Association

Pacy-sur-Eure—Breuilpont - 1er septembre 2024

Marc André Dubout

Dimanche 2 septembre, c'est la fête du moteur à Giverny (Eure). Comme chaque années les Mécaniciens de la Mécanique naturelle ont organisé une rencontre internationale des restaurateurs de moteurs anciens. Cette année Pierre et Jean Claude m'ont accompagné pour cette visite incontournable du "Moteur est dans le pré".

Mais avant d'arriver à Vernon, en passant par Bonnières-sur-Seine, juste un petit arrêt près de la Cockerill des Aciers Créloi. Construite par la société Cockerill à Seraing en 1924, elle porte le n°3076. Son numéro APAVE est le 12330.
Parce qu'elle engageait le gabarit sur la voie de garage où étaient stationnés les deux locotracteurs de l'usine qui l'ont détrônée, elle a été posée sur un coupon de voie sur la voie publique, accessible à tous les bonnes ou mauvaises volontés.

 

 

Après le déjeuner à "La Manivelle", une guinguette éphémère juste le temps d'écouter et de voir les vieilles mécaniques, nous sommes allés rendre visite à nos amis du chemin de fer de la Vallée de l'Eure (CFVE). Par bonheur c'était la dernière circulation officielle de la saison, hormis les trains réservés, et nous sommes arrivés une heure avant le départ pour Breuilpont.

Dès1862, les Conseils généraux de l'Eure, de l'Eure-et-Loire et du Loiret constituent une compagnie du Chemin de fer d'Orléans à Rouen et l'ingénieur Vauthier en devient le concessionnaire. Chartres qui n'est reliée qu'au Mans mais pas à Rouen, ni à Orléans, ni à Dreux, appuie cette demande de ligne. La ligne est mise en chantier en 1869 et ouverte en 1875.
En 1891 la ligne (et la Compagnie de Rouen à Orléans) est cédée à la Compagnie de l'Ouest (1855) mais elle est déficitaire. En plus il faut plus de treize heures pour aller de Rouen à Orléans et neuf heures dans l'autre sens ce qui est loin de favoriser le transport de voyageurs.
Pacy-sur-Eure se trouve sur la ligne Rouen—Orléans créée entre 1872 et 1883 pour compléter la rocade de 1874 autour de Paris suite à la guerre de 1870 1.
La dernière jonction s'est effectuée en 1898 avec le raccordement entre la gare de Rouen-Orléans et Rouen-Rive gauche.
À
la seconde Guerre mondiale, le service des voyageurs est fermé par abandons successifs de sections et seules deux antennes Rouen—Saint-Pierre- lès-Elbeuf et Chartres
Orléans sont encore en activité avec le service marchandises.
En 1997 la ligne est déclassée définitivement.
Cédée par la SNCF au département de l'Eure en 1998, une réouverture partielle permet la création d'une association pour une exploitation touristique.
D'autre part en 2011 la SNCF entreprend des travaux de modernisation entre Chartres et Voves, puis en 2017 entre Voves et Orléans pour la réouverture du fret.
Des études sont en cours afin de rouvrir la ligne entre Chartres et Orléans.

En attendant, une courte section de ligne a été sauvegardée entre Pacy-sur-Eure et Breuilpont. En effet, en 1993, l'association du Chemin de fer de la Vallée de l'Eure est créée et les membres commencent les travaux de rénovation de la voie et de remise en état de matériels roulants. Trois années plus tard, le 1er novembre 1996 , l'association inaugure les installations en y faisant circuler un premier train touristique entre Pacy-sur-Eure et La Croix-Saint-Leufroy".
Plus récemment en 2020, l'Association créée un vélorail entre Autheuil-Authouillet et La Croix-Saint-Leufroy.

Le Chaix de 1936 indique trois aller-retour quotidiens dans chaque sens plus un quatrième, partiel entre Gisors—Château-Saint-Clair-sur-Epte d'une part et Pacy—Vernon, d'autre part en matinée. En 1936, la durée du voyage s'était améliorée, se faisant en 3h07 dans un sens et en 2h29 dans l'autre.
On notera qu'à Vernon l'arrêt est long à cause de la descente des trains en gare de Vernon depuis leur refoulement au viaduc sur la Seine pour reprendre la voie directe.
Le dépôt des machines se trouvait à Gisors. Il abritait des 021 401-429, des 120 744-897, des 220 621-670 ou 939-998, des 030 1400-1500-1600 ou 1900 des 130 2300 des 120T 1-150, des 030T 1374-1382 et 1384 1397

