Actualité La Vigie sur le canal de l'Ourcq - 1/4 |
Cette sortie est l'histoire d'une rencontre entre le Canal de l'Ourcq construit sous le règne de Napoléon, entre 1802 et 1825 par Pierre-Simon Girard et un canot à pétrole la Vigie acquis par le Préfet L. Lépine en 1904 pour la toute jeune Brigade Fluviale qu'il a créée au début du XXè S. Outre le fait que nous voulions découvrir ce beau canal, propriété de la ville de Paris et entretenu admirablement par elle, nous voulions, au début du XXIè S., créer cet événement singulier de parcourir l'ensemble des 108 Km qui séparent Port-aux-Perches de La Villette avec ce bateau historique remis à la vapeur en 2009. La Vigie, unité d'AMERAMI, est par conséquent le premier canot à vapeur à avoir remonté le Canal de l'Ourcq jusqu'à son point le plus éloigné de la capitale. Pour celui qui ne souhaite pas aller plus loin dans cette aventure, sachez tout de même que ce voyage c'est :
Et beaucoup d'enthousiasme ! |
Du 7 au 17 mai 2013 la Vigie
a navigué sur le Canal de l'Ourcq de La Villette à Port-aux-Perches puis de
Port-aux-Perches à La Villette soit un total de 216 kilomètres.
Déjà en 2012 nous avions parcouru le canal à grand gabarit de La Villette à
l'écluse de Sevran mais les herbes récemment faucardées s'étaient
entremêlées dans l'hélice et c'est à peine si nous pouvions avancer à la
vitesse d'un homme au pas ; aussi
décidions-nous de rebrousser chemin sitôt l'écluse en vue, le déjeuner pris
et quelques bouteilles vidées.
Un canal, un canot
Le canal de l'Ourcq à la lecture des ouvrages, à la consultation des cartes postales, à celle de
sites internet qui en retracent l'histoire, n'a jamais connu la vapeur sur ses
eaux. Certes en 1865, c'est une machine Farcot qui activait les pompes de
refoulement de l'usine élévatoire de Trilbardou. On peut dire que la vapeur
"a caressé" les eaux du canal mais celles-ci n'ont jamais vu naviguer
de canot à vapeur proprement dit. Alors il y avait une première à mettre en
oeuvre : se faire rencontrer un canal historique et un canot historique celui de
la Préfecture de Police, un des premiers canots acquis en 1904 par le Préfet
Lépine.
Si l'Ourcq est d'un siècle son aîné, la Vigie est aussi chargée d'histoire
et de péripéties. Nous voulions ne pas laisser l'Ourcq sans connaître cette
belle vapeur qui depuis près de deux siècles est aux côtés de l'homme dans
son industrialisation.
Bien sûr à plusieurs reprises la Vigie avait navigué sur les canaux d'Édouard
Devilliers (St Martin et St Denis) du temps de son activité au sein de la Brigade
Fluviale. Cela
faisait partie de ses missions mais cette vedette parisienne n'avait jamais
franchi les "Fortifications" entre les portes de Flandre et
d'Allemagne au Nord-Est de la capitale et
au delà du grand gabarit jamais de vapeur sur le canal.
Nous n'allions quand même pas encore laisser passer un siècle de plus sans cette
rencontre de deux histoires.
Quelques données sur le canal
de l'Ourcq
Le canal de l'Ourcq a été construit à la demande de Napoléon Bonaparte
en 1802 avec l'objectif d'amener l'eau de boisson dans la capitale. "De l'eau pour
les parisiens".
Déjà au XVIIème Siècle un projet de Pierre-Paul Riquet avait eu ce
dessein, mais resta sans suite après abandon des travaux. D'autres projets
suivirent qui n'aboutirent pas non plus, jusqu'à ce que Bonaparte, soucieux que les
parisiens bénéficient de l'eau de consommation, confie à l'ingénieur des
Ponts & Chaussées Pierre-Simon Girard le captage des eaux de la rivière
d'Ourcq, à la limite de l'Aisne et de la Seine-&-Marne, à l'endroit où elle
est rejointe par la Savières.
Notre ingénieur, au sortir de Paris, tire tout droit vers le confluent au grand
dam des ingénieurs qui ne manquèrent pas de le critiquer, le mettant parfois
dans des situations délicates. Mais Napoléon qui tenait à son projet lui
fournissait des hommes lorsque ses campagnes le permettaient et surtout lui
demandait sans cesse l'état d'avancement des travaux alors qu'il était occupé
par ses guerres.
L'eau domestique devait aussi servir à la navigation ce qui en terme de vitesse
était paradoxal. Un écoulement trop lent est néfaste pour la salubrité, un trop
rapide devient un obstacle pour la navigation. Le choix de la pente à respecter
est par conséquent important mais aussi rédhibitoire et ce fut encore
l'occasion de controverses avec les ingénieurs des Ponts & Chaussées.
Les pentes retenues séparent le profil en long en trois parties : deux sections
de 0,00625 %
de Mareuil à la Thérouanne et de la Beuvronne à La Villette et une de 0,01236
% de la Thérouanne à la Beuvonne.
