Le Chemin de fer de l'Exposition universelle de 1889

Les voies ferrées destinées au transport de matériaux

Marc André Dubout

Sommaire

La voie ferrée grande ou petite fait partie du paysage en amont de l'exposition. Dans la grande effervescence des travaux préparatifs, il n'est pas inhabituel de voir surgir, grondant sur ses rails une locomotive grosse ou petite traitant ses wagons chargés de colis et de ballots et les acheminant à poste là où on n'aurait jamais imaginé la rencontrer.
La Revue de l'exposition universelle de 1889 - Tome I - J. K. Huysmans

La voie ferrée au service des transports et manutentions
La voie ferrée normale ou étroite a été très présente lors des chantiers entrepris sur l'espace dédié à l'Exposition.

La voie de pénétration sur le Champ de Mars
La Revue de l'exposition universelle de 1889 - Tome I - Dumas, Fourcaud - Éditeur Ludovic Baschet

 

En 1878, pour l'Exposition universelle, une autre gare (la gare Lisch1) fut alors construite par la Compagnie de l'Ouest (architecte Juste Lisch) et l'embranchent fut rétabli pour l'acheminement des pièces nécessaires à l'infrastructure de l'exposition et celui des visiteurs. C'est cette gare de 1878 qui fut à nouveau activée pour l'Exposition de 89.
Cette fois, elle est reliée à nouveau à l'enceinte de l'exposition par des voies ferrées destinées à approvisionner l'exposition en marchandises et matériaux de construction. À cette fin, la petite vitesse est fermée pendant la durée de l'Exposition.
Durant les huit mois des festivités, la gare aura accueillie 2 213 926 voyageurs, et par exemple, plus de 70 000 voyageurs pour la seule journée du 10 juin.

Le transport à pied d'œuvre des matériaux de construction et, plus tard, des produits exposés, nécessitait la création, au Champ de Mars, d'un ensemble de voies normales se reliant à la gare de la Compagnie de l'Ouest2.
L'emplacement et le tracé de ces voies ont été étudiés de manière à desservir toutes les galeries des expositions diverses et le Palais des machines, sans gêner les installations, et à permettre le retour facile des wagons vides, sans entraver la circulation des wagons chargés.
Voici quelle a été la structure du réseau jusqu'à une époque très rapprochée de l'ouverture de l'Exposition :

