Caen - Le Havre en vapeur
Marc André Dubout
La récente
exposition "Laissez-vous
transporter, Bateaux, petits trains et autocars dans le Calvados"
nous rappelle que la vapeur s'est substituée à la voile pour le cabotage entre
les villes du Havre, Honfleur, Trouville et Caen suivant de près l'utilisation
de ce mode de propulsion dans l'estuaire de la Seine (1818).
Le canal de
redressement de l'Orne commencé en 1764 entre Clopée (Mondeville),et Caen est
ouvert à la navigation en 1780.
Un projet de canal latéral partant d'un
bassin dans les jardins de Courtonne et débouchant par une écluse à sas à
l'intérieur de la pointe du Siège est présenté en 1836 et accepté l'année
suivante. Les travaux de percement du canal de Caen à la mer commencent en 1844,
la nouvelle voie d'eau est ouverte officiellement en 1857et inaugurée par
Napoléon III, le 23 août de la même année.
Au tout début du
XIXè Siècle les routes et chemins étaient décourageants pour leurs
utilisateurs, aussi le transport par mer rencontrait un notable succès auprès
des voyageurs qui devaient se rendre d'une ville côtière à une autre, desservie
par bateau, à voile (il fallait entre deux et six heures pour se rendre du
Havre à Honfleur) puis par bateaux à vapeur à partir de 1820. Le trafic
voyageurs et fret au départ de Caen se développe sérieusement au XIXe
siècle.
Le premier bateau à vapeur à assurer cette traversée était le
Triton 1 équipé d'une machine
anglaise et mu par des roues à aubes comme cela était courant en ce début de
siècle.
Le paquebot 'Rapide" qui assurait la traversée Le Havre-de-Grâce—Honfleur. Un autre paquebot la "Gazelle "assurait également ce service. |
Entre 1835 et 1939, des bateaux à vapeur font la liaison entre Caen (quai de
Juillet, puis bassin Saint-Pierre à partir de 1910) et Le Havre (bassin
Notre-Dame). La première ligne mise en service sur la liaison Caen—Le Havre en
1837 possède deux vapeurs : l'Émile
Deschamps 2
et l'Adolphe Leprince 3 (1944). Le premier est
réquisitionné en 1939 et le service est suspendu.
Tous deux sont remplacés
par un petit steamer durant l'entre deux guerres et jusqu'à la fermeture de la
ligne en 1939.
Au début de l'exploitation, les navires remontaient l'Orne
jusqu'à l'embarcadère établi sur le quai de Juillet. En 1910, un barrage est
érigé sur l'estuaire de l'Orne et mis en service en 1912 pour pallier les
inondations et sur-éléver les eaux du port. Bien que construit en 1857, la
navigation sur le canal de l'Orne 4
ne s'effectue qu'à compter du 1er octobre 1910.
À partir des
années 1890, des services de paquebots réguliers sont ouverts entre Caen et
l'Angleterre pour le transport des marchandises et des voyageurs : vers
Littlehampton (Sussex de l'Ouest) et vers Londres via Newhaven en 1893,
vers Manchester en 1895.
Le premier bateau a avoir fait la traversée de la
Manche de Londres à Paris était l'Élise. C'était exactement le 30
mars 1816 "premier navire sans voile, équipé de roues à aubes, crachant la
fumée noire de son moteur à vapeur. Cet engin bizarre venait de Londres et
remontait jusqu'à Paris où il recevra un accueil triomphal alors que, le long
des rives, de Honfleur à Paris, les villages sonnaient le tocsin au passage de
"cette pompe à feu" qui faisait peur aux vaches qui n'avaient pas encore vu
passer de train, mais cela viendra vite".
Les bateaux
Les bateaux tous à vapeur étaient mus par
des roues à aubes.
En 1850 La Compagnie Findago (ou Pingado) exploite cinq bateaux, Le Furet, le Cygne, l'Orne, La Manche et le Normandie.
Deux autres bateaux à vapeur le Calvados et la Neustie ont servi à la liaison Le Havre—Caen :
Le 31 Octobre 1852, la Compagnie des bateaux à vapeur de Caen au Havre met en
service un 4ème bateau "La
Ligne" qui s'ajoute au "Calvados", "Neustrie" et "Orne".
À propos du Calvados et à travers ce paquebot,
la Compagnie des bateaux de Caen au Havre est inculpée de contravention pour
avoir transporté des voyageurs et des marchandises sans les avoir déclarés aux
Contributions indirectes.
Mer ou rivière ? Les voitures d'eau sont comme
celles de terre assujetties à une taxe (l'impôt du dixième),correspondant au
dixième du prix des places. Cet impôt s'applique à la communication entre les
divers points reliés par les fleuves et rivières et canaux sans pour autant
s'étendre à celle des ports de mer qui, eux, relèvent de la navigation
maritime.
Alors, navigation fluviale ou navigation maritime pour se
rendre de Caen au Havre ? That is the question, sachant que trois quarts
du voyage relèvent de la mer contre un quart seulement de la rivière et que
la Compagnie des bateaux de Caen au Havre a payé sa contribution au
service des Douanes pour le service maritime dont dépend administrativement le
Calvados depuis sa mise en
activité.