De Port-aux-Perches à
Mareuil-sur-Ourcq la rivière est simplement canalisée et restée dans l'état
de précédents travaux exécutés au XVIIème S. En aval de Mareuil,
en revanche le canal quitte la rivière qui sert alors de déversoir et dès
1823 l'on se rend compte que des fuites importantes nécessitent des travaux
supplémentaires pour alimenter le canal en eau et alimenter de façon
régulière la capitale.
Ces travaux consisteront en grande partie par la construction d'une part de deux
usines élévatoires à L'Isle-lès-Meldeuses (Trilbardou) et à Villers-les-Riguault et
c'est la Compagnie des Canaux, créée en 1818, qui en aura la charge et l'ingénieur
Émile Vuigner qui les réalisera : halage, écluses, dérivation de cours d'eau, etc.
Émile Vuigner prolongea l'œuvre de Girard par ces travaux complémentaires qui
rendirent le canal opérationnel.
Topologie du canal
Le canal comprend trois parties de Port-aux-Perches à la Villette :
Quelques repères
historiques
Sur le plan historique, si le
canal a participé de loin aux campagnes napoléoniennes, l'Empereur s'informant de l'avancement des travaux,
donnant des consignes, fournissant des
hommes, etc., il a été le théâtre de scènes d'émeutes, de violences
internes, sans compter les deux guerres mondiales qui l'ont dégradé, voire
partiellement détruit volontairement.
Sans rentrer dans les détails que l'on trouvera dans les excellents livres Le
canal de l'Ourcq, vie et anecdotes de Michel Mérille et Le Canal de l'Ourcq, hier aujourd'hui, demain
de l'AFLO, ainsi que celui de de M. Jacques de
la Garde : Les canaux de l’Ourcq, aux éditions
Sauvegarde des Monuments 77390 Guignes, le canal a été témoin de
Industriellement le Canal a joué un rôle majeur sur sa section à grand gabarit du bassin de la Villette aux Pavillons-sous-Bois sur les rives duquel de nombreuses industries se sont développées à la faveur de la Compagnie du canal qui voyait dans cette activité fort lucrative l'essor de son développement.
La randonnée au jour le jour
Avant la randonnée, la
remonte
Avec nos bateaux à vapeur le problème ce n'est pas la navigation, c'est la
route. Oui la route pour accéder au lieu où débute la navigation et aussi le
retour à la base. Bien sûr on a bien une remorque sur laquelle est calée le
bateau mais il faut un engin de traction suffisamment puissant et un titulaire
du permis E pour conduire l'ensemble et là ça coince. En plus de cette
situation il faut aussi une grue capable de lever le bateau pour sa mise à
l'eau et sa sortie de l'eau et là ce sont des frais supplémentaires pour
l'association. Eh bien cette conjoncture, c'est ce qui est arrivé pour
notre aventure, le jour de la randonnée approchant, le problème devenait tous
les jours de plus en plus important aussi décidions-nous de monter la Vigie à
Port-aux-Perches. Au début nous avions imaginé un moteur de hors-bord fixé
sur la coque. Jean avait bien un moteur mais grosse incertitude sur son état de fonctionnement
alors pourquoi pas ne pas y aller à la vapeur ? Tout simplement. Évidemment le
courant à la remonte on l'a vu est de 6,25 et 12,36 mais après tout, les journées
sont longues au mois de juin2
Et puis la vapeur ça ne nous fait pas peur, alors c'est décidé, on y va par
le canal.
Deux avantages à cette initiative : l'autonomie et l'économie. Et en
plus on pourra inviter des passagers à découvrir ce magnifique canal au
cognement de la machine, au suintement des tiroirs, à la brumisation du sifflet, le tout à une très petite vitesse qui permettra de
découvrir coteaux et vallées, plaines et forêts. Alors voilà,
c'est ainsi que notre randonnée s'est allongée de quatre jours de navigation
intense.
Vendredi 7 juin - La Villette—Fresnes (32 Km)
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Le matin de bonne heure, nous allons porter les voitures à Fresnes-sur-Marne
puis prenons le bus pour Meaux et le train pour Paris. Direction La Villette où
la Vigie est amarrée dans le darse des canaux de Paris. J'allume puis nous
allons prendre un café avec l'équipe des Canaux qui nous accueille chaque fois
si gentiment.
Pierrick et Joselyne nous rejoignent puis Bruno.
Vers 9h25 tout est prêt et nous
profitons du départ de l'Ariane1 pour
bénéficier de l'ouverture du pont tournant.
Puis les culés de pont et autres murs de friches industrielles se laissent envahir par les tags. Les murs auraient-ils eux aussi horreur du vide ?
Aux Pavillons-sous-bois dès 1826, les immondices et matières fécales de Paris étaient transportées par le canal et stockées pour être transformées en poudre d'où le terme de "Poudrette" pour être ensuite utilisées comme engrais.
À 11h50 nous passons sous le pont de l'Union à Aulnaye-sous-Bois et cinq minutes plus tard nous pénétrons dans la ville de Sevran.