Ces voies avaient un développement total de plus de 7 kilomètres.
Dans les palais et aux abords, elles étaient uniformément placées à la cote (35.35), c'est-à-dire à 0m,25 en contrebas des terrasses et planchers ; leurs emplacements coïncidaient d'ailleurs avec celui des passages réservés à la circulation. Grâce à cette double disposition, il a été possible de les laisser libres jusqu'au dernier moment, de les maintenir pendant la durée de l'Exposition en les recouvrant de sable en dehors des palais et de panneaux de parquet à l'intérieur des galeries, puis de les dégager et de les rendre rapidement à la circulation après clôture de l'Exposition.
Les rails, coussinets, éclisses, plaques tournantes et autres matériaux ont été fournis en location par la Compagnie de l'Ouest. L'administration a fait exécuter elle-même les travaux : exception n'a été apportée à cette règle que pour les modifications intérieures de la gare du Champs de Mars, mais qui devaient nécessairement rester confiées à la Compagnie3.
Après réception des voies, la Compagnie de l'Ouest s'est chargée de l'exploitation dans les limites et aux conditions suivantes. Moyennant une taxe de 1 franc par tonne marchandise, elle amenait sur la voie principale d'arrivée, aux abords des plaques tournantes, les wagons chargés de matériaux de construction, remettait en ce point les wagons aux intéressés, puis les reprenait sur la voie principale de départ après leur déchargement. Les destinataires devaient effectuer eux-mêmes toutes les manœuvres nécessaires pour faire passer les véhicules de la voie d'arrivée sur les voies de services, les conduire à pied d'œuvre, les décharger, les ramener sur la voie de départ ; ils disposaient, à cet effet, d'un délai de stationnement de vingt-quatre heures, lequel passé, la Compagnie percevait les frais de stationnement prévus par les arrêtés ministériels en vigueur. Le service de l'Exposition pourvoyait à l'entretien des voies.
Ainsi organisée, l'exploitation a été des plus régulières. Les matériaux sont arrivés facilement sur le lieu de l'emploi, sans qu'il se soit produit ni retard, ni encombrement, ni accident.
Il en a été de même de la manutention des produits exposés.
Malgré le développement du réseau construit par l'administration, des voies de service supplémentaires ont dû être posées par les entrepreneurs des constructions métalliques4 et à leur frais.
C'est ainsi que la Société des ponts et travaux en fer a établi une voie étroite qui traversait le jardin haut derrière la fontaine Coutan et longeait chacune des façades des palais des beaux-arts et des arts libéraux, jusqu'aux dômes.
Après l'achèvement des palais une nouvelle communication a été créée entre les rails de l'Ouest et le Champ de Mars.
Cette communication avait un double objet. D'une part, elle devait permettre l'accès du matériel exposé par les compagnies et administrations de chemins de fer à l'emplacement qui leur avait été assigné dans la galerie latérale, côté Seine, du Palais des machines et dans la zone séparant cette galerie du Palais des Industries diverses, entre le passage central et l'avenue de Suffren : un grand nombre de machines et de voitures n'auraient pu en effet tourner sur les plaques des voies principales. D'autre part, il avait été décidé que ces voies seraient coupées trois semaines avant l'ouverture de l'Exposition, pour l'enlèvement des remblais sur lesquels elles reposaient dans le jardin bas, et l'on ne pouvait se dispenser de ménager un autre moyen d'approche aux produits qui arriveraient à la dernière heure.

La voie nouvelle établie pour satisfaire à cette double nécessité se détachait de la gare de l'Ouest, tant par un simple aiguillage et une courbe de faible rayon accessible aux véhicules de faibles dimensions (empattement), que par un pont tournant de 14 mètres réservé aux machines et voitures à grand écartement (empattement) d'essieux. Puis elle traversait en biais l'avenue de Suffren et longeait cette avenue jusqu'à la rue Dupleix, en empruntant la plate-forme du chemin de fer des visiteurs (Decauville), dont l'une des voies avait ainsi quatre files de rails. Enfin elle se reliait au réseau des voies de service, ainsi qu'au faisceau des voies installées par la classe du matériel des chemins de fer : un pont tournant de 17 mètres et une plaque tournante de 14 mètres, exposés par la Compagnie d'Orléans et par la Compagnie du Nord, donnaient accès à ce dernier faisceau de voies.
Maintenue pendant toute la durée de l'Exposition, la voie latérale à l'avenue de Suffren a été utilisée, après clôture, pour la réexpédition des produits. Toutefois, comme elle n'aurait pas fourni un débit suffisamment rapide, on a dû rétablir l'ancienne communication, en modifiant légèrement le tracé primitif et en suivant la terrasse du palais des arts libéraux, au lieu du jardin bas, afin d'éviter la reconstitution d'un remblai considérable et de ne pas détruire une partie du jardin qui devait être conservé.

Sur ce plan on voit bien, en bout des voies de débord de la gare du Champ de Mars, une plaque tournante de 14 mètres et une voie en courbe serrée traversant l'avenue de Suffren et s'imbriquant dans la voie impaire du chemin de fer Decauville.
Cette voie normale continuera jusqu'au niveau de la rue Dupleix.
La voie normale quitte celle de la voie du chemin de fer Decauville et s'incurve vers le Palais des machines où un jeu de plaques tournantes permet un accès perpendiculaire à l'avenue de Suffren. Et enfin les voies d'exposition des matériels des Compagnies de chemins de fer.
Ce sont les 11 voies de services qui accueilleront les véhicules des compagnies et administrations des chemins de fer.

