Honoré
Daumier et le chemin de fer
MAD
Honoré Daumier, (1808-1879) est un artiste
infatigable qui a œuvré dans la gravure, sculpture, peinture et surtout la caricature.
De son vivant plus de quatre mille lithographies relatives à la vie sociale et
politique ont été produites sous forme de caricatures satiriques parues dans
les journaux de l'époque dont le célèbre Charivari, quotidien
illustré satirique du monde, qui parut de 1832 à 1937.
Le jeune Daumier quitte Marseille pour suivre son père à Paris où il
apprendre la lithographie. Ses premières productions publicitaires et musicales
sont faites dans l'anonymat. C'est en 1829 que paraissent ses premiers dessins
sous son patronyme dans la revue la Silhouette, un album lithographique
hebdomadaire, traitant des Beaux-arts, dessins, mœurs, théâtres, caricatures,
etc.
Sa prédisposition à la carrière caricaturiste s'affirme dès
1830 et la politique devient le sujet privilégié de la revue La Caricature
par le biais de laquelle il rencontre du succès en représentant des
politiciens, acteurs de la Monarchie de Juillet. Bien évidemment et de surcroît
assez rapidement son art lui fait rencontrer la prison : la caricature irrévérencieuse
du roi
Louis-Philippe en Gargantua n'étant pas appréciée.
Il aimait clairement se moquer du monde établit, convenu, verrouillé, celui
qui opprime les pauvres, les "sans dents" comme on dirait aujourd'hui.
Mais tout cela se termine en 1835 avec la loi sur censure qui entraîne
mécaniquement la disparition de La Caricature. Dès lors, son travail se
porte sur la caricature des comportement de la société, la satire des mœurs
qui se poursuivra jusqu'en 1848.
En 4 000 lithographies et 1 000 gravures sur bois, Daumier, dessinateur et chroniqueur de la société, a croqué toutes les classes sociales, tous les corps de métier, tous les types sociaux.
Outre ses 4 000 lithographies, Daumier a laissé environ 900 dessins et aquarelles, 200 huiles et environ 70 sculptures.
En 1837 un événement sans précédent apparaît avec la naissance de la première ligne ferroviaire construite au départ de Paris, mais également la première de France conçue uniquement pour le transport de voyageurs et exploitée à l'aide de locomotives à vapeur, ceci cinq ans après l'ouverture, de la ligne de Saint-Étienne à Lyon, concédée aux frères Paul et Marc Seguin.
Ah ! ben voilà un sujet intarissable, un abîme sans fond pour l'art caricatural de Sieur Daumier :
le chemin de fer.
Quelle belle invention ! C'est le 24 août 1837 que fut inaugurée la voie
ferrée de Paris à Saint Germain, la première liaison dédiée au transport
des voyageurs. Elle relie le quartier de Saint Lazare à Paris jusqu'à Le Pecq,
en bord de Seine.
L'esprit
saint-simonien soufflait sur la France. Le progrès, les bienfaits de la science
et de l'industrie naissance permettaient l'amélioration du sort des nations et
dans l'imagination des hommes du rail, un vaste réseau se dessinait au départ
de Paris pour relier les villes de France.
La machine à vapeur avait déjà
fait ses preuves, les meilleurs ingénieurs, les promoteurs, les banquiers
travaillèrent de concert à cette nouvelle invention.
Ce premier convoi était composé de sept voitures où s'étaient
entassées six cents personnes, emmenées par une locomotive Jackson.
Le succès fut immédiat, vingt mille personnes, par jour, furent transportées
dès les premières semaines. En 1839, un million de voyageurs
empruntèrent la ligne.
Voilà un nouveau sujet pour notre caricaturiste de talent.
De tous les moyens de transport qui ont intéressé Daumier (omnibus, fiacres, bateaux circulant sur la Seine et même ballons), le chemin de fer est celui qui l'a sans doute le plus frappé, comme il frappa tous ses contemporains, qui l'ont vu naître. La vitesse, la peur de l'accident mais plus encore la promiscuité et l'inconfort de la troisième classe constituent les principaux sujets abordés dans les différentes séries qui lui sont consacrées dès les années 1840, puis sous le Second Empire.
