Images de la ligne

La ligne Rueil-Gare—Port-Marly devenue Paris—St Germain-en-Laye puis ligne 58
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Marc André Dubout

À propos d'Alphonse Loubat et du chemin de fer américain
Wikipédia.
Alphonse Loubat (1799-1866) est né à Sainte-Livrade dans le Lot-et-Garonne. Il part aux États-Unis vers 1825 où il fit fortune dans l'exploitation de la vigne. Homme d'affaires opiniâtre et entreprenant il s'intéresse aux inventions de son époque. À New-York, les premiers tramways à tractions de chevaux apparaissent. Antérieurement les "trams" étaient utilisés dans l'industrie minière, les wagonnets étant guidés par des longerines en bois et tirés par des chevaux. Des plaques de fer recouvrant ces longerines ont permis de diminuer la résistance à la traction et d'augmenter leur durée de vie. C'est John Stephenson qui remarqua que la traction sur rail offrait bien moins de résistance sur rail que sur route (4 kilos par tonne contre 32 sur route). 
Illustration page 116 du livre "Tramways - Construction et exploitation" de D. Kinnear Clark, I . C. et M. 0. - Chemin, Ingénieur des ponts et chaussées, - Dunod - Paris - 1880.
La systématisation de ce type de voie bien connue en Grande Bretagne a fait apparaître le terme de "tramway" pour ces véhicules sur rails qui évoluent sur chaussée ou trottoir. Loubat observe que les rails du tramway de New-York sont en saillie par rapport au niveau de la chaussée, ce qui ne manque pas d'entraîner des incidents et accidents pour les véhicules ordinaires qui y circulent. Aussi imagine-t-il un rail à gorge dont la table de roulement reste au niveau du sol et une roue à boudin guidée par la gorge. Cette technique est mise en application en 1853 sur le tramway de Broadway et couronnée de succès.
Le 26 novembre 1832, la première ligne New-York—Harlem est construite et ouverte au public le 8 décembre.

De retour en France en 1852, Loubat dépose un brevet pour ce type de rail et l'année suivante il construit une ligne expérimentale pour promouvoir son invention.
Le 18 févier 1854, il créé une ligne allant de la Concorde au Pont de Sèvres. Les premières voitures à impériale, construites aux États-Unis et tirées par des chevaux donnent à ce chemin de fer sur route le nom de "Chemin de fer Américain".
Une autre ligne allant du Pont de Sèvres à Versailles est commencée la même année, ainsi que celle de Rueil au Port-Marly construite par le Vicomte de Mazenod et terminée avant celle de Sèvres à Versailles.
L'inconvénient de ce type de rail, c'est qu'il est posé et fixé sur la longerine par un crampon mais ni entretoisé, ni éclissé et cela était sans penser aux déformations de la chaussée et par conséquent de la voie, ce qui sur le chemin de fer de Rueil au Port-Marly exploité par M. Mazenod entraîna de nombreux déraillements et des reprises de voies importantes et onéreuses. 
Alphonse Loubat fut maire de Sèvres de décembre 1854 à décembre 1858.
En 1855 sous la pression du Baron Hausmann, qui veut regrouper les compagnies de tramways parisiens, Loubat abandonne sa concession à la Compagnie Générale d'Omnibus (C.G.O.)
Il meurt à Ville d’Avray le 19 septembre 1866 et repose au cimetière de Passy.

La ligne avait une longueur de 6,3 Km et construite à l'écartement inhabituelle de 1,52 m comme celle de la concession Loubat. Le dépôt-écurie était situé au terminus de Rueil. L'exploitation se résumait à quatre voitures longues de 5,40 m. tirées par un seul cheval et offrant une capacité de 16 voyageurs dont 4 debout sur les plate-formes. Le parcours durait 45 minutes. Le prix des billets trop peu élevé fut la cause du déficit précoce.

Construit par M. Mazenod dans les conditions que nous venons de voir le "chemin de fer américain" fut exploité jusqu'au 1er février 1860, date à laquelle M. Proust lui fut substitué par décret impérial. Une voie de garage fut établie ultérieurement à la station de la Jonchère.

Le  Sieur Proust continua l'exploitation grâce à l'augmentation du prix des billets.
E
n tant que substitut de Monsieur Mazenod et accepté par lui, M. Proust est tenu envers la ville de Rueil de toutes les obligations générales et spéciales imposées à Monsieur Mazenod par le cahier des charges du 14 juillet 1854, le tout jusqu'à l'expiration de la concession en 1884. 
Le service spécial entre Rueil-Ville et Rueil-Gare sera maintenu pendant toute la durée des travaux, ainsi que celui entre Rueil-Ville et Le Port-Marly.
Le concessionnaire annonce l'intention de prolonger la ligne de Porte-Marly à l'Abreuvoir (1856) sans en donner date pour l'exécution des travaux.
Dans un projet de règlement du 28 mars 1867 qu'il propose sont évoqués : 

