Le tramway électrique Decauville de 1890 - 7/9

Marc André Dubout

L'usine

L'usine de Petit-Bourg

On devrait plutôt parler des deux usines, celle du début de Petit-Bourg, sur la Commune d'Évry, sur des terrains acquis en 1880 par Amand Decauville, le père de Paul, Émile et Pierre. Cette première usine continua d'ailleurs son activité après la construction de la deuxième, celle d'Essonnes. Une trentaine d'ouvriers y travaillaient essentiellement chaudronniers et mécaniciens, c'était l'époque de la construction des distilleries et à partir de de1876, le commencement de la fabrication des voies portables, donc le berceau de la grande aventure du " Decau " comme l'appelaient familièrement les loirétains de la ligne de Pithiviers à Toury ( 1892). Certains ouvriers y ont fait une carrière complète. En 1878, ils étaient au nombre de 100.

 


Les Grandes Usines. Études industrielles en France et à l'étranger - J. Turgan

Dans l'ouvrage de J. Turgan, y voit des gravures d'ateliers, certainement les plus anciens, ceux de la peinture des voies potables

Les Grandes Usines. Études industrielles en France et à l'étranger - J. Turgan
Atelier abritant la machine à peindre les voies.

Les Grandes Usines. Études industrielles en France et à l'étranger - J. Turgan
Les scies à froid et les machines à percer à l'entrée de l'atelier des wagons.

Les Grandes Usines. Études industrielles en France et à l'étranger - J. Turgan
L'atelier de fabrication des rails courbes. La presse se règle en fonction du rayon de courbure que l'on veut obtenir. 8 m., 6 m., 4m. et même 2 mètres.
Si la traction se fait à l'aide d'un cheval le rayon minimal et de huit mètres.

Très vite autour de l'usine, Amand Decauville séduit par le courant Saint-Simonien construisit des maisons ouvrières avec jardin pour les ouvriers agricoles de la Ferme, principalement des belges. Les carriers dont l'activité à l'usine était un complément de revenu, se logeaient sur la commune d'Évry et aux alentours. Quant aux mécaniciens c'étaient des parisiens mais ils avaient comme tous les salariés droit aux services sociaux, soins et médicaments gratuits, assurance contre les accidents, secours mutuels, et à la maison d'approvisionnement, boulangerie, etc. Dans son livre Turgan y présente les aussi les jetons, une monnaie parallèle interne à l'usine.
Les Grandes Usines. Études industrielles en France et à l'étranger - J. Turgan

On ne quittait pas la Maison Decauville ou alors on n'y revenait jamais. " Ce qu'il faut surtout admirer dans cette usine, c'est l'ordre irréprochable qui règne dans les différentes manipulations que subit le matériel, depuis son entrée dans les ateliers jusqu'à son arrivée aux halles d'expédition. Il faut admirer aussi l'état des relations entre patrons et ouvriers ".

C'est dans cette usine qu'est né le porteur de renom et bien vite elle fut trop étroite pour l'aventure qui allait se dérouler par la suite, aussi Decauville aidé de son frère Émile (centralien) acquis des terrains suffisamment vastes sur la Commune d'Essonnes pour y construire 19 320 m2 d'ateliers couverts sur une surface totale de 80 000 m2. Cette situation permet un meilleurs accès à la voie ferrée devenue indispensable pour les approvisionnements et les expéditions .

L'usine de Corbeil


Les Grandes Usines. Études industrielles en France et à l'étranger
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J. Turgan
Nouveaux ateliers de la Société anonyme des Établissements Decauville Aîné à Petit-Bourg entre la Seine et la Cie P.L.M.

Les Établissements de la Société Decauville Aîné, situés à Petit-Bourg, entre la Seine et la gare de Corbeil à 50 minutes de Paris, ont une superficie de 8 hectares et sont raccordés au rail de la Cie P.L.M. Ils sont également desservis par un port sur la Seine qui possède deux grues à vapeur. Ce sont incontestablement les plus grands ateliers de chemins de fer portatif au monde. La halle principale à 160 mètres de façade, et 160 mètres de profondeur.
Les matières premières entrent par deux bouts et les produits fabriqués sortent par le milieu. Ils sont chargés par deux ponts roulants à vapeur sur les wagons P.L.M. Les ateliers occupent 750 ouvriers avec un outillage de 450 machines-outils qui font le travail de 3000 ouvriers et peuvent livrer mensuellement 150 kilomètres de voies, 3000 wagonnets et 6 locomotives.
Ces Établissements possèdent une maison d'approvisionnement, une boulangerie et un théâtre. Des maisons confortables sont louées aux ouvriers et contremaîtres avec une diminution proportionnelle au nombre d'années de séjour et au nombre d'enfants.
Une société de secours mutuels, une société musicale et une compagnie de sapeurs-pompiers complètent cette organisation.
L'excursion de Petit-Bourg est facilitée, pour les visiteurs, par un tramway spécial, à voie de 0m,60 les mardis et vendredis qui les attend à la gare de Corbeil à l'arrivée du train P.L.M. de 11h20 et de 1h30 pour les raccompagner les soir au train de 5h20 et à l'express de 4h39.


