Le carnet du CFC

Visite d'une ancienne mine de Bauxite (Tourves - Var)

MAD

Le village de Tourves dans la Provence verte a été à la fin du XIXème S. et jusque dans les années 1960 un centre important de transbordement de la bauxite1. Le minerai extrait du bassin de Mazaugues était acheminé dans un premier temps par un petit chemin de fer industriel en voie de 70 puis par des câbles aériens à la gare pour être transbordé dans les wagons P.L.M. puis ceux de la SNCF. Le minerai était ensuite acheminé par la ligne Carnoules—Gardanne vers les usines de Gardanne et de la Barasse à Marseille où elle était transformée en alumine (Al203) et ultérieurement en aluminium.
Après la seconde Guerre Mondiale les coûts de production concurrencés par ceux de l'Australie, de la Guinée, du Brésil ou du Venezuela ont eu pour conséquence la fermeture progressive des mines et l'activité de la gare s'est arrêtée en 1968. La dernière mine du bassin de Mazaugues a subsisté jusqu'en 1985.
En vacances dans la région, j'ai eu l'occasion de rencontrer un passionné de spéléologie et d'histoire populaire de Tourves avec qui j'ai pu partager une descente dans une de ces dernières mines de bauxite, dite de Tourves mais située sur le territoire de Mazaugues.

Les bâtiments du carreau. À gauche l'atelier de réparation du matériel à droite, le logement.

Après s'être harnachés, avoir enfilé de solides bottes et s'être coiffés du casque muni d'une lampe, c'est par un trou d'homme de fortune que nous sommes passés pour nous retrouver dans un tunnel relativement large environ 2,5 m et en pente régulière jusqu'à la cote la plus basse alors inondée.
En effet après avoir discuté avec notre spécialiste, ce dernier m'avait laissé entendre que du matériel en voie étroite était encore présent au fond.
La descente, régulière, plus aisée que la remontée en fin de visite (trois heures après) s'est effectuée sans difficultés et bien vite une voie unique (500 mm.) en rail de 12 Kg/m est apparue, noyée dans le sol boueux. Nous l'avons suivie sur plusieurs centaines de mètres, toujours dans le tunnel puis un aiguillage donne naissance à une deuxième voie parallèle, elle aussi noyée dans la boue rouge. 

 

Nous observons des strates de bauxite d'une cinquantaine de centimètres d'épaisseur.

Un peu plus loin le tableau des jetons de recette et je ne l'avais pas vu, en bas, une paire d'enrailleurs, sans doute oubliée lors de l'abandon du puits (photo de droite).
Un peu plus loin encore une bretelle de raccordement entre les deux voies. Malheureusement le flash de mon téléphone n'a pas fonctionné.
Et tout de suite après une bifurcation en double voie (la présence d'eau empêche de voir distinctement les voies).
Nous arrivons enfin à l'espace qui servait de dépôt, embranché sur la voie principale. À gauche une courte antenne mène à la fosse de visite bien aménagée.
(Photo Gérard Ponsi).
Sur le moteur du locotracteur, apparaît le logo "OTTO".
Le locotracteur en voie de 50 était fait pour pouvoir rouler sur de la voie de 60. En effet, à l'intérieur du châssis les roues peuvent être décalées vers l'extérieur à concurrence de plusieurs centimètres. Le moteur entraîne les deux essieux dont les quatre roues sont freinées.

Nous dépassons le dépôt après avoir visité une galerie en arrière de la voie sur fosse et tombons sur un aiguillage venant d'une autre galerie.
Un peu plus loin, c'est un wagonnet Decauville avec des boîtes à rouleaux. La voie sur laquelle il se trouve est légèrement surbaissée par rapport au radier de la galerie et va donner sur une galerie transversale.
Sur la photo de gauche on voit sous l'aiguillage triple la voie de raccordement des deux galeries.
Une autre aiguille triple se tiendra debout, appuyée contre la paroi de la galerie.
Nous descendrons dans cette galerie perpendiculaire en suivant la voie dont la pente ne se justifie que par le traînage par treuil. En effet, le rail plonge vers une cavité avec une pente importante. Il aurait été impossible de mouvoir les berlines autrement que par un treuil. 
D'ailleurs comme on le voit, la voûte est relativement basse.
En bas un série de cavités supportée par des piliers donne à voir plusieurs chantiers desservis soit par des sauterelles soit par des plaques tournantes ou encore des aiguillages, le tout en armement léger.
Ici, un aiguillage en rail de 7 Kg au mètre. 
D'une manière générale ces antennes sont courtes (un ou deux coupons de voie).
Au passage nous admirons les diverses couleurs que nos lampes font ressortir.
(Photo Gérard Ponsi).
Au fond d'une galerie, un wagonnet abandonné, certainement celui qui servait à acheminer les voies portatives au fond de taille.
Cette fois c'est un Pétolat muni de boîtes à palier.
Nous reprenons notre chemin en suivant la galerie principale où des voies et appareils de voies sont posés contre la paroi.
Un peu plus loin la voie s'arrête. Nous continuons et retrouvons un autre wagonnet Decauville qui servait à l'installation des voies. 
Des empilements de voies portatives sont encore en place sur une hauteur de 1,50 m.
On en voit un échantillon sur la photo de droite.
Mais nous ne pourrons pas aller plus loin car l'eau affleure et paraît-il d'autres matériels restés en place sont aujourd'hui submergés.
La galerie disparaît sous l'eau.
Au retour nous découvrons une berline bien amochée, sans doute victime d'un éboulis car nous avons eu l'occasion de voir de ces effondrements dû aux infiltrations qui provoquent des oxydations de la roche et ensuite leur rupture.
Les berlines étaient remontées par un câble aérien dont on voit ici la poulie de renvoi.
Les manœuvres d'accrochage et de décrochage des berlines étaient périlleuses et le mineur qui en était en charge ne devait pas se louper.
Après trois heures de visite nous rebroussons chemins vers la sortie et remontons vers l'accès au jour de la descenderie.

J'adresse mes remerciements à Yves Margaria, spéléologue amateur et grand connaisseur des mines de Tourves et à Gérard Ponsi mon ami Tourvain pour ses photos mieux réussies que les miennes.
Nous avons projeté de descendre dans une autre mine (la mine de St Julien).

Notes : 
  • 1 La Bauxite est une roche riche en oxyde d'aluminium (plus de 40% d'Al2O3), en silice et en oxyde de fer.
    Elle résulte de la décomposition de roches contenant de la silice, ou de la décalcification de roches calcaires. Sa couleur est rosée (présence d'hématite) ou jaunâtre (présence de goethite)
  • 2 Aujourd'hui, l'usine de Gardanne (1893) traite la bauxite qui arrive de Guinée par le port de Marseille. Cette usine autrefois Péchiney est le premier producteur d'alumine (500 000 t à partir du double de minerai).
    Finement broyée, la bauxite est attaquée par la soude à 260 ° sous 35 bar. L'alumine ainsi dissoute est précipitée sous forme hydratée.
    Elle est orientée dans la production des alumines de spécialité (à la différence des alumines métallurgiques (aluminium).

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