Henry Giffard (1825-1882) - Inventeur
MAD
Henry Giffard a été rendu célèbre par quelques inventions comme la machine à vapeur à haute pression, l'injecteur d'eau dans les chaudières de locomotives et par ses diverses expériences en aéronautique, principalement dans le domaine des ballons propulsés à l'aide de la vapeur.
L'enfance
Né à Paris le 18 janvier 1825, il a suivi les cours du lycée Condorcet
dans les nombreuses pensions où ses parents l'avaient placé. Il habitait
Faubourg Poissonnière chez son grand père paternel. En 1837, une grande
émotion fut produite dans les esprits, avec la circulation du premier train à
vapeur sur la ligne de Paris à St Germain, (au Pecq plus précisément à
l'époque). Chaque jour une foule s'amassait le long de la tranchée des
Batignolles et le dimanche le chemin de fer était un véritable spectacle
qu'aucun parisien n'aurait manqué. Le jeune Giffard, âgé de douze ans,
fasciné par les locomotives venait admirer le spectacle des circulations et ses
maîtres le ramenaient au logis paternel en lui tirant l'oreille. Mais son
destin s'était forgé devant cette tranchée des Batignolles. Il venait voir
les locomotives parce qu'il voulait devenir ingénieur et en construire plus
tard.
Intelligent et écolier modèle, hormis ses escapades, il avait un esprit de
répartie et un cœur généreux.
L'École Centrale
- revers de fortune
En 1844, au
moment où devait s'effectuer sa rentrée dans cette pépinière d'ingénieurs
civils, la saisie de la maison familiale survint par suite d'un revers de
fortune. Cette catastrophe attrista profondément le jeune Henry dont la
carrière compromise fut réorientée par deux événements heureux.
Dessinateur de la
ligne de St Germain - Sur la machine
Dessinateur au talent confirmé, il maniait à merveille le tire-ligne,
l'équerre et le compas. Un de ses maîtres, qui l'avait remarqué, le fit
entrer au service des dessinateurs de la ligne Paris - St Germain. Il pût
suivre les cours de l'École Centrale grâce à la complicité de deux amis qui
lui procuraient notes et documents. Mais n'appartenant pas officiellement à ce
grand corps d'ingénieurs civils, Giffard resta toute sa vie un "isolé".
Il s'acquitta avec zèle des travaux qui lui étaient confiés et aurait fait
son chemin au sein de cette grande compagnie des frères Péreire qui
appréciaient sa valeur. Mais la bureaucratie ne devant pas être sa voie
naturelle, et sa passion pour la locomotive qui n'avait fait que croître, il se
lia naturellement avec des mécaniciens et ne tarda pas à sauter sur le
marchepied pour accéder à la plateforme des machines. "Chaque soir à
la sortie des ateliers, il se postait à un endroit convenu d'avance. En passant
devant lui, la locomotive ralentissait imperceptiblement sa marche. Prompt comme
l'éclair, Giffard sautait sur le marchepied. Pendant toute la durée du trajet,
il aidait, soit le mécanicien, soit le chauffeur". Au Pecq, on le
prenait tout naturellement pour un employé du chemin de fer.
Une grande idée germait dans l'imagination féconde du futur inventeur.
Observant le manque d'audace des ingénieurs en matière de pression dans les
chaudières des locomotives : "Le foyer qui produisait la vapeur n'avait
qu'une flamme languissante semblable à celle que l'on voit dans le foyer de nos
cuisinières lorsqu'elle font bouillir leur pot au feu", il s'acharna
au travail et il n'avait pas vingt huit ans lorsqu'il déposa son premier
brevet. "Son coup d'essai fut un coup de maître". L'inventeur
avait lancé l'industrie sur une voie nouvelle avec la création de la chaudière
à haute pression. " Il fallait prouver qu'on pouvait construire des
chaudières susceptibles de résister à une forte pression intérieure, et des
pistons assez étanches pour ne pas laisser fuir la vapeur qui possédait une
force d'expansion à laquelle on n'était point encore habitué".
