Le carnet de MAD

La papeterie de Nanterre

MAD

Comme beaucoup d'usines installées au début du siècle à Nanterre, celle-ci est une véritable institution, elle a marqué l'histoire industrielle et sociale de la ville. Aujourd'hui forte de 120 salariés elle est devenue la seule enclave industrielle dans le quartier de la Défense qui depuis plus d'un demi siècle est en mutation.
La direction du groupe Smurfitt Kappa dernier propriétaire des 17 ha ne souhaite pas investir dans la modernisation de ce site, qu'il considère quasi à "bout de souffle". En revanche il propose d'examiner les propositions d'évolution de l'emprise foncière où sont installées les anciennes Papeteries de la Seine.
Aujourd'hui la production journalière de carton est de 400 tonnes.

Historique
L'usine a été créé en 1904 par Jean Dupuy propriétaire du journal "Le Petit Parisien" pour produire lui-même son papier. La première machine est mise en service en 1906.
En 1917, l'usine devient la S.A. Papeterie de la Seine et s'étend vers l'ouest. En 1933 elle se tourne vers la fabrication du papier kraft et en 1943 elle s'enrichit d'un atelier d'ensachage.
Vendue en 1961 à la cellulose du pin l'usine se spécialise dans la fabrication de papier à canneler pour le carton ondulé à base de récupération et de déchets de papier. Toutes les autres productions sont arrêtées lors de cette reconversion.
Le site industriel est desservi par la Seine au nord et un embranchement ferroviaire toujours existant mais neutralisé. Il se raccordait à la ligne Paris—Le Havre juste avant le pont de la Morue encore appelé Pont du Havre.
À l'intérieur de l'usine un réseau complet en voie de 60 relie les principaux ateliers, le port et l'aire de stockage des matières premières.

Ce qui reste du réseau à voie de 60
Le réseau à voie de 60 s'étendait sur plusieurs centaines de mètres à l'intérieur et à l'extérieur de l'usine. La voie était munie souvent de contre-rail sur la totalité de son parcours et encastrée dans un enrobé de ciment ainsi que les aiguillages et plaques tournantes. Il est difficile d'évaluer le poids du rail utilisé mais ce devait être au minimum du 9 kg au mètre, plus sûrement du 12.
La traction se faisait par au moins un locotracteur Decauville et les wagons étaient des plats à essieux et à ridelles en bout pour le transport des billes de bois importées de Scandinavie au temps de la fabrication du papier à partir du bois.

Du temps de la traction diesel. locotracteur Decauville type 5 de 20 à 26 CV des années 20. Il en existe un similaire sur le Petit Train de la Sainte Victoire (13) le n°917 et un autre au musée Dufresnes à Azay-le-Rideau.
(Photothèque des Papeteries).


Le 917 du CPPVA

Les billes de bois arrivaient par péniches au port et étaient déchargées sur les wagons stationnés le long de la Seine. Deux voies reliées par un aiguillage ont subsisté jusque dans les années 2000 en bord de Seine, à l'extérieur de l'usine, côté nord-est. Une grue en assurait la manutention.
Dans les années 50 il y avait encore des wagonnets sur ces voies.

Sur le port le long de la Seine, une des deux voies subsiste encore, mais pas pour longtemps. L'autre était parallèle à gauche de celle encore visible. Aujourd'hui elles ont été recouvertes de terre et arborées.
Photo prise en avril 2006.
La même vue  cette fois de l'intérieur de l'usine vers le nord. Derrière le mur le ponton en ciment et le quai de chargement.
Toujours la même voie (celle de droite) mais cette fois-ci plus à l'intérieur de l'usine.
Celle de gauche se dirige vers le local à pompes. Pompes de plusieurs centaines de kilos qui devaient être manutentionnées par la voie de 60.
On notera l'importance de la station de pompage spécifiques aux papeteries. Celle de Nanterre siphonne l'eau de la Seine.
Photographiée en direction du sud, vers le centre de l'usine.

