Le carnet du CFC

Petite histoire de la ligne de Paris à Saint Germain-en-Laye - 2/3

MAD

1848

La chute de la Monarchie de juillet et l'exil de Louis-Philippe entraîna un affaiblissement notable de l'industrie et des chemins de fer (ponts détruits, gares et installations incendiées, etc.). Sur le Paris—Saint Germain, le trafic fut complètement paralysé. De même sur le Paris—Versailles RD. 

Il a fallu attendre l'année 1849 pour retrouver un équilibre entre les dépenses et les recettes
L'action en Bourse de la Compagnie double rapidement et monte à 1072 francs en 1838., seulement un an après l'ouverture de la ligne.

Des grèves internes et la menace de rachat par l'État ne favorisèrent pas la situation de la Compagnie. Pereire s'opposa farouchement à ce projet de rachat qui fut mis en sommeil.

En 1855, Les différentes compagnies fusionnèrent pour devenir la Compagnie des Chemins de fer de l'Ouest qui regroupait les chemins de fer de Saint Germain, de Rouen, du Havre, de Fécamp et de Cherbourg. Ainsi de nouvelles lignes en direction de la Bretagne et de la Normandie virent le jour.
La Compagnie de l'Ouest profita de l'arrivée de Napoléon III et du second Empire qui fit l'âge d'or des chemins de fer. Le réseau national que nous connaissons aujourd'hui date de cette époque.
Avec le développement de l'urbanisation la ligne de Saint Germain devint une ligne de banlieue sans histoire.

La vapeur

De 1860 à 1927, la traction vapeur règne en maître sur la ligne de Paris à Saint Germain.


Locomotive 111 anglaise construite en 1838 par Tayleur pour le Chemin de fer de Saint Germain.

Le règne de la vapeur concorde avec l'historique et la formation du réseau des Chemins de fer de l'Ouest constitué définitivement en 1856 par le rachat des compagnies de Saint Germain, d'Auteuil, de Versailles RD et RG, de Rouen—Dieppe, Rouen—Le Havre, de Caen, etc.
Dès 1843, des locomotives à essieux indépendants pour trains de voyageurs système Buddicom mis en service par la Compagnie de Rouen ont constitué la première génération de machines de la Compagnie de l'Ouest.


Le type 111 Buddicom fut celui de prédilection des locomotives de la Compagnie de l'Ouest. Ces machines anglaises qui ont été construites à l'origine pour la ligne de Paris—Rouen et Rouen—Le Havre ont été immatriculées de 101 à150 à la constitution de la Compagnie de l'Ouest.


Cette locomotive type Buddicom a été utilisée pour le centenaire de la construction de la ligne est une 111 tender postérieure à 1837, les locomotives d'origine n'ayant, déjà et malheureusement, pas été conservées.

Par la suite l'Hercule, construite par E. Flachat en 1846 était capable de gravir la rampe de 3,5 % de Saint Germain avec une rame voyageur.
Destinée aux travaux de de la section atmosphérique du Pecq à Saint Germain puis à la traction marchandises, l'Hercule était une machine à trois essieux moteur, la première du réseau de l'Ouest. Le dôme de prise de vapeur à l'extrémité avant de la chaudière était directement relié aux cylindres tout proches. Son adhérence totale lui procurait une meilleure performance que les machines anglaises d'origine à essieux indépendants qui furent assez vite retirées du service à partir de 1943.

Plus puissance que les premières locomotives de type 110 ou 111, les 030 à chaudière tubulaire avaient un effort au crochet bien supérieur, ce qui permet de remorquer une charge de 26 tonnes jusqu'au château.
Cette machine fut construite dans les ateliers des Batignolles sous la direction d'E. Flachat .

 

 


Vers1854, E. Flachat fit construire des machines type 120 qui assurèrent le service sur le réseau de l'Ouest pendant plusieurs décennies. Elles étaient alimentées au coke. Parmi les 150 unités livrées entre 1858 et1884, nombre furent affectées à la banlieue.

 


En 1860, suite à la disparition de l'atmosphérique, la Compagnie fit construire par Cail, un type de machine à trois essieux accouplés destinées à remorque les trains dans la rampe de Saint Germain (3,5%).


Cette maquette représente l'Antée, une machine 031 construite à huit unités (sans suite) un peu plus puissante que la série précédente.


Cette machine très puissante a été construite sous la direction d'E. Flachat aux ateliers des Batignolles en 1849 pour le service de la rampe de Saint Germain. Timbrée à 6 Kg/cm2 et distribution Stephenson, elle avait des roues d'un diamètre de 1,20 m. Initialement 030, l'essieu porteur arrière fut ajouté à cause de son poids trop lourd. Elle pouvait remorquer des trains de 90 tonnes sur ladite rampe.

