'Étoile à St Germain par Rueil, de St Gratien à Montmorency un réseau de voie de communication des plus complets puisque toutes les communes s'en trouvent desservies.
Mais on l'a vu, de nombreuses protestations revendiquaient la mise en relation des communes du Département de la Seine & Oise avec leur chef-lieu Versailles, aussi F. Nave projette-t-il une ligne transversale qui comble cette lacune en empruntant la route toute naturelle d'Enghien à Versailles par Argenteuil, Bezons, carrières St Denis, Chatou, Croissy, Bougival, et Le Chesnay.
Cette ligne a la vertu de passer par plusieurs stations de chemins de fer : Enghien, Argenteuil, Houilles, Chatou, et par diverses lignes de tramway existantes ou projetées.


Le projet de réseau présenté par F. Nave et les lignes existantes

En cette veille de siècle, à l'aube de la Grande Exposition Universelle où les sciences et les techniques dominaient la vie des hommes la situation des lignes de tramway étaient la suivante. Ce qui saute aux yeux c'est à la fois la complémentarité et la transversalité avec toujours le souci de desservir le maximum de communes en gardant à l'esprit que Versailles était le chef lieu.
À noter que la Grande-Ceinture a été décidée en 1875 et construite dès 1882 dans sa partie Ouest.

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Archives municipales du Vésinet


F. Nave et l'électricité

1900, c'est la démolition des Fortifications à l'Ouest de Paris. La capitale s'ouvre vers l'Ouest et ne cessera de le faire. Déjà des projets de voie triomphale au delà du Rond-Point de la Défense de Paris a germé dans l'esprit de MM. Léon Francq, et H. de Persin. De grandes voies sont en projet pour faciliter l'accès, de Vincennes à Versailles, d'Enghien à Sceaux. Londres est à maintes reprises pris en exemple, 2 400 000 habitants transitent chaque jour allant à leurs affaires la journée et retournant au "Home" le soir venu. L'on passe du Paris "provincial" au Paris "capitale", où la Seine amène à Rouen et au Havre, les bateaux remontant sans rupture de charge, où de vastes avenues aérées, spacieuses sont réservées aux piétons, aux automobiles, aux attelages de luxe. Tout le travail grossier s'effectue en sous-sol, où l'électricité prompte et propre dessert les rues, les maisons et les appartements où les trains bourdonnent au coin des rues.
Déjà le branle est donné : voilà le métropolitain qui se creuse ; voilà deux grandes lignes de chemin de fer qui pénètrent jusqu'au centre.
À cette avant-garde technologique vient se joindre l'électricité qui en plus de l'éclairage peut mettre en mouvement des véhicules à l'aide de trolley. Les tramways électriques n'ont-ils pas fait leur apparition entre Neuilly et Maisons-Laffitte, entre St Cloud et Pierrefitte, entre la place Moncey (place Clichy) et Gennevilliers, entre l'Étoile et St Germain ? Et bien c'est principalement un tramway électrique que propose M. Nave. L'emploi de la traction électrique sur toutes mes lignes , avec les nombreux avantages de ce mode de traction, la fréquence des départs, la grande rapidité, le grand confort achève  de donner à ce réseau un caractère éminemment pratique bien en rapport avec le progrès actuel de la science. 
F. Nave a déjà réuni tous les éléments au service de la réalisation de ce grand projet d'ensemble en favorisant la création d'une puissante et économique distribution d'énergie électrique. Avec son tramway, arrivera aussi l'éclairage publique à l'électricité.
C'est donc une oeuvre éminemment utile que je vous demande de me permettre de réaliser, et cela dans un avenir très très limité car les concours techniques et financiers qui me sont assurés sont des plus puissants.
Ce sont ces arguments qu'il a défendus le 9 septembre dans les salons de l'Hôtel du Prince de Galles à St Germain.

 

Le texte de la lettre du Président de la Société de Transmission, Transport et Traction dont le siège est 56 rue de Londres à Paris, adressée au Maire de St Germain.
Archives municipales du Vésinet

 


Et les finances dans tout ça ?
M. F. Nave nous donne quelques aspects de sa situation et de celle de ses concurrents MM. Francq, Coignet & Grosselin dont la maison de construction est au capital de 10 millions. Celle dont il est mandataire et le groupe financier qui l'appuie est constitué de cinq sociétés dont le capital total est de 67 millions.
En moins de quatre années ce groupe a réalisé 215 millions de concessions diverses dont un mérite une mention spéciale : c'est l'éclairage électrique d'une partie de St Petersbourg qui nécessite une force de 10 000 chevaux et n'a pas exigé moins de 18 millions.
De nombreux et très importants réseaux de tramways figurent également parmi ces concessions.
 

Les divers textes concernant le projet Nave : extraits de délibérations des conseils municipaux, conférences de M. Nave, procès-verbaux de réunions publiques, extraits du "Réveil" de Seine & Oise, extrait du rapport annuel lu à l'assemblée générale de l'Union du Commerce  et de l'Industrie de St Germain-en-Laye, etc.
Ces textes laissent clairement apparaître que le Projet Nave est plébiscité alors que ce lui de MM. Francq Coignet & Grosselin est largement repoussé. En effet les habitants de Nanterre déjà en relation avec Courbevoie par le tramway de Paris—St Germain préfèrent la relation avec Puteaux Chef-lieu de Canton. D'autant que le projet Francq ne monte pas à St Germain et qu'avec la traction à vapeur cela n'est techniquement pas possible2.

La ligne Porte Maillot—Le Pecq—St Germain de F. Nave
La ligne Porte Maillot—Le Pecq—St Germain proposée par F. Nave était un embranchement du projet

La ligne devait partir de la Porte Maillot où se trouve le terminus du C.F.B.B. dont elle devait emprunter les voies jusqu'au pont de Puteaux pour traverser la Seine. Elle suivait le boulevard Richard Wallace, puis obliquait dans le rue des Bas Rogers.

Elle devait passer ensuite sous les deux ponts du Chemin de fer de l'Ouest (ligne de St Lazare au Champs de Mars puis celle de St Lazare à St Cloud—Versailles), laissant à gauche la gare de marchandises de Puteaux aujourd'hui disparue.
Elle continuait en rampe sévère rue des Bas Roger jusqu'à la limite de Nanterre où elle pénétrait par la rue Félix Faure jusqu'à la R.N. 13 dont elle devait couper les voies du Paris—St Germain et continuer en pente dans la rue Sadi Carnot jusqu'à la place Gabriel Péri.


Elle devait suivre ensuite le même itinéraire que celui du projet Nanterre—Le Pecq, c'est à dire rue de St Germain, pont de Chatou, Le Vésinet, Le Pecq et enfin St Germain.

Tableau des pentes dans la rue des Bas-Roger et entre la rue de Paris et le chemin du Mont-Valérien.
Archives municipales du Vésinet

 

Cette ligne comportait trois embranchements :
  • de Chatou à Montesson
  • de Rueil à Suresnes
  • de Chatou à Versailles

 Rien de tout ça ne fut construit.

Notes : 
  • 1 S'agit-il des deux lignes de St Lazare au Champs de Mars et de la Petite Ceinture ?
  • 2 Il a fallu attendre l'électrification en 19 11 pour voir le prolongement du Pecq à St Germain se créer.

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