Baguenaude
La gare de Divonne-lès-Bains
MAD
Divonne-lès-Bains est une petite ville thermale du pays de Gex rendue célèbre par son casino.
À la frontière suisse Divonne est à seulement une vingtaine de kilomètres de Genève reliée à Paris par la route royale. Au
milieu du XIXème Siècle, il fallait encore quatre bonnes journées de diligence pour atteindre Genève de Paris. Avec l'apparition du chemin de fer le
réseau s'étendit considérablement sur l'ensemble du territoire français et en 1858, la première voie ferrée
"transjurassienne" Lyon-Genève par Ambérieu, Culoz et Bellegarde mettait la gare de Cornavin à seulement 15
heures de la capitale, le reste se faisant à cheval ou en calèche. Dès 1875 un projet de
liaison Genève-Divonne fut pris au sérieux à en croire la subvention votée par la cité gessienne, en
supplément de la concession gratuite des terrains communaux traversés. Mais ce tracé ne traversant pas les autres communes,
exceptées Divonne, Gex et Ferney, il ne fut pas retenu d'autant que la ligne était envisagée à voie étroite. Seul l'emplacement de la gare au hameau de Plan fut retenu.
Si le transit genevois était commode pour les voyageurs, il ne l'était pas pour les marchandises et en 1879, une subvention de 50 000
francs était votée à la condition que le tronçon Gex-Divonne fut achevé. La
concession fut accordée au P.L.M. en 1886. Le raccordement à la ligne de Bellegarde pris naissance à Longeray ce qui permis d'utiliser le tunnel de Crédo qui à l'époque était, avec ses 4 kilomètres, "le plus long du monde".
Le premier
train arriva à Divonne au printemps 1899 soit un demi siècle plus tard.
Le directeur de la Société des bains demanda à la Compagnie P.L.M. d'obtenir un wagon spécial direct Paris-Divonne, les
thermalistes parisiens représentant plus de la moitié de la clientèle. La plaque
"Divonne-Paris" y fut apposée sur ladite voiture et fit la fierté des divonnais. Comme dans toutes les gares nouvellement construites en France, l'arrivée du train était un spectacle à part entière et les familles, le dimanche
venaient assister à cette animation. Sur le quai, à l'arrêt du train les portes s'ouvraient vers l'extérieur et les élégants voyageurs descendaient des voitures.
Les employés aidaient au transfert des bagages : malles, valises en cuir, cartons à
chapeaux, qu'ils chargeaient sur des chariots pour les amener aux voitures à cheval
sur lesquelles était inscrit le nom des hôtels. Puis la locomotive était détachée et s'acheminait
doucement sur la plaque tournante où elle était retournée pour un retour vers Bellegarde.
Le chemin de fer était une animation nouvelle dans la vie divonnaise. Il participa
au développement de l'activité thermale et le nombre de thermalistes avait triplé à la veille de la Grande Guerre. Dès le début
du siècle de grands hôtels avaient été construits en prévision du nombre de
thermalistes (Nouvel Hôtel, Le Grand Hôtel, l'Hôtel Chicago sans oublier le sempiternel
Hôtel Terminus).
De l'autre côté du bâtiment voyageurs (BV) se trouvait la cité cheminote, l'équipe de conduite y prenait un repos bien mérité.
Divonne-lès-Bains fut une gare en cul de sac jusqu'en 1905. Trois mille deux cents mètres la séparaient de la gare suisse voisine de Crassier reliée aux
Chemins de fer Fédéraux à partir de Nyon. Ce court tronçon servit davantage aux
marchandises qu'au service voyageurs mais c'était une ouverture vers la Suisse orientale. Il fut ouvert le 12 novembre 1905.
Et aujourd'hui
Souvenir
Dans les années 50, avec
mes parents, nous partions voir la famille de mon père à Divonne-lès-Bains. Nous prenions
le train de nuit à la gare de Lyon. Nous dormions tous les trois dans un
compartiment couchettes. Mon père avait eu soin de réserver les places du bas,
Vers 22h30 le train s'ébranlait doucement. Moi j'étais dans le couloir, le nez
collé à la fenêtre pour regarder l'enchevêtrement des voies. Les aiguillages
luisaient à la lueur des signaux, rouges, jaunes, verts, puis le train
prenait de la vitesse, je regardais les maisons de la banlieue endormies, puis
l'agglomération se dispersait et le train maintenant roulait à vive allure
dans la nuit ne me laissant percevoir que quelques lumières éloignées,
quelques lueurs incertaines. Ma mère me demandait de regagner le compartiment
pour dormir, mais, une voie de débord, une petite gare dissimulée dans
l'obscurité captivait encore mon attention et je restais là, fixé à la
fenêtre, attendant je ne sais quelle bifurcation.