L'article 2 aborde le matériel roulant et tout d'abord le nombre de voitures que la Compagnie s'engage à mettre en circulation. Les jours ordinaires et en toute saison : une voiture d'au moins 50 places dont 6 de coupé, 24 d'intérieur (plateforme2 comprise) et de 20 d'impériale. La commune de Rueil sera spécialement desservie par une voiture supplémentaire de 25 places. L'heure des départs est également fixée en tenant compte des trains de la ligne de chemin de fer de Paris à St Germain3. Les dimanches et fêtes, en été et jour d'affluence, ce sont 100 places(12 de coupé, 48 d'intérieur et 40 d'impériale) qui devront être mises à la disposition du public avec deux trains par heure. Des voitures supplémentaires assureront la réserve en cas de besoin les samedis soirs et veilles de fête. De même à Bougival, une voiture sera tenue en disponibilité les lundis matins prête à partir vers Rueil à la demande de cinq voyageurs. Et pour ne pas simplifier les choses : "S'il pleut le soir un supplément sera aussi obligatoire, du 1er mai au 1er octobre, les lundi, et jeudi, pour les départs de 8h45 et de 9h45 du soir au départ de Bougival, allant vers Paris"... et "pour les jours de pluie, le public ne pourra pas exiger de voitures supplémentaires au delà du chiffre de 80 places"4.
Au départ de la gare les voyageurs munis de billets de coupé et d'intérieur seront admis en priorité puis ceux munis de billets d'impériale. Les voyageurs sans billet le seront en dernier.
Sans rentrer dans le détail des articles du projet, on voit dès les premières lignes que la billetterie était relativement compliquée.
Service ordinaire en toute saison, service à faire les jours d'affluence, service en temps de pluie et enfin l'ordre dans lequel les voyageurs ont accès aux voitures, tout y est décrit de façon détaillée afin qu'aucune ambiguïté ne puisse entraîner des réclamations de la part des voyageurs. Même les chiens tenus par leur maîtres auront le droit de voyager sur l'impériale à condition qu'ils ne gênent pas la circulation des voyageurs qui montent et descendent.
Le service de la voiture spéciale de Rueil ne peut être déterminé d'une manière absolue ; il doit être laissé à l'appréciation du concessionnaire. On sait qu'elle doit être toujours prête mais l'affluence des voyageurs ne se produit pas tous les jours dans le même sens.
L'exploitation de cette voiture fait l'objet d'instructions spécifiques aux employés de la compagnie à savoir : En semaine elle part du bureau de Rueil-Ville jusqu'à la gare en même temps que celle venant de Port Marly et de là revient haut-le-pied à l'heure plus 17 minutes après l'arrivée en gare du train de St Germain à Paris dont elle peut ramener les voyageurs. De 11 heures et jusque y compris 9 heures du soir, elle part du bureau à l'heure et 55 minutes desservant les trains allant vers St Germain et elle ramène au retour le voyageurs venant de Paris.
En été, le service du soir est modifié et dure jusqu'à 11 heures.
Les dimanches matin, elle stationne à la gare et ne revient qu'avec les trains de Paris, desservant au retour et jusqu'à 5 heures du soir les trains allant vers St Germain. Le reste de la soirée, de 8 heures à 11 heures, elle part du bureau de Rueil-Ville en même temps que la voiture venant de Port Marly à la gare, ramenant au retour aux heures et 19 minutes messieurs les voyageurs arrivés par le train de St Germain à Paris. Les jours d'affluence quand il y a des trains directs, de 11 heures du matin à 4 heures du soir, elle part du bureau de Rueil-Ville à l'heure et 45 minutes pour ramener à Rueil les voyageurs arrivant par les trains supplémentaires.
Comme on peut le constater, c'est loin d'être simple, sans compter que certains jours son service est irrégulier, la compagnie la portant dans la direction où l'affluence est la plus importante. Et le concessionnaire de revendiquer pour ces jours la liberté de l'utiliser pour transporter le maximum de voyageurs.
Ce rapport signé du Sieur Proust date du 28 mars 1867.

La Guerre de 1870 réquisitionna d'une part les chevaux pour les besoins militaires en conséquence de quoi le service fut suspendu et d'autre part engendra des destructions de la voie et des bâtiments importants portant un préjudice notoire à la compagnie. Après la Guerre C'est M. Tarbé des Sablons qui reprit l'exploitation comme décrit dans le livre des délibérations de la Ville de Rueil. 

26 mars 1869 le maire de Marly-le-Roi.
Archives municipales de Marly-le-Roi

Le 28 août 1874, le décret de concession d'un tramway à vapeur est concédé à M. Tarbé des Sablons et l'approbation du projet remonte au 20 novembre suivant et l'expropriation des terrains pour cause d'intérêt public a été prononcée le 18 mai 1876

Pendant cette période de transition tout va mal pour l'exploitation du chemin de fer américain : mauvais état de la voie et du matériel roulant, insuffisance du nombre de chevaux, défaillance du service émeuvent le conseil municipal enclin à suspendre le service dans sa séance du 12 novembre 1875 et M. Tarbé des Sablons fut déclaré déchu de la concession et tenu d'installer un service de remplacement par omnibus. Au point où il en est "M. Tarbé des Sablons est bien incapable d'achever les travaux et de mettre son chemin de fer en service dans le délai d'une année qu'il lui a été donné à cet effet à partir de l'approbation de ses plans".

Détail de la transition douloureuse

Reconstruit en voie de 1,44 m. et à traction à vapeur le chemin der fer connut une deuxième vie.

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Notes :
  • 2 ainsi orthographié dans le texte
  • 3 On apprend que les trains pour Paris en gare de Rueil partaient le matin à 8h17 et à 10h17. 
  • 4  Ce chiffre de 80 places couvertes nécessite l'utilisation de trois grandes voitures ce qui représente 150 places toutes catégories, limite que peut matériellement proposer la compagnie.

Sources :

  • Les tramways parisiens 2è Édition - Jean Robert - 1959.
  • Archives municipales de Bezons
  • Le Petit Journal
  • CFRU n°122 & 123 - 1974-2-3
  • Archives municipales de Rueil-Malmaison
  • Archives municipales de Chatou
  • Archives municipales du Pecq
  • Wikipedia

Sites :

 

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