 

 

 

 

 

 

La ligne et la voie de Gisors à Pacy-sur-Eure

Au départ de Gisors-Embranchement, la voie unique recevait le raccordement direct Nord en provenance de Beauvais avant d'atteindre la gare de Gisors-Ville. La ligne de Pacy-sur-Eure prenait naissance à la bifurcation d'Inval et longeait la vallée de l'Epte à la limite des départements de l'Eure et de la Seine-et-Oise. À Dangu et Bray-Ecos des embranchements particuliers desservaient de petits établissements industriels. À Vernonnet, la ligne traversait la Seine par un viaduc de 5 travées en treillis métallique et un embranchement descendait se raccorder à la ligne Paris-Saint-Lazare—Rouen en gare de Vernon. Ensuite le tracé sinueux et accidenté contournait la forêt de Bizi pour se raccorder à l'axe Rouen—Orléans en gare de Pacy-sur-Eure.

La gare de Pacy-sur-Eure

Carte Michelin n°55, plis 17-18.

La gare de Pacy-sur-Eure est ouverte au service voyageurs en 1873 par la Compagnie Rouen—Orléans. Elle était située au point kilométrique (PK) 40,9 de la ligne de Saint-Georges-Motel à Grand-Quevilly (déclassée) et aussi terminus de la ligne de Gisors à Pacy-sur-Eure (déclassée).
Elle est aujourd'hui le point de départ du train touristique vers Breuillpont (direction Orléans).


Nous sommes en 1904, la gare de Pacy-sur-Eure, côté voies, avec le croisement de deux trains, à gauche en direction de Rouen et à droite en direction d'Orléans.
Sur l'extrême droite on distingue un train en attente de départ pour Gisors. Il traversera la Seine à Vernon après un refoulement en gare, où il sera en correspondance avec la ligne Paris-Saint-LazareRouen.


Un train venant de Rouen entre en gare. Noter la halle marchandises au fond. Au premier plan à droite la voie vers Gisors.


Une autre vue avec un train se dirigeant vers Orléans et le train en direction de Gisors qui a pour terminus Pacy-sur-Eure.


Vue en direction de Rouen. Noter la voie en direction de Gisors à droite et le quai commun pour Orléans et Gisors avec au milieu son abri de quai et le château d'eau. Les machines faisaient de l'eau à Pacy-sur-Eure.
Noter le wagon isolé sur la voie vers Rouen.


Si l'on voit un peu plus loin sur la ligne de Gisors, on aperçoit l'amorce d'un faisceau de voies et le stationnement de wagons.
Aujourd'hui la voie pour Gisors a disparu et a laissé place à la construction d'une nouvelle gendarmerie. La campagne s'est urbanisée et le site est méconnaissable.


Le bâtiment voyageurs côté place. C'est une gare de troisième classe avec logement pour le Chef de gare.


Le BV vue en direction de Rouen avec au fond la halle de la petite vitesse.


La place de la gare et les belles propriétés qui l'entourent.


3 septembre 2024, Pierre et MAD en discussion avec le Président du CFVE devant le BV.


L'intérieur de la gare aujourd'hui. Restaurée par la commune, le guichet, la salle d'attente, la bascule tout y est comme au temps de la ligne Rouen—Orléans.


Vue aérienne du site de la gare, en direction d'Orléans. Au fond le pont de la Rd 141. À gauche, au milieu, on devine l'amorce de la voie en direction de Gisors, au niveau de l'ADJ4. Elle est matérialisée par la bordure du quai en pierres.


La 020T Orenstein & Koppel n° 1494 de 1904, ex-carrières Gouéry de Breuilpont n° 2 « L'Avenir ». Cette machine était à la manœuvre dans le port de Gennevilliers (92). Elle est en attente de restauration.
Pour voir les photos des trois machines de la carrière Gouery dans "leur jus" visiter le site À la mémoire d'un passionné de trains


14h30 l'heure du départ. Le CFVE attendait un groupe qui avait réservé un train complet et c'est de cette opportunité que nous avons pu profiter.
Jean Claude, Pierre et moi sommes montés dans un ancien wagon couvert dont les parois ont disparu au profit d'ouvertures laissant le paysage entrer dans le voyage.

