Le carnet du CFC
Quelques grands promoteurs du chemin de fer en France au XIXème siècle
MAD
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L'histoire des chemins de fer
est une histoire d'hommes. On sait combien les débuts furent difficiles, même
chez les esprits les plus éclairés, mais le monde du chemin de fer est un
empire de progrès et force est de se plier à sa loi.
Le système de chemin de fer date de 1820 en Angleterre avec l'ouverture de la
ligne Darlington-Stockton et 1829 en France avec la locomotive à chaudière
tubulaire (1)
de Marc Seguin et dès 1866 il a conquis non seulement l'Europe et
l'Amérique, mais encore, l'Asie, l'Océanie, l'Amérique méridionale. En ce
milieu du 19ème Siècle, la locomotive sillonne toutes les parties
du globe, apportant avec elle, civilisation et paix, prospérité et
bien-être.
Ces progrès et développements se sont réalisés grâce à de grands hommes, visionnaires qui ont eu foi en cette révolution des transports qui ont vu dans le chemin de fer un facteur de prospérité et de richesse au service de l'homme.
En France, le premier homme qui s'intéressa au chemin de fer fut M. Beannier
M. Beannier
Alors qu'en Angleterre, les voies ferrées étaient utilisées fréquemment
dans les mines, il a fallu attendre 1823 en France pour que M. Beannier
sollicita auprès de l'administration, l'autorisation de construire une ligne allant du
Pont d'Andrezieux à St Etienne par la force des chevaux. Il s'agissait de
transporter le charbon de mines à la Loire où il était embarqué sur des
péniches à destination du Nivernais ou de Paris.
Les frères Seguin
Né
à Annonay en 1786, Marc Seguin trouva un maître en son oncle Montgolfier
inventeur des aérostats. En 1820, il se distingua par ses réalisations civiles
et notamment la construction d'un pont suspendu entre Tournon et Tain dont le
prix était trois fois moins élevé qu'un pont en pierre. Marc Seguin est
l'inventeur des ponts en fil de fer dont plus de quatre cents ont été lancés
depuis cette époque.
En 1825, il fit avec le fils Montgolfier la tentative de la navigation à vapeur
sur le Rhône et c'est sur un bateau qu'il essaya sa première chaudière
tubulaire qui a révolutionné la conception des locomotives. En 1828, les
frères Seguin ayant obtenu la concession de la ligne de St Étienne à Lyon,
Marc Seguin put y faire usage de sa chaudière tubulaire, brevetée en 1829(2).
Il remplaça les tubes d'eau de la chaudière de Perkins par des "tubes à
feu" qui donnèrent une production de vapeur inouïe.
En 1826 commença la construction d'un chemin de St Etienne à Lyon
(1826) et deux ans plus tard MM. Mellet et Henry construisirent celui d'Andrezieux à Roanne.
Alors que ce dernier était à traction de
locomotive, celui des frères Seguin était "très fantaisiste"(3).
Sans doute leur esprit trop inventif, les avait entraînés à imaginer des
système de traction divers et variés certainement les plus inattendus.
L'exécution audacieuse de ce chemin de fer fit l'admiration des Stephenson.
De plus les constructeurs, dans le souci
exclusif de transporter des marchandises, avaient omis celui des voyageurs et un
parcours sur ce chemin de fer de St Etienne à Lyon semblait dangereux(4)
pour les voyageurs qui s'y aventuraient. Ces capricieux arrangements ont peu à
peu disparu de la ligne St Etienne-Lyon et ce n'est qu'en 1832 que les
locomotives construites à Lyon dans un atelier du quai Louis XVIII avaient
remplacé les chevaux sur certains points du parcours.
Mais le chemin de fer
était vivant et bien portant et la création de la locomotive à chaudière
tubulaire, avaient amené, en Angleterre, la création immédiate et l'extension
rapide des chemins de fer.
En 1842, il fut nommé correspondant de la section mécanique de l'Académie des sciences de Paris. Passionné par l'étude, il se retira à Annonay et étudia la machine à vapeur régénérée entouré de sa famille.
Auguste Perdonnet
Auguste Perdonnet est né en 1801, fit
des études à l'école Sainte Barbe, à Paris et en Suisse. Élève de l'École
polytechnique, il en sortit avec le titre d'ingénieur de l'État. Il poursuivit
ensuite l'enseignement de l'École des mines et entreprit plusieurs voyages en
Allemagne et en Angleterre où il fut frappé par le chemin de fer de
Liverpool-Manchester, le premier chemin de fer à grande vitesse en Europe. Il
publia en 1929 avec son collègue Léon Coste un Mémoire sur les chemins à
ornières le premier ouvrage sur le chemins de fer en France dans le lequel
il plaida la cause des voies ferrées alors boudées. Son zèle excessif à
défendre cette cause le fit taxer de folie.
