Le carnet du CFC

Les chemins de fer vicinaux belges dans les années 30 1/2

MAD

La particularité des chemins de fer secondaires belges a toujours été aux mains d’une unique société : la Société Nationale des Chemins de fer Vicinaux. Alors qu’en France, les secondaires ont plus ou moins bien résistés à la crise économique, des années trente, à l’évolution rapide des moyens de transport et à la concurrence pas toujours réglementée des transports routiers, en Belgique ils ont pu conservé une situation satisfaisante.


Premier type de locomotive à vapeur de 15 tonnes.

Le mode de fonctionnement de la SNCV a été créé en 1884 alors que le réseau grandes lignes développait déjà 4417 kilomètres de voies ferrées. Poussé par l’agriculture et l’industrie, l’urgente nécessité était de construire un réseau secondaire dense pour répondre aux besoins du pays indépendamment de tout esprit lucratif en terme de gestion. « C’est l’organisation d’un service public dans un intérêt public, à des corps publics » (1). Service désintéressé de l’intérêt général et esprit de mutualité sous-tendent cette création avec comme objectif d’aider l’agriculture et l’industrie en mettant à leur disposition un moyen de transport réellement économique. Le service se devait de relier par voies ferrées les parties suburbaines et rurales aux grands centres industriels en tirant de leur isolement les régions défavorisées (topographie, démographie).

[1] Ministre Graux, ardent défenseur de la loi de 1884 sur les chemins de fer vicinaux


Type de train à vapeur des chemins de fer vicinaux belges avant la guerre.

En 1937 le réseau se répartissait de la manière suivante :
- lignes électriques 1428 Km
- lignes d’autobus 3300 Km
- lignes vicinales 3395 km

Il est clair que l’entreprise privée n’aurait pu envisager les choses avec le désintéressement nécessaire. Seule une coopérative de pouvoirs publics était capable de participer ainsi à l’essor du pays. 
Juridiquement la SNCV a été créée par une loi et est investie d’un monopole de fait. Sa durée est illimitée. L’état étant le principal actionnaire, sa dissolution ne peut être que prononcée qu’en vertu d’une loi.
La construction a nécessité des capitaux souscrits grâce à l’émission d’emprunts garantis par l’état. Le rendement des meilleures lignes compensant les pertes des moins bonnes. Le principe de mutualité entre toutes les lignes permet de couvrir les pertes éventuelles sur l’exploitation des lignes médiocres établies dans des régions déshéritées


Locomotive à vapeur de 29 tonnes type 1912

Administrativement, la SNVC est une structure décentralisée et autonome ce qui lui permet d’échapper aux influences politiques et lui assure les qualités d’initiative et de vitalité propres aux sociétés privées. Néanmoins sa dépendance vis à vis de l’état est totale et les interventions du pouvoir sont multiples (accords de concessions, révision de tarifs, etc.).

De 1884 à 1934.

Ancien type de train électrique 1893 amélioré ensuite, aspect en 1897 Un des premier type de motrice électrique à deux essieux, 1896 

Dès 1885 deux lignes sont en exploitation, dix ans plus tard il y en a 62 soit un total de 1250 km. Mentionnons que dès 1894 une ligne est à traction électrique sur un assez long parcours. En 1904 le réseau comprend 2536 Km en exploitation dont 97 Km exploités avec la traction électrique. De son côté le réseau vapeur s’accroît considérablement, ne prenant pas ombrage de la traction électrique. Il passe de 2439 Km à 3826 Km de 1904 à 1913. Au moment où éclate la guerre, 4094 Km de ligne sont en exploitation, 159 Km en construction et 638 restant à construire. De plus, la guerre allait mettre fin à une situation économiquement prospère.

Voiture voyageur à plate-forme.  Locomotive Garratt (60 tonnes) dans l’esprit bi-cabine.


Dernier type de voiture à voyageur 1912. 

Les difficultés depuis 1914

Les lignes de la SNCV furent aussitôt utilisées par la population, le grand chemin de fer étant lui investi par les troupes allemandes. Cette période voit le démontage progressif des lignes seuls 1365 Km restent sur les 4095 Km exploités. Paradoxalement le trafic augmente, faisant augmenter aussi les recettes. 