La vitesse ne dépasse pas le 20 km/h. C'est même parfois moins que cela à cause des passages à niveau qu'Harmonie et Isabelle doivent garder à l'aide de drapeaux pour arrêter les voitures. Ces mouvements fréquents et parfois très rapprochés se font en voiture qui doit devancer le train.
Merci à elles, qui au dernier passage de la balade, sont applaudies par les voyageurs.


Harmonie, drapeau à la main profite de l'absence de circulation pour nous faire un petit coucou.


Le train roule à travers la campagne normande. Bocages, prairies, forêts alternent.


Sur la droite dans le sens de la marche (vers Breuilpont) nous suivons les méandres de l'Eure.
L'Eure prend sa source dans le Perche, traverse quatre départements et rejoint la Seine après un parcours de 228,7 kilomètres. Ses deux affluents sont l'Iton et l'Avre qui alimente Paris en eau potable.


Nous traversons le charmant village d'Hécourt et nous passons devant la mairie puis l'église et le cimetière. Tout est paisible, tranquille. J'ai raté la halte, passage à niveau.

Nous arrivons enfin à Breuilpont.


Vue sur la gare de l'intérieur du village


La machine n°1387 en direction de Rouen stationne en gare de Breuilpont. Croisement de trains de voyageurs ou stationnement d'un train de marchandises sur la voie en direction d'Orléans ?


Pas de quai pour la direction Rouen. Ici les trains n'avaient pas de croisement, donc seule la voie directe était réservée au service voyageurs.


Vue de la gare côté petite vitesse. Comme dans beaucoup de petites gares la clôture était en ganivelle de châtaignier.


Arrivée de notre train en gare de Breuilpont terminus du train touristique.


Il fait chaud, tout le monde descend du train pour se dégourdir les jambes et surtout pour se rafraîchir, non pas au wagon bar mais au wagon porte-chars où un membre de l'association ouvre une glacière remplie de boissons fraîches.


Accoudé au wagon, Pierre attend sa boisson. Ces deux wagons en queue de train sont attelés pour matérialiser ce que furent les trains MV marchandises-voyageurs, trains qui étaient très souvent utilisés sur les lignes d'intérêt local.
Par souci d'économie, on accrochait une voiture "voyageurs" à un train de marchandises, ou au contraire on accrochait un, ou plusieurs wagons de marchandises au train régulier de voyageurs.
La citerne est une citerne allemande rivetée.


Pendant ce temps dédié à la remise en tête de la locomotive à l'autre extrémité du train nous pouvons voir deux locomotives en voie de 900 mm. qui étaient utilisées dans la carrière Gouery à Breuilpont. Cette carrière de grave a été créée par Achille Gouery en 1928 et était desservie par un réseau à l'écartement inhabituelle de 900 mm., écartement qui avait été utilisé pour la construction du Mur de l'Atlantique par l'organisation Todt (du nom de son entrepreneur de TP).
C'est aujourd'hui l'entreprise Gedimat qui a pris la suite et assure la commerce de gros, bois et matériaux de construction.

 
Donc les locomotives, prises de guerre et vendues par les Domaines sont à cet écartement et c'est sans doute la raison pour laquelle, elles n'ont jamais trouvé acquéreur.
"L'Espérance", construite par Skoda en 1940 sous le numéro 1087, baptisée « L’Espérance »
Distribution : Walschaerts à tiroirs cylindriques
Livrée en 1940 aux HBL de Petite-Rosselle avec une autre machine identique. Réquisitionnée par l’Organisation Todt pendant la Seconde Guerre mondiale, et vendue ensuite par les Domaines. Probablement acquise à ce moment-là par les Carrières Achille Gouéry, qui possédaient 10 machines.
Remise en état de présentation en 2017 par le CFVE pour exposition en gare de Breuilpont.
Propriété de la famille Gouéry.


Celle-ci est une O&K, "Le Souvenir" Budich 860 de 1941.

L'entreprise Gouery


 


 

La 020 T Orenstein & Koppel n° 1494 de 1904 à voie normale, baptisée « L'Avenir » exposée en gare de Breuilpont manœuvrait les wagons à voie normale du grand réseau.


Pendant la remise en tête.


La locomotive diesel BB 63813 ex-SNCF qui a tracté notre train se remet en tête, après avoir effectué une séance d'élagage, profitant de la hauteur généreuse de sa passerelle longitudinale.


La glacière rangée, les gosiers hydratés, un coup de sifflet et le train repart vers Pacy-sur-Eure.