Quelques vues de la gare au temps de la vapeur


Image de la vapeur en gare de Saint Germain. À gauche les quatre voies vers Saint Lazare. La l ram de marchandises et garée sur deuxième travée au centre abrite les voies pour Saint Germain Grande Ceinture. À droite les voies de garage où stationne un train de marchandises.
Les voitures à étage étaient appelées "Bidel" en référence à une ménagerie de l'époque, les voitures ressemblant aux cages d'animaux.


Trois cartes postales montrant les quatre voies couvertes en direction de Saint Lazare.

  
Deux cartes postales montrant (à gauche) le quai vers Saint Germain-Grande Ceinture. Une voie de garage avec une rame en stationnement sépare ce groupe des voies abritées par une double marquise et réservées à la direction Saint Lazare.


Un train au départ pour Saint Germain-Grande Ceinture (août 1909).

 
La rame, au centre, est stationnée  sur une voie de garage commune qui sépare ces deux directions.

La Folie, un point singulier sur la ligne

Située entre la Garenne-Bezons et Nanterre le quartier de la Folie se développe à partir de 1843 lors de la création de la ligne Paris—Rouen—Le Havre qui se détache de celle de Paris—Saint Germain. La Compagnie de l'État qui vient de racheter la Compagnie de l'Ouest y installe dès 1909 de vastes ateliers, construits par l'entreprise Boussiron5 dont les grandes halles sont bien connues sur le territoire de Nanterre. Ces ateliers assureront l'entretien du matériel électrique du réseau de l'État, après la Grande Guerre. Plus tard les ateliers de la voie et ceux de la signalisation prendront place, ainsi que le centre de formation de La Folie.

L'électrification

Suite à l'échec de la traction thermo-électrique Heilmann, la Compagnie de l'Ouest se tourna vers la traction électrique.
L'accroissement du trafic, la complexité des manœuvres en bout de ligne, l'entretien lourd des machines à vapeur incitèrent à trouver une exploitation plus souple que seule l'électrification pouvait proposer. Par ailleurs, l'accélération plus performante, la diminution de la pollution aux abords de la gare Saint Lazare aboutirent à l'électrification qui s'échelonna de 1924 à 1927 et un nouveau matériel auto-moteur comprenant une motrice et une remorque pilote vit le jour sous l'appellation "Standard". Ce matériel cessa son activité en 1978.
Cette évolution notable, nous la devons à l'ingénieur Natalis Mazen qui, inspiré par le tout nouveau métropolitain (1900) abandonna la traction vapeur pour la traction électrique. Mais Mazen ne se soucia pas uniquement que de l'aspect technique du chemin de fer. Il mit au point une nouvelle forme d'exploitation en adéquation avec la croissance considérable du trafic. Fini les quais bas qui obligeaient les voyageurs à gravir les marche-pieds souvent abrupts, fini les portes étroites. Il fallait que le stationnement des rames soient plus rapide d'où la création de quais hauts à la hauteur du plancher des voitures, des portes larges commandées automatiquement pour l'ouverture et la fermeture. Côté cadencement il institua un mixte entre les omnibus et les semi-directs. C'est ainsi que l'on vit apparaître des trains directs lancés à des heures fixes, avec un cadencement régulier (heure + 15) suivis par des semi-directs eux-mêmes suivis d'omnibus et ce dans les deux sens de marche. Ainsi Saint-Cloud fut rejoint par des directs venant de Saint Lazare qui au delà desservaient toutes les gares. De même Bécon-les-Bruyères était une gare pour les trains semi-directs en direction de Saint Cloud et terminus pour les omnibus venant de Saint Lazare.
Ce type d'exploitation dura jusque dans les années 80. Par commodité les RER,eux, furent omnibus sur toute la ligne.

Les essais de l'électrification par troisième rail ont été effectués de 1895 à 1900 sur la courte ligne (2,8 Km.) reliant Saint-Germain-en-Laye (Ouest) à Saint Germain-Grande Ceinture (1882). Cette ligne abandonnée au service voyageurs en 1936 a aujourd'hui disparu.

 

Les automotrices électriques (rames dites “standards”) ont, pendant plus de cinquante ans, circulé dans la banlieue Saint-Lazare et Invalides-Versailles. Construites à partir de 1912, pour la 2ème série, et 1924, pour les séries ultérieures, elles étaient alimentées par un troisième rail (750 volts continu) dont la création remontait à 1901.

