Le petit train de Mazaugues 
et les chemins de fer miniers

Marc André Dubout

Les mines de Tourves (Var) étaient situées en partie sur la commune de Mazaugues (entre Tourves et Mazaugues) et ce gisement bauxifère était un des plus importants de la région. Découverte en 1822, la bauxite ne se révèle comme un produit intéressant l'industrie qu'en 1886 date de la première obtention industrielle de l'alumine. C'est vers cette époque que le bassin de Mazaugues est exploité de manière artisanale.
Une dizaine de kilomètres séparent les gisements de Mazaugues de la gare de Tourves d'où le minerai est ensuite acheminé par le P.L.M. vers Gardanne où il est transformé en Alumine puis en Aluminium. 
À la fin du 19ème siècle, le transport se faisait à l'aide de tombereaux et de charrois qui descendaient le minerai du plateau de Mazaugues jusqu'à la gare de Tourves. Très vite les chemins furent détériorés et des plaintes enregistrées incitèrent les exploitants à se tourner vers d'autres modes de transport : câble aérien ou chemin de fer à voie étroite, ne nécessitant pas ou peu de travaux d'infrastructure. 

Le tracé du petit train reliant les mines de Mazaugues à la gare de Tourves au début du siècle. La voie était à l'écartement de 0,70 cm. 
Le tracé d'après la carte Michelin 84 pli 15.

En cette fin du 19ème, début 20ème, c'est l'époque ascendante du "transporteur Decauville", chemin de fer portatif, montable et démontable, pour le temps d'un chantier, avec possibilité de faire évoluer la voie et le matériel en fonction de la demande. Decauville et bien d'autres constructeurs de cette époque, proposèrent à l'armée et aux industriels un chemin de fer portatif capable d'assurer l'acheminement de charges lourdes ou de pondéreux pour un coût très modique. Très vite, les mines, les carrières, les exploitations forestières, les usines chimiques s'équipèrent de ce type de chemin de fer dans lequel les exploitants reconnaissaient volontiers les capacités et l'adaptabilité de ce nouveau moyen de transport novateur.

"Effectivement partout où des manutentions importantes doivent être effectuées, on réalise des économies appréciables en installant une voie ferrée (portative ou fixe) qui permet de faire ces manutentions rapidement en affectant d'autre part un personnel moindre". Tel était l'argumentaire des grands constructeurs de l'époque : Decauville, O&K, Pétolat, Weiss, etc.
De plus, ces constructeurs disposaient de bureaux d'étude, les plaçant au mieux pour étudier la spécificité des installations et pour aider la clientèle à choisir les types de matériel roulant et de traction les mieux appropriés en fonction de leurs besoins.

La Compagnie de l'Union qui à cette époque a succédé à l'exploitant Adolphe Lion construisit, en 1909, un chemin de fer en voie de 700 mm d'écartement pour évacuer vers la gare de Tourves son immense stock de bauxite à l'aide de wagonnets à benne basculante de 2 tonnes. Chaque train acheminait vers la gare 20 tonnes de minerai. Le chemin de fer s'arrêta en 1925 et la ligne fut démontée en 1930.

La ligne

La construction de la ligne commença en 1907 pour ouvrir en 1909.
Il faut distinguer la ligne du chemin de fer électrique de la Compagnie de l'Union (tracé en bleu) et le raccordement aux différents sites des mines (tracé en vert) situées à Mazaugues, en bordure des communes de Tourves et de Mazaugues.

La ligne du chemin de fer électrique partait de Malausse à l'évitement du lieu-dit "Le Claou de monsieur Aubert" (6) (tracé en rose) et suivait l'accotement droit de l'I.C. 24 en direction de St Maximin, jusqu'au carrefour de Blacailloux, où il tournait à droite pour suivre le Chemin de Grande Communication 101 (route de Marseille), jusqu'à la gare de Tourves (2). De Tourves à Mazaugues, la voie était en pente constante excepté un passage.
L'évitement du "Claou de monsieur Aubert" (6) était le point d'échange des pleins et des vides. Le petit train de la Compagnie l'Union prenait une rame de 10 wagonnets de 2 tonnes qu'il descendait en gare de Tourves. Comme il n'y avait pas de freins sur le locotracteur, deux ouvriers sautaient de wagonnets en wagonnets pour serrer les freins à vis, ce qui occasionna à la connaissance des "anciens", des accidents entraînant mort d'hommes.
Dans l'autre sens, il remontait la rame vide qui était ensuite reprise par les locomotives, elles à vapeur, qui desservaient les différentes mines.

