De Saint-Père à Saint-Benoît
Marc André Dubout
Vendredi 9 mai 2025
Saint-Père-sur-Loire est une bourgade d'un millier d'âmes située sur la rive
droite de la Loire en face de Sully-sur-Loire à 37 kilomètres en amont d'Orléans.
Saint-Père-sur-Loire a été victime, à plusieurs reprises, des grandes crues
historiques de 1846, 1856, 1866 et 1907, la rive droite ayant été largement
inondée ces années-là. Le village a possédé un port.
Aujourd'hui, protégé par une levée, le village possède son association marinière
de passionnés, les Brasse-Bouillon, qui, dans le cadre d'un projet
éducatif et pédagogique compte faire revivre le port oublié et le patrimoine des
Mariniers.
Impossible de les rater avec leur vareuse bleu clair sur leur
fûtreau en construction.
Une autre spécialité des Brasse-Bouillon est la Saint-Péroise, une
bière locale, brassée à une époque à Vitry-au-Loges et dont les
bénéfices sont reversés au profit du Téléthon
Saint-Benoît-sur-Loire, situé sur la même rive est
célèbre pour son abbaye bénédictine. Saint-Benoît a connu la période des guerres
de religion et le massacre des protestants.
Aujourd'hui le village possède aussi son association de Mariniers l'Armada
qui perpétue la tradition ligérienne qui déjà dans le passé comptait le bateau
du " passeur " et ceux des pêcheurs, mais ils disparurent au fil du temps. Alors
pour qu'ils ne sombrent pas tout à fait dans l'oubli, une manifestation " La Remontée du
Saumon " fut créée, puis l'idée de faire revivre le port... et pourquoi pas
reconstruire des bateaux ? L'Association était née et la vareuse ocre portée
fièrement par ses Mariniers.
Voilà globalement le décor posé, dans lequel nous allions passer ces deux journées festives.
Comme chaque année l'Armada de Saint-Benoît organisait " La Fête de la
Marine " et comme chaque Les Mariniers de Vitry y participaient.
Tout avait
commencé la veille, à l'Atelier près du canal.
(Photo
Dominique Billes)
En premier lieu, c'est l'acheminement des bateaux. Nous emmenions cinq unités,
Balbuzard, Carpe Diem, Colineau et les deux plates Héron
pourpré et Héron cendré.
Avec Gérard nous approchions Balbuzard de la cale de mise à l'eau pendant que
Vincent approchait la remorque à reculons. Roger et Didier emmenaient les deux
plates, Dominique, Jacques, Michel et MAD suivaient en voiture. Arrivés à
Saint-Père nous utilisions la cale du port en aval du pont de Sully. Et oui
cette vieille cale pavée a encore une utilité.
En peu de temps, les bateaux étaient en place, il fallut un autre voyage pour les
deux autres bateaux.
Les bateaux mâts dressés et girouets. Pour passer, en toute sécurité, sous le
pont de chemin de fer en arrière plan, nous devrons abattre les mâts.
Samedi 10 mai 2025
Rendez-vous à 11 heures pour gagner Saint-Père à l'heure de la "
maille ". La maille c'était le verre de vin que le Marinier, après la descente
ou la remonte du fleuve, réclamait, une fois arrivé au port. Comprenez le verre
de vin rouge.
Un vaste pique-nique était organisé et les Brasse-Bouillon offraient
l'apéritif. Nous déjeunâmes sous les frondaisons.
L'après midi, une fois les discours faits, les animations commencèrent avec " Le son des voiles " donné par la Compagnie Systémic. Il s'agit d'une création musicale, chorégraphie et batelière donnée en itinérance, une quinzaine de fois pour les " Gens de l'ieau et ceux d'à terre " sur les Bords de Loire.
(
Après ce fut au tour de notre bonimenteur préféré,
C'Nabum intarissable
poète et conteur qui vous plonge deux siècles en arrière, sur le fleuve, ses rives, ses
environs mais jamais sans s'en éloigner trop .
