Le carnet de MAD
Mine de sel et saline de St Nicolas de la Société Daguin & Cie
MAD
Quand
je travaillais chez Rhône-Poulenc, j'avais formé des stagiaires de
l'usine de Nancy-La-Madeleine et comme ils connaissaient mon intérêt
pour les sites industriels ils m'avaient offert des documents anciens sur
cette usine attachante. Cet article ne concerne pas directement les chemins de fer industriels, bien que l'iconographie laisse à penser que leur présence ne passe pas inaperçue, mais je pense qu'il intéressera aussi mes amis mineurs les Gueules Rouges de Provence. |
Les
mines de sel et saline de St Nicolas-Varangeville de la Société Daguin (1)&
Cie exploitaient dans les années 30 un gisement salifère qui s'étendait sur
une trentaine de kilomètres entre Tonnoy et Vic sur une largeur de 15 km,
contiguë aux salines de Nancy.
Ce gîte salifère de Lorraine se trouve dans le Trias supérieur, le Keuper
moyen qui est formé de calcaires coquilliers, et de marnes de couleur grise ou
bleuâtre bariolée de rouge. Le sel gemme se présente partout dans la même
alternance de marne, de gypse et de calcaires. Le sel gemme s'annonce dans la
partie supérieure par de petits lits stratifiés en veines déliées de gypse
qui pénètrent les marnes dans tous les sens. Sa composition est
Chlorure de Sodium |
93,836 |
Chlorure de Magnésium |
0,093 |
Chlorure de Calcium |
0,048 |
Sulfate de chaux |
3,070 |
Eaux |
0,200 |
Le fonçage du puits a révélé la présence de 2 couches de sel gemme formant une épaisseur totale de 65 mètres. La première se situant à une profondeur de 76,30 m et la deuxième à une profondeur de 138,12 m et d'une hauteur de 22,70 m.
Exploitation
du sel gemme
Le sel gemme est exploité sur une hauteur de 4,70 m comprise entre le bas
de la couche et un feuillet de marne salifère dit "veine de
décollement" intercalée à cette hauteur. Dans la couche de sel, la
méthode d'exploitation est celle dite par "piliers abandonnés".
Les galeries de 15 m de largeur laissent entre elles des piliers de 15 m de
côté. La cohésion du sel gemme et la puissance de la couche font qu'il n'y a
pas de risque d'éboulements et le boisage est inutile. Ces vastes
galeries ont l'avantage de faciliter l'aérage des travaux et
l'évacuation des poussières se faisait par l'intermédiaire d'un ventilateur
de 60000 m3 à l'heure complété par de plus petits. Le retour se
faisant par le puits d'extraction.
L'abatage s'opérait à la poudre noire comprimée ou au cordon Bickford.
Le reste étant tombé au pic ou à la pince. Le procédé d'abatage consiste à
attaquer le front de taille sur toute sa face en perçant quatre rangées de
trous de mine inclinés espacés de 50 cm.
Le forage des trous se faisait à l'aide de perforatrices électriques
rotatives (nous sommes dans les années 30), les marteaux perforateurs à air
comprimé étant délaissés par les mineurs.
L'abatage donnait par coup de mine environ 0,5 m3 soit une tonne de
sel gemme.
Il est intéressant de noter que jusqu'en 1873, un procédé spécial consistait
à creuser trois entailles verticales sur une profondeur de 2 à 3 m du centre
de taille et sur les côtés du front de taille au moyen d'eau projetée par des
lances à haute pression. Ce procédé était économique. Mais l'eau perdue
avait le désavantage de dissoudre les veines de sel. Le 3 novembre 1873, la
dissolution du terrain devenu pâteux fit que les couches supérieures
s'effondrèrent sur une étendue de 9 Ha avec une dénivellation de 3,5 m. Ce
fut le premier et le dernier accident et l'emploi de l'eau fut interdit.
Les ordres d'exécution des manœuvres nécessaires pour l'extraction
étaient transmis et reçus des différentes recettes au machiniste par une
signalisation électrique.