Wagon plat de 40 tonnes sur deux trucks à voie métrique.


Wagon de 20 tonnes à voie normale sur truck porteur à voie métrique.

Après la guerre, la première tâche fut de reconstruire le réseau détruit. En deux ans, 2236 Km de voie furent reconstruites. Le renchérissement du coût d’exploitation atteignait 300 à 400 % et rendait intenable la position des sociétés fermières qui abandonnèrent la partie, si bien que fin 1922, la société nationale du s’organiser pour exploiter elle-même 3515 Km dans des conditions tout à fait défavorables, 780 Km de ligne restaient affermées.
En 1927, année de la stabilisation monétaire, le réseau obtint des pouvoirs publics des souscription pour l’électrification, le remplacement des locomotives à vapeur par des automotrices sur les lignes à faible trafic. En 1931, la crise économique enraya l’effort des actionnaires et la concurrence routière vient encore aggraver la situation. Dès 1927, 473 demandes d’autorisation d’établir des lignes d’autobus représentaient 7736 Km. La Société nationale s’adapta, exploitant elle-même ces lignes avec des autobus
.

La modernisation des réseaux


Dernier type de motrice à bogies Construction métallique. Ces motrices étaient principalement utilisées sur les lignes du groupe Hainault (Mons-Charleroi).

La modernisation des réseaux a en partie atténué les pertes importantes subies par le réseau vicinal. A l’effort financier de 1929, correspondit un effort de construction qui se traduisit par la substitution de la traction électrique à la traction à vapeur (1930-32), si bien qu’en 1934, 1227 Km de lignes électriques étaient en exploitation. Les 3500 Km de lignes à vapeur allaient voir circuler des automotrices dont un premier essai eut lieu en 1910 (expérience prématurée qui ne donna pas satisfaction). Elle reprit en 1921-22 avec des autorails à moteur à essence qui n’étaient en fait que des autobus sur rails dérivés de l’industrie automobile. La vitesse commerciale a ainsi doublé et les voyageurs y trouvent plus de confort.

Les voitures électriques


Automotrice électrique des lignes de la côte belge

Construites en Belgique, la plus part sont des voitures métalliques à bogies, avec garnissage intérieur en bois de teck. La largeur des baies munies de glace de sécurité, l’aménagement des sièges disposés transversalement, le chauffage électrique, la capacité des plates-formes contribuent à donner aux voyageurs un maximum de commodité.

Une rame de la SNCV devant la gare d’Ostende Une rame de la ligne « La Panne-Le Zoute ». Les motrices à bogies

Elles ont une longueur hors tout de 13,420 m et une largeur de 2,4m ce qui permet l’installation de quatre sièges de front. L’entr’axe des bogies est 6,2 m et l’empattement du bogie est de 1,9 m pour un diamètre au roulement de 660 mm. Le nombre de places est de 78 pour 30 assises. Le poids total d’une motrice est de 18,750 t et elles sont équipées de quatre moteurs de 65 Cv qui leur permet d’atteindre une vitesse de 75-80 Km/h, vitesse peu diminuée par la traction d’une remorque. 

Les motrices à deux essieux


Dernier type d’automotrice à essieux. Deux postes de conduite, carrosserie métallique.

Elles ont une longueur de 10,446 m et une largeur de caisse de 2,20m L’empattement de 3,20 m a été choisi le plus grand possible, compte tenu des rayons de courbe de 18 m et ceci grâce à un diamètre de roulement de 720 mm. La capacité est de 42 voyageurs pour 24 places assises. Le poids à vide est de 14,580 tonnes. Ces motrices sont équipées de deux moteurs auto-ventilés d’une puissance de 68 Cv et la vitesse en pallier est de 65 km/h. Elles sont équipées d’un frein électro-oléo-pneumatique du système Pieper et du frein à main.