Il trempe parfois sa poétique plume dans l'acide mais comme il n'a pas grand sens de la
propriété, ses paroles s'envolent comme des bulles de savon à qui veut bien les
attraper.
Son béret, sa camisole, sa besace, il parcourt sans relâche les berges de la
Loire mais aujourd'hui, Bernard, " Le vent de galerne ne souffle plus ".
La video Moi Gugus, dit la Maille
Vers la fin de l'après-midi, le public se tourne vers la stèle drapée. Que
va-t-elle nous faire découvrir ? Un personnage que nul ne connaît, pas
même, ou peu, ceux d'ici.
C'est le dernier marinier de la Loire à Saint-Père, " Moi Auguste Léger
".
Auguste Léger (1871-1947) dit Cugus pour les terriens et La Maille
pour les Mariniers. Marinier à 12 ans, Marinier générationnel, Marinier disparu.
La Loire, il l'a parcourue sur son bateau à fond plat, avalant, à la remonte,
sous la bise ou porté par le vent de galerne, les villes baignées, il les a
toutes traversées et pendant des décennies, transportant, sable, bois, vin et
autres marchandises.
C'est pour dire, la Loire, il la connaît comme son propre couteau, ses caprices,
ses bancs de sable, de cailloux, ses crues, ses étiages, ses altérations, ses
métamorphoses, ses variations infinies... Heureusement Saint-Nicolas, patron des
Mariniers était toujours à ses côtés pour garantir les passages difficiles comme
à Mantelot. Ce passage permettait aux bateaux, venant du Sud et allant vers
Paris ou l'inverse, de passer de l'ancien canal latéral à la Loire à l'ancien
canal de Briare par la Loire. Une chaîne était immergée pour retenir les bateaux
par fort courant ou permettait de les tirer par basses eaux.
Le Bossuet, c'était son dernier bateau, en chêne, que Auguste Léger avait
fait construire. Sa dernière salambarde qui a été emportée par la crue du 20
mars 1895 et qui a dérivé jusqu'à Nantes où il s'est déchiré au pont du Fer à
Cheval1.
Auguste Léger était un peu jeune pour avoir connu la disparition de la navigation commerciale sur la
Loire qui l'aurait sûrement désespéré, avec l'apparition du chemin de fer dans
la deuxième moitié du XIXème S.
Voilà, Monsieur Auguste Léger, c'est symboliquement le Grand-Père des
Brasse-Bouillon.
(Photo Dominique Maçon)
Sur Carpe Diem, je fais équipe avec Vincent.
17 heures viennent de sonner et il est temps pour la flottille d'aller avalant jusqu'à Saint-Benoît. Les Mariniers de Saint-Père, Saint Benoît, Vitry étaient représentés. Une dizaine de bateaux firent alors quelques ronds dans l'eau devant la rive pour saluer le public et quittèrent la rive droite (le Bonimenteur aurait dit la Gaule par antinomie au Berry pour la rive gauche). Les Mariniers n'employaient pas les vocables de droite-gauche comme sur la Seine, encore moins babord-tribord ou encore destre et senestre comme les Normands et plus loin encore les Vikings.
Avec Vincent, nous remonterons en amont au-delà du pont de Sully pour voir le
Château de Sully, en naviguant au milieu du fleuve.
On dit que Sully doit ses origines au Général romain Sillius qui aurait
construit ici une villa.
Au XVème siècle, le château de Sully devient la résidence des Seigneurs de Montaigu
dont le dernier Claude, Chevalier de la Toison d'Or et Chambellan de Charles le
Téméraire, est tué en 1475 à la bataille de Buxy.
Le château passe ensuite dans la famille Rabutin.
Aujourd'hui, le château est la propriété et demeure permanente de la quatrième
Duchesse de Magenta et de ses deux enfants, dont le cinquième Duc de Magenta.