La ligne comprenait en plus de l'évitement du "Claou de monsieur Aubert" (6) deux voies de garage (tracé en rose) :

Ces deux voies servaient (pour la première) à la décharge de la bauxite qui était stockée temporairement, lorsque les commandes se faisaient attendre, l'autre au contraire, en aval, pour le chargement des wagonnets qui étaient ensuite acheminés vers la gare de Tourves. 
Ces voies d'évitement étaient portatives et par conséquent déplacées en fonction du stock de bauxite qui était très volumineux. Cette zone "tampon" occupait la totalité de l'épingle.
Non loin de là, un poste de transformation électrique servait à l'alimentation du fil trolley et juxtaposé à ce poste un atelier d'entretien général complétait les installations. On ne sait pas si cet atelier a été desservi par une voie. Il a aujourd'hui disparu.

Plus en aval (en bordure de la route de Marseille, au lieu dit " Le Vallon" (3), une voie de garage (tracé en rose) servait au stockage de la bauxite blanche, moins abondante et qui était acheminée par des wagonnets à part en fonction des réserves à constituer.

La voie, les rails et accessoires

D'après des éléments retrouvés sur le site, des témoignages et l'usage général de ces chemins de fer, la voie était constituée de rail type Vignole de 9,5 Kg au mètre, fixé sur traverses bois à l'aide de tire-fonds à tête carrée de 15 mm ou de crampons. Le rail de 9,5 Kg au mètre admettait une charge de 1500 Kg à l'essieu. En barre de 5 m, ils étaient normalement posés sur 8 traverses bois (en ligne) ou sur des traverses fer (voie portative) ce qui permettait de pouvoir renforcer la voie dans les courbes où en des points singuliers, soumis à une fatigue plus importante. Les traverses fer étaient pré-percées à l'écartement de la voie et pouvaient à tout moment être posées sans travaux préalables et surtout sans interruption de service. Les rails étaient reliés entre eux par des éclisses profilées et boulonnées de chaque côté de l'âme, assurant la continuité du roulement.
Les traverses profilées en forme de U avaient une longueur de 1150 mm et une largeur de 140 mm et pesaient environ 8 kg. Une fois démontées, elles étaient stockées, occupant un minimum de place.

Rail en acier de 9,5 Kg au mètre proposé en premier ou second choix jusqu'à 45 Kg au mètre linéaire.
Ce type de rail peut supporter une charge de 1,5 tonne par essieu (catalogue O&K n°710).
Eclisses reliant deux rails entre eux pour assurer la continuité du roulement (catalogue O&K n°710).
Boulons d'éclisses. Les deux éclisses étaient tenues par quatre boulons de ce type. En général, l'écrou se trouvait à l'intérieur de la voie, contrairement à ce que laisse penser le dessin du catalogue (catalogue O&K n°710).
Tire-fond à tête carrée, vissé directement dans la traverse au droit du patin du rail (catalogue O&K n°710).
Fixation sur traverse bois à l'aide de tire-fonds (catalogue O&K n°710).
Fixation sur traverse fer à l'aide de boulons et de crapauds. Les crapauds permettent de maintenir fermement le rail entre la traverse et le tire-fond (catalogue O&K n°710).
Différents systèmes de croisements de voie et d'aiguillages permettent aux trains ou aux simples wagonnets de changer de direction. Sur le carreau ou au fond on trouve également des plaques tournantes ou des plaques de ripage qui permettent un changement de direction à 90°. Dans le cas de la plaque de ripage, l'ouvrier ripe la berline ou le wagonnet qui est sur ses boudins de roue et présente ainsi une résistance minimale. Il faut toutefois que la charge ne soit pas trop importante.
Les dérailleurs permettent un changement de voie temporaire pour un wagonnet, alors que la traversée de voie par dérailleur autorise le croisement d'une voie à demeure par une voie à déplacer ou temporairement posée (catalogue O&K n°710).
Aux croisements, il faut ajouter les changements de voie ou aiguillage qui permettent de choisir l'une ou l'autre branche d'une bifurcation (catalogue O&K n°710).