Percement
de trous de mine à la perforatrice électrique rotative. La machine
permettait de percer à une hauteur de 5 m. Elle se déplaçait facilement
sur une voie portative installée le long du front de taille. |
|
Une autre vue de la perforatrice cette fois attaquant le haut du front de taille. |
Le pendage
de la couche qui est de 18mm/m a été mis à profit pour faciliter le roulage
ainsi que le décollement du sel par des coups de mine tirés au bas du front de
taille.
Les wagonnets chargés étaient poussés à bras sur les voies secondaires
jusqu'aux voies principales desservies par les tracteurs électriques et à
benzol qui les emmenaient jusqu'à l'accrochage.
Les voies secondaires, étant appelées à de fréquents déplacements du
fait de l'avancement de la taille, étaient constituées de rails saillants
formés de simples barres de fer à section rectangulaire posés de champ et
fixés à l'aide de coins dans les fentes des traverses en bois. L'écartement
de la voie était de 0,70 m.
De là les wagonnets étaient élevés au jour par des cages à trois étages
(les deux inférieurs pour les bennes, l'étage supérieur pour les mineurs)
suspendues à des câbles en aloés (2),
enroulés sur des bobines mues par un treuil à vapeur d'une puissance de 170
chevaux permettant une extraction de 40 tonnes par heure. Un deuxième treuil à
vapeur était en réserve.
Roulage au fond. La traction était humaine parfois animale. Ici c'est un âne qui tire une berline sur une voie secondaire. |
|
Puis les berlines étaient accrochées les unes aux autres, et c'est un tracteur électrique qui les acheminait jusqu'à la recette inférieure. |
|
Bifurcation d'une galerie principale et d'une galerie secondaire. Noter la différence de largeur de la taille. |
|
Traction
électrique dans une galerie secondaire. Noter le trolley. |
|
Roulage de plus grande importance dans une galerie |
Les recettes inférieures
Recette inférieure d'un puits de sel gemme. |
|
Les berlines sont poussées une à une dans la cage pour être montées au jour. |
|
Trains de berlines pleines à la recette inférieure. Une véritable gare de triage. |
La
recette supérieure
Au jour les
wagonnets étaient poussés, après leur pesage sur un traînage
mécanique par chaîne qui relie la station de chargement (estacade) au puits
d'extraction
La recette supérieure du puits St Jean Baptiste |
Le
sel gemme
Le sel gemme est un produit incontournable de l'industrie chimique. C'est
avant tout la matière première dans la fabrication du carbonate de soude, du
sulfate de soude, du chlore, du chlorure de chaux des hypochlorites, etc.
Il est livré à
l'agriculture et à l'industrie sous forme de grains obtenus par broyage.
Pour la fabrication du sel broyé ou égrugé, les wagonnets sont élevés à la
recette de jour et poussés à bras dans le bâtiment d'égrugeage où ils sont
versés dans des concasseurs à mâchoires et de là dans des broyeurs à
marteaux.
Un transporteur à courroie emmène le sel moulé vers la trémie principale
pour être chargé sur des wagons à destination des bateaux soit vers des
appareils doseurs pour expédition des différents produits destinés à la
dénaturation du sel.
Chargement des sels raffinés sur les péniches. La voie est alimentée par une caténaire. |
La dénaturation du sel peut se faire
Les
sels raffinés
Ils sont obtenus par évaporation de l'eau saturée à 25% Baumé (3)
dans des évaporateurs appelés "poêles". L'eau salée provient
des sondages situés dans la vallée de la Roanne située à seulement 3
kilomètres de la saline. Les pompes de sondages envoient l'eau vers un
réservoir principal de 1000 m3 qui assure la distribution générale
pour la saline et la soudière de la Madeleine. À la saline sont installés des
réservoirs secondaires qui alimentent les poêles en tôle qui ont une forme
rectangulaire (20 à 30 m de long sur 8m de large). Elles sont recouvertes de
planches appelé "manteaux" ce qui évite la déperdition de la
chaleur. De plus le refroidissement de la poêle entraînerait la formation
d'une pellicule de sulfate de soude qui contredirait la formation de sel.
Au-dessus du "manteau" s'élève la cheminée.
