Le carnet du CFC

Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur les moteurs CLM….
Sans jamais oser le demander.

Vincent TIMCOWSKY

Le balayage
La chambre de combustion
Les pistons opposés
La construction
L’injection
L’équilibrage
La notice
Divers

A l’occasion des dernières journées portes ouvertes nous avons pu avec plaisir revoir fonctionner le tracteur 0B0-04 DECAUVILLE N° 643 de 1933, engin assez exceptionnel par sa rareté et son look. Ceux qui ont eu la chance de le conduire en ont sans doute gardé des souvenirs "huileux ", liés au mauvais état de la segmentation du moteur, de type CLM.
Lors d’une séance de rangement intense dont il a le secret et sans doute suite à encouragement de son épouse, Gilbert a retrouvé des documents relatifs aux moteurs CLM qu’un de ses ex collègues lui avait confié. Qu’il soit ici remercié car il a fait mon bonheur (mais pas celui de mon épouse !) Je vous propose de partager ces quelques pages. 

 

 

Les moteurs CLM étaient fabriqués par la "Compagnie Lilloise de Moteurs" selon un brevet " PEUGEOT-JUNKERS " dans ses usines de Fives-Lille et Saint-Etienne.
D’avril 1928, date de la fondation de CLM jusqu’au 31 décembre 1933, 13000 moteurs représentant une puissance combinée de 265000 CV ont étés produits couvrant tous les domaines, automobile, maritime, industriel, ferroviaire et agricole. Je ne sais pas à quelle date ont cessé les activités de CLM, si vous en savez plus ? 

  Principe général de fonctionnement

Les pistons (10 et 11) se rapprochent simultanément enfermant ainsi un certain volume d’air. Grâce à la haute compression, cet air s’échauffe fortement. En fin de compression le combustible est projeté par l’injecteur (9) dans le cylindre et s’enflamme. Les pistons, violemment écartés par la pression des gaz, agissent sur le vilebrequin (3) par l’intermédiaire des bielles latérales (6) et de la bielle centrale. Grâce à cette disposition mécanique spéciale les forces d’inertie et les efforts d’explosion s’annulent directement sur le vilebrequin, les paliers sont, par conséquent, tout à fait déchargés. En fin de course les gaz brûlés s’échappent par les lumières inférieures (8) ; l’air de balayage sous l’action de sa pompe (14) solidaire du piston supérieur (11) refoule les gaz brûlés et remplit le cylindre par les ouvertures supérieures (7). Cette admission est tangentielle et procure un balayage absolument parfait. Après la fermeture des lumières d’échappement (8) par le piston inférieur l’air continue à remplir le cylindre qui se trouve donc ne contenir que de l’air pur.
Du fait de sa conception le moteur à pistons opposés présente plusieurs avantages que nous allons développer? (mais aussi quelques inconvénients !) 

Le balayage 

Le moteur à piston opposés permet d’éviter l’emploi de soupapes, les pistons obturant les différents conduits comme dans la plupart des moteurs 2 temps classiques (mais nécessitent la réalisation d’un embiellage complexe et coûteux) et permettent le parfait balayage du cylindre formant un tourbillon au remplissage. Il n’y a plus d’entretien à prévoir sur les soupapes (mais l’entretien des lumières nécessite le démontage des tubulures et éventuellement la dépose de la chemise soit en fait un démontage presque total du moteur) 

 

La chambre de combustion

La superposition des deux cylindres dont les chambres de combustion avaient une forme défavorable donne pour un même alésage une chambre de combustion deux fois plus haute dont la surface de refroidissement est diminuée d’environ 40%.(donc un encombrement du moteur plus grand en hauteur) D’autre part pour une même course totale le dispositif à pistons opposés permet d’avoir une vitesse réduite pour les pistons, les bielles et les manivelles. La disposition des lumières de balayage et d’échappement permet d’obtenir une cylindrée d’air très pure, l’échappement invisible (ben voyons !) indique que la combustion est parfaite, c’est une caractéristique des moteurs CLM.