Deux incendies eurent lieu, le premier en 1899, c'est la menuiserie qui s'enflamme, le second en août 1912, ravage 3500 m2 d'ateliers.
Ces mésaventures entraînèrent un complet remaniement des ateliers avec cession et acquisition de terrains (3 Ha) entre la Seine et le voie P.L.M. À cette époque 1500 ouvriers travaillaient chez Decauville. Remaniement que l'usine gardera jusqu'aux bombardements de 1944.

L'usine et les ateliers


Après avoir emprunté la rue Decauville, en longeant la voie ferrée P.L.M. de Paris à Corbeil deux magistrales portes d'entrée, chacune possédant leur propre voie symbolisait l'entrée de cette prestigieuse usine.
À gauche la porte n°1, C'est la voie de réception des matières premières. On la verra plus loin en sens opposé laissant apparaître tous les accessoires nécessaires à la manutention.
À droite la porte n° 2, celle des expéditions avec au fond la halle des expéditions pourvue d'un immense pont roulant fonctionnant à la vapeur pour le chargement de wagons.


Comme on peut le voir sur cette photo le personnel de l'usine aimait poser pour les clichés, à l'occasion de fêtes comme par exemple pour celle du souvenir de de la 125ème locomotive expédiée depuis 1909 ou pour le retour d'Émile Decauville d'Australie où il avait pour mission de construire un chemin de fer portatif " clé en main " de 52 Kilomètres. Souvent ces fêtes étaient données au château des Tourelles10.
À voir le nombre d'ouvriers, on peut penser que l'usine tournait à plein régime.


Les bâtiments et la rue Decauville vus du talus du chemin de fer. Inondations de 1910 rue du gaz donnant dans la rue Decauville. Au fond, les bâtiments de l'usine.


La voie des expéditions bordées de quais accueillant des voies étroites pour la manutention des colis. Les quais hauts facilitent grandement le chargements des pièces lourdes dans les wagons P.L.M..
Grâce aux plaques tournantes, les wagonnets pouvaient être orientés parallèle à la VN pour faciliter l'accès au chargement.
Les automobiles attendent l'arrivée d'un wagon P.L.M. pour y être chargées.

Les Grandes Usines. Études industrielles en France et à l'étranger - J. Turgan
L'intérieur de la grande halle d'expédition et son pont pont roulant à vapeur pour le chargement dans les wagons P.L.M. Les deux quais sont sont desservis par des voies étroites.


C'est dans la cour de l'usine que se pratiquaient les essais de matériel avant de les céder à la clientèle. À gauche, on voit une voiture fermée en voie de 0m,60 et une draisine en VN. Sur celle de droite, au même endroit mais plus récente, il s'git d'une voiture ou motrice destinée au métropolitain.
La cour de l'usine possédait plusieurs voies d'essai.


Essai de locomotives de 7 tonnes et 5 tonnes en voie de 0m,60 et chargement d'une autre sur un wagon plat P.L.M. de 10 tonnes de charge, manutentionné à bras d'hommes. Sur les deux photographies les locomotives et le wagon vont sans doute prendre la voie perpendiculaire qui était celle des expéditions, celle qui sort par le portail de l'entrée n° 2.


La voie d'arrivage des matières premières, de réception des produits à manufacturer. C'est celle qui correspond à la porte n° 1. La voie pourvue de quais hauts supportant des voies étroites 0m,50 pour le déplacement des colis. Noter la bascule et le nombre de wagonnets plats, disponibles pour le chargement. Au fond, la maison de garde, le portique typique de l'établissement et le château d'eau.


Il n'y avait pas que des locomotive. Le catalogue Decauville des automobiles, comme ceux, plus nombreux des chemins de fer, était très riche en véhicules de toutes sortes.


Deux grues à vapeur permettaient le chargement et déchargement des péniches au port construit par Decauville.

Les ateliers

Les ateliers étaient nombreux et spécialisés. Hormis les moteurs électriques du temps du Tramway électrique (1890), Decauville, ne voulant pas décevoir sa clientèle sous-traitait cette activité à des entreprises spécialisées et centrait son activité dans ses domaines de compétence.

Collection Decauville
L'atelier de cintrage des tôles pour fabriquer les bennes basculantes. Sur le wagonnet sont empilés les embouts de bennes basculantes.


L'atelier de ferronnerie. Au centre une voie étroite pour la manutention et le rangement des pièces fabriquées. Noter les plaques tournantes pour la desserte des postes. Un poêle précaire assure le chauffage l'hiver.


Les machines-outils et les pièces fabriquées en série. Noter le toit en verrière pour diffuser la lumière naturelle.


L'atelier d'ajustage dans cette superbe galerie munie d'un pont roulant à vapeur sur toute la longueur.


Les forges avec toujours une voie dans l'atelier.

Archives communales de Corbeil-Essonne
Le marteau pilon riveté, en arrière plan un wagonnet à benne basculante. Inventé par Nasmith en Grande-Bretagne et Bourdon en 1839, ce marteau pilon émerveilla par sa force et sa précision. (R. Bailly).

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