Les wagonnets

Les wagonnets de l'époque étaient, quelque soit le constructeur, fabriqués de la même manière. Ils étaient constitués d'un châssis composé de barres d'acier en U cintré pour les wagonnets de faible capacité ou de barres d'acier en U et rivetées formant un châssis rectangulaire supportant la benne.
La benne était construite en tôle d'acier, renforcée par des cornières à l'intérieur, aux joints. Pour lui donner le maximum de solidité, la tôle était encadrée, dans le haut également par des cornières. La benne était d'une forme suffisamment évasée pour garantir la vidange complète au cours du basculement (il arrivait parfois que le wagonnet bascule, entraîné par le contenu de la benne). La benne reposait sur l'arcade par une cornière enroulée aux bouts pour lui donner prise au crochet de fixation. Le crochet de fixation de la benne était fait de sorte que le verrouillage soit automatique lors du redressement de la benne sur son berceau.
Le roulement était formé par des roues en acier reliées par un axe en acier également, à l'extrémité duquel les fusées tournaient librement dans des boîtes à huile (palier) ou des boîtes à rouleaux.
Un système d'attelage permettait de relier les wagonnets entre eux pour former un train complet. Le crochet d'attelage se trouvait à l'extrémité d'un tampon sec ou à ressort.

Le roulement  se compose des roues et axe en acier et des boîtes d'essieu à palier ou à rouleaux. Parfois entre les boîtes et le châssis, il y a des lames de ressort ou des ressorts à boudin pour amortir les défauts de la voie.
Différents accessoires dont le tampon sec ou à ressort avec crochet et anneau. Les sabots de freins en fonte sont de deux sortes : un par roue ou lorsque les essieux sont suffisamment rapprochés, un seul sabot attaque les deux roues simultanément.

Les types de wagonnets souvent rencontrés à Tourves

Les wagonnets utilisés sur le secteur de Tourves étaient :

- en voie de 70, sur la ligne électrique et le raccordement en tête de Malausse, qui cubaient 2 tonnes ;
- et en voie de 60 sur les carreaux ou à proximité, qui cubaient 1 tonne. 
Les stocks servaient d'échange et étaient une rupture naturelle de charge, l'extraction étant indépendante de l'acheminent

Wagonnet à châssis constitué d'une barre en acier cintré à chaud (catalogue O&K n°710).
Wagonnet à châssis "carré" type 1925 avec frein à main agissant sur les quatre roues (catalogue Decauville N°134).
Wagonnet freiné par un frein à vis agissant sur les roues par un jeu de timonerie répartissant la pression des quatre sabots de manière équitable. (catalogue Decauville N°134).
Wagonnet Boilot Pétolat d'une tonne en voie de 60, récupéré pour le musée des "Gueules Rouges".

À ces wagonnets, il faut ajouter les berlines dont l'usage était réservé au fond (grâce à leur gabarit étroit) ou sur le carreau comme à St Julien ou bien les wagonnets plat ou à ridelles destinés aux divers transports de bois et autres matériels, etc.
Bien que les anciens mineurs parlent volontiers de "Decauville" ou de "Pétolat", je suis enclin à penser que sur certaines photographies il y avait des O&K.

Berline classique. Noter les roues folles, c'est à dire indépendantes de l'axe, ce qui permet de faciliter 
  • le passage dans les courbes de petits rayons
  • le changement de direction sur les plaques de ripage.