Les frais d'établissement des voies ferrées se sont élevés à 207 100 francs, non compris les droits d'octroi que la Ville de Paris a réclamé sur les matériaux.
On peut estimer à 75 000 francs la dépense d'enlèvement et de remise en état.
Il résulte d'ailleurs des statistiques tenues par l'administration que le réseau du Champ de Mars a livré passage à 27 600 tonnes environ de matériaux de construction et à 30 000 tonnes de produits exposés.

 

C'est le ministre des travaux publics qui fixa les conditions du transport par chemin de fer. Une réduction de 50 % à l'aller et au retour, sur les tarifs généraux et spéciaux autres que ceux des expositions et concours ordinaires était accordée à tous les produits à l'exception, entre autres, des locomotives, tenders et wagons ne pouvant circuler sur les voies du réseau français.
Voici le conditions de transport des colis :


Exposition universelle internationale à Paris 1889 - Rapport général - Tome 3 - Picard - Imprimerie nationale Paris

À l'intérieur de Paris, les transports pouvaient être faits soit par les exposants, soit par les compagnies. Dans le premier cas, les colis adressés ou dirigés sur les gares de Paris y étaient enlevés par les destinataires. Dans le second cas, les compagnies conduisaient les colis dans l'enceinte de l'exposition, soit par camions, soit par les chemins de fer de ceinture (rive droite et rive gauche) et les voies spéciales du Champ de Mars, selon qu'ils pesaient moins de de 1,200 kilogrammes ou 1,200 kilogrammes au minimum ; elles amenaient elles-mêmes par les chemins de ceinture les wagons complets venant de l'étranger et plombés en douane.
Lorsque les transports dans Paris étaient confiés aux compagnies, le prix en était uniformément fixé à 10 francs par tonne, chiffre qui, comprenait les frais de chargement et ceux de déchargement, si ce n'est pour les wagons plombés : les destinataires de ces wagons devaient décharger eux-mêmes.
Les colis transportés par wagons étaient déchargés sur les voies macadamisées de l'Exposition, aussi près que possible du local affecté à l'exposant ; quand l'emploi des grues s'imposait, le déchargement avait lieu à celle la plus rapprochée du lieu de destination définitive du colis.
Les compagnies amenaient de même les wagons non plombés jusqu'au point le plus proche de leur destination et procédaient à leur déchargement au moyen de grues roulantes dont disposait l'Administration de l'Exposition ; ou, s'il n'y avait pas de grue roulante disponible, au moyen de la grue fixe la plus proche.
Pour jouir des tarifs précédemment indiqués, les exposants devaient présenter à la gare de départ les pièces justificatives constatant l'admission de leurs produits.
Il était expressément stipulé que les compagnies ne répondaient pas des avaries de route dues aux défauts d'emballage ou au mauvais conditionnement des colis.
Généralement les transports devaient être faits en port payé, au départ, et en port dû, au retour.
Le bénéfice des tarifs réduits, au retour était subordonné à la réexpédition dans un délai de six mois à compter du jour de la fermeture de l'Exposition.
C'est la Compagnie de l'Ouest qui a assuré, non seulement pour son compte, mais aussi pour celui des Compagnies du Nord, de Lyon et d'Orléans, l'arrivée des produits par rails sur les voies ferrées du Champ de Mars, ainsi que leur manutention dans les conditions déterminées par l'arrêté du Ministre des travaux public.
L'administration de l'Exposition a conclu avec elle des arrangements approuvés par le Ministre du commerce et de l'industrie, le 14 novembre 1888, pour l'utilisation des voies spéciales du Champs de Mars et des grues fixes et roulants installées par le service de l'exploitation.
Au terme de cet arrangements du 14 novembre 1888, l'administration devait pourvoir à l'entretien des voies sous le contrôle de la Compagnie de l'Ouest, qui toutefois procédait par elle-même à ses frais, à la visite des aiguillages et plaques tournantes, à leur graissage et au nettoyage des entre-rails.
La Compagnie assumait la responsabilité de tous les accidents ou avaries qui surviendraient dans les manœuvres de conduite des wagons, par le fait de ses agents ou des entrepreneurs qu'elle aurait agréés. De leur côté, les exposants demeuraient responsables des avaries au matériel et des accidents imputables à leur fait ou à celui de leur personnel.
Étaient exceptés des objets à manœuvrer ou à manutentionner :


