Images de la ligne

La ligne Rueil-Gare—Port-Marly devenue Paris—St Germain-en-Laye puis ligne 58
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Marc André Dubout

La ligne bien connue du Paris—St Germain est une extension de la ligne initiale de Rueil-Gare à Port-Marly concédée en 1854 au Vicomte de Mazenod et mise en service un an plus tard. L'objectif était de relier Port-Marly au Chemin de fer de l'Ouest pour ensuite accéder à la capitale.

Le chemin de fer américain du Vicomte de Mazenod

Le tramway américain
Le tramway américain était à traction hippomobile et succédait ainsi aux voitures sur route tirées par des
chevaux.
La ligne partait de l'actuelle gare de Rueil (sud) où était installé un dépôt-remise pour les chevaux, gagnait le bourg de Rueil (aujourd'hui Rueil-Ville) en site propre et suivait la Route de St Germain (ex. Nationale 13) en son axe. Elle passait par le hameau de la Jonchère, puis Bougival et avait son terminus à Port-Marly, en bord de Seine.
La voie unique était à l'écartement de 1,52 m.
1 et la longueur de la ligne était de 6,3 Km. La traction était hippomobile et les chevaux tiraient chacun une voiture de 5,40 m. pouvant accueillir 16 voyageurs dont 12 assis. La durée du trajet était de 45 minutes et le tarif anormalement bas entraîna l'abandon de l'exploitation par son créateur.
En 1860, c'est le Sieur Proust qui reprit l'exploitation en augmentant les tarifs de manière à couvrir les dépenses. La guerre de 1870 détruisit en partie la ligne qui fut reconstruite à voie normale en 1872 par le Sieur Tarbé des Sablons qui introduisit pour la première fois des locomotives à vapeur sur cette ligne historique.
Le tramway de Rueil à Port-Marly était la deuxième ligne de ce type en France.

Dimanche 26 mars 1854, Monsieur le maire de Rueil donne lecture d'une lettre de M. le Vicomte de Mazenod qui demande à être appuyé le conseil dans le projet  qu'il a formé d'établir de la station de Rueil  à Bougival sur le chemin n°39 et sur la route impériale n°13, un chemin de fer selon le système Loubat et servi par des chevaux.

Le rapport concerne un chemin de fer secondaire sur le bas côté des routes impériale et départementale de la station de Rueil à Marly-le-Roi par le système Loubat. Convaincu des avantages du chemin de fer système Loubat, Monsieur Mazenod propriétaire de Vert-Bois a l'intention de créer une société par actions afin de mettre son projet à exécution. Monsieur Loubat, dont le chemin de fer installé aux Champs Élysée a reçu la marque de confiance du Gouvernement, a récemment reçu l'autorisation d'ouvrir une ligne de Sèvres à Vincennes, en conséquence de quoi Monsieur Mazenod se bornera à en indiquer le tracé et montrer le rapport avantageux pour les différentes localités desservies. L'intérêt du "rail creux à fleur de terre" ne gênera nullement la circulation dans les chaussées étroites, là où le chemin de fer ordinaire nécessiterait la démolition d'une foule de maisons. 
M. Mazenod s'est entendu avec M. Loubat qui lui a cédé le droit d'appliquer son système de rail  et avec la compagnie du Chemin de fer de St Germain qui a grand intérêt à faciliter son projet qui amènerait des voyageurs en gare de Rueil.
Le tracé cité dans ce rapport part de la station de Rueil, dessert Rueil-Ville, Bougival, La Celle St Cloud, Louveciennes, Port Marly. 
Il remplacera ainsi les omnibus du Chemin de fer de St Germain qui ne suffisent pas aux besoins des localités. Le système Loubat offre incontestablement plus de confort, une vitesse supérieure à celle des omnibus.
Le Conseil à l'unanimité engage M. Mazenod à construire son chemin de fer après avoir rempli les formalités voulues. 


Détail du rapport 
Archives municipales de Rueil-Malmaison

"Le 15 juillet 1854 un décret impérial autorisait le Vicomte de Mazenod à placer sur la voie publique entre la station de Rueil (Chemin de fer de Paris à St Germain) et Port-Marly, en suivant le tracé qui serait fixé par l'Administration, des voies ferrées desservies par des chevaux et à y établir un service d'omnibus, le tout aux clauses et conditions du cahier des charges arrêté le 14 juillet précédent par le Ministre de l'Agriculture, du Commerce et des Travaux Publics".