À droite Eugène Mulos surveille l'opération de déchargement en 2003 lors de la création du Musée des Gueules rouges du Var.

La traction

La traction, était uniquement à bras d'homme, hippomobile (mulets ou chevaux), à vapeur et électrique. Ultérieurement apparut la traction diesel, mais uniquement sur les carreaux comme à la Baume St Michel (Alais Froges et Camargues) dans les années 30 à 50. Le chemin de fer de Mazaugues fut arrêté avant d'y avoir recours (1925). Dans les petites concessions et dans les galeries, la traction des berlines se faisait à bras d'hommes.
Lorsque le gisement était à ciel ouvert, le chargement se faisait directement à la pelle dans des wagonnets à benne basculante qui étaient regroupés pour former un train. La voie était ensuite déplacée en fonction de la position des stocks.

Vue générale des mines de bauxite à Mazaugues. Noter le nombre considérable de wagonnets à benne basculante. Chaque concession amenait son minerai à Malausse d'où partait la ligne de chemin de fer (Collection J.M. Brémond).
Les ouvriers en train de charger une rame de wagonnets qui sera ensuite acheminée vers la gare de Tourves (Collection J.M. Brémond).

La traction, dans les tous débuts, était uniquement effectuée à bras d'homme. C'était le mode utilisé au fond où les engins thermiques ne pouvaient opérer en raison des gaz émis. Généralement, il s'agissait de berlines qui pouvaient charger 1 tonne. Sur rail, la résistance est bien moindre que sur route et un homme seul pouvait déplacer sur de courtes distances des berlines pour en former un train.
Sur le carreau, les rames étaient tractées par des mulets voire des chevaux. La traction hippomobile était aussi utilisée pour les manœuvres.

Traction hippomobile comme ici à la mine du Rigoulier pour ces quatre wagonnets Pétolat sur le carreau de la mine (Collection J.M. Brémond).

La traction vapeur

Dès le début du siècle est apparue la traction vapeur et les petites locomotives à voie étroite étaient capables de tirer plus d'une dizaine de wagonnets sur le carreau de Mazaugues, ce qui représentait tout de même un convoi de 20 tonnes utiles. Cependant pour gravir la rampe, la locomotive ne tirait qu'un seul wagonnet (voire deux) de 2 tonnes, qu'elle acheminait en tête de Malausse où une rame était constituée.
La première, une 020T Orenstein & Koppel n°2490 de 30 Cv a été livrée en décembre 1907 à M. Charles Plagniol industriel à Montpellier. Il s'agit d'une 020T, chauffée au charbon à voie de 70.

Apparition de la traction à vapeur avec une locomotive à voie étroite qui acheminait le minerai du carreau en tête de Malausse (Collection J.M. Brémond).
Noter les réservoirs latéraux surélevés. Il s'agit peut-être d'une réserve supplémentaire d'eau positionnée en un point plus haut que celui des injecteurs afin que ces derniers soient constamment en charge. Le tuyau horizontal assurerait dans ce cas le principe des vases communiquants.
La même locomotive avec une rame de wagonnets à benne basculante sur le carreau de Mazaugues.
La rame est en cours de chargement. Il s'agit des immenses stocks que la Compagnie de l'Union devait liquider.
Sur cette photo on voit bien le réservoir surélevé (au-dessus de la caisse à charbon) et qui est supporté par des croisillons.
(Collection J.M. Brémond).

Deux types de locomotives sont connues d'après les cartes postales une 020T Orenstein & Koppel de 30 Cv et une plus grosse 020+020T type Mallet toujours O&K de 80 chevaux-vapeur de 12 tonnes à vide et 15 en ordre de marche. Construite pour rouler sur de la voie de 9,5 kg/m, elle est capable de s'inscrire dans des courbes de faible rayon.
Sur une photo de 1913, on peut voir cette Mallet N°3452 de 80 Cv livrée en Juillet 1910 à l'Union des bauxites à Marseille (France). Cette machine est à double expansion. A l'arrière se trouvent les cylindres haute pression et sur la paire d'essieux avant, les cylindres basse pression qui utilisent la vapeur résiduelle des cylindres HP. 
Cette locomotive est reconnaissable à son arbre de relevage et sa distribution typique des O&K (visible entre les deux groupes de personnages).
En arrière du dôme, on voit le régulateur. Il s'agit d'un régulateur à tiroir plan mais situé derrière le dôme et non devant comme sur les 020. L'introduction se fait par la chapelle juste devant devant le dôme.