En
1830, alors que la ligne Liverpool-Manchester transportait quotidiennement des
centaines de voyageurs, en France le développement fut freiné par des
préjugés non fondés et par une ignorance et une lenteur extrême.
Auguste Perdonnet, illustre ingénieur, ouvrit, en 1831, à l'École centrale des
arts et manufactures un cours sur la construction des Railways et
comparait cette révolution des transports à celle de l'imprimerie. Il fut
traité d'insensé. Devenu directeur de l'École centrale des arts et manufactures
et directeur du chemin de fer de l'Est.
De concert avec MM. Mellet et Henry, Cerfberr avait fondé une société au
capital de 500 000 francs avec les principaux banquiers de Paris en vue
d'étudier les artères potentielles à construire dans le pays. A cette
époque les sociétés civiles devançaient l'administration des Ponts et
Chaussées restée frileuse face au développement des chemins de fer.
Le chemin de fer de Paris à St Germain qui avait été concédé en 1835, par
le vote de la Chambre des députés et fut inauguré le
27 août 1837. Le
parcours s'effectua en deux heures et demie. Parmi les ingénieurs civils qui
travaillèrent sur ce projet on compte les frères Flachat dont Eugène en fut
nommé directeur.
Ingénieur en chef du de la construction du chemin de fer de Paris à
Versailles. Après diverses interventions sur la construction d'antennes et de
lignes (Angoulême, La Rochelle), il devint en 1845 administrateur-directeur du
Chemin de fer de l'Est. Parmi les ouvrages qu'il écrivit, il faut citer son Traité
des chemins de fer ouvrage magistral et le précieux recueil le Portefeuille
de l'ingénieur rédigé en collaboration avec MM. Camille Polonceau et
Eugène Flachat. Pendant trente ans, M. Perdonnet anima l'association
polytechnique composé d'anciens élèves de l'école.
Edouard Sauvage
M.
Sauvage est sorti premier de sa promotion à l'école polytechnique. A la fois
scientifique et administratif, M Sauvage fut nommé administrateur séquestre du
réseau d'Orléans en 1848 puis devint administrateur en chef du matériel de
chemin de fer de Paris à Lyon (515 Km), compagnie où il rendit les plus brillants
services.
Paulin Talabot
Né
en 1799 Paulin Talabot est le doyen des directeurs des chemins de fer français.
Le deuxième chemin de fer construit après celui de St Etienne à Lyon fut
celui de Alais à Beaucaire qui acheminait le charbon des mines de la
Grand'Combe. Cette ligne
fut concédée par une loi datée du 29 juin 1833.
Il présida également à la construction du chemin de fer d'Avignon à
Marseille et dirigea celui de Lyon à la Méditerranée. Il fut non seulement un
ingénieur habile et compétent, mais aussi un homme d'affaires compétents et
un spéculateur hardi. Il exporta ses compétences à l'étranger et notamment
dans la gestion du chemin de fer Lombardo-Vénitien, des chemins de fer
portugais et des chemins de fer du sud de l'Italie, la grande compagnie pour
l'exploitation industrielle de l'Algérie.
Appuyé par la maison Rotschild sa notoriété était incontournable.
Émile Péreire
Émile
Péreire fut l'initiateur de la construction de la première véritable ligne
destinée au transport des voyageurs : Paris-St Germain, point de départ du
développement des chemins de fer en France.
Issu d'une famille israélite du Portugal, obligé de fuir à cause de
persécutions religieuses, Émile Péreire est né à Bordeaux, le 3 décembre
1800. En 1822, Il vint à Paris pour y chercher fortune et s'établit en tant
que courtier de change et fut à ce titre en rapport avec le notabilité du
commerce et de la banque et avec le James de Rothschild. Péreire consignait ses
idées dans le Globe.
Il fut séduit par les idées Saint-Simoniennes qui suite à la révolution de
1830 qui répondaient aux aspirations de réformes sociales de développement et
de progrès comme Michel Chevalier(5), directeur du Globe, jeune ingénieur,
polytechnicien lui aussi converti au saint-simonisme promouvait les chemins de
fer comme moyen de pacification des peuples d'orient et d'occident et de politique industrielle.