Giffard se rendait parfaitement compte de la révolution industrielle qui était
en devenir.
Dans les année 1850, le docteur Leberdier qui s'intéressa aux ballons lui
demanda de construire un petit dirigeable à vapeur destiné à effectuer des
évolutions dans le jardin de son pavillon construit aux Champs-Elysées. Cette
maquette permit à Giffard de vendre son brevet et de l'appliquer
ultérieurement en se réservant le monopole de l'usage de son propulseur pour
la direction des ballons.
Beaux rêves -
voyages aériens.
Au
cours de cette période Giffard multiplie son activité. Il se fait affilier à
la Société aéronautique et météorologique de France et commence à activer
la construction de son dirigeable de 12 mètres "au fort" et 44
m de long et qui cube 2500 m3. Avec ce dirigeable, il entre dans la
troupe aérienne de l'Hippodrome. Après plusieurs essais au cours desquels il
améliore sans cesse son dirigeable, il tente cette ascension qui le rendit
célèbre, celle qui lui valut le nom de "Fulton de la navigation
aérienne". Le système de propulsion est réduit à ses éléments
essentiels : "une hélice de 3,5 mètres de diamètre poussée par un
arbre coudé qu'actionne un piston vertical mu par la vapeur sortant d'une
chaudière. Le foyer est à flamme renversée de manière qu'il est impossible
que le feu se communique au gaz qui sort de l'appendice". Giffard
raconte lui-même son exploit : "Le vent soufflait avec une assez grande
violence, je n'ai pas songé un seul instant à lutter. La force de la machine
ne me l'eût pas permis, cela était prévu d'avance et démontré par le
calcul, mais j'ai opéré avec le plus grand succès le mouvement circulaire et
de dérivation latérale". L'hélice a été activée pendant plus de
soixante minutes, le dirigeable s'élevant graduellement dans le ciel "à
une hauteur de 1500 mètres".
L'action
du gouvernail se faisait parfaitement sentir, ajoute Giffard. À
peine avais-je tiré une des deux cordes que je voyais immédiatement l’horizon
tournoyer, Je suis monté à une hauteur de 1500 mètres et j'ai pu m'y
maintenir horizontalement à l'aide d'un appareil que j’ai
imaginé. Cependant, la nuit approchant, je ne pouvais rester plus longtemps dans l’atmosphère. Craignant que le ballon n’arrivât à terre avec une certaine vitesse, je commençai à étouffer le feu avec du sable. J'ouvris tous les robinets de la chaudière, la vapeur s’écoula de toutes parts avec un fracas horrible. J’eus un instant la crainte qu'il ne se produisit quelque phénomène électrique et je me trouvai enveloppé d'un épais nuage qui ne me permettait plus de rien distinguer du tout. Ce délestage me fit monter et quand je pus lire mon baromètre, je me trouvais à 1800 mètres, au point culminant de ma trajectoire. Je m’occupai activement de regagner la terre, ce que je fis très heureusement dans la commune d’Elancourt. près de Trappes, Les habitants m'accueillirent avec le plus grand empressement et m’aidèrent même à dégonfler l’aérostat. A dix heures j'étais de retour à Paris et l'appareil n'a éprouvé que quelques avaries insignifiantes qui seront bientôt réparées. |
Comme on le voit la course se termina aux abords de la commune d'Elancourt près de Trappes, mais pas tout à fait volontairement.
Désespoir -
misère
La Compagnie du gaz de Passy refusa de délivrer du gaz pour les expériences de
l'administration de l'Hippodrome. Après avoir fait fortune, l'inventeur connu
une suite de déboires, d'abord avec la disparition de l'ami qui finançait les
expériences et frère de sa bien aimée.
Les machines à vapeur à haute pression et à grande vitesse avaient eu un
grand succès à l'exposition de Londres en 1852 et à celle universelle
de Paris en 1855, mais le nom de Giffard ne fut pas associé à celui du
constructeur. Il ne fit entendre aucune réclamation, mais en ressentit vivement
l'outrage.