Il est possible que le manque de puissance de la 020 pour monter les bennes en tête de Malausse ait incité l'exploitant à acquérir une locomotive plus puissante et ayant une meilleure adhérence.
A cette époque O&K construisait plus de 500 locomotives annuellement.

La Mallet 020+020 O&K de 12 tonnes de la Compagnie de l'Union à Mazaugues en 1913. 
Noter le hublot latéral de la cabine et la sablière qui se trouve entre le dôme de prise de vapeur et la cheminée, et non pas comme habituellement sur les 020T, entre le dôme et la cabine. Ceci est dû au fait que seul le premier groupe d'essieux en bénéficie. Les caisses à eau latérales assurent une plus grande autonomie. 
La même (mais en voie de 600 mm) dans le catalogue n°552 de 1908
Dans le catalogue 710 de la Société Anonyme des Anciens Etablissements Orenstein et Koppel Lyon-Paris Nancy (page 67).
Et une autre un peu différente dans le catalogue 800 (entre 1908 et 1910), munie d'une cheminée pare escarbille , ce qui n'est pas le cas sur la photo prise à Mazaugues.

Une locomotive de ce type (en voie de 60) a roulé sur le Chemin de fer départemental de Pithiviers à Toury (TPT), la 22-5 n°1769 de 1905. Elle se trouve aujourd'hui sur le chemin de fer de Montalieu dans l'Ain. Son caractère unique a incité ses promoteurs à la faire inscrire à l'inventaire supplémentaire des Monuments Historiques.   

La traction électrique

La Compagnie de l'Union utilisa dès le début de l'exploitation la traction électrique non pas sur le carreau mais pour l'acheminement des wagonnets de Malausse à la gare de Tourves.
Les tracteurs de construction Jeumont étaient de type "boîte à sel", c'est à dire une cabine entourée par deux capots. Sur le toit de la cabine, une perche était en contact avec le fil d'alimentation électrique.
Ce type de traction était novateur pour l'époque. Les locotracteurs ont été construits par la Société des Forges et Ateliers de Constructions Electriques de Jeumont.
Les locotracteurs avec ligne de prise de courant étaient en général alimentés en 500 ou 600 volts continus, tension recommandée par le constructeur, car elle est à la fois :

Les moteurs sont suspendus élastiquement par le nez et reposent d'autre part sur l'essieu par deux coussinets. L'essieu est attaqué par un seul moteur à simple ou double réduction d'engrenages droits. L'entretien des moteurs est extrêmement réduit. 
L'équipement électrique est complété par un disjoncteur, un fusible, un parafoudre et par un contrôleur à soufflage magnétique permettant le démarrage sur résistance, le couplage des moteurs en série et en parallèle et bien entendu la marche dans les deux sens.
Le châssis était en profilé ou en acier coulé.

Une station d'alimentation était située environ au milieu de la ligne, un peu avant le lieu de stockage à l'épingle de Malausse (4). Le bâtiment existe toujours et est visible de la route.
Au niveau du PN 26, l'importance des fils électriques laisse penser qu'une autre station d'alimentation électrique était disponible.

Le PN 26 et à gauche la machine alimentaire qui servait au pompage de l'eau pour l'alimentation des locomotives, côté Gardanne. Au premier plan le tracteur électrique transportant la bauxite de la mine Adolphe Lion.
Sur la carte postale on lit : Tourves 5. Locomotive électrique transportant à la gare la bauxite de la mine Adolphe Lion éditions Augier. 15 octobre 19?? (Collection J.M. Brémond).
Noter le portique qui réhausse considérablement la perche.