Péreire étudia le tracé de Paris à St Germain, tracé à faible capital qui
devait servir de tête à toutes les lignes de Paris à la Normandie et à la
Bretagne et faire connaître le chemin de fer aux parisiens. Il rencontra des
oppositions et principalement celle de Monsieur Thiers, alors ministre des
travaux publics et qui pensait que le chemin de fer ne pouvait s'appliquer aux
grandes lignes de communication(6)
.
Associé avec MM. Mallet et Henry, il sollicita du gouvernement la concession du
chemin de fer de Paris à Rouen. M. Thiers lui fit la réponse suivante : "Moi,
demander à la chambre de vous concéder le chemin de fer de Rouen, je m'en garderai bien ! On me jetterai en bas de la tribune" et Arago d'ajouter
"Les souterrains seront nuisibles à la santé". Sans parler du
risque d'explosion et de ses effets directs et réfléchis auquel s'ajoute
l'effondrement probable de la voûte. Sans doute les questions politiques ne
manquaient pas d'égarer le savant de son discernement scientifique(7).
En 1834, dans le cours sur les chemins de fer qui fut ouvert à l'École des
Ponts et Chaussées, on préconisait encore les chevaux comme moteur de traction
sur les voies ferrées.
Le 9 octobre 1844 le Chemin de fer d'Orléans à Bordeaux fut adjugé à une
compagnie anglaise. Il restait à construire les lignes de Bordeaux à Cette 526
Km) et Bordeaux à Bayonne en 1846 et c'est M Péreire qui en obtint la
concession;
Eugène Flachat
Eugène
Flachat est né en 1802. Après la construction du Chemin de Fer de Paris à St
Germain
(au Pecq), il construisit celui de Auteuil et d'Argenteuil et plus tard le
prolongement du Pecq à St Germain et dirigea le service technique de la
banlieue.
Erudit, Flachat contribua à la rédaction de plusieurs ouvrages dont le
Guide du mécanicien constructeur, le Nouveau Portefeuille de l'ingénieur, la
Métallurgie du fer, la traversée des Alpes par un chemin de fer.
Il fait partie du jury des diverses expositions. Considéré, apprécié par sa
vivacité et son affabilité, il se montre bienveillant envers ceux qui
sollicitent son appui ou ses conseils.
Adolphe Jullien
Adolphe Jullien fit ses études en Suisse avant d'intégrer l'École
Polytechnique puis celle des Ponts et Chaussées. La compagnie du chemin
de fer d'Orléans cherchait un ingénieur et il fut recommandé par le chef de
corps des Ponts et Chaussées comme le plus capable. Il travailla ensuite pour
la compagnie de chemin de fer de Lyon où il fut directeur des travaux et de
l'exploitation puis à celle des chemins de fer de l'Ouest. Sa réputation était de construire avec un excès de solidité.
M. Didion
M.
Didion né en 1803, entra en 1820 à l'École Polytechnique et en sortit premier
de sa promotion. Il suivit ensuite les cours de Ponts et Chaussées et en sortit
comme ingénieur ordinaire dans le midi de la France. Il fut nommé directeur du
chemin de fer de Paris à Orléans ouvert le 3 mai 1845 sur une longueur de 122
km avec embranchement de douze kilomètres à Juvisy.
Comme associé de M Talabot, il participa à la construction des chemins de fer
d'Alais à Beaucaire et de Nîmes à Montpellier.
Il déclina modestement la proposition que lui fit le général Cavaignac au
poste de ministre des travaux publics. Il fut un défenseur éclairé du chemin
de fer en France à l'époque où les réticences étaient encore tenaces.
En 1842, les forces de l'industrie et celles de l'état se réunirent pour l'établissement d'un programme de développement des chemins de fer sur le territoire. La loi de 1842 mit fin au frein que l'administration manifestait à l'encontre des voies ferrées et de grandes artères du réseau français purent alors être livrée au public.
Jules Petiet
Jules
Petiet est né en 1813. Élève de l'École centrale des arts et manufactures en
1830 option mécanique et métallurgie. Sous les ordres de M Talabot, il
construisit le chemin de fer d'Alais à Beaucaire et connut MM. Flachat et
Perdonnet qui le nomma directeur du chemin de fer de Versailles rive gauche. Il
fut ensuite nommé directeur de l'exploitation et de la traction au
Chemin de fer du Nord
Alexandre Surell
M.