Harmonie et Isabelle assurent une deuxième fois, la sécurité aux passages à niveau, drapeau rouge en main.
Un grand merci à elles et à Stéphane, le Président qui nous a accueillis avec gentillesse.

Quelques matériels préservés

Il n'est pas question de dresser ici une liste exhaustive du matériel roulant hébergé appartenant à l'association et à divers propriétaires amateurs de chemin de fer mais de présenter succinctement l'essentiel de ce l'on peut voir, du matériel qui roule, qui est en attente de restauration et aussi qui restera en l'état en attendant qu'un jour...

Locomotives diesel


Locomotive BB 8082 Whitcomb construite aux États-Unis en 1946, 2 moteurs Aciéries du Nord (ADN) sous licence MAN de 325 ch.


Locotracteur Y DE 20001, type WR 200 B 14 (de), construit en 1943 par Jung (de) à Jungenthal en Allemagne, ex-Wehrmacht puis ex-SNCF5. La transmission hydraulique agit sur un faux essieu couplé par bielles aux deux essieux, moteur Poyaud 6 cylindres.


Locotracteur Y DE 20003, type WR 220 B14, construit en 1943 par Deutz en Allemagne, ex-Wehrmacht puis ex-SNCF6. Acquis par F. Delahaye auprès des établissements Lafarge et conservé aux Ifs, arrivé au CFVE en 2021. Hors-service.


Locotracteur Y DE 20001, type WR 220 B14, construit en 1943 par Deutz en Allemagne, ex-Wehrmacht puis ex-SNCF6. Acquis auprès des établissements Lafarge et conservé aux Ifs, arrivé au CFVE en 2021. Hors-service.


Locotracteur Fauvet- Girel Electromécanique Y 2005 de 36 tonnes.


Locotracteur Y 2262 ex SNCF.


Locotracteur Berliet RLCB, remotorisé avec un moteur Alsthom Agrom. Il possède ses cabestans et le cabestan moteur que l'on distingue derrière la cabine.
Ces cabestans permettaient de procéder à des manœuvres par câbles sur des voies parallèles ou pour le franchissement d'aiguilles en pointe avec l'engin de traction sur une voie et le matériel tracté sur l'autre.

Autorails


Autorail Renault ABJ4. Noter la grue à eau à gauche. Le locotracteur se trouve à l'amorce de l'ex. voie en direction de Gisors.


Autorail Renault série 5500, dit unifié 50 chevaux, mis en service à partir de 1948, construit à 50 exemplaires. On les appelait les "Mobylettes".

Voitures voyageurs


Wagon couvert transformé en voiture voyageurs.

 
Voitures à essieux et porte centrale.

Voiture à essieux et plates-formes extrêmes Alsace-Lorraine C5tfp 18849 de 1914.


Ancienne voiture avec guérite de serre-frein.


Wagons de marchandises


Wagon citerne d'origine allemande.


Wagon citerne.


Wagon tombereau.


1 voiture postale OCEM Payi 42907 de 1932, classé MH (2002)


Fourgon à bagages État, métallisé Ouest Dqdmp 39570.

Sans oublier les wagons couverts de diverses époques.

Draisines


Trois draisines sont visibles

  • Draisine Billard type 4-4-15, moteur essence Renault 668
  • Draisine SMISO ex-RATP


Draisine Billard 4M-035 ex-SNCF.

 

Notes :
  • 1 C'est entre 1872 et 75 peu après le guerre de 70 que l'idée d'une rocade autour de Paris s'achève avec la construction de la partie Orléans à Montargis, Sens, Troyes, Châlons-sur-Marne. La genèse de cette ligne a été longue, laborieuse et le tracé est devenu définitif juste avant sa réalisation par la Société du chemin de fer d'Orléans à Châlons (O.C.).
    En 1873, c'est le tronçon Sens-Troyes-Châlons qui est construit, en 74 Montargis-Sens et en 75, le dernier tronçon Orléans-Montargis.
    Si l'armée avait des visées stratégiques avec cette grande boucle autour de la capitale (Amiens-Rouen-Chartres-Orléans-Châlons-Reims), l'économie de la nation voulait quant à elle, un projet d'envergure mettant en relations le Sud-Ouest avec l'Est en prolongeant l'axe Nantes-Orléans vers l'Allemagne et la Suisse sans passer par Paris.   

Sources :

  • Notre visite
  • Trains oubliés - tome 4 État & Nord - J. Banaudo - Édition du Cabri - 1982

Sites :

 

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