Exposition universelle. 1889. Paris - Rapport général. 1889 - Travaux préparatoires (1891), Tome 3


C'est de loin à la maison Decauville que revenaient les transports internes et la manutention des colis lors du montage et démontage des diverses installations (terrassements, pièces de charpentes métalliques, transport de pierres, etc.).

Entreprise de manutention Decauville
Les exposants avaient une liberté complète dans le choix des agents ou intermédiaires auxquels ils recouraient pour la manutention de leurs colis tant à l'arrivée qu'au départ ; leur seule obligation était de se conformer aux règlements d'ordre et de police intérieure.
Néanmoins, tout en évitant de s'interposer entre les entrepreneurs de transports et les exposants, l'administration avait jugé utile d'assurer l'organisation d'une entreprise de manutention, offrant les garanties voulues et liée par des prix maxima.
Elle s'entendit à cet effet avec M. Decauville aîné. Sans l'investir d'un monopole, elle lui concéda certains avantages, tels que la fourniture d'un local pour ses bureaux, l'indication de son agence dans le règlement administratif sur la manutention, la faculté d'établir des voies fixes ou volantes, et s'interdit de recommander ou de signaler officiellement aucun autre entrepreneur. En échange M. Decauville prit l'engagement d'avoir toujours le personnel et le matériel nécessaires, et accepta le tarif maximum ci-après : 

Le tarif contenait en outre les prix pour l'entrepôt des colis en souffrance.
À partir du 1er avril 1889, les prix
(1), (2) et (3) pouvaient être majorés de 25 pour 100 pour le travail de jour et de 50 pour 100 pour le travail de nuit ; mais en pareil cas, M. Decauville était tenu de se conformer aux délais fixés par le directeur général de l'exploitation.


Exposition universelle. 1889. Paris - Rapport général. 1889 - Travaux préparatoires (1891), Tome 3

Des grues roulantes avaient été installées par les soins de l'administration et mises gratuitement à la dispositions des exposants ou des compagnies de chemins de fer. Ces engins, dont quelques-uns figuraient comme objets exposés ont été fournis en location par les constructeurs ou les compagnies. À droite le tableau des nomenclatures.

La classe des chemins de fer a présenté d'énormes difficultés de manutention et a nécessité des opérations fort délicates pour le triage et le classement du matériel, pour la mise en place des véhicules de grandes longueurs et le déchargement des machines et voitures à voie étroites6.
Notons qu'il était expressément interdit d'obstruer les passages et les voies de circulation générale, ni de déposer des colis à moins de 1m,50 des rails.

Statistiques des produits arrivés dans l'enceinte de l'Exposition

Les arrivages ont commencé en avril 1888 (un an avant l'ouverture de l'exposition). Le 1er janvier 89 , les compagnies de chemins de fer n'avaient introduit que 27 wagons soit 126 tonnes de produits. Les entrées par voie ferrée sont à peu près équivalentes pour la France et l'étranger.
Les pays qui ont eu la part la plus considérable dans ces entrées sont la Belgique (3,522 tonnes), l'Angleterre (1,427 tonnes), la Suisse (878 tonnes), Les États-Unis (714 tonnes), l'Alsace-Lorraine (492 tonnes), l'Italie (406 tonnes), les Pays-Bas 5186 tonnes), et le Japon (117 tonnes).