Enfin il était temps de dormir, alors je regagnais ma couchette et ma mère
alors remontait ma couverture. C'était le bonheur, le train fonçait maintenant
dans la nuit nous arrachant à la vie quotidienne, prometteur d'une période
agréable de vacances.
Le lendemain matin, le train s'arrêtait à Bellegarde. Je ne sais pas
très bien ce qui se passait, mais je crois que notre voiture était décrochée
du Paris-Genève pour être reprise par une rame bien moins rapide, par une
locomotive bien moins prestigieuse, mais tellement plus attachante. Un peu plus
tard, nous arrivions à Divonne terminus de la ligne.
Le tronçon Divonne-Crassier n'existait déjà plus. Quand nous allions
déjeuner au restaurant, à Nyons, au bord du lac, c'est dans la voiture de
l'oncle que nous faisions le trajet et encore les yeux rivés à la fenêtre je
devinais la plate-forme qui ne s'écartait guère de la route. Puis à Crassier
à nouveau le bonheur, la voie était là, sécurisante. La petite gare qui
existe toujours accueillait quelques wagons de grumes et autres marchandises.
Bien vite nous arrivions à Nyons et jamais je ne ratais le spectacle de la voie
métrique du Nyons-St Cergues (1)
qui rejoignait la route, se positionnait
royalement au milieu pour passer avec nous sous les voies de la ligne du bord du
Lac, tournait à gauche et finissait en face de la gare de Nyons où je faisais
la comédie pour que s'arrête la voiture. C'était un rituel, à la gare de
Nyons il fallait que j'inspecte les voies et la cour de la VM au fond de
laquelle stationnaient les automotrices rouges (2)
qui me fascinaient. En effet, en
France, nous n'en avions déjà plus, balayées par le progrès du pneu et du
bitume, balayé aussi le charme de ces trains désuets qui faisait que les gens
les regardaient passer et par la même occasion balayée aussi notre jeunesse.
À Crassier, il y avait une scierie (3) avec un réseau en voie de 60 et des wagonnets chargés de planches. Parfois à notre passage, il arrivait qu'un
ouvrier pousse le wagonnet sur une plaque tournante pour lui donner une autre
direction. Pas de traction dans cette scierie, la manutention se faisait
manuellement. En 2007 à l'occasion d'un rassemblement nautique à Rolle sur la
rive nord du Lac Léman, je me suis échappé pour revoir ces lieux qui firent
mon bonheur étant mino. La voie métrique n'est plus en correspondance en face
de la gare de Nyons, fini les rails sous les voies principales, fini les
aiguillages au milieu de la rue pour les manœuvres, tout est propre, nickel,
les voitures circulent sans encombres. La scierie a perdu ses wagonnets, les
rails n'ont pas pu être arrachés au béton, mais les plaques tournantes,
elles, si. La plate-forme entre Crassier et Divonne a elle aussi disparu sous
les habitations et les terrains viabilisés. A Divonne la scierie Martin a aussi
disparu et sa voie de 60 aussi (4). J'ai pu il y a une quinzaine d'années sauver un
wagonnet Chauvineau (Villeneuve-la-Garenne) mais il y avait un Decauville dans
son jus, hélas ! trop gros pour mon coffre et puis quand j'y suis retourné, il
avait un bel immeuble moderne. Aucun habitant ne peut soupçonner qu'il y a 50
ans, pendant les vacances, je jouais avec les wagonnets de la scierie sous
leur salon ou leur chambre à coucher. D'ailleurs je me souviens que le banc de scie était entraîné
par une roue à aubes caressée par la Divonne.
Ici s'arrête la voie en direction de Crassier-La Rippe.
L16 wagonnet Chauvineau qui servait à la manutention des planches de la scierie Martin à Divonne (voir LVDC n°16)
Notes
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