Le carnet du CFC
Le tramway électrique Decauville de 1890
Marc André Dubout
Il s'agit du tramway, matériel d'exposition dit " Tramway Decauville du palais de l'industrie aux Chevaux de Marly"
Ce
tramway avait été construit à partir du châssis et de la caisse (raccourci.e)
d'une
voiture KE du type de celles qui avaient été exploitées lors de l'Exposition
universelle de 1889. L'appareillage électrique n'étant pas encore au point, en
cette fin XIXème S., Decauville qui ne voulait pas décevoir ses
clients ne s'est pas lancé dans la partie électrique proprement dite.
Cette petite automotrice à voie de 60 était montée sur un châssis
croisillonné de voiture baladeuse (KE) à bogies, premier type des tramways de
Royan (1890) et dont le (ou les moteur(s) étai(en)t alimenté(s) par des accumulateurs.
Ce
véhicule pouvait transporter 32 passagers assis et 8 debout et avait deux
postes de conduite.
Notons que les accumulateurs1
découverts en 1859 furent dès la fin du XIXème S. utilisés pour
la traction électrique autonome sur les tramways parisiens.
En effet alors que l'alimentation par voie filaire était admise en banlieue, la
ville de Paris ne l'admit que bien plus tard ce qui a entraîné la recherche
d'alimentation par accumulateurs pour les tramways intramuros.
Dès 1890, Decauville profita des grandes expositions pour procéder à des
essais de traction électrique autonome (accumulateurs).
Le
28 août 1883, Paul Decauville demande à la ville de Corbeil l'autorisation
d'exploiter une ligne de tramway entre la gare P.L.M. et la limite du territoire
de l'Essonne et il envisageait par la suite de la prolonger jusqu'à Evry. "Comme il en espérait un réel succès", il sollicita dès
1884 une concession pour une ligne allant de la gare de Corbeil au quai de la
Pêcherie...
Pour les Établissements Decauville, "ce projet avait un double
avantage, tout d'abord celui de relier la capitale à l'usine et deuxièmement
celui d'ordre social, en favorisant le progrès industriel".
Le 9 novembre suivant, le Conseil municipal de Corbeil approuva les conclusions
du rapport d'études qui était favorable à cette autorisation.
Toutefois, le premier projet ne fut pas exécuté par le Conseil municipal d'Essonne, commune sur le territoire de laquelle devait aussi passer la ligne et se prononça contre... Le projet ne fut repris que le 20 février 1887, Paul Decauville ayant réitéré sa demande, modifiant le texte, cette fois en ne mentionnant qu'un "service expérimental" entre la gare PLM et ses ateliers....
Dans
l'article de Jean de la Tour du Petit journal illustré " n°9684 du
1er juillet 1889, on apprend que des ingénieurs américains
sont venus en nombre visiter les usines de la Société Decauville Aîné.
Pour la circonstance Paul Decauville avait installé une ligne de chemin de fer
de deux kilomètres pour transporter un si grand nombre de personnes.
C'est
peut-être de là que lui est venue l'idée de son autorail électrique pour
transporter les visiteurs de la gare de Corbeil à son usine..
Dans son article du"Petit journal illustré" n°9691 du 8 juillet 1889, il relate qu'un groupe d'ingénieurs anglais a visité l'exposition, à la suite de quoi ils sont allés à Petit-Bourg. À travers champs, ils ont vu évoluer un canon de fort tonnage sur une petite ligne de chemin de fer.
Nous sommes en 89 et en 86 à
Fontainebleau, le Capitaine P. Péchot avait fait une démonstration de manœuvre
de canon de 240 sur deux trucks à trois essieux tirés par 18 chevaux.
L'année précédente à Toul d'autres manœuvres d'artillerie étaient
programmées pour montrer entre autres le portage des charges indivisibles et
les essais de chargement et déchargement.
Quelques
jours plus tard dans le"Petit journal illustré " n°9768 du 23
septembre 1889, il rapporte qu'une délégation d'ingénieurs
étrangers a fait une visite aux ateliers Decauville. C'est le Comité de la
Société des ingénieurs civils, qui en organisant cette visite tenait à leur
montrer une usine modèle en complément de la visite des ateliers de M. Eiffel. La
Société des ingénieurs civils ne pouvait leur "montrer rien de plus
parfait que les merveilleux ateliers de Petit-Bourg".
À 9h45, avec la presse, c'est 180 personnes qui embarquaient dans le train
spécial, en route pour Corbeil. Arrivés à la gare, ce sont deux trains
"pareils à ceux qui fonctionnent à l'Exposition" qui les
attendaient "pour les conduire aux ateliers de Petit-Bourg".
Pendant deux heures, diverses démonstrations ont étonné les visiteurs
émerveillés qui ne retinrent leurs applaudissements.
