Mémoire

Le Pecq - les projets inachevés

Marc André Dubout

Le projet H. de Persin

Le 2 février 1891, M. H. de Persin écrit au maire du Vésinet pour lui adresser un dossier complet comprenant le plan des diverses voies de chemins de fer économique dont un est appelé à desservir la commune du Vésinet.
Il prend en compte les diverses modifications notées dans la délibération du Conseil municipal qui lui a été favorable et adresse des remerciements au Conseil.
M. H. de Persin a fondé récemment une Société Civile d'Étude sous la dénomination Nanterre-Port dont les statuts sont déposés chez maître Gautier, notaire à Nanterre 

Archives municipales du Vésinet

Le mémoire de M. H. de Persin, architecte à Paris 29 cité des Fleurs (avenue de Clichy) à Paris est à l'appui du projet de Nanterre port de radoub et de marchandises, raccordé au projet de Paris port de mer1 de M. Bouquet de la Gaye avec réseau de chemin de fer, de tramway économique utilisant le prolongement de l'avenue de Neuilly depuis La Défense à Courbevoie jusqu'à Nanterre bourg et bord de la Seine.

 

 

Autre projet de prolongement de la Défense à la forêt de St Germain
Prost 1934

Exposé
L'initiative des communes de Nanterre et de Courbevoie avec leur prolongement de l'avenue de Neuilly jusqu'à Nanterre nous a permis avec le projet de M. Bouquet de la Gaye (Paris port de mer) de modifier heureusement un projet de réseau de tramway que nous avions à l'étude depuis longtemps déjà dans les départements de la Seine et de la Seine & Oise que nous allons déposer en demandant la concession qui en fait l'objet. Avant de développer le tracé des lignes du réseau projeté et de nous étendre sur les considérations générales et relatives, nous nous arrêterons à Nanterre que nous favoriserons tout particulièrement par l'ensemble du projet d'établissement du port de radoub et de marchandises avec magasins généraux ou docks, au sujet desquels nous avons fait des études d'avant projets après entente préalable avec M. Bouquet de la Gaye.
Avec ce projet d'ensemble bien combiné, nous pensons obtenir le concours des communes intéressées et surtout celle de Nanterre à laquelle nous demandons le privilège de droit de passage sur l'avenue de Neuilly prolongée pour l'établissement des quelques kilomètres de ligne qui feront de Nanterre un point de raccord étant donné l'établissement du port et des magasins généraux concurremment à celui du réseau économique.

Considérations générales
Tout le monde sait ce que sont les localités de banlieue qui avoisinent Paris, nous serons donc très brefs sur ce sujet, la nécessité de desservir par des moyens nouveaux des points ne le sont pas ou presque pas étant donné le sentiment de chacun, nous nous contenterons de dire que les 16 localités reliées comme le fait notre plan d'ensemble verrait chaque jour augmenter leur prospérité, conclusion qui du reste est partout constatée là où des moyens de locomotions faciles sont organisés.
Dans le cas qui nous occupe deux raisons majeures sont en présence et comme on va le voir, elles mobilisent en faveur de l'établissement des lignes sus-visées.
La première est l'isolement où sont ces bourgs du chef-lieu de canton comme Argenteuil qui n'a d'accès pour Paris que par les gares St Lazare et du Nord aussi bien que Nanterre avant d'être favorisée par le tramway de l'Étoile à St Germain, par contre les autres bourgs Montesson, Carrières St Denis, Houilles, Bezons et les bords de la Seine depuis Bezons à Argenteuil et Enghien-les-Bains sont privés de communications dans cette direction. Enfin parallèlement à la Seine notre ligne partant de Chatou relie utilement toute la zone comprise entre le circuit de la Seine ; l'Ile St Denis sur laquelle nous trouvons Colombes et Gennevilliers.
La deuxième raison est celle de la réussite de "Paris port de mer" qui semble réunir toutes les chances de succès.
Celle-ci est grosse d'intérêt et comme définition convaincante nous renvoyons au plan d'ensemble, où on voit que la coupure de Sartrouville à Nanterre prépare à une grande prospérité la plaine enclavée entre le Vésinet et cette coupure aux alentours de Montesson et Carrières St Denis tout en reliant St Germain à "Paris port de mer".
De l'autre côté de la coupure, c'est Sartrouville, Val Notre Dame, Houilles, Bezons, Argenteuil, enfin Nanterre qui quoique actuellement éloignée de deux kilomètres du passage du chenal se trouve rapprochée par l'ouverture de la nouvelle avenue et par la ligne de tramway de Chatou aux docks et à l'Ile St Denis et aussi par les nouvelles constructions qui forcément seront créées aux abords de la nouvelle avenue qui n'est distante que de un kilomètre à peine des docks projetés. Elle devient donc on peut le dire le trait d'union du bourg de Nanterre aux docks au pont de Bezons à Argenteuil, au rond-point de Courbevoie, et à Paris Étoile.
Quant à Gennevilliers et à la plaine qui l'entoure, "Paris port de mer" lui assure un avenir des plus sérieux qui à l'inverse de zones que nous préconisons, vers Houilles, Sartrouville, Bezons et Nanterre sera toute industrielle tandis que les parages précités sans rester étrangers au commerce et à l'industrie conserveront un caractère de promenade fort séduisant pour les amateurs de villégiature de campagne qui auront à leur porte le petit chemin de fer économique pour les conduire au centre de Paris sans être astreints aux heures des trains des grandes lignes, quelques uns des bourgs sus-nommés et à de certaines heures seulement.

