Le Chemin de fer de l'Exposition universelle de 1889
L'exploitation du chemin de fer Decauville de l'Exposition universelle de 1889
Marc André Dubout
Le concessionnaire a établi un cahier des charges qui
réglemente l'exploitation de cette ligne. Les départs des trains devront
avoir lieu toutes les dix minutes, de chacune des stations terminus, depuis 8
heures 54 du matin jusqu'à minuit, soit, six trains par heure ou 54 trains par
jour dans chaque sens.
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De l'ouverture de l'exposition au 15 juin, la ligne n'était exploitée que de l'Esplanade des Invalides à la Tour Eiffel à raison d'un train toutes les dix minutes dans chaque sens, soit 90 trains quotidiens dans chaque sens. Un jeu de bretelles avait été installé à la station "Tour Eiffel" pour les changements de voie et remise en tête de la traction.
C'est
aujourd'hui que le chemin de fer Decauville inaugure le tronçon qui complète
son parcours. Les voyageurs pourront aller désormais jusqu'à la Galerie des
Machines au lieu de s'arrêter à la Tour Effel.
L'article du "Petit journal illustré " n°9679 du 26
juin 1889
Après
le 15 juin elle fut exploitée sur toute sa longueur, c'est-à-dire jusqu'à son
terminus Le Palais de Machines avec une fréquence de huit minutes, dans chaque
sens.
Quoique sur presque toute sa longueur, la voie fut complètement protégée
contre la circulation du public, on a jugé prudent d'imposer une vitesse
maximale de 10-15 kilomètres à l'heure. Cette vitesse sera même réduite à 4
kilomètres en certains points du parcours, et en particulier aux passages à
niveau où chaque train sera, précédé d'un pilote.
La longueur des trains ne devra pas excéder 50 mètres, et chacun d'eux sera
muni d'un frein à arrêt instantané.
C'est seulement à partir du 15 juin que les trains (six rames) parcoururent l'ensemble de la ligne avec un intervalle de huit minutes. Tous les trains étaient omnibus, en revanche quelques trains supplémentaires étaient directs de la Concorde à la Tour Eiffel.
Le personnel
Pour faire fonctionner le chemin de fer intérieur pas moins de 277 agents
étaient placés sous la direction d'un ingénieur en chef.
Parmi eux on comptait :
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Le reste du personnel est affecté à diverses tâches.
Les
agents des gares et le personnel en relation avec le public portaient un
uniforme semblable à celui des grandes Compagnies.
En gare, les trains étaient annoncés par une cloche électrique et chacune
d'elles possédait une liaison téléphonique. La signalisation se faisait par
disque
À la traversée à niveau des allées il y avait une barrière roulante,
compliquée à manœuvrer et impliquant des pertes de temps, aussi les agents
utilisèrent-ils par la suite des chaînes de sécurité.
Sur la photo de gauche, deux agents en uniforme : un chef de gare et un agent
signaleur ou aiguilleur, muni de son drapeau.
Sur la photo de droite (agrandie) on voit le pilote qui marche devant le train
sur la section à voie unique en sortie de la gare de l'Esplanade des
Invalides.
Dans les stations et haltes, les quais avaient une longueur de 50 mètres ce qui
correspondait à 4 voitures type KE (long. 9m,05) plus une voiture
salon de 4m,50.
Sur cette photo (publicitaire), le train attend le départ à la station de l'Esplanade des Invalides. On remarque l'agent pilote devant la cabine de la locomotives Mallet de type 8 pendant que le mécanicien est prêt à partir, la main sur la régulateur. Le chauffeur, accroupi, regarde le gueulard de sa chaudière. Derrière la machine une voiture salon à deux essieux semblable à celles utilisés par Decauville à l'époque. De très belle facture et d'agréables proportions ces voitures avaient une longueur de 4m,50 avec deux plate-formes d'extrémité de 0m,72 ce qui laissait une capacité, à l'intérieur, d'une dizaine de personnes sur deux banquettes longitudinales recouvertes de soie. Rehaussées d'un lanterneau et flanquées de deux larges vitres latérales, le compartiment était bien éclairé.
On compta 42 500 trains qui transportèrent
6 342 000 voyageurs ce qui fait une moyenne de de 40 000
voyageurs par jour.
Les machines parcoururent 113 000 kilomètres. Le coût de l'opération s'éleva
à 1 480 000 Fr. et les recettes à 1 700 000 Fr.
La sécurité
Le
chemin de fer Decauville devant le Palais de l’Algérie à l’esplanade des
Invalides. Noter la présence du pilote qui marche devant le train avec son
guidon à la main sur le court tronçon à voie unique.
Sur ce cliché on voit à gauche un fauteuil roulant, un des services de
transport dans l'enceinte de l'Exposition.
À chaque traversée de voirie, les passages à niveau étaient munies de barrières et une cloche d'annonce retentissait avant l'arrivée du train.
L'exploitation s'est effectuée sans un seul accident.
Un tel résultat dénote une admirable organisation de tous les services.
M. Grille, à qui revient tout le mérite de cette organisation, a bien voulu
faire à la Société des Ingénieurs civils, au sujet du chemin de fer de
l'Exposition dont il était le directeur, une communication fort intéressante
à travers laquelle il exprime les moyens adoptés pour la circulation des
trains, les appareils de sécurité et les résultats statistiques de
l'exploitation.