Les pistons opposés

Il y a lieu tout d’abord de mettre en évidence les relations entre le moteur classique et le moteur CLM. La conception de celu- ci peut s’expliquer comme suit ; on prend un moteur classique à deux cylindres dont on transporte le cylindre de gauche au-dessus du cylindre de droite. Les paliers de carter, du centre et de droite reçoivent les têtes de bielles latérales, le maneton de gauche devient palier de socle et le palier de gauche est reporté à droite dans la direction de la flèche (voir ci dessus), enfin les deux culasses sont supprimées, on obtient ainsi le moteur CLM. Il offre par rapport au moteur à simple piston des avantages marqués au point de vue rendement thermique, fonctionnement mécanique et simplicité de construction? (simplicité, ah bon !) Cette disposition peu courante sera reprise par d’autres marques.

La construction

La culasse du moteur à simple piston doit résister à un effort égal à celui qui agit sur le piston, elle doit comporter une chambre d’eau, un logement de pulvérisation gasoil et enfin la plupart du temps les ouvertures nécessaires aux soupapes d’admission et d’échappement. La complication de cette pièce moulée la rend si délicate que sa suppression représente une grande simplification. En outre la culasse doit être reliée solidement au bâti moteur et son assemblage avec le cylindre doit être parfaitement étanche pour supporter les pressions élevées de la combustion. La chemise du moteur CLM est emmanchée dans le cylindre de manière à pouvoir se dilater librement et à être facilement remplaçable ; elle n’est ainsi soumise à aucun autre effort que celui de la pression des gaz. Le second piston la ferme à sa partie supérieure et coopère à l’utilisation de la pression motrice, (la simplification liée à la suppression de la culasse ne doit pas faire oublier la complexité du double embiellage)

L’injection

Le combustible est le producteur d’énergie, il demande beaucoup d’air pour brûler, un espace assez grand est nécessaire pour le mélange. Le combustible est injecté à l’état liquide, son mélange et par la suite sa combustion seront incomplètes si à quelques millimètres du pulvérisateur (buse d’injecteur) le jet vient heurter le fond du piston ; les formes creuses du fond du piston destinées à augmenter l’espace disponible devant la buse ne suffisent pas à éviter la carbonisation et l’encrassement du cylindre. Dans le moteur CLM au contraire aucun obstacle ne vient briser le jet ; le tourbillonnement de l’air facilite le mélange et permet la combustion du gas-oil sans résidu. Du fait que le mélange et la combustion sont encore meilleurs que dans les 4 temps on obtient avec le moteur CLM une utilisation parfaite du carburant. 

L’équilibrage

Dans le moteur à un piston par cylindre la pression des gaz est transmise au bâti par la culasse. Il en résulte un effort de traction qui nécessite un bâti très résistant et d’un poids très élevé. Il est d’ailleurs naturel de penser que cette transmission d’efforts n’est pas sans influence sur la marche silencieuse du moteur. Enfin le moteur à simple piston nécessite de grandes masses d’équilibrage et de grands volants pour un fonctionnement régulier. Dans le moteur CLM toutes les forces sont transmises à l’arbre moteur (vilebrequin) directement par les bielles en acier forgé ; le bâti et les paliers du socle ne transmettent aucun effort, les mouvements des pistons opposés l’un par rapport à l’autre produisent un équilibrage idéal. 

La notice

Après avoir vu les grands principes de fonctionnement du moteur CLM penchons-nous vers son utilisation journalière en consultant la notice de fonctionnement et d’entretien.

Que trouvons nous dans cette notice :

Le calendrier d’entretien :

(tout à fait entre nous quel utilisateur appliquait à la lettre ce programme et pourtant notre CR1 tourne toujours, preuve de sa résistance)

Des indications sur le système de régulation

ainsi que des précisions sur l’installation, l’alimentation en combustible, le graissage, le refroidissement, l’échappement, la mise en marche et l’arrêt, les pannes et remèdes, et les caractéristiques propres aux différents types de moteurs marins industriels et de locomotion.
Ci-après quelques documents tirés des différents catalogues et notices

Pour clore cet exposé je me propose de vous faire découvrir quelques applications des moteurs CLM en photos en commençant évidemment par le domaine ferroviaire.