Surell est né en 1813 et entra à l'École Polytechnique et fut envoyé
dans les Hautes-Alpes comme ingénieur des Ponts et Chaussées. L'Étude
sur les torrents et déboisements fut à la base de nombreuses recherches
sur le reboisement des montagnes et l'engazonnement comme moyen d'arrêter;les
eaux pluviales.
Il fit construire la ligne de Bordeaux à Cette et devint directeur de la
Compagnie de Chemin de fer du Midi en 1854, chargé de la construction et de
l'exploitation.
Au 31 décembre 1865 la longueur totale des chemins de fer français en exploitation était de 13570 Km pour atteindre 20000 km lors de l'achèvement des lignes concédées, ce qui représente un capital de 6 milliards de l'époque donc un élément sûr de prospérité. Seules les lignes d'Algérie et d'Afrique sont en cours de finition.
Notes :
(1) Brevet du 22 février 1828.
(2) Le anglais ont revendiqué cette invention en la personne de M. Booth, secrétaire de la Compagnie du chemin de fer de Liverpool à Manchester. A ce jour aucune preuve n'a pu être produite à ce sujet.
En France, un autre revendication en l'honneur de Charles Dallery qui pris en 1803 un brevet d'une chaudière tubulaire destinée à équiper un bateau à vapeur et décrite dans la Collection des brevets d'invention expirés et intitulé par le vague titre "Mobile perfectionné appliqué aux voies de transport". Cette chaudière ne fut jamais exécutée.
A ce sujet, il faut rappeler qu'il existait deux types de chaudières tubulaires à tubes d'eau (Chaudière de Perkins) et à "tubes à feu". C'est dans ce type que réside l'invention de Marc Seguin, la chaudière de Perkins ne produisant que 300 Kg de vapeur par heure, alors que celle de Marc Seguin en produisait 1200 ce qui a permis d'atteindre immédiatement des vitesses de dis lieues à l'heure(3) Un visiteur de 1838 relate son voyage de St Etienne à Lyon : "Les diligences qui nous cahotaient sur les rails, étaient traînées par des moteurs qui changeaient selon la disposition des lieux. Elles étaient remorquées au moyen de corde s'enroulant sur des poulies par des machines à vapeur fixes, distribuées sur le parcours de la voie, quand il s'agissait de remonter une forte rampe; - par des chevaux attelés en tête du convoi, si la rampe étaient modérée; - par de véritables locomotives, quand la route était de niveau.; - enfin par leur propre poids dans les descentes continues. Quelque fois quand deux pentes se rejoignaient sur un plateau étroit, avec des inclinaisons équivalentes, le poids du train descendant était utilisé pour hisser le train descendant et réciproquement, comme on le fait dans l'intérieur des mines de charbon..." Pour l' inventeur de la locomotive à chaudière tubulaire, voilà bien une divagation de moyen de traction, alors que la locomotive seule pouvait assurer l'ensemble de la traction sur les différents profils.
(4) Déraillement assez fréquents, voûtes de tunnel trop basses, piliers de pont trop près de la voie, sans compter le confort spartiate des voitures en sapin, trop basse, trop courte, sans lumière et sans air.
(5) Michel Chevalier était un défenseur d'une politique d'association autour de la Méditerranée et considérait les guerres en Europe comme des guerres civiles. La paix universelle devait triompher et le chemin de fer était pour lui un moyen pratique de réaliser cette union. Il était également défenseur des notions positives et d'une véritable politique industrielle. Sa vision du réseau à réaliser est consigner dans un ouvrage intitulé Système de la Méditerranée dans lequel il évoque une ligne partant du Havre à Marseille par Lyon et Paris et une autre de Paris à Bruxelles par Mons, etc. Il a imaginé également des tracés vers la Russie. le fond des idées se révéla comme d'une justesse surprenante.
(6) "Les chemins de fer présentent quelques avantages pour le transport des voyageurs, en tant que l'usage est limité au service de certaines lignes fort courtes, aboutissant à de grandes villes comme Paris".
(7)Voir son discours du 14 juin 1836 à la chambre des députés, l'occasion du vote de la loi sur le chemin de fer de Paris à Versailles dans lequel il expose une théorie sur la température dans les tunnels (en degrés Réaumur) qui entraînerait des pleurésies, fluxions de poitrine et des catarrhes. Théorie qui semble très éloignée du talent habituel du scientifique.
Sources :
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