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            ...de Suzanne sur le canal de Briare avec les bateaux à vapeur

Marc André Dubout, photos Marie-Pierre Tricart

Prologue
En juin 2015 nous avions parcouru le canal de Briare, puis le canal du Loing jusqu'à Saint Mammès et descendu la Seine pour atteindre Paris. 
Mais quelques jours avant de partir, un message téléphonique m'avertissait qu'une avarie sur le bief de Montembert avait, sur plus de 9 km., vidé le canal de son eau et nous n'avions pas pu parcourir ce tronçon endommagé. Nous avons du sortir les bateaux de l'eau à Châtillon-Coligny pour les remettre à l'eau à l'écluse d'Amilly, une vingtaine de kilomètres plus loin pour continuer notre périple.

Cette année Jean-Jacques Garavoglia nous proposait une sortie du 25 avril au 1er Mai de Châtillon-Coligny à Montargis et retour sur Briare pour nous permettre de naviguer sur ce tronçon que nous n'avions pas eu l'occasion de parcourir. 
Notre équipée a parcouru pendant ces cinq jours une distance de 92 km et franchit 36 écluses et le Pont-canal de Briare.

 


Les bateaux participants


Woodbine

Suzanne 

Père Tranquille

La Barque électrique de Denis Sanglier

 


 


Quelques mots sur le canal de Briare,lien entre les deux fleuves

Le canal de Briare dit aussi "Canal Henri IV" participait dans l'esprit du roi Henri IV et de son ministre Sully au redressement du pays ruiné après vingt cinq années de guerre civile1. Pour relancer l'agriculture, le commerce et l'industrie il fallait des moyens de communication modernes mettant la capitale à portée des approvisionnements dont elle avait besoin. Ainsi la capitale, dont la population au début du XVIIème Siècle s'élevait à 400 000 habitants, serait protégée des famines qui entraînent des risques de soulèvement populaire.
Une des voies de communication majeures est la réunion des deux grands fleuves de France qui permettrait de développer un immense réseau couvrant une grande partie du royaume2. En réunissant les deux bassins, les produits du Val de Loire peuvent suppléer aux blés de la Beauce, aux vins de l'Auxerrois et aux bois du Morvan.
C'est Hugues Cosnier hydraulicien tourangeau, qui à l'extinction de la chandelle, remporte l'adjudication des travaux. Il commence les travaux du "canal de Loyre en Seyne" en 1605, mais emporté par une maladie en 1629 il ne verra pas l'ouverture du canal qui a lieu 1642. 
Canal dit de "partage des eaux" l'ouvrage fait appel à une échelle d'écluses à Rogny-les-Sept Écluses qui aligne une série d'écluses jointives rattrapant un dénivelé de 24 m. Deux autres échelles existent au Moulin Brûlé (5 sas) à Dammarie-sur-Loing et et au Chesnoy (3 sas).
Après d'autres tentatives infructueuses de reprise, les travaux, reprirent en 1638 avec Antoine Coëffier de Ruzé d'Effiat, ami de Richelieu et le Sieur Cosnier mais ces travaux furent à nouveau interrompus à cause de leur décès respectif. Il ne manquait alors qu'une dizaine de kilomètres pour atteindre Montargis.
En 1638, François et Guillaume Boutheroüe-Desmarais créèrent la « Compagnie des Seigneurs du canal de Loyre en Seine » et achevèrent les travaux en septembre 1642. 

Une des particularités de ce canal est le bief de partage des eaux. En effet réunissant deux bassins contigus, un bief de partage a du être construit par lequel se fait l'alimentation en eau par captation des eaux d'étangs situés plus en amont. Pour accroître cette alimentation une usine élévatoire fut édifiée à Briare en 1895 pour refouler l'eau de la Loire 45 m. plus haut.

Long de 54 Km. avec ses 41 écluses, le canal de Briare est au gabarit Freycinet et offre un tirant d'eau de 1,80 m. pour un tirant d'air de 3,50 m.

 

Dimanche 23 avril 2017
Nous sortons Suzanne de la gare d'eau et accrochons la remorque au camion de Jean-Jacques. En route pour Lorris en attendant mardi après-midi, la mise à l'eau.
Gonflage des pneus, vérification des feux de la remorque dépose de la roue jokey et c'est parti pour le Loiret. Deux heures plus tard Suzanne est arrivée à bon port dans le jardin de Jean-Jacques.