12h10 PK 13 aval de l'écluse de Sevran. Le jeu de la clé nous permettra d'ouvrir et de vider le bassin avant d'y pénétrer. | |
Dans
l'écluse. Vue vers l'aval. Nous avons utilisé 50 Kg de bois sans compter l'allumage (20 Kg). Nous chargerons 70 autres kilos comme prévu... mais c'était sans compter la vitesse du courant. |
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Animation à la Belle Époque où les bords du canal accueillaient les jours de fêtes de nombreux promeneurs, pêcheurs et autres curieux. | |
13h37, la traversée de Sevran
et le pont de la Poudrerie. Photo Christian Darguesse Association "Au fil de l'Ourcq" (AFLO) |
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La traversée de Sevran dans un écrin de verdure puis nous passerons la gare2 de Sablons et à 13h40 quitterons Sevran pour entrer dans Villepinte. | |
À cet endroit le canal est rectiligne. Pas autant, certes, que le voulait son constructeur qui avait tiré un trait entre le commencement du canal et Paris qu'il devait rejoindre. | |
Seuls quelques passerelles et ponts en fer nous font le lien entre les deux rives. | |
Vers le pont de Villeparisis au PK 19,6 nous sortons de la forêt, un héron semble nous attendre et prendra son envol à notre passage. Ce petit jeu se répétera jusqu'à Claye-Souilly. | |
14h17
à Villeparisis. Ca fume sur le canal. Photo François Pournin |
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14h29
PK 19,6 Photo François Pournin |
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15h12
PK 24
passerelle de la Rosée à Claye-Souilly. 15h19 PK 25 nous passons au confluent de La Beuvronne. |
La famille qui habite l'écluse et qui travaille sur le canal nous accueille
chaleureusement.
Un peu de rangement, récupération des sacs vides et nous regagnons la
gare de Meaux en voiture pour rentrer sur Paris.
8 heures de navigation
32 Km 200 Kg de bois |
Samedi 8 juin - Fresnes—Varreddes (33 Km - 9h) )
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Nanterre-Ville RER en tête de train, puis ligne 9 jusqu'à la gare de l'Est
et enfin 7h51 le train de Meaux. Je retrouve ma voiture Jean-Jack, Joselyne et
moi allons rejoindre l'écluse de Fresnes-sur-Marne où la Vigie est amarrée.
Joselyne et Jean-Jack allument, moi je vais chercher Jean qui a laissé sa
voiture à Varreddes, étape du jour.
Retour, nous amenons la Vigie dans le bassin et chargeons le bois. Par prudence
nous prendrons deux sac de plus (1 sac =
13 Kg de bois).
11h01 PK 35,7 Le pont de Chamantray
11h11 nous entrons dans la commune de Trilbardou
L'usine de Trilbardou
Les années de sécheresse de 1852 et 1865 ont interrompu la navigation sur
les canaux St Martin et St Denis faute de contenir suffisamment d'eau. Aussi la
Ville de Paris par décret autorisa la construction de deux usines élévatoires
captant les eaux de la Marne pour alimenter ponctuellement le canal de l'Ourcq et
compléter son débit.
L'usine de Trilbardou a été construite par Alphonse Sagebien. En 1865
la ville de Paris achète des machines à vapeur Farcot3
qui entraînent des pompes à double effet, puisant l'eau de la Marne et la
remontant dans le canal de l'Ourcq par une conduite de 900 mm. de diamètre.
Deux plus tard M. Alphonse Sagebien installe une roue hydraulique adaptée aux
faibles chutes mais nécessitant de gros débits. C'est la plus grosse roue à
aubes.
L'usine élévatoire de Trilbardou. La chemine atteste bien la présence
d'une machine à vapeur.
L'usine
de Trilbardou est une station de pompage des eaux de la Marne pour alimenter le
canal lorsqu'il est en déficit. Sa particularité est sa roue à aubes d'un
diamètre de 11 m. et de 6 m. de largeur et comportant 70 aubes, construite par
l'ingénieur Alphonse Sagebien (1807-1892) hydraulicien renommé.
Photos Bernard
Gendre Association
"Au fil de l'Ourcq" (AFLO)
La
chute est de 1,30 m seulement et les quatre pompes relèvent l'eau dans le canal
à une hauteur de 12 m. avec un débit de 27 000 m3 par jour.
L'usine fonctionne toujours bien que construite en 1869 et elle est inscrite à
l'inventaire supplémentaire des Monuments Historiques.
Vue extérieure de l'usine depuis la rive gauche du canal. | |
11h22 Photo Christian Darguesse Association "Au fil de l'Ourcq" (AFLO) |
14h48 PK 46 pont de la Madeleine
La famille qui habite la maison éclusière encore une fois nous accueille chaleureusement. Elle nous propose du bois pour le lendemain et nous offre un verre de rosé. Je dois dire que tous les gens du canal rencontrés au cours de ce périple ont été d'une gentillesse que nos villes nous font parfois oublier.
9 heures de navigation
32 Km 200 Kg de bois |
Notes
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Sources
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Sites :
Informations :
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