Et bien voici quelques caricatures qui ont illustré les revues
satiriques de l'époque.
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Impressions et
compressions de voyage
- Planche n° 9 de la série "Les Chemins
de fer". La 3ème
planche était publiée dans Le Charivari, le
25 juillet 1843.
- Ah ! miséricorde ! nous sommes tous perdus ! ...
- Eh ! non c'est tout bonnement le convoi qui se remet en marche. Du moment où la machine va en avant les voyageurs vont en arrière.
C'est connu !...
Péripétie et inconfort
des premiers voyages en chemin de fer où les wagons étaient des chars à
bancs largement inconfortables.
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1843 -
Lithographie originale sur blanc, coloris d'époque,
30 * 24,5 cm -
Planche 11 - non datée.
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Humour Train chemin
de fer assaut diligence
- 1843 - Nhd 1143
n°8 Daumier.
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Le
voyage en chemin de fer - Lithographie 1848.
C'est passionnant de
voyager en chemin de fer. Tout le monde dort dans le compartiment,
affalés sur les banquettes rudimentaires.
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Train et poste aux
chevaux
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« Et dire que maintenant voilà tous les
voyageurs qui nous passent devant le nez ».
Le 8 juillet 1852, naissait la Compagnie du chemin de fer de Lyon à
la Méditerranée, avec comme directeur Paulin Talabot et qui fusionnera
avec d’autres compagnies pour donner naissance cinq ans plus tard à la
Compagnie P.-L.-M.
Mais c'est que le chemin de fer a volé aux diligences, le service de la
poste. Courrier et messagerie. Il fallait 20 heures par le chemin de fer
quand il fallait 20 jours à pied ou à cheval.
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Ils vont un train d'enfer
avec leur chaudière du diable... Quand viendra donc un bienfaiteur de
l'humanité qui réinventera les recoucous... !
1855.
Les coucous étaient des cabriolets à deux roues, tirés par un ou parfois
deux chevaux, qui assuraient le transport de passagers à la demande.
On les appelait aussi "voiture à volonté " ou encore
"patache".
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Intérieur
d'un wagon de troisième classe pendant l'hiver- Estampe 26.9 * 37.8 cm.
- 1855 - Planche 4 publiée dans le "Charivari" -
Caricature. Transport. Train. Passagers. Froid. Tout y est ! - Musée Carnavalet, Histoire de Paris
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Impression
de voyage en chemin de fer - Illustration parue dans le Charivari,
le 9 novembre 1855 - Lithographie 26,3 * 35,9 cm. Planche 241
À voir leur tête, ça ne donne pas envie de prendre le chemin de fer et
pourtant il a remporté un franc succès.
Voilà déjà plus de huit jours qu'il n'est pas arrivé d'accident sur
cette ligne... Ça ne peut pas durer longtemps comme ça
... je suis fâché d'avoir pris ce train de plaisir. |
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Avoir
fait un voyage de quinze lieues en chemin de fer...
- Lithographie 24.13 x 32.39 cm Planche 845- 1855. Parue dans Le
Charivari du 19 Novembre 1855.
Avoir
fait un voyage de quinze lieues en chemin de fer et pas
d'accident... Quelle chance !
Les voyageurs sont arrivés à bonne gare et sortent du train,
souriants.
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Voyageurs de
troisième classe complètement gelés
- Les chemins de fer n°861
- Musée de la voiture, Compiègne.
Parue dans le Charivari
du 21 décembre 1855.
Voyageurs appréciant de moins en moins… Intérieur d’un wagon de troisième classe pendant
l’hiver.
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Les
voyageurs appréciant de moins en moins les voyages en hiver -
Les agréments des chemins de fer - Illustration parue dans le Charivari du
25 décembre 1856.
