L'Association
L'O&K et la Bouillote, une histoire, un destin qui les réunit
En 1914, en plein conflit les industries allemande et
française surenchérissent la production de matériels de guerre et pour la
logistique de front, c'est la voie de 60 qui va assurer le transport des
munitions et approvisionnements divers.
Deux grandes firmes sont réquisitionnées : Orenstein & Koppel et Decauville qui sortent
de leurs usines des 020-T et des 030-T capables de tracter des convois de plusieurs
dizaines de tonnes sur des voies portatives qui sont montées de manière
rustique avec un minimum de terrassement en direction du front puis démontées
lorsque les hostilités se déplacent. Pendant les quatre années du conflit ces
machines au service des armées s'activent sur leurs voies de fortune.
De cette époque belliqueuse deux locomotives une allemande et une autre
française sont nées, de part et d'autre de la frontière.
En 1940 les
locotracteurs diesel plus maniables, et aussi à cause de l'absence de panache
de vapeur qui faisait trop facilement repérer les locos à vapeur par
l'artillerie ennemie, se sont substitués aux vieilles machines qui
trouvèrent une seconde vie chacune de
leur côté dans des activités industrielles puis se sont retrouvées côte à côte
dans un certain jardin de Soisy-sous-École. Aujourd'hui, en temps de paix, elles vont participer
au "Trente ans" de notre Chemin de fer des Chanteraines.
Il s'agit de la
Le catalogue de l'époque
La construction et la guerre
L'O&K, donnée pour
une puissance de 50 chevaux, faisait partie d'une commande de la forteresse de
Grodno portant sur dix locomotives à l'écartement de 750 mm.
Construites à l'usine de Nowawes (environs de Berlin), les locomotives portant
les numéros 7423 à 7432 ne purent être livrées à leur commanditaire initial
du fait du déclenchement des hostilités en 1914. Elles furent modifiées
conformément aux besoins de l'Inspection des Troupes de transport de Kruschwitz
pour la desserte de la sucrerie locale, mise à l'écartement de 716 mm et équipée
de tampons doubles.
La Decauville type "Progrès" nouveau modèle n°869 a été construite en 1914 à Corbeil et livrée le 09 février à la Société Anonyme des Hauts Fourneaux Forges et Aciéries Denain et Anzin (Nord) sollicitée pour la fabrication de matériel de guerre. Son écartement était alors de 765 mm, comme pour les locomotives n°870 et 871 qui avaient les mêmes spécifications.
L'aventure industrielle
À la fin de la guerre, l'O&K
avec ses homologues fut récupérée par les PKP. L'unification du matériel les
fit transformer à nouveau pour les mettre à l'écartement de 600 mm. À l'invasion de la Pologne en 1939, ce qui restait de la série fut
vraisemblablement pris par l'Organisation Todt et la 7429 fut employée à la
construction de la ligne Siegfried, puis amenée en France dans la suite de la
guerre. Il est permis de penser qu'elle a été alors à nouveau employée par
la même organisation dans des travaux de fortifications peut-être en
Normandie. On la retrouve entre 1950 et 1970 dans l'entreprise A. Gouery, qui
exploite une carrière de Breuilpont (Eure) où elle a côtoyé entre autres machines, une
020 du même constructeur : la 5729.
Elle est à nouveau identifiée de façon sûre mais avec le numéro 5729, aux
Sablières de Nemours, cette société ayant racheté l'ensemble du matériel de
Gouéry en septembre 1950.
La Decauville quitte
la Société Anonyme des Hauts Fourneaux Forges et Aciéries
Denain et Anzin et est vendue en 1928 par l'intermédiaire de l'entreprise Razel à l'entreprise de
travaux publics Blanchard à Agen où elle participa à la construction de
plusieurs grands chantiers jusque dans les années 70.
Monsieur Blanchard père l'avait baptisée "Lucy" et son fils
que j'ai retrouvé après des années de recherche m'a fait parvenir un état de
services détaillé de son activité, à Limoges, Pau, Marmande, sur les grands
chantiers du Sud-Ouest, etc.
La
petite "Lucy" fut proposée (en état de marche) à une vente
aux enchères, à Agen dans les année 30, avec des objets ayant appartenu au
président Armand Fallières. Reine incontestée de la vente, la mise à prix
était de six millions d'anciens francs mais elle ne trouva pas d'acquéreur, "personne n'osa
lever le gant".
Son dernier chantier fut la construction de l'aérodrome de Pau et elle fut garée sans activité mais entretenue.
"Entretenue et choyée avec amour".
Elle resta dans la
famille Blanchard jusqu'en 1971.
Ensuite,
son propriétaire ne pouvant plus l'entretenir, la petite "Lucy" fut exposée au bord de la Nationale 113 à
Coleyrac St Circq et une petite annonce parue dans Loco-Revue en décembre 1971 informait
les amateurs que la locomotive était à vendre. C'est M. Henri Gaumont
de Risle-Valley qui l'acheta.