Port de radoud, docks, magasins généraux
L'établissement de
port de radoub et de marchandises avec docks et magasins fera de Nanterre un centre commercial d'une grande importance par l'installation d'atelier de construction et de réparation navale.
Quant aux docks et magasins généraux, leur propreté ne peut être mise en doute si l'on considère leur établissement extra-muros en étant soudés au canal maritime tout en se trouvant au milieu d'une population extrêmement dense qui s'élève pour la banlieue dans la zone comprise entre St Denis et St Germain.
Pour l'ouverture de la nouvelle avenue appuyée des lignes à établir et du port, son avenir ne peut être mise en doute.
Toutes ces considérations font partie de nos divers projets réunis en un seul et assurent ensemble à la commune de Nanterre une transformation complète et une place dans le commerce de Paris et de la banlieue.
Nous nous bornons à cet exposé général sommaire le faisant service de l'exposé du réseau et au développement de ses lignes formant ensemble un total approximatif de 43,6 kilomètres.

Exposé du réseau, développement des lignes

Total : 43,600 Km.
Ces lignes desservant 16 localités, bien connues, bien habitées, riches et isolées les unes des autres aussi bien que de Paris où plusieurs n'y aboutissent que par des grandes lignes.
Notre petit réseau bien modeste et sans grande prétention apporte à toutes les localités qu'il traverse des facilités nouvelles, les relie toutes entre elles et les fait converger sur le centre de Paris par l'avenue de Neuilly où on rencontre tous les moyens de locomotion faciles.
En résumé, nous les relions directement à Paris.
Telles sont les bases de notre projet général que nous avons l'honneur de porter à votre connaissance, dressés et présentés par les ingénieurs sous-signés.

Archives municipales de Chatou et
Archives municipales du Vésinet

Le mémoire 

Le réseau du projet H. de Persin
Archives municipales de Chatou et Archives municipales du Vésinet
Le 20 juillet 1876, l'ingénieur de la Société Générale d'Études envoie une lettre au Maire du Vésinet pour lui demander si la municipalité a pris un engagement antérieur à sa demande pour l'établissement d'un réseau de tramway destiné à relier la Station du Vésinet avec celle de Chatou d'un côté et celle du Pecq de l'autre côté par la route nationale n°190 en précisant que sa société est en rapport avec M. le Maire de St Germain dont il a l'appui, appui qu'il réclame également au Vésinet.
Archives municipales du Vésinet
Le 4 août 1876, l'agent commercial de la Société Générale d'Études envoie une lettre au Maire du Vésinet dans même sens et exprime le souhait que sa demande soit présentée au Conseil municipal en espérant qu'elle obtienne l'unanimité.
Archives municipales du Vésinet
Quatre jours plus tard, le 8 août il demande cette fois un jour et une heure pour présenter le projet dont sa société demande la concession. Il précise qu'elle est recommandée par la Maison Dalifol Huet Fils.
Archives municipales du Vésinet

Le 4 novembre 1890, M. H. de Persin adresse au maire du Vésinet ainsi qu'aux membres du Conseil municipal un plan d'ensemble et un mémoire représentant un projet très important qui intéressent les départements de la Seine et de la Seine & Oise et particulièrement certaines communes dont Le Vésinet.
Il résume le projet tel qu'on vient de le voir et dont il est demandeur en concession suivant le tracé général du plan annoncé. Il demande un avis sur son projet et prie le maire et ses conseillers de prendre une délibération au sujet des lignes à établir sur le territoire du Vésinet. Il informe ce dernier qu'il demande aux départements  de bien vouloir lui accorder par application de la loi de du 11 juin 18802 soit une garantie, soit une subvention kilométrique ferme.
Signée de Persin et Cie.
Archives municipales du Vésinet

Ces quelques lettres nous donnent une idée de la date de ce projet dont le document le plus ancien remonte à 1876.