 


Les Z 1300 forment une série de 50 automotrices électriques de banlieue de l'Administration des chemins de fer de l'État, mises en service en 1924 et retirées du service en 1978. Elles constituent les rames dites « de 3ème série ». Avec les Z 1400 et les Z 1500, elles desservaient les lignes de l'ouest de Paris. 

Les Z 1300 sont des éléments à deux caisses courtes (19,92 m) afin de desservir des quais en courbe sans créer d'importantes lacunes mais larges (2,95 m) dont la structure forme un « caisson-poutre ». Elles étaient équipées d'attelages automatique Boirault aux extrémités et à vis entre caisses. Chaque rame était composée d'une remorque et d'une motrice, les deux prenant des voyageurs.

La capacité était de 58 places assises de 2ème classe dans la motrice ; celle-ci était également dotée d'un compartiment fourgon. La remorque était, quant à elle, dotée de 28 places assises de 1ère classe dans un compartiment fermé et de 44 places assises de 2ème classe. Les deux caisses étaient équipées d'une cabine de conduite à leurs extrémités, celle de la remorque étant de taille plus petite que celle de la motrice.

Ces automotrices ont été construites par les anciens établissements De Dietrich et Cie et l'équipement électrique est fourni par Thomson.
La puissance à leur construction était de 660 ch, portée à 760 ch lorsque la tension au troisième rail fut portée de 650 à 750 V. L'accélération dont elles étaient capables était de 0,60 m/s2, et leur vitesse maximale était à leur mise en service de 70 km/h, portée ensuite à 80 km/h. La masse de la motrice est de 58 t et de 37,5 t pour la remorque.

 


La gare de Saint Germain du temps des "Standard" sous le régime de la S.N.C.F. sur les mêmes voies que celles de la vapeur.


Le Vésinet - Vers 1955 - La gare du Vésinet, dans un cadre bucolique et une ambiance typique Ouest Est : les automotrices de 3ème série sont encore estampillées en 2ème et 3ème classe, datant l'image d'avant 1956. Le train est en direction de Paris Saint Lazare. (cliché X)


La fin des "Standard" avec l'abandon de la ligne à la RATP lors de la création du RER.

Les "Standard" ont été exploitées, à partir de 1950 sur les lignes Versailles RD, Puteaux—Issy-Plaine, Champs de Mars (puis Auteuil), Bois-Colombes, Argenteuil-Ouest, etc.
En 1938, avec la création de la SNCF, elles abandonnent leur toit blanc pour le gris foncé. En 1950, elles sont re-immatriculées et deviennent des Z. Leur radiation se fait entre 1976 et 1978.

Elles seront remplacées par les rames "bleues. Les rames bleues sont des automotrices Z 6400 de la SNCF, ayant circulé en Île-de-France de 1976 à 2020 et déployées uniquement à la desserte de la banlieue de Paris-Saint-Lazare. Ce sont des rames à quatre caisses en inox alimentées sous courant monophasé 25 kV-50 Hz.

Le raccordement Saint Germain-Ouest—Saint Germain-Grande Ceinture


En 1882, un raccordement entre les gares de Saint Germain-Ouest—Saint Germain-Grande Ceinture est créé pour donner un débouché au terminus. Cette courte ligne de 2,8 kilomètres est construite dans la forêt et ne comporte qu'une seule gare intermédiaire : Les Sports. C'est sur cette ligne que les essais de l'électrification ont été réalisés.

 
La tête de ligne est à Saint Germain-Ouest. Sur la photo de gauche les voies vers le GC sont à droite séparées de celles de Saint Lazare (à gauche) par la voie de garage où stationne une courte rame au centre.


De l'autre coté, les tunnels du Parterre avec à gauche les voies en direction de la CG et à droite celles vers Saint Lazare.

Le RER A

En 1972, le tronçon Nanterre—Saint Germain fut cédé à la RATP pour former l'extrémité de la branche Ouest du RER A.
Plus de 300 millions de voyageurs empruntent cette ligne annuellement dont l'histoire est souvent méconnue de ses utilisateurs.

Dès le début d XXème Siècle un projet de grand métro régional est dans les cartons. Il y restera enfermé jusqu'à la moitié du siècle, lorsqu'en 1959 la SNCF et la RATP entreprennent un projet de liaison Est—Ouest de Saint Germain à Boissy Saint-Léger4.
De gigantesques travaux débutent en 1961, entre l'Étoile et la Défense, entre la gare de Lyon et la ligne de Vincennes pour s'achever en 1970.
En 1967, la gare de Saint Germain est démolie et en 1972, la dernière rame Standard qui les quais. Le lendemain c'est une rame neuve MS61 du RER qui prend le relais en provenance d'Auber.
En 1977 la section Auber—Nation est ouverte. La ligne est longue de 109 kilomètres et exploitée par la RATP et la SNCF sur ses branches extérieures à Paris.