Madame la Duchesse de Magenta s’investit passionnément dans la vie touristique
et culturelle de la Bourgogne
Martine, à bord de Colineau, une barque construite par mon copain
Jean-Jacques Garavoglia
(Photo Dominique Maçon)
Préparation au départ des fûtreaux. On compte le Penthièvre de
Châteauneuf sur Loire, et
Le Beat Matazz de la
Compagnie
Systémic. Une toue cabanée qui nous
accompagnera.
Sur la Loire.
Marie et Roger sur le Héron pourpré.
Michel et Denis sur le Héron cendré.
Quelques canoës du Club nautique nous ont accompagnés sur une partie du trajet.
Puis c'est le vrai départ.
Le pont de Sully sur la ligne Étampes—Bourges qui se prolongeait ensuite jusqu'à
Narbonne vers le sud, vers Paris-Bercy et vers le Nord.
La vie de cette ligne, décidée sous le Second-Empire, a connu son heure de
gloire après la défaite de 1870 lorsque le P.O. décide de construire une artère
Paris—Narbonne par Étampes, Bourges, etc. (1884-5) pour acheminer les vins du
Midi. Elle était appelée familièrement la "ligne du vin".
Il fallait 6 heures pour parcourir les 186,9 Km de la ligne (Étampes—Bourges) à
l'horaire de 1925.
Pour en savoir plus sur cette ligne de chemin de fer
Vincent sur Carpe Diem.
Balbuzard, le mât sur le pont à cause du pont de chemin de fer de Sully.
Denis et Michel sur le Héron cendré.
Martine et les deux Dominique sur Colineau.
Nous arrivons à Saint-Benoît
La rive de l'Armada à Saint-Benoît-sur-Loire
Le repas des Mariniers
Aucune festivité ne se termine sans un repas des équipages ou des mariniers
selon, mais dans tous les cas un grand moment de partage entre Ligériens.
(Photo Dominique Maçon)
Marie, Hernie et Eliane
Et comme toute communauté nous avons nos chants
(Photo Dominique Maçon)
Que le musicien du moment accompagne
Dimanche 11 mai 2025
Rendez-vous le matin pour l'installation du stand de Matelotage des Mariniers de Vitry.
(Photo Sylvie)
Le stand de matelotage de LMV. C'est Jean-Claude, Maître cordier qui anime
chaque vendredi l'art de faire les nœuds et plus avant au matelotage don
certaines pièces sont de véritables chefs-d'œuvre.
Jacques, Didier, Daniel et Martine.
(Photo Jacques Stephani)
Dominique, Martine, Éliane.
Sur le port divers stands présentent des réalisations
individuelles, comme
des sculptures sur bois par un artiste de Sandillon, une collection
d'outils de menuiserie, ou encore Le jeu de l'oie Edition à
Châteauneuf-sur-Loire, animée par Cécile Richard qui publie le précieux
CantoInfos. depuis une douzaine d'années.
L'heure de la sardinade arrive promptement et nous nous réunissons autour de la tablée au son de de la musique. L'après-midi sera consacrée à la navigation.
(Photo Jacques
Stephani)
Roger sur Balbuzard. nous remontons la Loire par un bras plus au Sud que celui
que nous avions emprunté pour arriver à Saint-Benoît. Malheureusement nous avons
rencontré des hauts fonds et l'hélice a touché à plusieurs reprises Une pale a
été cassée.
(Photo Jacques Stephani)
Vincent profite du paysage
Nous croisons le bateau à passagers traditionnel des
Passeurs de Loire
à Sigloy.
(Photo Jacques Stephani)
En fin d'après-midi, c'est la sortie des bateaux. La météo a annoncé de la
pluie. Cette année nous y échapperons. Tout sera rangé avant son arrivée.
Nous remontons le Balbuzard sur sa remorque. le treuil électrique nous
facilite grandement l'opération. Puis c'est au tour des plates.
Direction Vitry-aux-Loges.
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