L'invention de
l'injecteur - Procès en contrefaçon - Les millions
Dans sa détresse, il songea de nouveau à cette locomotive qu'il connaissait si
bien. A cette époque pour introduire de l'eau dans la chaudière, on avait
recours à une pompe que l'on appelait "Petit cheval". Giffard tourna
les ressources de son génie à lui substituer l'usage par l'injecteur. Mais
avant l'injecteur il substitua le petit cheval par une turbine à vapeur
entraînant une autre turbine fixée sur le même axe et plongeant dans un
réservoir rempli d'eau. La machine fonctionnait très bien jusqu'au jour où
une double hélice de la turbine est sortie de sa chape et l'injecteur marchait
toujours. La vapeur donnait à l'eau une force d'impulsion suffisante pour
qu'elle pénétra dans la chaudière. Nous étions en 1859. Controversé sur sa
découverte, ce fut M. Combes, membre de l'Académie des sciences et ingénieur
en chef des Mines qui expliqua "qu'une partie de la chaleur perdue par
le jet de vapeur utilisé par Giffard représentait l'énergie dépensée dans
l'effort exercé pour l'introduction d'une nouvelle quantité d'eau dans le
générateur".
Idylle - Un
tombeau - Dégoût de la fortune
Au milieu de la période la plus troublée de son existence Giffard avait
esquissé une idylle avec une jeune anglaise Miss Harisson. Retournée en
Angleterre, Giffard rejoint la famille quelques mois plus tard et apprend le
décès de celle en qui il avait fondé ses espoirs.
De retour en France il installe ses bureaux dans un immeuble de la rue Marignan
et loue trois ou quatre appartements dans différents quartiers dont un près du
Moulin Rouge, un des établissements les plus chers de Paris à cette époque.
Il ne quitte guère la capitale, à l'exception de Fontainebleau où il rend
visite à des amis.
Le travail d'ingénieur qui aurait pu être un délassement était au contraire
l'occasion d'un labeur incessant qui le fatiguait énormément.
Lui qui était né pour la vie de famille, adorant sa mère, n'en connu jamais
le bonheur. De plus la trahison de son cadet, Paul, qui avait usurpé son
écriture était toujours présente à son esprit et le cadet récidivait par
l'usage de son nom pour patronner l'invention d'une pile merveilleuse. Paul qui
n'avait pas de connaissances particulière en électricité ne vit pas la
supercherie révélée quelques mois plus tard. Henry fut affecté par
l'engagement à ses dépens de sa responsabilité morale. Poussant trop loin ses
scrupules en affaires, il était, même, prêt à payer une pension à son
frère pourvu que celui-ci s'abstint de faire des inventions.
De nouveau dans
les airs.
En
1855, Henry Giffard fait une nouvelle tentative de direction aérienne à vapeur
avec un ballon de 72 mètres de long, un diamètre de 12 mètres et cubant 2700
m3. Le coefficient d'allongement était porté à 7,2. Il
doubla la force du moteur et pris un aide avec lui. Lancé dans les airs, le
dirigeable s'inclina la pointe en l'air et la nacelle attachée par des cordages
glissa dangereusement vers l'arrière de l'aéronef. Giffard se précipita sur
la corde de soupape qu'il ouvrit en grand. Le ballon descendit rapidement, mais
n'interrompit pas le glissement de la nacelle qui tomba en chute libre. Giffard
entendit un immense craquement et le ballon se déchira en deux parties presque
égales au moment où Giffard fit un atterrissage brutal, mais sauveur dans un
spectacle prodigieux. L'arrière de l'aéronef tomba à terre, c'était un
simple sac vide. Au contraire l'avant bondit comme une bombe décrivant une
parabole et vint toucher terre à un demi kilomètre. Les deux navigateurs
gisèrent au milieu des débris de leur appareil et de charbons encore allumés.
Giffard apprit qu'il ne fallait pas jouer avec la stabilité d'un dirigeable.