Nombre de wagons et tonnages




Nombre de wagons et tonnage par Compagnies

Au 1er mai les arrivages par chemin de fer seront supprimés sur les voies des parcs du Champ de Mars et sur les voies intérieures des galeries industrielles. Les exposants qui n'ont pas encore apporté leurs produits sont invités à le faire immédiatement.
Bulletin officiel de l'Exposition de 1889 n°129 du 4 mai 1889

 

Au Palais de Machines

Le contrôle des projets de constructions métalliques était confié à M. Contamin. Il était chargé de l'étude de détails d'exécution, de la préparation des cahiers des charges et marchés, de la surveillance de la fabrication et réception des pièces, de la surveillance des travaux de chantier et de l'étude et exécution des systèmes de voies ferrées et transport au sein de l'Exposition.
Le service mécanique et électrique était confiés à MM. Vigreux, Collignon et Bourdon. M. Buffeteau était responsable de la correspondance avec les compagnies de chemins de fer et agences de transport, de la réception et distribution des wagons chargés et engins de levage.

Les travaux et l'acheminement des marchandises et des matériaux divers se sont faits par la voie ferrée et principalement pour la partie du Palais des Machines qui a nécessité l'installation des matériels de chemins de fer français et étrangers.
Le livre d'Or de l'Exposition universelle de 1889 - C.-L. Huard - Éditeur L. Boulanger - Paris

 

 

 

expo89_0370.jpg (56702 octets)La voie normale entre la façade Ouest du Palais des Machines et l'avenue de Suffren, l'endroit où sera installée la double voie de 60 centimètres du chemin de fer intérieur. Sur la gauche on distingue le pont tournant de 17 m., non complètement positionné et derrière, une des voies perpendiculaires entre le Palais des Machines et la galerie des groupes divers.
Devant le palais des wagons protégés par une bâche sont déjà présents.
La VN s'incurve le long de la façade du palais, le long de la classe 61 (voir plan). Un wagon plat y stationne.
Au premier plan il semble que la voie soit étroite (V60 ou VM ?)
https://commons.wikimedia.org

 

Les deux entreprises qui ont assuré le montage des parties métalliques du Palais des Machines étaient Cail et Fives-Lille. Ces deux entreprises ont également établi une voie provisoire dans le Palais des machines.

À gauche, levage des grandes fermes du Palais des machines.

À droite le montage des fermes de 25 mètres pour les galeries des expositions diverses. Ces fermes dont le poids n'excédait pas 3 tonnes, étaient acheminées
par la voie Decauville jusqu'à pied d'œuvre

L'Exposition universelle de 1889 - Grand ouvrage illustré, historique, encyclopédique, descriptif
- Tome 1 - Émile Monod - Paris, 1890

 

 

 

 

 

Chez Cail7

 

 

Chez Fives-Lille8

La revue technique de l'Exposition universelle 1889 - Ch. Vigreux - Tome 1 L'architecture

Cette nouvelle technique de construction en charpentes métallique faisant appel à des fermes de longues portées que l'on retrouve en Europe : 1866, gare de Saint-Pancrace à Londres avec une portée de 73m,15 ; 1887, gare de Saint-Enoch, à Glasgow, fermes en anse de panier de 66m, 35 ; gare de Saint-Alexandre à Berlin, fermes de portée de 37m,50 : 1884, gare de Silésie, toujours à Berlin, fermes de portée de 54m,35 avec une flèche de 17m,50, etc.
Cette fin du XIXème Siècle est véritablement l'art du fer.
NdlR : Pour en savoir plus sur les constructions en charpentes métallique de l'Exposition universelle de 1889 se reporter à La revue technique de l'Exposition universelle 1889 - Ch. Vigreux - Tome 1 L'architecture - Le palais des machines - Dutert architecte

Wagonnets type "girafe" sur le chantier de terrassement au pied du Palais des Machines en construction.
Le Prince de Galles aux travaux de l'Exposition universelle de 1889.