La création du chemin de fer de Paris à Saint-Germain en 1837 entraîna l'abandon de quelques services de transport entre Paris et Saint-Germain. Ainsi la circulation des Berlines remplacée par le service des Accélérées ne propose plus que trois voyages quotidien. Alors quoi de mieux que d'établir une ligne, pourquoi pas ferrée, de Rueil (la gare la plus proche) à Bougival et Port-Marly pour compenser cette insuffisance.

C'est donc à cette date que commence la construction du chemin de fer dit "Américain" de Rueil au Port-Marly décrit dans les 35 articles du cahier des charges. Il est écrit que la voie sera simple (unique) à l'exception des localités où il sera nécessaire de construire des gares d'évitement. Le détail de la construction (largeurs de l'emprise, position des bouches d'égout, position des conduites d'eau et de gaz, etc.) sera déterminé par l'Administration. Les trottoirs et chaussées empierrées seront aux frais du concessionnaire qui sera tenu d'établir toujours à ses frais les écoulements d'eau qui seraient entraver par les travaux. Concernant les voitures qui servent au transport des personnes, elles seront de deux classes dont les mesures seront arrêtées par l'Administration. La durée de la concession est de trente années à dater de l'achèvement des travaux et le prix des places est également validé par l'Administration.

Les bagages et paquets susceptibles d'être portés et dont le poids n'excéderait pas dix kilos seront admis, les autres seraient soumis à un tarif fixé par l'Administration.
Le concessionnaire s'engage à transporter les voyageurs avec soin, exactitude et célérité et pour cela entretenir un nombre de voitures et de chevaux suffisant pour assurer le service. Aucune indemnité ne pourra être réclamée par le concessionnaire, ni à raison des dommages que pourrait entraîner un roulage ordinaire, ni à raison de l'état de la chaussée, ni à raison de l'ouverture de nouvelles voies de communication. En cas de défaillance de l'exploitation l'Administration pourra se substituer au concessionnaire et à ses propres frais. Enfin la déchéance pourrait intervenir au delà d'un délai de trois jours d'interruption si le concessionnaire ne justifie pas l'arrêt d'exploitation. En cas de litige entre le concessionnaire et l'Administration, c'est le Conseil de la Préfecture du Département de Seine & Oise qui trancherait sauf recours au Conseil d'État.

Une délibération du Conseil Municipal en date du 26 mars 1854 fait état d'un projet d'embranchement à l'église de Rueil. Cet embranchement aurait pris naissance au niveau de la rue Maurepas que la voie suivrait jusqu'au tournant de la rue St Denis (aujourd'hui Paul Vaillant Couturier) qui devra être élargie. Le plan du tracé dans l'intérieur de Rueil était adressé par une lettre du 18 mai 1855. Le projet a été abandonné et la raison donnée fut l'impossibilité de stationner et faire tourner les voitures longues de six mètres. De plus la courbe de la rue St Denis était trop serrée. Un autre tracé par le boulevard du Cimetière et la rue St Pierre fut également abandonné. Mais ne s'agissait-il pas davantage de convenances que de besoins de communication ? 
De Rueil à Bois Préau M. Mazenod proposait d'établir la voie sur l'accotement gauche de la route impériale mais le maire repoussa cette proposition arguant que les propriétés bâties le long de la route impériale étaient situées sur le côté gauche, côté où aboutissent le plus grand nombre de routes et de chemins dont deux importantes : la route n°19 de St Cloud à Rueil et celle de Versailles à Bougival. Placée sur le côté droit la voie serait moins exposée aux accidents. C'est ce qui fut réalisé

Le 18 mai 1855, M. Leblanc envoie une lettre au Maire de Rueil concernant le tracé à l'intérieur de la commune abandonnant le premier projet de rejoindre la place de l'église en suivant la rue Maurepas jusqu'au carrefour de la rue St Denis (aujourd'hui rue Vaillant Couturier) trop exiguë pour pouvoir stationner et tourner les voitures de six mètres de longueur. Aussi propose-t-il un nouveau tracé par le boulevard du Cimetière jusqu'à la rue Saint Pierre. Le conseil maintient la première décision de faire atteindre la place de l'église comme les voitures de l'omnibus le faisaient mais, en attendant, la station de chemin de fer restera en place sur la route de Paris (n°13) au coin du chemin n°39 (avenue Albert Premier). 