Rame neuve MS61 sur la ligne du RER A.

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Notes :
  • 1 Saint Simon (-), économiste et philosophe est le fondateur d'un courant de pensée fondé sur un rapprochement entre les hommes oeuvrant dans tous le sens du bien de l'humanité. Le progrès engendré par le travail mènera l'humanité vers un monde plus juste.
    Amour, Science, Industrie, Richesse sont un leitmotiv de la doctrine saint-simonienne.
  • 2 Émile Pereire (1800-1875), banquier, homme d'affaires et homme politique fut à l'origine de nombreuses réalisations dans l'immobilier, les chantiers navals, la navigation et bien sûr les chemins de fer. Il fut directeur de la Compagnie du Nord de 1845 1856 et au Conseil d'administration du port de Marseille.
    Isaac Pereire (1806-1880) participa au Chemin de fer de l'Est et du P.L.M.








  • 3 Eugène Flachat (1802-1873) est un ingénieur français. Il a collaboré aux études d'une des premières lignes de chemin de fer françaises, Paris - Le Pecq, puis à celle de Paris à Versailles RD (1840-1842).

    Il fait ses études à Paris au lycée Bonaparte (aujourd'hui lycée Condorcet).
    Il voyage en Angleterre et fréquente les Stephenson (George et Robert), ainsi que les Brunel (Marc Isambert et son fils Isambard).
    Il fonde un cabinet d'ingénieur civil pour tous travaux industriels, et notamment les chemins de fer.
    Aux côtés des ingénieurs Lamé, Clapeyron et de son demi-frère Mony, il est étroitement associé à l'aventure ferroviaire des frères Pereire (Emile et Isaac) pour la construction du chemin de fer de Paris à Saint-Germain (limité au Pecq dans un premier temps), inaugurée en 1837. Il devint l'ingénieur en chef de la Compagnie du chemin de fer de Paris à Saint-Germain.
    Il construit, en 1836, la première gare (embarcadère) parisienne avec l'aide de son demi-frère Stéphane Mony, tête de ligne du chemin de fer de Paris à Saint-Germain.
    À la suite de la fusion de plusieurs compagnies ferroviaires, il devient l'ingénieur principal, puis l'ingénieur conseil de la Compagnie des chemins de fer de l'Ouest.











  • 4 Dommage que coté Saint Germain, le tronçon vers la Grande Ceinture fut abandonné ainsi que du côté Boissy Saint léger celui vers Verneuil l'Étang le fut également.
  • 5 Simon Boussiron est né le 11 avril 1873 à Perpignan dans une famille de classe moyenne. Après l'école primaire supérieure et un court apprentissage, il entre aux Arts et Métiers à Aix en 1888 et en sortira trois ans après. Après un service militaire de trois ans, il travaille dans plusieurs entreprises dont les " Etablissements Eiffel ". Il est toutefois plus intéressé par le Ciment Armé que par le métallique et entre dans une société de travaux en ciment armé qu'il quitte rapidement pour créer, avec un ami apportant temporairement les capitaux, son entreprise, le 1er mai 1899. L'entreprise devient en 1901 la société Boussiron et Garric (il s'agit très probablement d'Antoine Garric - Aix 1889), puis devient en 1904 la Société Boussiron après le retrait de Garric et enfin ,en 1929, les Etablissements Boussiron.

Sources :

  • Le chemin de fer de St Germain. Premier chemin de fer de Paris 1837 - Moret - 1927 - Réédition René Bodin d'avril 1982 à l'occasion du baptême du TGV "Saint Germain-en-Laye" Ce fascicule est dédié à la mémoire d'Emmanuel Beau, historien de St Germain.
  • Le chemin de fer de Paris à Saint-Germain - Desmonts - Triel, Mémoire et histoire - 2014
  • Souvenir de St Germain en Laye - Off Tourisme de St Germain - 1988
  • De Saint Germain-en-Laye à Marne-la-Vallée - Bordas, Gayda - L'Ormet - 1992
  • En coche, en tram, en bus… Le Paris Saint Germain - Desrue - Les Presses franciliennes - 2005
  • La ligne de Paris à St Germain, 1837-2012 - AHCF - 2012
  • Le matériel moteur et roulant des chemins de fer de l'Etat du Paris-St Germain (1837) au rachat de l'Ouest (1909) et à la S.N.C.F. - Vilain - Dominique Vincent - 1972
  • Le Pecq—Saint Germain - Cholet - La Vie du Rail - 2007

Sites :

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