Mardi 25 avril journée libre 

Aujourd'hui, première journée, c'est l'opération mise à l'eau et grutage à Châtillon-Coligny qui nous préoccupe principalement. Le camion grue est arrivé vers 15h30. Nous avions mis la remorque en position perpendiculaire au quai et celle transportant le bois un peu plus loin pour décharger le combustible. Une fois la mise à l'eau effectuée. Après débrelage de la chaloupe et le rangement des sangles, le grutier commence le transfert avec beaucoup de précision et quelques minutes plus tard Suzanne est dans la darse de Châtillon. Nous commençons à monter les accessoires  : cheminée, manomètre etc., tout contents de voir à nouveau Suzanne à l'eau (depuis Brest 2016).

Mais bien vite l'eau atteint le niveau des planchers qui commencent à flotter. De grosses fuites apparaissent entre le bordés, des fuites nombreuses et visibles qui ruissellent à l'intérieur du bateau. Pendant ce temps le camion grue décharge Père Tranquille ce qui occupe une partie de l'équipe. 
L'eau monte inexorablement au dessus du niveau des planchers, il faudra bientôt se tenir au sec sur les bancs et écoper à tours de bras sans voir un filet d'amélioration.
Photo Marie-PierreTricart

Une fois Père Tranquille nous emmenons Suzanne à la cale du port de plaisance mais avant il faut franchir le pont tournant d'accès routier à la darse et passer l'écluse n° 24 dite de Châtillon. 
Photo Marie-PierreTricart
Acheminement de Suzanne à couple du Père Tranquille .
Par bonheur ces opérations se font sans retarder notre cheminement mais sous une pluie sensible et un froid désagréable. 
Une fois à la cale nous posons l'étrave de Suzanne sur le haut du plan incliné et passons des sangles sous la poupe pour la maintenir à flot. Chaque extrémité est solidement arrimée à une bite et une deuxième sangle à cliquet tend le tout. 
Il est assez tard et nous allons au gîte pour nous restaurer. À notre retour la situation n'a pas ou peu empiré. 
Suzanne dans la cale. Noter les sangles passées sous la poupe pour la maintenir à flot.
Après un repas pris ensemble au gîte de Mousseau (sur la Commune de Montbouy) nous retournons à la halte fluviale de Châtillon-Coligny pour dormir dans le camion. Il fait 6° et mon sac de couchage est bien froid.

La nuit est tombée il fait 6°, nous allons nous coucher dans le camion de Jean-Jacques. 

Mercredi 26 avril Étape Chatillon—Amilly (près Montargis)
Le matin vers six heures je sors et Suzanne, toujours maintenue par les sangles est tranquillement couchée sur bâbord comme pour passer la nuit sereinement. Elle est toujours maintenue par les sangles que nous avons passées dessous la veille. L'eau est montée jusqu'à la plaque APPAVE, ce qui signifie qu'il y a une quinzaine de centimètres à l'intérieur du foyer dont la grille est complètement immergée. Pas facile de faire du feu sous l'eau.

J'écope pendant une demi-heure et Jean-Jacques vient m'aider dans cette tâche acrobatique, perchés sur les bancs. Une demi-heure plus tard le niveau revient à la hauteur des planchers et il est alors possible de reprendre une position plus confortable et surtout, la certitude que l'avarie est maîtrisable, on a vidé l'eau qu'une nuit complète a fait renter à l'intérieur de la coque.
Photo Marie-PierreTricart
170425_111.jpg (2641419 octets) Joselyne, Marie-Pierre, Paul et Jean-Claude me rejoignent, la grille du foyer étant hors d'eau, je vide en partie le cendrier et commence à allumer la chaudière. Tout est mouillé et froid, ce n'est pas très facile mais avec patience j'y arrive. Il faut une demi-heure de plus que d'habitude.
En attendant, nous chargeons le bois pour la journée.
Photo Marie-PierreTricart
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À 9h15, tout est graissé, je balance la machine, fais un point fixe pour réchauffer les cylindres et nous appareillons. Joselyne est à la machine, elle y restera toute la journée. 
Photo Marie-PierreTricart

9h15 départ (avec 15 minutes de retard) nous refoulons sur quelques mètres pour sortir de la cale et prendre la direction de Montbouy.
Il fait froid. Jean-Claude est à barre, Paul à la chauffe, Marie-Pierre et moi comme matelots  pour le passage des écluses et il y en aura.
9h40 nous dépassons le barrage de la Ronce et sa passerelle métallique. L'eau se déverse dans le Loing dont le canal suit le parcours jusqu'à St Mammès.