La voie de 60 est présente sur l'ensemble du site croisant parfois la voie normale. Aujourd'hui l'usine a été amputée d'un partie de ses emprises, aussi est-il possible d'imaginer que le réseau s'étendait davantage sur l'aire de stockage.

Tracé présumé de la voie de 60.
(Photo ViaMichelin).

Tracé présumé de la voie normale reliée à la ligne Paris-Le Havre.
Cet embranchement particulier desservait en son temps plusieurs industries dont la SEITA dont les hangars se tenaient en lieu et place de l'actuelle maison d'arrêt des Hauts-de-Seine.
(Photo ViaMichelin).

En 1984, au mois d'août, j'avais montré à Maurice A. Poot les vestiges encore visibles de la voie de 60 sur la station portuaire près de la Seine. Il y avait les deux voies le long du quai. Elles se réunissaient par une aiguille suivi d'une autre qui donnait accès à l'intérieur de la papeterie. Derrière, la grille de l'usine il y avait un tas de wagons empilés dans les herbes dont les essieux avaient été soustraits. Le matériel semblait lourd. Un ferrailleur en a pris livraison avant que nous ayons pu agir.
Il est difficile de dire en quelle année la V60 a été abandonnée peut-être au début des années 60 quand l'usine passe à
la cellulose du pin.

Partie sud-est de l'usine. Les deux voies parallèles entrent dans le bâtiment longé par la VN. Bâtiment sûrement destiné aux expéditions-réceptions.
Une autre vue plus vers l'est. La V60 croisait le VN. Elle a du être déferrée lors de son abandon.
Les VN, le long du même bâtiment mais à l'extérieur. Ces deux voies sont en demi-lune pour permettre la manœuvre de remise en tête du locotracteur.
Une autre vue de la V60 dans la cour de l'usine. Celle de gauche devait amener la houille et évacuer les scories car elle longe l'emplacement des anciennes chaudières chauffées au charbon qui ont été remplacées.
Une autre vue de la même voie en direction de l'est. La plaque tournante de grande dimension a été enlevée, ainsi que l'aiguille.
La voie en bas de la photo mène à l'atelier de mécanique.
Toujours la même voie interrompue par la VN.
Vue à l'intérieur de l'atelier de mécanique. Subsistent deux wagons Decauville à traverses mobiles assez lourds. Ils sont utilisés pour la manutention des rouleaux.
Ils évoluent sur quelques dizaines de mètres sous le portique. Noter le pavement en bois comme cela se faisait à l'époque dans les ateliers de mécanique et les rouleaux utilisés dans les lignes de production.
L'atelier de mécanique vaut le coup d'œil, il est tout à fait dans le jus du début de XXème siècle.
Toujours dans l'atelier de mécanique, la voie ressort vers un hangar de stockage desservi par une plaque tournante.
En face de ce hangar ouvert, la voie mène à un bâtiment remarquable par sa charpente en bois,
qu'elle dessert par une plaque tournante restée miraculeusement en place semblable à celles qui ont étés ferraillées.
L'intérieur du bâtiment qui sert au stockage des pièces nécessaires au fonctionnement de l'usine (pompes, vannes, pièces diverses de chaudronnerie, etc.).
Charpente remarquable entièrement en bois. Une préservation en vue d'un musée serait souhaitable pour le destin de ce hangar.
Un autre atelier desservi par la V60 : la forge.
Image insolite, croisement de deux époques, croisement de deux siècles, croisement de deux cultures.
L'usine de 1904 et le quartier "up to date" de la Défense.
Dans quelques années seul le second subsistera.

Vraiment à cette époque le voie de 60 industrielle était présente dans toutes les parties techniques et ateliers de l'usine.
À l'horizon 2012-2015 il est prévu que cette usine ferme définitivement. Espérons que les archives soient préservées au titre du patrimoine industriel.

Chaque année il est possible de visiter la papeterie à l'occasion des journées du Patrimoine.

Notes et sources

 

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