Les premières voitures de chemin de fer étaient ouvertes aux quatre
vents et les voyageurs se gelaient littéralement. |
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Le wagon de
troisième classe
- 1860 - Aquarelle 23 * 33 cm. - Winterthur, Collection Oskar Reinhart.
Là encore, la misère se lit sur les visages des voyageurs de troisième
classe, la classe des pauvres qui prennent le train, non pas pour le
plaisir comme à cette poque cela se pratiquait mais pour honorer un
rendez-vous qui ne les enchante guère.
Ils sont assis dans leurs pensées.
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En chemin de fer, un voisin agréable
- Lithographie - 1862 - 19,9 * 24,4 cm.
- National Gallery of art - Washinton DC, US
Au centre le monsieur, jambes écartées et bras croisés, mine renfrognée,
fumant le cigare dont la fumée envahie le compartiment et dans le coin à
droite, une femme modeste acculée à la fenêtre qui essaie encore de s'en
éloigner.
Le voyage dépend de celui avec lequel on le partage.
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Train de plaisir, dix
degrés d'ennui et de mauvaise humeur
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1862 - Bois original - DR 5998 Monde illustré.
On voyage ensemble mais on s'ennuie. Les trains urbains étaient bien
différents des tortillards de campagne dans les lesquels les journées de
marché étaient bien animées.
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Le wagon de 3ème classe
- c'est aussi un tableau du peintre, peint à l'huile sur toile.
Dimensions : 65,4 * 90,2 cm - 1864 - Musée des beaux-arts d'Ottawa (Canada).
Là, il ne s'agit plus d'une caricature mais d'une œuvre représentant des voyageurs des premiers chemins de fer assis dans un wagon. Dans ce tableau réaliste, Daumier n'a pas choisi de représenter les riches bourgeois voyageant en première classe, mais le petit peuple de la troisième classe, afin de dénoncer la misère qui régnait dans une grande partie de la société française à cette époque.
La souffrance, la misère et le désarroi sont présents dans cette représentation
dérangeante du réel.
Daumier est passionné par la classe ouvrière.
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Voilà le train
- Lithographie 1855 - Physionomie chemin
de fer. - National Gallery of art Washinton DC, US
Ah ! ...enfin voilà le train...
La parution dans le Charivari
du 1er février 1865
Le chemin de fer s'est
substitué aux diligences pour le transport du courrier.
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Un
premier voyage en chemin de fer
- 1846
- Pl 90 - Lithographie 230 x 280.
Tiré de la série "Les beaux jours de
la vie" - Musée Carnavalet, Histoire de Paris.
Paradoxe entre le transport en commun et l'isolement de chaque personnage
replié sur lui-même.
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Seul moyen de faire
avec sécurité un voyage d'agrément
- Estampe - Inventaire : 2015.143.1284 - National Gallery of
Art Washinton DC, US.
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À partir de 1865, Honoré
Daumier connaît des difficultés financières et quitte la capitale pour Valmondois en Seine-&-Oise et s'installe dans une maison que son ami Camille Corot a mis à sa
disposition. Il fait encore des caricatures politiques dans les années 1870, mais il perd progressivement la vue.
Jamais reconnu de son vivant son œuvre est réunie en 1878 pour une exposition que préside Victor
Hugo
chez Durand-Ruel.
Peu apprécié des bourgeois qu'il ridiculisait, Daumier reste le premier grand artiste contemporain à se pencher sur le sort des opprimés en dénonçant les raisons profondes de leur misère matérielle et
morale.
Il s'éteint en février 1879 et après une exhumation du cimetière de
Valmondois, il rejoint ses amis Camille Corot et Charles-François Daubigny au
cimetière du Père-Lachaise.
Charles Baudelaire en a fait un portrait
littéral saisissant : "Daumier a poussé son art très loin, il en a
fait un art sérieux ; c'est un grand caricaturiste." Il va droit au
but.
Natif de Marseille, la ville phocéenne lui rend hommage en érigeant un buste
en bronze.
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