 

Construction et terrassement Fives-Lille sur le futur Palais des Machines

 

 

Plan général d'installation pour le Palais des machines

Le Palais des Machines formait un vaste rectangle de 420 mètres de longueur et 144 mètres de largeur. Il comprenait une grande nef de 114 mètres de largeur, deux galeries latérales ou bas côté à étage de 15 mètres qui étaient reliées à chacune des extrémités de la nef par une galerie transversale de 17,4 m. disposée au niveau de l'étage et prise sur la longueur de la nef.
La surface totale disponible était de 77,35 m2.

Il occupe toute la largeur des terrains compris entre l'avenue de La Bourdonnais et ceux de l'avenue de Suffren, à l'époque où les immeubles n'étaient pas encore construits9 le long de ces avenues.
Sur ce plan, on observe que la section "chemins de fer " est en partie à l'extérieur et en partie à l'intérieur du Palais des Machines.
À l'extérieur deux plaques tournantes dont une de belle dimension dessert pour la plus grande 4 voies qui se terminent à la fontaine Cuget-Gauthier et pour la plus petite deux voies de mêmes dimensions le long du Palais des Machines. Cette section correspond à la Classe 61.
Entre le Palais des machines et la palissade de clôture de l'exposition, le long de l'avenue de La Motte-Picquet régnait une cour découverte longue de 450 m. et large de 29 m. dite "cour de la force motrice" et spécialement réservée à l'installation des générateurs de vapeur.
Toujours à l'extérieur du Palais, une troisième plaque tournante desservait une courte voie unique qui pénétrait dans celui-ci où trois branchements donnaient naissance à 4 voies dont la deuxième longe sur toute sa longueur la paroi nord de la galerie. Les autres s'arrêtaient un peu plus loin que celles de l'extérieur.
Dans le prolongement des trois plaques tournantes une voie parallèle à celles du chemin de fer Decauville longeait la galerie jusqu'au carrefour de l'avenue de Suffren et de l'avenue de la Motte-Picquet. Arrivé à la limite de l'Exposition, devant le restaurant, une plaque tournante de petite dimension donnait accès à une perpendiculaire sur toute la longueur de la "cour de la force motrice". Elle longeait l'avenue de La Motte-Picquet sur 400 m., presque au carrefour de l'avenue de La Bourdonnais.

Impossible d'en dire plus sur ces voies. Parmi elles y en avait-il en V60, sachant que la voie de 60 "côtoyait la voie de 18 mètres du Palais des Machines". Par ailleurs, on sait que pendant le montage et démontage de l'Exposition, il y eut 20 kilomètres de voie Decauville provisoires pour desservir les divers chantiers. Mais où étaient-elles exactement ?

Sur cet autre plan, on voit très bien la voie normale se brancher sur le faisceau de la gare du Champ de Mars en "B" et se déployer au niveau de la galerie des machines en "C"

 

 

Sur ce plan on voit à nouveau la voie normale sortant du faisceau marchandises de la gare du Champ de Mars pénétrante dans le Champ de Mars avec un faisceau de trois voies au niveau du Grand Dôme. La voie du chemin de fer Decauville ne semble pas encore installée.
Cette voie fut démontée pendant la durée de l'Exposition.

Photographie, Vintage albumen print - Circa 1889 - Tirage albuminé - Format 12*18,5.

Cet article nous renseigne sur la voie ferrée représentée sur le plan précédent. Il s'agit bien d'une voie normale provisoire construite pour le montage et le démontage de l'Exposition sur la partie Champ de Mars.
Il faudrait reconstituer, au travers des jardins, la voie ferrée qui a permis le transport rapide de lourds colis. Cela à une époque où le terrain détrempé se changerait de flaques boueuses.
 
La Nation
n°1970 du 12 septembre 1889

Sur cet autre plan on a retracé en bleu la voie de 60 et en rouge la voie normale.
Remarquer celle en courbe qui sort de la cour des marchandises de la gare du Champ de Mars et s'incurve vers Sud, ainsi que les deux perpendiculaires destinées pour celle de gauche à l'exposition des matériels et pour celle de droite, le long de l'avenue de la Motte-Picquet pour la desserte des colis.