Sur la photo, il s'agit d'un train de vides qui remonte sur Mazaugues. On voit bien les deux ouvriers qui font office de "serre-frein" à la descente.
Derrière les wagonnets la maisonnette du PN 26 et à droite de la photo, la machine alimentaire démolie en 1973.

Les ouvriers posent devant le tracteur électrique. Cliché d'époque (Collection J.M. Brémond).

La rotonde

En face du PN 26 sur le chemin latéral à la voie P.L.M. était située la rotonde (dépôt) des locomotives électriques. Le bâtiment abritait deux voies plus une voie sous un auvent où étaient garés les wagonnets à benne basculante en attente de réparation et d'entretien. La rotonde était le centre de réparation du matériel roulant. Un important stock d'essieux et de rails était disponible lorsqu'une modification d'embranchement l'exigeait. La grande hauteur du bâtiment se justifie par la hauteur de la caténaire. En effet sur les locotracteurs, les perches sont fixées sur des portiques qui les réhaussent considérablement.

Une autre voie surélévée à flanc de colline passait à gauche du dépôt et se raccordait à la voie principale (celle de droite). Cette voie servait au stockage de la bauxite, non acheminée par la gare. Elle était électrifiée.

Tourves La rotonde. Edition J. Brémond 07/09/1915. Le plan des voies est remanié pour donner un accès à l'atelier de réparation des wagonnets. (Collection J.M. Brémond).
Tourves. La rotonde du chemin de fer de Mazaugues. Cliché d'époque (Collection J.M. Brémond).
Une autre photo du dépôt cette fois en 1916 avec au premier plan l'aire de stockage des essieux et des voies portatives et derrière la voie de réparation des wagonnets. Noter le wagon échelle pour la pose et le réparation de la caténaire et devant la voiture d'inspection de la voie qui servait également à l'acheminement des matériels et outils en ligne.
Après consultation de divers catalogues de constructeurs de chemins de fer portatifs de l'époque, ces wagonnets semblent être des O&K.
(Collection Eugène Mulos).
Un autre cliché inédit de la rotonde. Dommage q'il ne soit pas possible de lire l'inscription sur le panneau indicateur qui livrerait sûrement des informations intéressantes. On voit bien le wagonnet échelle garé sur la voie de gauche de la remise.
(Collection Eugène Mulos).
Lieu où se trouvait la rotonde. C'est ici qu'au cours de promenades, j'ai retrouvé deux traverses fer, des tire-fonds pour traverses bois, une éclisse et un bout de rail qui constituait la voie de 0,70. Il y a aussi des supports de levier d'aiguillage encore enterrés et des supports de poteau de caténaire.
Aujourd'hui c'est un chemin de terre rouge qui attire l'oeil de l'amateur averti.
(Collection J.M. Brémond).
Plan supposé des voies de la rotonde (sous toute réserve car les diverses cartes postales, selon l'année, attestent d'implantations différentes).
La voie surélevée était ripée et servait à alimenter une aire de stockage supplémentaire du minerai, lorsque les commandes étaient en attente.

En gare de Tourves

A Tourves, la voie de 0,70 passait devant le PN 26 où un embranchement s'arrêtait devant la machine alimentaire. En continuant, la voie principale rejoignait les voies de débord de la gare pour accéder à une estacade du haut de laquelle, les bennes étaient versées dans les wagons à essieux du P.L.M. chargeant chacun 10 tonnes.

Déchargement par gravité de la bauxite contenu dans les wagonnets de 2 tonnes. 10 wagonnets étaient nécessaires pour remplir deux wagons à essieux de 10 tonnes. Chaque rame qui descendait de la mine remplissait seulement deux wagons P.L.M. (collection MAD)
Le mur de l'estacade aujourd'hui enfoui sous la végétation. Noter les contreforts de soutènement. La voie P.L.M. était de l'autre côté. (Collection J.M. Brémond).