CLM ne s’est pas cantonné au seul domaine ferroviaire mais a trouvé des applications partout ou une force motrice était nécessaire, pour preuve les exemples suivants :

Le CR1, un cylindre, alésage 65mm course cumulée des deux pistons 210 mm cylindrée 0,7 litres, puissance maxi 12 cv à 1450 t/m, poids 195 kg est conseillé pour les véhicules d’environ 2500 kg et consomme 6 litres/100 km à une vitesse de 40 km/h (Citroën B14, C4, Chenard W et B10, etc.).
Le CR2, deux cylindres, alésage 65 mm, course cumulée dans un cylindre 210 mm, cylindrée totale 1,4 litres, puissance maxi 24 cv à 1450 t/m, poids 345 kgest conseillé pour les véhicules d’environ 4 tonnes et consomme 13 litres/100 km à une vitesse de 45 km/h (Berliet vmp, vsa, vsb, vhab, GMC 1200 kg et 1500 kg, Lorraine b36, Renault sy et mz etc.).
Le LC4, quatre cylindres, alésage 85 mm, course cumulée dans un cylindre 240 mm, cylindrée totale 5,4 litres, puissance maxi 100 cv à 1500 t/m, poids 795 kg est conseillé pour des véhicules d’environ 25 tonnes et consomme 38 litres/100km à une vitesse de 30km/h.
On perçoit aisément qu’à l’époque la concurrence rail route soit plus favorable au rail en regard des faibles vitesses pratiquées et des faibles charges possibles.
Dans le domaine maritime CLM s’est plus particulièrement occupée de petites et moyennes unités.

Les moteurs type LC3 et 4 sont aussi adaptables sur commande, donnant respectivement 54 et 76 cv. Tous les moteurs marins sont fournis avec réducteur et inverseur et peuvent être équipés à l’usine d’arbres et d’hélices.
L’agriculture n’a pas échappé à CLM que ce soit sous la forme de pompes d’arrosage, de groupes électrogènes, de groupes de battage, même de motorisation de tracteurs agricoles.

L’industrie était un gros client de groupes auxiliaires ou autonomes permettant de s’affranchir de l’utilisation d’une grosse machinerie à vapeur transmettant l’énergie par poulies et courroies jusqu’aux machines-outils des différents ateliers. Les transformations proposées par CLM n’obligeaient pas à de grandes modifications puisque la transmission par courroie était conservée.

Le démarrage fait le plus souvent appel à l’électricité en 12 ou 24 volts ou à l’air comprimé mais il existe aussi un démarreur à sandow dont nous n’avons malheureusement aucune représentation.
Les travaux publics ont été aussi grands utilisateurs, sous forme de compresseur, groupes électrogènes, postes à souder autonomes ou concasseuses à cailloux.

Par la suite CLM innovera en réalisant un compresseur révolutionnaire intégré à son moteur.

Pour terminer je ne résiste pas au plaisir de vous montrer un document qui nous ramène directement à notre domaine, la voie de 60 sous la forme d’une photo d’un groupe électrogène de la ligne Maginot, servant sans doute en secours à l’alimentation de l’ouvrage et peut-être à la force motrice du réseau ferroviaire en voie étroite le desservant.

 De Marc Moulin, ces quelques précisions

Moteur bicylindre CLM du locotracteur Deutz à voie de 60 des anciens
fours à chaux d'Optevoz. La partie supérieure du moteur est manquante.
tracteur agricole de marque inconnue, équipé d'un moteur CLM. Je ne me
rappelle plus s'il était mono ou bicylindre. Probablement un engin de
fabrication semi-artisanale des années 30 ou 40. A l'époque, de nombreux
ateliers de mécanique s'étaient mis à produire des tracteurs, souvent à
partir de châssis de voitures Citroën de récupération... A moins qu'il
n'ait été entièrement construit par CLM, je crois savoir que ce constructeur
a produit des tracteurs agricoles mais j'ignore à quoi ils ressemblaient

Eric Fresné nous précise après lecture de l'article que les locotracteurs Billard on roulé avec des CLM. Il s'agissait des modèles 2PJ 85 pour les plus anciens (T50D de 12932/33) puis des LC 3 (T80D3/T75D) et LC 4 (T100D).

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