 

 

Pour en savoir plus sur la Galerie des Machines voir http://paristeampunk.canalblog.com/archives/2017/02/25/34980558.html

 

De même pour la construction de la tour Eiffel

Suite à l'étude du sous-sol, préliminaire, d'importants travaux de terrassement ont été entrepris pour les fondations de chacun des quatre piliers et la construction des murs de pourtour des piles.
Au total entre les déblais, transportés, déblais mis en dépôt et remblais 45 000 m3 ont été manipulés.

Le livre d'Or de l'Exposition universelle de 1889 - C.-L. Huard - Éditeur L. Boulanger - Paris

 

 

 

 

 

 

 

 

Lorsque les pièces arrivaient au Champs de Mars, elles étaient déchargées et classées au moyen d'une grue roulante. Du lieu de dépôt, partaient quatre voies qui aboutissaient aux montants de la tour et permettaient d'amener ces pièces au-dessous de l'engin qui devait servir à les mettre en place.
NdrR : Les pièces métalliques constitutives de la tour ne dépassaient pas 3 tonnes, charge tout à fait admissible pour la manutention en voie de 60.

La tour elle-même a connu plusieurs installations de voie étroite à son bord comme l'atteste ce passage du Livre d'Or de l'Exposition universelle de 1889.

Au premier étage, il avait été installé une locomobile d'une force de 12 chevaux qui actionnait une grue pour monter les pièces, ainsi qu'un petit chemin de fer circulaire qui faisait le tour de la plate-forme. Les wagonnets poussés à la main circulaient d'un arbalétrier à l'autre de façon à alimenter les grues.
Le livre d'Or de l'Exposition universelle de 1889 - C.-L. Huard - Éditeur L. Boulanger - Paris

 

Toujours au sujet de la tour Eiffel, notons qu'une voie étroite (40 cm) était installée sur la plate-forme supérieure et en faisait le tour de manière à faire évoluer les wagonnets transportant les projecteurs Mangin sur la circonférence.Les deux projecteurs étaient installés sur le toit du pavillon surmontant la troisième plate-forme, c'est à dire à 315 m au-dessus du niveau de la mer, soit 280 m. au-dessus du sol du Champ de Mars. Ces projecteurs avaient un miroir sphérique Mangin de 90 centimètres de diamètre et étaient pourvus de lampes à réglage automatique mais leur déplacement était manuel.
Ils ont été construits par MM. Sautter et Lemonnier.

Le phare de Gustave Eiffel avait été conçu pour couronner l'édifice le plus haut du monde avec un système contribuant à célébrer les fastes de l'Exposition universelle. L'éclairage portait jusqu'à 100 kilomètres !
Sur la terrasse du deuxième étage des projecteurs similaires ont également été installés sur des wagonnets de même type.
Les Merveilles de la Science - Louis Figuier


La Nature
- Revu
e des sciences et de leurs applications aux arts et l'industrie - 1889

Toujours au sujet des constructions Eiffel, ajoutons qu'à l'Exposition des ponts en charpente de fer étaient présentés, appuyés sur deux piles de maçonnerie. Ces ponts étaient destinés aux chemins de fer dont les lignes étaient en expansion constante.

 

 

 

 


L'Exposition universelle de 1889 - Grand ouvrage illustré, historique, encyclopédique, descriptif
- Tome 2 Émile Monod - Paris, 1890


 


Le livre d'Or de l'Exposition universelle de 1889
- C.-L. Huard - Éditeur L. Boulanger - Paris

De même au Pavillon des Fôrets, la voie de 50 a contribué à la manutention des matériaux.
Le livre d'Or de l'Exposition universelle de 1889 - C.-L. Huard - Éditeur L. Boulanger - Paris

Le pont roulant du Palais des machines


Les Merveilles de l'Exposition  - Auteur : Exposition universelle - 1889 - Paris
Pour en savoir plus Le pont roulant de la galerie des machines