Le chauffage des poêles se fait :
soit par la vapeur provenant de l'évaporation des poêles et de l'échappement des machines à vapeur.
La
cristallisation est fonction de la température. Plus cette dernière est
élevée, plus elle est rapide. En revanche plus elle est lente, plus la
cristallisation l'est également et plus le grain est nourri. Les durées
habituelles sont de 6, 9, 12, 24, 48, 72, et 96 heures selon les qualités à
obtenir.
Pour le sel "finfin", il est obtenu par ébullition dans de l'eau à
107° dans des poêles de 7,5 m de diamètres qui produisent 110 kg de sel par m2.
L'eau salée contient des impuretés comme le chlorure de magnésium, le sulfate
de soude et le sulfate de chaux.
L'épuration
de l'eau salée
L'épuration de l'eau salée permet d'éliminer les sels. Pour cela on la traite
au lait de chaux. La magnésie ainsi précipitée se dépose et le sulfate de
soude est transformé en sulfate de chaux qui se dépose sur la paroi de la
poêle pour former le schlot". Le schlot est enlevé périodiquement par
écaillage des poêles.
En outre des séchoirs d'une puissance de 0,5 à 2 tonnes/heure sèche le sel
"finfin".
La
force motrice
La force motrice est fournie par cinq machines à vapeur verticales délivrant
une puissance de 1000 CV. Elles sont accouplées à des dynamos produisant du
courant continu sous une tension de 125 volts qui sert à alimenter les besoins
de la saline. Les sondeurs situés à 3 km sont alimentés par 2 groupes
électrogènes d'une puissance de 200 CV et produisant du courant continu à 3
fils à deux fois 600 volts.
Les machines à vapeur sont alimentées avec de la houille qui arrive par
péniches par le canal de la Marne au Rhin (4)et
qui longe la saline. Un quai de 500 mètres de longueur permet le chargement et
le déchargement des bateaux. Un pont roulant électrique permet de stocker
environ 2000 tonnes de charbon repris par des wagonnets à benne basculante
tractés par des locomotives électriques jusqu'aux chaudières.
Pont servant au transfert du charbon des péniches dans les wagonnets. Noter la locomotive industrielle dépourvue de cabine manœuvrant un wagon destiné au transport des produis finis. |
Les
chargements mécaniques
Le chargement du sel gemme se fait par un plan incliné aboutissant à une
estacade le long du canal. Une chaîne sans fin, munie de doigts entraîne les
essieux des wagonnets. Les sels en sacs ou en paquets sont chargés sur des
wagons à l'aide d'un élévateur transporteur double situé dans une passerelle
passant au-dessus de la route du canal et aboutissant à un abri de chargement
placé sur une voie de raccordement.
L'aire de chargement des wagons (côté saline). La passerelle |
Une deuxième passerelle mobile passant au dessus de la route permet un chargement facile des sacs sur les péniches.
Le pont de déchargement. Une voie étroite le traverse. Noter la présence d'un locotracteur. |
Des cités jardins, un verger et un dispensaire complétaient ces installations industrielles.
La Société Marcheville-Daguin & Cie a livré des quantités importantes de sel à la ville de Paris.
D'autres vues de la Soudière de la Madeleine
Saint
Nicolas du Port Vue prise de la Saline & Société Daguin. Au fond la
cathédrale St Nicolas Gravure Chemins de fer de l'Est. |
Saint-Nicolas-de-Port
est une commune située dans le département de la Meurthe-et-Moselle. Elle est
située sur la rive gauche de la Meurthe face à Varangéville.
La basilique de Saint-Nicolas-de-Port, aux allures de cathédrale et de style
gothique flamboyant, a des dimensions impressionnantes avec une nef de 30 m
de haut, des colonnes élancées 21,50 m et deux tours de 85 et 87 m. Ses
volumes sont harmonieux et la basilique fait preuve d'une étonnante unité de
style. Elle a été restaurée à partir de 1983.
Aujourd'hui la soudière NOVACARB produit annuellement près de 600 000 tonnes de sulfates de sodium et de carbonate de sodium. Elle se situe au second rang en France.
Notes :
|