Derniers travail
d'Henry Giffard pour la conquête de l'air
Conscient de l'importance d'entreprendre l'étude systématique de chaque
organe du navire aérien, et que le point de vue statique précède le point de
vue dynamique, il se consacre aux ballons captifs à vapeur dans lesquels il
engloutit des sommes immenses. Rendu soupçonneux auprès des établissements
bancaires, il préférait placer son argent dans ses expériences. Et puis ses
travaux ne lui laissaient pas le temps de d'occuper de ses capitaux.
Les ballons captifs d'Henry Giffard ont été créés dans une grande industrie
exercée exclusivement par les aéronautes français. Le premier captif paru au
Champs de Mars, à l'exposition universelle de 1867. Il cubait 6000 mètres et
était avec le "Géant" le plus gros ballon connu. Il attira, à un
degré incroyable, l'attention du public. Deux ans plus tard, Giffard envoya à
Londres un captif dont le cubage avait doublé.
Pendant la guerre de 1870, il partit en province et erra de départements en
départements sans jamais révéler son identité, étranger et
indifférent à tout ce qui se passait autour de lui, mais déplorant les fautes
qu'il voyait en matière d'aéronautique.
L'exposition de 1878 fut l'explosion du triomphe de Giffard. Le ballon de la
cour des Tuileries fut considéré comme la plus belle merveille de cette "grande
foire du monde". Au sommet de sa carrière, l'inventeur ambitionnait la
Légion d'Honneur, mais sa timidité l'empêchait d'en faire la démarche. Il
continua ses expériences aériennes en perfectionnant les ballons, étoffes,
filins, nacelles, l'art de manier les masses immenses, etc. et s'épuisa ainsi.
Il poursuivait avec un légitime orgueil une satisfaction d'amour propre
personnel et d'honneur national, regrettant que les militaires n'aient pas fait
appel à son génie. Généreux, il abandonnait à ses employés une large part
de ses recettes en plus de leurs appointements. Il trouvait la machine à vapeur
trop lourde pour la propulsion des ballons et sembla regretter la proposition
d'Eugène Farcot recommandant d'adapter un moteur à explosion, mais Giffard ne
pouvait pas "abandonner sa machine à vapeur".
Il y aurait un volume intéressant à écrire sur ses travaux dont tous ont
été conservés.
Ses idées - sa
mort
Des troubles de la vision survinrent et lui perturbèrent l'esprit au point
qu'il se décida à chercher un refuge dans une mort qu'il croyait avoir le
droit d'appeler à son secours et qu'il s'appliqua à rendre aussi douce et
aussi facile que possible. L'agonie morale d'un grand esprit s'isolant du monde
pour se préparer à la tombe a été longue, douloureuse et passionnante. La
catastrophe arriva le 2 avril de l'année 1882. L'homme qui avait raisonné tout
au long de sa vie avait aussi raisonné sa mort par la plus lamentable folie en
déjouant la surveillance de ceux qui l'entouraient des soins les plus
affectueux.
Par testament déposé devant notaire depuis une quinzaine d'années,
l'inventeur Henry Giffard légua à l'État toute sa fortune dont le total
dépassait 8 millions de francs, les autres legs à l'endroit de ses amis leur
étant remis par la haute autorité. Le reste fut réparti à des œuvres de
bienfaisance et de progrès humanitaire. Son frère Paul reçu une rente
viagère.
Wilfrid de Fontvieille qui fut son ami et son confident relata la vie de l'inventeur dans le numéro 646 du 26 février 1905 de la revue "Les Contemporains". La bibliographie abondante sur la vie et l'œuvre de Henry Giffard donne des informations et des détails sur l'homme d'exception dont le génie, au service de l'aéronautique balbutiante de cette première moitié du 19ème siècle, a été salué par ses contemporains.
Notes manuscrites de
Monsieur Carivenc page1, page
2 sur Henry Giffard.
Ces notes sont archivées au Musée de la Batellerie de Conflans Sainte
Honorine.
Bibliographie
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