Une fois les wagonnets vidés, le locotracteur refoulait sur la voie unique et la rame vide était reprise par un autre locotracteur. Lorsqu'un wagon P.L.M. de 10 tonnes était plein, c'est un cheval qui le manœuvrait pour en positionner un autre sous la trémie. 
Dans ces années, c'est monsieur Tarico qui conduisait le cheval pour manœuvrer les wagons

L'exploitation

Le chemin de fer électrique créé par la Compagnie de l'Union acheminait les immenses stocks disponibles, à Mazaugues, à Malausse et à Tourves (voie surélévée du dépôt) sur les voies de débord du P.L.M en gare de Tourves pour être ensuite acheminés vers les usines de la Barasse, de St Louis-lès-Aygalades et de Gardanne.
Le chemin de fer fonctionnait tous les jours ouvrables. Selon la demande, il pouvait y avoir de 1 à 4 trains par jours. Un mécanicien et deux ouvriers "serre-frein" assuraient le mouvement des convois.

Soit les rames descendaient le minerai de :

Même quand la bauxite n'était pas expédiée vers les usines de traitement, le train rapatriait l'immense stock de Mazaugues vers les différents centres de stockage.
Des trains spéciaux de bauxite blanche acheminaient le produit en gare de Tourves ou le stockait au "Vallon".

Sur le carreau

Sur les carreaux, devrions-nous dire, car il y avait plusieurs chantiers, le roulage avait des caractéristiques de voie et de matériels différentes. Ainsi, divers écartements de voies se côtoyaient. 
La voie de 70 était celle qui servait à acheminer les wagonnets en tête de Malausse (5). Ce service se faisait à l'aide de locomotives à vapeur qui montaient un deux ou trois wagonnets de 2 tonnes au plus par le raidillon (7) qui séparait les mines de l'évitement de
La Claou de monsieur Aubert où étaient formées les rames pleines à descendre en gare de Tourves. La Mallet 020+020 était présente sur le site en 1913.
Sur les carreaux même ou dans les descenderies, des réseaux à voie de 60 ou 50 étaient utilisés pour sortir le minerai. Leur manutention se faisait à bras (5 à 6 wagonnets pour 2 hommes) ou à l'aide de mulets qui pouvaient tirer jusqu'à 6 wagonnets d'une tonne.
Dans les galeries, les mineurs remplissaient les berlines qui étaient ensuite roulées par des ouvriers jusqu'à la recette où un mineur engageait les pleines et sortait les vides. 
Ce dur travail durait 10 heures par jour. 

La traction thermique, même si elle n'a jamais existé sur le chemin de fer de Mazaugues à Tourves a circulé sur le carreau de la mine de La Baume.

La Compagnie de l'Union a été reprise en 1925 par Péchiney qui a démonté le chemin de fer.

Le tri de la bauxite

Le tri de la bauxite se faisait sur le carreau ou sur les stocks. La qualité du minerai étant inégale, celle-ci s'appréciait en fonction de sa teneur en alumine. Une fois au jour, les ouvriers (parfois des ouvrières) triaient le minerai qui était passé au crible. Ensuite, les ouvriers chargeaient les déchets constitués de calcaire et des résidus de roche dans les wagonnets. 

En hommage à tous les mineurs qui ont fait vivre le bassin de Mazaugues
Le 16 Août 1958 à Mazaugues (Var). A droite M. Eugène Mulos qui a connu le petit train de Mazaugues.
Qu'il soit, à travers ces quelques lignes, remercié de m'avoir donné ces informations et accès à sa précieuse collection.

Sources :
  • Les Gueules Rouges du Var - Un siècle de bauxite dans le Var Claude Arnaud et Jean-Marie Guillon Association des Gueules Rouges du Var 2003
  • Catalogue Decauville n°104
  • Catalogue Orenstein & Koppel n°710
  • Les témoignages de J. M. Brémond, Aout 2003
  • Les témoignages d'Eugène Mulos Août 2004
  • Documentation photographique Gillet
  • Différents témoignages oraux d'anciens mineurs