Photo Marie-PierreTricart

Denis Sanglier, le président de l'Association de sauvegarde et d'animation du du Moulin Bardin d'Amilly nous suit avec sa jolie barque bleue mue par un moteur électrique.
Nous devons attendre à l'écluse de Lespinoy Denis nous offre un bon café chaud et des petits gâteaux. Le soleil est revenu mais il ne fait pas chaud.
170425_010.jpg (50216 octets) 10h45 Écluse n°25 de Lespinoy
Première écluse de la journée et du périple, la procédure est simple et restera inchangée pendant toute la durée du voyage à quelques exceptions près.
Suzanne entre en premier et se gare au fond du bassin. Woodbine s'amarre à couple et Père Tranquille s'amarre au quai derrière nous. Pour la sortie on exécute l'opération inverse et tout fonctionne bien et avec calme.
170425_013.jpg (64674 octets) 11h25 Écluse n° 26 de Montbouy Un rayon de soleil éclaire le canal et les frondaisons. Le petit village avec son église s'offre à notre regard.

Marie-Pierre et Jean Claude à la manœuvre. Derrière Père Tranquille est amarré au même bajoyer.

François et Joël sur Woodbine.
170425_014.jpg (48062 octets) 170425_015.jpg (63706 octets)À la sortie de l'écluse nous dépassons le charmant village de Montbouy.
La rive qui avait cédé en 2015 lors de notre randonnée Briare—Paris et à cause de laquelle nous avions dû sortir les bateaux à Châtillon-Coligny pour les remettre à l'écluse d'Amilly.
Elle a été complètement refaite avec empierrement.
170425_116.jpg (3133277 octets) 12h45 Montcresson. Arrêt déjeuner sur le quai rive droite direction Montargis.
Après observation et discussion l'équipage décide de continuer et de ne pas retourner à la cale de Châtillon. L'eau est montée bien moins rapidement pendant cette heure et même s'il est nécessaire de se lever la nuit pour écoper, la situation désagréable est tout à fait gérable et ne présente aucun danger pour Suzanne.

13h45 départ de Montcresson.

14h30 Écluse n° 27 Montambert automatique.
Les écluses sont équipées de deux barres bleue et rouge qui permettent respectivement le lancement du processus de bassinée et l'alarme à l'éclusier de service.
Photo Marie-PierreTricart

14h52 Écluse n°28 du Chesnoy

15h10 Écluse n°29 du Moulin de Tours.
Tout va bien, on est à 5413 Km de Sainte Lucie (Québec) et à 384 400 Km de la Lune.
) 15h30 Entrée dans l'écluse n°30 de Souffre douleur. Woodbine est à couple de Suzanne.
Photo Marie-PierreTricart
Derrière nous, Père Tranquille semble avoir quelques herbes dan son hélice. Denis tente de les retirer avec la gaffe.
170425_024.jpg (52792 octets) 16h00 Écluse n°31 de la Sablonnière. La maisonnette a une architecture qui rompt avec celle des maisonnettes du type Freycinet.

16h45 Écluse n°32 de la Tuilerie
170425_028.jpg (38553 octets) Près de la Tuilerie, l'endroit où il y a 2 ans nous avions pu remettre les bateaux à l'eau suite à l'avarie du canal.

17h25 arrivée au Moulin de Bardin. Denis & Armelle Sanglier nous y attendent et pendant que Jean-Jacques et moi retournons chercher les véhicules, les autres commencent une visite informelle et fort intéressante.
Photo Marie-PierreTricart


Pour cette deuxième nuit, j'abandonne le camion pour me réfugier au gîte où je dors près du poêle.


Notes :

  • 1 Les guerres de religion opposant catholiques et protestants ont ruiné à huit reprises le royaume de France. En 1598, l'Édit de Nantes promulgué par Henri IV met un terme à cette guerre en accordant des droits de culte, des droits civils et des droits politiques aux protestants. 
  • 2La Navarre, royaume médiéval fondé en 824 par les Vascons, est rattachée au royaume de France en 1589 sous le règne d'Henri IV, "Roi de France et de Navarre".

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