De plus comme les autres bateaux de la Compagnie, le Calvados ne
dessert aucun point sur la partie rivière
Recueil critique de jurisprudence et de
législation
Les Affaires relatives à des permis de navigation : procès-verbaux de visite de la commission de surveillance des bateaux à vapeur, date de visite de la commission : 16 novembre 1857 font apparaître deux bateaux appartenant à Mrs Souberberbielle et Cie, port du Havre :
(Archives nationales (Paris) F/14/4229 à 4232 Permis de
navigation -,page 42).
http://www.archivesnationales.culture.gouv.fr/chan/chan/fonds/edi/sm/sm_pdf/F14_4229-4232.pdf
D'après Atlas de l'estuaire de la Seine 5
, une statistique réalisée sur 20 années d’exploitation, entre 1863 et 1882,
fait apparaître le transport de 3 millions de personnes sur la ligne Le
Havre-Honfleur, 700 000 sur celle de Trouville et de 400 000 sur celle de Caen
!
Cette liaison entre Le Havre et Caen a été pour Le Havre une source
d'apport de population importante qui a largement contribué au développement
économique de la ville sans compter les échanges fructueux de marchandises
diverses qui enrichit Caen et sa région.
Le Ville du Havre est
un caboteur à vapeur construit en 1893 jaugeant 98 tonneaux battant pavillon
français et commandé par le
capitaine Esnol. Ce navire navigue en Manche entre les ports de
Boulogne, Le Havre et Caen.
Le 23 octobre 1905, le Ville du Havre
appareille de Saint-Malo en direction de Dunkerque et s'échoue sur le récif de
la Foraine l'approche du cap de la Hague.
Dans l'article sur " Jean-Marie Olivier matelot léger" 6
on apprend que ledit matelot, après une expérience transatlantique retourne au
cabotage pour le compte de la Compagnie Normande de Navigation 7sur
la ligne Caen—Le Havre.
Il embarque le 10 janvier 1910 sur le vapeur les
Deux Frères, puis le 3
mars 1910 sur la Fernande,
il débarque le 6 février 1910.
Le service dans les textes
En 1837, la "Société des Paquebots à vapeur entre le havre et Caen"
est autorisée pour l'établissement d'une ligne de bateaux à vapeur entre
les villes su Havre et Caen pour le transport des passagers et des marchandises
et le remorquage des navires et de chalands. La durée de la société est fixée à
quinze annéeset pourra être dissoute avant cette époque etc.
En 1859, deux fois par semaine des bateaux à vapeur partent (de Caen) pour le Havre et des voitures publiques se dirigent chaque jour vers Avranches, Carentan, St Lô, Grandville et Villedieu.
1859 Caen est en communication quotidienne avec Le Havre par un service de bateaux à vapeur pour les passagers et les marchandises... etc.
En 1868, des bateaux à vapeur (service quotidien) mettent le Havre en
communication avec Honfleur (R. 158), Trouville (R. 157) et Caen (R.
148).
Le voyage
Joseph Morlent 8
dans son ouvrage Promenade maritime du Havre à Caen (1844) nous
donne plus une idée du voyage du Havre à Caen que du bateau et de son aspect
technique.
Déjà les trois coups de cloche ont tinté : la vapeur s’échappe avec un sifflement aigu du long tube métallique qui l’enserre, et, bruyante, elle s’épand en nuage blanchâtre et retombe en rosée sur l’avant ou sur l’arrière du bateau, selon la direction du vent qui doit favoriser ou retarder notre promenade maritime. Le quai se pare d’une triple rangée de curieux qui viennent saluer notre départ : là se dit le dernier adieu, là se pressent des mains amies..... mais les ailes rapides du Calvados sont en mouvement : elles ont déplacé notre navire, et ces mots : bon voyage, écris-moi, écrivez-moi ; se croisent et se perdent dans l’air au milieu du tumulte : déjà l’absence a commencé ; la parole est impuissante à faire entendre les derniers témoignages d’amitié, d’affection ou de politesse ; c’est le geste qui la remplace, tandis que, rapidement fugitive, la machine impitoyable emporte le navire qui,
Tourne et nage dans l’écume,
En traînant sur les
eaux son panache de brume.
Et demain ?
Un projet de réouverture de ligne
fluvio-maritime entre Le Havre, Honfleur, Trouville et Deauville risque
d'émerger. Le projet est porté par des élus de l'estuaire et confié à l'Agence
d'urbanisme de la région havraise (AURH). Une étude est en cours de réalisation.
Les habitants et vacanciers sont preneurs d'un tel projet qui permettrait de
donner l'envie "d'aller plus souvent vers ces villes". En effet la rapidité, la
simplicité et plaisir du trajet sont des atouts pour cette réalisation.
Et
pourquoi pas la création d'un un « Pass'Estuaire » avec visite des musées
de chacune de ces villes riches en histoire locale.
Si la route a
laissé tomber en désuétude ce mode de transport, ce dernier pourrait bien
reprendre sa revanche.
Notes :
Sources :
Sites :
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