De 1927 à 1937 ont été commandées :
- 149 motrices à deux essieux
- 358 motrices à bogies dont 59 proviennent de remorques transformées.
- 12 remorques à essieux
- 3 remorques à bogies

Les automotrices


Automotrice diesel à transmission mécanique à bogies. Deux postes de conduite. Construction métallique.

Elles ont été accueillies avec enthousiasme par le public. Au nombre de 250, elles étaient en service sur l’ensemble du réseau soit 3500 Km environ jusqu’en 1934 le moteur était à essence. A partir de cette date un moteur à huile lourde (diesel) équipa les 100 autres engins qui restaient à construire. L’économie réalisée 75 centimes par kilomètre(2). Avec une caisse métallique, revêtue de tôles d’aluminium, l’aspect extérieur est assez élégant. Le garnissage intérieur est en kambala[3].

[2] 90 centimes pour l’essence, 15 centimes pour le gas-oil
[
3] bois du Congo


Intérieur d’une automotrice électrique des lignes de la côte belge.

Un éclairage est assuré par une dynamo qui alimente une batterie de 24 volts. La chauffage est obtenu par l’utilisation du gaz d’échappement. Les sièges sont disposés transversalement et les glaces de grandes dimensions permettent une excellente visibilité.

longueur totale 9,50 m
largeur  2,32 m
empattement  3,75 m
diamètre des roues  620 mm
poids à vide 10t
nombre de places assises 24

Les plates-formes sont entièrement fermées et munies de portes roulantes.
Ces automotrices sont équipées d’un moteur à essence de 95 Cv à 2000 t/m ou 100 Cv à 2400 t/m., soit un moteur à huile lourde de 98 Cv à 1600 t/m. ou 103 Cv à 1700 t/m. Certaines sont équipées du moteur Diesel-Brossel. Des radiateurs placés sur la toiture assurent le refroidissement. La transmission comporte un embrayage à double plateau, une boîte de vitesse avec changement de marche. Un différentiel assure l’indépendance des deux essieux.
Ces automotrices sont capables de tracter une ou deux remorques sur des lignes accidentées tant en rayon de courbure qu’en rampe. Leur vitesse commerciale est de 30 Km/h et peuvent atteindre 70 Km/h
(4)
Des freins électromagnétiques, automatiques et continus sont complétés par un frein manuel.
Une automotrice Diesel à bogie a été construite à titre d’essai avec deux moteurs Diesel-Brossel de 9,4 litres à 6 cylindres sur chaque bogie soit une puissance de 130 Cv à 1800 t/m, transmission mécanique, diamètre des roues 600 mm, empattement des bogies 1,6 m.

Amélioration des voies

La modernisation du réseau s’est étendue aux voies, ce qui a permis d’augmenter la vitesse. Des rails de 32 Kg/m ont remplacé ceux de 23 Kg/m. Dans les sections de voie en pavage, du rail à gorge de 49 Kg/m a remplacé celui de 45 Kg/m. Des rails plus lourds ont été posés dans les courbes de faible rayon. La rigidité de la voie a été renforcée par le doublement des tringles. De plus les rails ont été soudés entre eux. Les aiguillages en pavage sont en rails en acier coulé au manganèse ou au chrome-nikel qui ont une dureté de 100 à 105 kg(5). Le bitume s’est substitué au pavage au fur et à mesure. 

[4] soit deux fois plus rapide que la traction vapeur.
[
5] Les rails en acier ordinaire ont une dureté de 70 kg.

Equipement électrique

Les prises de courant anciennes ont été remplacées par des pantographes partout où cela a été possible (surtout hors des agglomérations où les tramways urbains utilisent le trolley). Les conditions d’alimentation ont elles aussi été améliorées 500, 550, 600 volts) et les lignes ont été dotées d’une signalisation à feux répétiteurs. Des sous-stations équipées de fonctionnement automatique, munies de redresseurs à vapeur de mercure et à ampoules de verre. En 1933, 49 sous-stations comportant 86 groupes convertisseurs représentaient 36000 KW.

Sources : Transports N°33 juin 1937 et 34 juillet 1937 d’après une conférence donnée à l’Association des Amis des Chemins de fer par M. Léon Jacobs, Directeur général des CVB.

Page precedente