Fournaise et le tramway

Marc André Dubout

Le Hameau Fournaise sur l'Île des Impressionniste à Chatou est lié au développement du canotage dans cette deuxième moitié du XIXème S. En 1857, Alphonse Fournaise, charpentier naval de son état, s'y installe pour y ouvrir un petit hôtel avec restaurant et une location de bateaux pour y accueillir les Parisiens qui le dimanche viennent en train à vapeur passer une journée de repos et de plaisir au bord de l'eau. L'île devient vite le lieu de rencontre des artistes et des poètes et en cette fin fin XIXè, Auguste Renoir, Claude Monet, Alfred Sisley, Guy de Maupassant  y viennent régulièrement inspirés par le charme de cette nature si près de la turbulente capitale. Des passionnés de canotage y partagent également des moments d'insouciance au bord de l'eau. C'est l'époque des premiers trains, des guinguettes et des joutes nautiques. Si le train dessert Chatou dès octobre 1837, c'est à dire quelques mois seulement après l'ouverture de la ligne historique de Paris à St Germain ou plutôt au Pecq (terminus de la ligne), il est dès 1891 concurrencé par de nouveaux projets de tramways qui veulent s'aventurer sur la traversée de la Seine par le vieux pont juste entre la Maison Fournaise et l'actuelle "Rives de la Courtilles". Et enfin, des rails ont été posés là tout près de ces vénérables édifices, l'un avec un pied dans le XIXè, l'autre construit à la fin du XXè pour re-dynamiser le site et c'est réussi !

Parmi ces projets, plusieurs ne furent jamais réalisés. Citons pour mémoire celui de l'ingénieur Léon Francq (1891) qui voulait relier Courbevoie au Pecq par Nanterre et Chatou ou celui de l'ingénieur civil F. Nave (1899) dont le dessein ambitieux s'étendait sur tout l'Ouest parisien et dont une ligne devait passer sur l'île de Chatou sans oublier d'autres itinéraires impliquant Houilles et Carrières St Denis dont la voie traversait la Seine entre Fournaise et Sequana.
Mais toutes ces généreuses idées de développement, d'émancipation permettant aux parisiens de venir se divertir, étaient sans prendre en compte le vieux pont de Chatou construit en pierres et dont la charge à l'essieu ne dépassait pas quatre tonnes.

Par décret du 19 février 1901, les Tramways Mécaniques des Envions de Paris, se voient attribuer la gestion administrative du Paris—St Germain (P.S.G.). Administrés par les Sieurs, Francq, Coignet & Grosselin, les T.M.E.P. abandonnent, la section Courbevoie—Chatou par Nanterre faute de population à transporter dans la plaine des Groues, ils s'associent avec la Compagnie du Tramway à Vapeur de Rueil à Marly-le-Roi qui possède des machines à vapeur relativement légères. La courte section Rueil-Gare—Pont de Chatou fut alors construite en 1903 donnant à la ligne sa configuration finale : Rueil-Ville—St Germain par Chatou, Le Vésinet et Le Pecq et c'est en 1904 que le premier tramway à vapeur traverse la Seine entre Fournaise et Sequana. 

Dès le 1er mars les petites locomotives Winterthur et Corpet-Louvet qui assuraient initialement le service de Rueil-Gare à Port-Marly et laissées de côté lors des prolongements vers St Germain et vers l'Étoile, reprennent du service et tirent avec force halètements les anciennes voitures hippomobiles dont on avait simplement enlevé l'impériale.

La place coûtait dix centimes en 1ère classe et 7,5 centimes  en 2ème classe et le règlement prévoyait que "tout kilomètre entamé sera payé, le minimum de perception se fera sur au moins trois kilomètres".
Les marchandises seront transportées en petite vitesse sur proposition du concessionnaire et autorisation du Ministère des Travaux Publics. 

Très vite les usagers se plaignent du service défectueux, les correspondances avec les trains de la Compagnie de l'Ouest-État à Rueil sont mal assurées, le tacot est inconfortable, lent et le grincement de ses roues font du bruit, sans compter la fumée et les escarbilles.

En 1911, la ligne est électrifiée par une nouvelle administration des Tramways de Paris et du Département de la Seine. La force électrique permet le prolongement du port du Pecq à la place Royale de St Germain par la rue des Grottes. Là encore les ponts de Chatou et du Pecq font obstacles aux motrices modernes à bogies type A4 trop lourdes et ce sont des anciennes A2 à deux essieux qui assurent le service. Décidément cette ligne aura gardé un côté "rétro" toute sa vie. En 1914, le service est interrompu et ne reprendra qu'en 1920 avec la Société des Transports en Communs de la Région Parisienne qui lui attribue l'indice 60. "Le 60" comme on l'appelait affectueusement.
En 1925 le prix des places passera à 2,05 F. en première et 1,60 F en seconde. 
Dans un rapport de février 1925, il apparaît que la ligne 60 est fortement déficitaire (220 000 F. pour le semestre 1924) et la recette kilométrique est de 1,54 pour décembre 1924. En plus l'état défectueux de la voie fait l'objet de ralentissements dans la marche des trains ce qui n'embellit pas l'image du tramway, sans compter deux accidents qui interpellent le Préfet.
Les années du tramway sont comptées et le 30 juillet 1928 le dernier train passe devant la Maison Fournaise avant de regagner son dépôt de Port-Marly.

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D
ès 1837, c'est le Chemin der qui emmènent les parisiens à Chatou
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L'affiche d'enquête d'utilité public du projet Courbevoie—Le Pecq.

Le tracé des T.M.E.P.
1904.

Les premiers trains à vapeur de Rueil à Port-Marly 187?

Le tracé de la ligne dans Chatou.


Le pont de Chatou (rive gauche).


Le tramway sur le pont, vue en direction de Rueil
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Devant la mairie de Chatou
Motrice A2 des T.P.D.S. 
en direction de Rueil
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Il y avait aussi 
des remorqueurs à vapeur.
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Du tramway on avait vue sur le Restaurant Fournaise
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et sur le ponton
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À toute vapeur en direction du Pecq

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