Notes :
  • 1La gare de la Compagnie de l'Ouest a été construite pour l'exposition universelle de 1867. En 1878 l'architecte Juste Lisch construit une nouvelle gare pour l'Exposition universelle de 1878. En 1900, la Compagnie de l'Ouest la raccorde à la ligne d'Auteuil, ce qui met les trains de Saint Lazare en communication directe. En 1897, elle est démonté et remontée à Asnières-sur-Seine et prend le nom de gare des Carbonnets.
    Elle est abandonnée malgré son inscription eu titres des monuments historiques.
  • 2 La Compagnie de l'Ouest a été créée en 1855 par la fusion de plusieurs compagnies ferroviaires desservant la Normandie ainsi que la Bretagne et rachetée en  par l'Administration des chemins de fer de l'État.
  • 3 La durée de la location était fixée à quatre années, et le loyer de 2 fr,50 par mètre de simple voie, 850 francs pour chaque plaque tournante de 4m,50 de diamètre et 14,00 francs 4m,50 par plaque tournante de 5 m,25 de diamètre, 600 francs par changement à deux voies (aiguillage), etc.
    L'administration se réservait de prolonger la location en payant, pour chaque mois supplémentaire, un quarantième des prix ci-dessus indiqués.

  • 4 L'art de la charpente métallique est récent et s'est développé grâce au chemin de fer. Plusieurs systèmes de fermes entrent dans la construction de charpentes métalliques.
  • 5 Son voyage sur le Ffestiniog qui transporte des voyageurs depuis le début de l'exploitation en 1836 a sûrement persuadé Paul Decauville de cette faisabilité, c'est la raison pour laquelle il avait proposé ce service à l'Administration de l'Exposition qui refusant l'a incité à se tourner vers le Jardin d’Acclimatation du Bois de Boulogne qui accepte son petit train en voie de 50 à traction hippomobile.
  • 6 Le matériel roulant Decauville est arrivé par le chemin de fer jusqu'à l'Exposition.
  • 7 La Société Cail est créée à Paris le 6 juin 1850 par Jean-François Cail (1804-1871). Elle est spécialisée dans les installations de sucreries et du matériel ferroviaire (locomotives, ponts métalliques). Ses usines sont établies dans le quartier de Grenelle en bord de Seine
  • 8 Les Forges de Fives-Lille est le nom d'un ancien constructeur de génie civil (ponts) et de matériel roulant ferroviaire, notamment de locomotives à vapeur. Il est situé à Fives, un faubourg de Lille. Dès 1861, les deux sociétés Cail et Fives-Lille forment une co-entreprise.
  • 9 À cette époque, les immeubles construits en 1900, n'existaient pas.

Source :

  • Exposition universelle. 1889. Paris - Rapport général. 1889 - Travaux préparatoires (1891, Tome 2
  • Exposition universelle. 1889. Paris - Rapport général. 1889 - Travaux préparatoires (1891, Tome 3
  • "L'exposition de Paris - 1889" Fascicule édité pour l'Exposition universelle de 89.
  • Les merveilles de l'exposition de 1889 - Exposition universelle. 1889 - Librairie illustrée
  • http://paristeampunk.canalblog.com/archives/2017/02/25/34980558.html
  • La revue technique de l'Exposition universelle 1889 - Ch. Vigreux - Tome 1 L'architecture
  • https://commons.wikimedia.org
  • L'Exposition universelle de 1889 - Grand ouvrage illustré, historique, encyclopédique, descriptif - Tome 3 - Émile Monod - Paris, 1890
  • L'Exposition universelle de 1889 - Grand ouvrage illustré, historique, encyclopédique, descriptif - Tome 1 - Émile Monod - Paris, 1890
  • Les Merveilles de la Science - Louis Figuier
  • La Revue de l'exposition universelle de 1889 - Tome I - Dumas, Fourcaud - Éditeur Ludovic Baschet

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