C'est vers cette époque, dans les années 60, qu'une nouvelle vie s'ouvrait,
à ces petites locomotives avec l'apparition des parcs d'attraction destinés
à détendre, amuser, divertir le visiteur et qu'une voie en boucle se
proposait de desservir.
Les parcs d'attraction
L'O&K fut rachetée
à Nemours par monsieur Jules Parent en 1972, elle fut exploitée au Parc de Bagatelle
à Merlimont dans le Pas de Calais. C'est le plus ancien parc d'attractions
(moderne) français
en activité sur un terrain de 27 hectares construit après la guerre. C'est le
fils François Parent qui s'occupe de la locomotive et construit un petit réseau
qui fait le tour du domaine. Elle y est en service de début 1973 jusque fin
1982.
Elle a été cédée en décembre 89 à Jean-Bernard Mervaux, †
membre actif du CFC qui a participé activement à la restauration de la
Decauville de J. Chapotel.
La Decauville, reprit du service dans le parc de Risle Valley près de
Bernay. Repeinte et baptisée La "Bouillote" (avec un T) par
son nouveau propriétaire, M. Gaumont, elle assurait les trains de voyageurs
dans le parc. Elle était sans nul doute l'attraction principale du site et
avait la vedette par rapport aux autres matériels en voie étroite de la
collection.
Elle fut rachetée en 1982 par Jean Bernard Mervaux et rejoignit sa propriété
de Soisy-sous-École. J'avais été la voir. Abritée, elle resta pratiquement sans
activé au fond d'un hangar, le même que celui où elle était le jour de la
vente du siècle.
La vente du siècle
Jean
Bernard Mervaux collectionneur hors pair de machines à vapeur, de véhicules
militaires et toutes sortes d'objets rares et de valeur avait réuni dans sa
propriété de Soisy-sous-École les plus gros objets de sa collection :
voiture amphibie, engins militaires, locomotives, locotracteurs, wagons, rails,
voie portative, etc. Les petites machines, elles, étaient dans son appartement
de Levallois. Collection unique.
Un certain samedi 3 mars 2001, trois commissaires priseurs associés
organisèrent "la vente de la collection Mervaux" suite à son décès
prématuré.
C'est plus exactement le dimanche que les locomotives étaient livrées au
maillet du
commissaire priseur.
À l'affiche la 030-T O&K avec sa belle lanterne.
La 030-T et la Bouillote dans le hangar vues de devant
Puis sorties du hangar pour le transport vers le CFC.
Sur le Chemin de fer des
Chanteraines
L'O&K et la Bouillote arrivèrent ensemble en mars 2011 au
CFC. La Bouillote, la première à toucher les rails de notre chemin de
fer fut immatriculée N°18 et l'O&K N° 19.
Elles n'allèrent plus se quitter.
Bien
vite elles sont manœuvrées et remisées dans le dépôt.
Évidemment pour notre association, la venue de deux nouvelles machines est un
événement important. La flotte se porta ainsi à six locomotives plus une
septième "Trixie" qui viendra aussi au CFC.
Alors que l'O&K reste tranquillement dans le dépôt, je
m'active à remettre en service la Bouillote. Ça me prendra deux années
et en novembre 2002 elle reprendra du service au CFC... mais sans sa cabine dont
il fallait sérieusement remplacer quelques tôles.
À l'occasion des journées Portes-Ouvertes et du Patrimoine nos deux
nouvelles loco en statique ou en exploitation eurent un beau succès auprès
du public.
En juin 2004 pour les 20 ans du CFC
Avec Monsieur Blanchard fils, lui, qui "tirait le sifflet" dans
les années 30 sur les chantiers de l'entreprise familiale. Il avait fait le
déplacement d'Agen pour revoir sa "Lucy". Juin 2004. |
La Bouillote relativement légère et facilement transportable participa à plusieurs sorties et manifestations comme ici à Melun en 2004 sur les bords de Seine ou à Aix-les-Bains l'année suivante sur les rives du Lac du Bourget.
Le classement MH
La 030T O&K 7429 est vraisemblablement le seul exemplaire de ce type subsistant en France ayant traversé le siècle. Ceci constituait un argument en vue de son inscription à l'inventaire supplémentaires des Monuments Historiques. Après l'instruction d'un dossier présenté à la direction Régionale des Affaires Culturelles l'O&K fut classée Monument Historique en décembre 2005
.Durant les deux dernières années nos deux machines font l'objet de soins attentifs et de gros travaux (remplacement de chaudière), constitution d'un dossier pour l'O&K et épreuve décennale de requalification pour la Bouillote pour aboutir le 18 avril 2014 à l'autorisation administrative de remise en service.
La tête de cheval | et le coeur |
Et bien sûr aux Chanteraines aucun événement n'échappe à la photo de famille.
Les deux machines
nées en temps de guerre vont fêter leur centenaire en temps de paix, les 17
& 18 mai prochain.
C'est précisément la date qui correspond au trentenaire de l'Association du Chemin
de fer des Chanteraines.