Les appareils de sécurité étaient de plusieurs sortes : en premier lieu, les gares et les passages à niveau étaient munis de disques manœuvrés à distance : en outre, des appareils de Baillehache avaient été appliqués à toutes les gares et passages à niveau.
Ces appareils consistent en une pédale d'une forme particulière et isolée : le passage de la roue sur cette pédale ferme le circuit et une sonnerie se met en marche au poste suivant : l'appareil automatique ne faisait que répéter le signal déjà fait à la main, avec un bouton de sonnerie par le chef de gare en expédiant un train.
Il était interdit à un chef de poste de laisser passer un train à moins de 90 secondes derrière un autre.
Les cantonnements étaient au nombre de sept ; l'espacement des trains étaient ainsi parfaitement assurés. La preuve en est en ce que pendant toute la durée de l'Exposition il n'y a pas eu une seule rencontre de trains.
Un réseau téléphonique, avec appareil de M. Bernheim, complétait les moyens de communication. Cet appareil de M. Bernheim serait parfait au point de vue de l'exploitation des chemins de fer, s'il était accompagné d'un phonographe enregistrant des dépêches ; il serait alors supérieur à tout télégraphe écrivant.
Des règlements généraux imprimés réglaient les services et, à ce titre, ils peuvent être classés parmi les mesures de sécurité;
Au point de vue de la marche des trains, ceux-ci étaient réglés par un horaire qui était rigoureusement suivi ; les trains étaient numérotés de 1 à 252 pour les jours de la semaine. Pour le dimanche et jours d'affluence, une autre marche de trains permettait d'intercaler 42 trains de midi à sept heures du soir, soit 294 trains.
Comme il n'y avait pas de voies de garage et qu'il fallait desservir la gare de la Tour Eiffel, indépendamment de la Galerie des Machines, on avait été conduits à avoir des trains directs qui gagnant ainsi trois minutes, pouvaient arriver et repartir entre deux trains omnibus.
L'effectif du personnel était considérable : 265 agents en moyenne ; mais il était nécessaire de doubler le personnel, car on ne pouvait lui demander dix-sept heures de service, et, d'un autre côté, le gardiennage de la voie, des passages à niveau, absorbait à lui seul 120 hommes.
Ce personnel rapidement constitué avec les éléments les plus divers, a promptement acquis les qualités les plus désirables dans un personnel de chemin de fer. Poli, d'une discipline parfaite, il a toujours apporté un zèle et, on peut le dire, un enthousiasme remarquable ; il sentait qu'il participait pour une part énorme dans le succès de l'Exposition.
Le faible espace ménagé au chemin de fer Decauville a
conduit à employer des moyens très particuliers pour arriver à satisfaire
à un trafic aussi énorme.
Il a fallu organiser les queues comme au théâtre, puis interdire l'accès
des voies aux voyageurs La disposition qui a prédominé est celle de
l'éclusage des voyageurs, contenus dans des barrières renfermant le
chargement d'un train de 400 voyageurs. Un train arrivant était aussitôt
évacué et rempli par les 400 voyageurs approvisionnés. On a pu réduire
ainsi à trois minutes le temps nécessaire pour vider un train de 400
voyageurs et en embarquer 400 autres.
Avec une minute de battement pour l'arrivée et le départ, un train toutes les quatre minutes était la limite extrême de l'exploitation ; avec des voies de garage, il aurait été possible d'expédier quatre fois plus de trains sans aucun danger, grâce au système de cantonnement.
Les rames étaient généralement composées de la locomotive, d'une voiture salon à deux essieux de 18 places, d'une voiture de première classe à deux essieux de 12 places assises et des baladeuses KE de 2ème classe.
Les prix et recettes
Le prix du billet était de 1 Fr. en 1ère classe, 0fr,50
en 2ème et 25 centimes en 3ème classe, quelque soit la
distance. Les voyageurs achetaient leur billet dans les stations qui étaient de
véritables gares avec guichet, et des receveuses contrôlaient à bord du
train.
La recette ayant dépassé 1 650 000 francs pour trois kilomètres, on voit qu'en rapportant à l'année la recette kilométrique brute serait de 1 100 000 francs. Il convient d'ajouter cependant que les frais de construction et d'amortissement ont été énormes.
Pour finir voici quelques photos des trains en service, départ et arrivées à la station Esplanade des Invalides.
Les départs
même
vue mais cette fois avec la voiture salon habituellement immédiatement
derrière la machine en direction du terminus Palais des Machines.
Sur cette photo, on voit à gauche le pilote muni de son guidon pour la
traversée du passage à niveau (section voie unique) et à droite l'aiguilleur,
tourné vers la cabine de la Mallet.
Avec une loupe on distingue également des deux chaises qui leur sont
réservées.
Sur la photo de droite, le pilote s'apprête à se positionner devant la machine.
Départ
d'un train remorqué par une Mallet, précédé du pilote. Cette rame n'a pas de
voiture salon dans sa composition.
Les retours
Retour
à la station Esplanade des Invalides, cabine en avant pour cette Mallet qui n'a
pas été retournée à la station Palais des Machines.
Photo Roger Viollet
Idem
mais cette fois c'est la Péchot-Bourdon qui passe devant le Palais de
l'Algérie.
Photo Roger Viollet
Arrivée
d'un train à la station Esplanade des Invalides. La voiture salon se trouve en
queue du convoi.
Photo Roger Viollet
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