Ensuite les visiteurs remontèrent en wagons dans le train miniature qui les
emmenait au château des Tourelles où un lunch était organisé. Au dessert, des
toasts furent portés par MM. Decauville et Eiffel...
À 3 heures tout le monde remontait dans le train qui les ramenait à la gare de
Corbeil où M. Decauville fut à nouveau l'objet d'une "ovation des plus
flatteuses".
En fait, c'est à la suite du
succès remporté à plusieurs reprises pendant l'Exposition universelle de 89
que Decauville continua de programmer les visites de son usine à l'intention des
élèves ingénieurs et décideurs en terme de chemins de fer afin de promouvoir
les vertus de son chemin de fer portatif.
C'était un homme du marketing avant l'heure.
La
ligne du tramway, partait de la gare de Corbeil, en direction de la Seine, suivait le quai
de l'Apport Paris puis remontait vers l'usine. De 1888 à 1890, le tramway
fonctionnait normalement et payait 400 Francs de redevance à la ville.
Le 26 février 1887, le
Conseil autorisait le maire à traiter pour un service d'essai de deux ans. La
convention fut signée, prévoyant la pose de la voie dans les trois mois et la
traction du "tramway électrique" devait être assurée par des
chevaux.
Le 28 novembre 1887, le journal "L'Abeille de Seine-&-Oise"
sous le titre "Nos armoiries en voyage" publiait l'article
suivant :
"On sait que Monsieur Decauville a commencé la construction d'un
tramway qui doit relier ses nouveaux ateliers à la gare de Corbeil. Les travaux
ont été retardés par de nombreuses formalités administratives mais le
matériel est prêt depuis longtemps.
Paul
Decauville a fait construire pour cet usage de coquets et luxueux petits wagons,
sur les panneaux desquels figuraient les armoiries de Corbeil avec leur devise
"Corbello pace que fidum". Mais dans l'attente de les mettre en
exploitation, il les a fait transporter à Deauville où il possède une grande
et belle propriété."
Paul Decauville a installé dans cette ville un petit chemin de fer reliant la
cité balnéaire à sa voisine Trouville. Il s'agissait d'un tramway à traction
hippomobile et bien sûr ces petits wagons ont fait merveille. Les habitants ont
pris ces armoiries pour celles de leur ville. Une photographie de ces petits
véhicules est conservée dans les archives personnelles de Decauville.
La ligne à voie de 60, réalisée en 1885, s'étendait entre les deux villes
sur une longueur de 2300 m. depuis le port de Deauville jusqu'à Trouville.
En 1890, à l'occasion d'une exposition au "Palais de l'industrie aux chevaux de Marly" DecauvilLe présente un étrange tramway construit à partir d'une baladeuse KE 'bricolée"
À Corbeil, dix ans plus tard, en 1900, le tramway électrique fonctionnait toujours.
Cette même année, le 18 août, alors que le tramway se rendait à la gare de
Corbeil, pour le train de 8 heures, il s'est renversé sur la voie publique à
l'intersection des rues Lafayette et Lucotte. L'eau mélangée à l'acide des
accumulateurs brûla les vêtements d'un passager (Abeille de
Seine-&-Oise du 23 août). Des ouvriers de l'usine vinrent aussitôt le
relever.
En 1893, Paul Decauville sollicita son prolongement jusqu'au quai de la
Pêcherie sans réalisation.
En 1908, les voies furent déposées.
Il semble qu'en 1890, un tramway similaire fut construit à Dieppe sur une voie de 60 armée de rails de 7,5 Kg.
En
1914 à l'exposition de Lyon "un petit train électrique Decauville"
avait été remarqué par sa locomotive à accumulateurs type "boîte à
sel", une remorque de ce train figure dans le catalogue 130 (voir
photo).
Il y eut des tramways électriques aux expositions de Bourg et de Toulouse.
Decauville a même livré des voies et matériels pour l'O.T.L. (Tramway de
Lyon) "Nous avons fourni la voie et les
voitures".
On en sait plus sur la courte ligne de Corbeil qui allait de la gare PLM à et l'usine de Corbeil. (Decauville était également maire d'Evry-Petit Bourg et aussi sénateur de Seine & Oise).
Dans le catalogue 106 on peut voir la "Voiture automotrice électrique" des tramways de Tours (ligne Saint Symphorien - Boulevard de Grammont).
Dans le catalogue 130 on y voit la voiture automotrice de 2ème classe des tramways de Cherbourg.
Dans l'ouvrage de Jean Robert "Les tramways parisiens" il y a la motrice type B de la C.G.O. (la plus importante compagnie de tramways avant la S.T.C.R.P.).
Notes :
Sources :
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