Quant à l'exploitation, elle a fait l'objet de maintes plaintes et réclamations de la part des usagers de la ligne, presque toutes se rapportant au territoire de Rueil. Il s'agissait du prix des places, du nombre insuffisant de voitures et leur mauvais état, ce qui obligea les administrations municipale et préfectorale à intervenir de façon répétée.
Quelques exemples de réclamations

Les rappels à l'ordre de la préfecture arrivent dans le bureau de la compagnie, allant du remplacement des stores à l'intérieur des voitures au rechargement de la chaussée dans l'entre-voie sur la route impériale n°13 en passant par le recrutement de "cochers sobres et assez habiles pour éviter les déraillements". Enfin de réparer la station de Rueil-Gare et tenir en bon état les abris et stations.

Et les déraillements

À en croire certains rapports circonstanciés, les déraillements n'étaient pas rares sans doute parce que les rails étaient fixés sur des longerines non entretoisées et aussi à cause de l'absence d'éclisses reliant les rails.  Si dans les mines les déraillements avaient lieu ce n'était pas grave, on re-enraillait et le service continuait mais concernant une exploitation voyageurs, cela faisait plutôt mauvaise impression.
Ainsi ce rapport du 20 juin 1857 rédigé par le commissaire Blondeau de Rueil constatant le déraillement d'une petite voiture faisant le service du transport des voyageurs sur le chemin de grande communication n°39 (aujourd'hui, avenue Albert 1er). La voiture s'est replacée elle-même sur la voie et a continué sa route.
Les déraillements étaient parfois volontaires ; ainsi on déraillait une voiture pour en laisser passer une autre en sens inverse. Un évitement sans rails en quelque sorte. "Deux de ces voitures, l'une partant de la station avec des voyageurs et se dirigeant sur Rueil, et l'autre partant du bureau pour se rendre à la station sur la même voie, cette dernière a dû dérailler pour livrer passage à la première". La perte de temps a été rattrapée le conducteur "a laissé ses chevaux aller à une allure très vive". Malheureusement cette dernière a déraillé et s'est dirigée sur un arbre qui l'a retenue et empêchée de verser. La violence du choc a brisé une grosse branche et abîmé le tronc sur toute sa hauteur. Conséquence : "les voyageurs ont été obligés de continuer la route à pied... et ont manqué le train". Et ça continue : "Deux heures plus tard cette même voiture partant du bureau (Rueil-Gare) s'est à nouveau déraillée et s'est lancée contre l'angle du mur d'une maison puis s'est dirigée vers le fossé où l'un des chevaux est tombé".
Un peu plus loin, on lit : "Ces déraillements ont lieu fréquemment et sans les arbres qui bordent la route, il serait déjà résulté de graves accidents".


Archives municipales de Rueil-Malmaison

En 1867, après avoir délibéré, le conseil demande à ce que le nom de la rue de Chatou (chemin n°39 n'étant pas assez explicite et entraînant de trop nombreuses méprises sur la direction à prendre pour les voyageurs descendant à la station de Rueil soit désormais rue du Chemin de fer. Le conseil autorise la dépense pour apposer les plaques nécessaires à ce changement.
Archives municipales de Rueil-Malmaison

 

 

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Notes :
  • 1 1,52 m. était l'écartement adopté par la première ligne de tramway Louvre—Sèvres (1854).
    La ligne de M. Loubat.

Sources :

  • Les tramways parisiens 2è Édition - Jean Robert - 1959.
  • Archives municipales de Bezons
  • Le Petit Journal
  • CFRU n°122 & 123 - 1974-2-3
  • Archives municipales de Rueil-Malmaison
  • Archives municipales de Chatou
  • Archives municipales du Pecq
  • Wikipedia

Sites :

 

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