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Notes :
  • 1 "Paris port de mer". Cette idée ne remonte-t-elle pas à l'héraldique de notre capital qui affiche avec force un navire. Déjà à l'époque de Fulton on parlait de "Paris port de mer" mais les projets sérieux apparaissent avec Bérigny qui en 1926 proposait un projet de canal latéral à la Seine à allant de la mer à Paris et pouvant offrir un tirant d'eau de 6 mètres et traversant six fois le fleuve. Après lui M. Flachat sollicitait la construction d'un canal avec entrepôts généraux, docks et douanes entre Rouen et Paris tirant d'eau 3,50 m. 
    Le "Paris port de mer" qui intéresse note étude remonte à 1887 Rouen—Clichy qui ne se préoccupe pas de la Seine maritime. Sa longueur 185,6 Km. avec deux raccourcissements l’une à Tourville, et l'autre à Sartrouville à travers la plaine de Croissy taillée dans le calcaire.
    À propos de "Paris Port de mer" ces documents de septembre 1912 trouvés aux Archives des Canaux de Paris

    Ce qu'en dit Wikipédia
  • 2  La loi du 11 juin 1880
    Après un démarrage réticent, dû aux inepties d'illustres académiciens, savants politiciens, le chemin de fer se développa et le rail couvrit la France de ses réseaux. Cependant des espaces restèrent non desservis et la voie normale ne put atteindre certains endroits peu accessibles, montagnes, campagne, usines avec des coûts raisonnables. Le coût du chemin de fer se divise en deux parts : ce qu'il faut payer à la compagnie et ce qu'il faut payer pour l'atteindre. On résolut le problème en établissant "des chemins de fer sur route à traction à vapeur transportant des voyageurs et des marchandises".
    Bien que cette solution fut accueillie avec des éclats de rires par de sages ignorants, le type de chemin de fer fut arrêté par M. de Freycinnet ministre des travaux Publics qui déposa au Sénat en 1878 un projet de loi destinant à régler le mode de concession pour ces "chemins de fer établis sur route". Et après une double discussion à la Chambre et au Sénat, elle fut votée, ratifiée et promulguée le lendemain, le 11 juin 1880 au Journal Officiel.
    Dans son chapitre 2, la Loi relative "aux chemins de fer d'intérêt local et aux tramways", (sans vouloir en relater le détail, retenons que l'article 27) règle les concessions qui pourront être accordées.
    • "par l'État lorsque la ligne doit être établie tout ou partie sur une voie dépendant du domaine de l'État".
    • par le Conseil général au nom du département, lorsque le voie ferrée, sans emprunter une route nationale doit être établie tout ou partie soit sur un chemin de grande communication ou d'intérêt commun ou doit s'étendre sur le territoire de plusieurs communes. 
    • par le Conseil municipal lorsque la voie est établie entièrement sur le territoire de la commune et sur un chemin vicinal ordinaire ou sur un chemin rural.

    L'article 27 ouvrait la voie à un excès de décentralisation qui, s'il ne fut pas obvié, risquait de voir se développer une orgie des concessions. C'est la raison pour laquelle on introduisit l'article 29 par lequel "Aucune concession ne peut être faite qu'après une enquête dans les formes déterminées par un règlement d'administration publique et dans laquelle, les Conseils généraux des communes dont la voie doit traverser le territoire, seront entendus lorsqu'ils ne leur appartiendra pas de statuer sur la concession. L'utilité publique est déclarée et l'exécution est autorisée par décret délibéré en conseil d'État sur le rapport du ministre des Travaux Publics après avis du ministre de l'Intérieur".
    L'unité nationale est ainsi reconstituée, c'est le Conseil d'État qui déclare l'utilité publique des tramways et en autorise l'exécution après avis du ministre de l'Intérieur. C'est aux auteurs de projets de se soumettre aux règles et de proposer des projets parfaitement étudiés et justifiés, les autorités compétentes se chargeant de les instruire.
    Reste à régler le problème de la garantie de l'État qui pouvait légitiment douter de l'abus qu'on pourrait en faire. Et c'est précisément l'article 36 qui donne satisfaction et garantie à tous les intérêts en jeu : "Lors de l'établissement d'un tramway desservi par des locomotives et destiné au transport des voyageurs, l'État peut d'engager en cas d'insuffisance du produit et cinq pour cent par an du capital d'établissement, tel qu'il a été prévu par l'acte de concession et augmenté, s'il y a lieu, des insuffisances constatées, pendant la période assignée à la construction par ledit acte, à subvenir, à condition qu'une partie au moins équivalente sera payée par le département ou la commune avec ou sans le concours des intéressés. La subvention de l'État sera formée :

    • d'une somme fixe de cinq cents francs par kilomètre exploité
    • du quart de la somme nécessaire pour élever la recette brute annuelle (impôts déduits au chiffre de six mille francs par kilomètre

    En aucun cas, la subvention de l'État ne pourra élever la recette brute au-dessus de six mille cinq cents francs par an.
    La participation de l'État sera suspendue de plein droit quand les recettes brutes annuelles atteindront la limite ci-dessus fixée".

    http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k58157198

Sources :

  • Archives municipales du Pecq
  • Archives municipales de Chatou
  • Archives municipales du Vésinet
  • Archives municipales de Courbevoie
  • Société Historique du Vésinet
  • Archives de la RATP
  • Cent ans de transports en commun dans la Région Parisienne Tomes 1 à 4 - Louis Lagarrigue - 1956
  • Les tramways parisiens 2è Édition - Jean Robert - 1959.

 

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