Le carnet du CFC
Petite histoire de la locomotion à vapeur terrestre
MAD
La locomotive accomplie de George Stephenson
Comme
on a pu le voir dans les pages précédentes, l'idée d'appliquer la machine à
vapeur à faire mouvoir des chariots, voitures, locomotives sur les routes
ordinaires ou voies de fer était devenue le projet général de tous
mécaniciens et ingénieurs formés aux arts de la mécanique. A ce courant vint se
fondre un homme de grand talent : George Stephenson.
Né en 1781, près de
Newcastle-sur-Tyne, il était le fils d'un mineur du nord. Dès son enfance, il
fit preuve d'un grand talent de mécanicien et de disposition pour l'étude.
Encore adolescent, il conduisit le machine dont son père était chauffeur. Il
se mit à étudier les différentes machines à vapeur alors en usage et
assimila toutes les subtilités de celles de Watt et de
Newcomen. Devenu garde-frein à Willington Quay,
il rencontra William Fairbairn dont il devint
l'ami et avec qui il partageait de nombreux projets.
Son fils Robert y naquit en 1803. A la mort de sa femme, George prit un poste de
conducteur de machine dans une filature en Écosse puis revint à Killingworth
où il se fit connaître en réparant une machine de Newcomen qui ne
fonctionnait pas convenablement et qui deux jours après était capable
d'épuiser toute l'eau du puits auquel elle était affectée.
En 1812 il fut nommé chef mécanicien de la grande fosse de Killingworth
et chargé à ce titre d'inspecter les machines de toutes les houillères
exploitées par la Compagnie des "Grands Alliés". C'est à cette
époque qu'on le considéra comme un inventeur. Il apporta de nombreuses
améliorations aux puits de Killingworth dont la création d'un plan incliné par
lequel les wagons descendants chargés remontaient les vides, ce qui réduisit le nombre de chevaux affectés à cette tâche, faisant passé leur nombre de
100 à seulement 16.
Il fit diverses visites d'installations pour voir les machines locomotives dont
celle des houillères où exerçaient Blackett & Hedley à
Wylam, il se
rendit aussi à Leeds voir celle de Blenkinsop, à la suite de quoi, il
construisit une locomotive à vapeur aidé de John Thirlwall dans les ateliers
de la houillère. Elle fut terminée en 1814.
Cette
machine nommée "Blücher" avait une chaudière cylindrique
horizontale, en fer forgé de 8 pieds de long et 2 pieds et 10 pouces de
diamètre avec un seul carneau de 20 pouces. Les cylindres verticaux de 8 pouces
de diamètre et 2 pieds de course, implantés dans la chaudière même faisaient
mouvoir une série de roues, qui engrenaient l'une avec l'autre et avec d'autres
roues dentées calées sur les deux essieux moteur. Un réchauffeur d'eau
d'alimentation entourait le pied de la cheminée. La machine traînait 30
tonnes, en remontant une rampe de 10 à 12 pieds par mille, avec une vitesse de 4
milles à l'heure. Mais ses nombreux défauts firent qu'elle ne fut en fin de
compte pas plus économique que les attelages qu'elle remplaçait.
La machine n°2 de la fosse de Killingworth était encore en exploitation
en 1875 transportant d'énormes trains de houille à la vitesse de cinq ou six
milles par heure, de manière économique.
En 1815, Stephenson en construisit une autre qu'il fit breveter.
Cette seconde machine était munie de deux cylindres verticaux. Les bielles étaient directement attachées aux quatre roues motrices. Afin de permettre la liberté des mouvements, on avait adopté l'articulation "à genoux" pour relier les bielles aux traverses. Les deux essieux moteurs étaient réunis par une chaîne sans fin. L'essieu coudé et l'accouplement extérieur, d'après les spécifications du brevet, ne furent mis en usage que plus tard, parce qu'on ne pût parvenir à fabriquer les arbres à vilebrequin. Le tirage forcé, produit par la vapeur d'échappement fut appliqué à cette machine; ce qui en permit d'en doubler la puissance, d'employer le coke comme combustible et d'adopter la chaudière multitubulaire. De petits cylindres à vapeur supportaient la machine et faisaient offices de ressorts.
C'est à peu près à cette époque que Stephenson
et Humphry Davy inventèrent
la "lampe de sûreté" selon des procédés différents.
Il continue ses recherches en matière de chemin de fer et imagina un nouveau
procédé, par recouvrement, pour le raccordement des rails. Il apporte
également diverses améliorations à ses machines, détermine
expérimentalement la résistance des trains à l'aide d'un dynamomètre et se
rend compte que la locomotive routière ne peut pas lutter contre celle sur
rail. Il trouve qu'à toutes les vitesses où il fit ses expériences, la
résistance était sensiblement constante et équivalente à 10 livres par tonne
et qu'il suffisait d'une rampe de 1/100 pour diminuer de 50% la puissance de
traction et compris donc cette nécessité bien fondée d'établir les voies ferrées aussi horizontalement que possible et l'importance de cette branche
qu'est le génie civil. Ses recherches ne se cantonnent pas qu'à la machine
locomotive, il s'intéresse à tous les aspects du chemin de fer. C'est à cette
époque qu'il prend partie activement pour l'application de la traction vapeur
sur les chemins de rails et non pas sur les routes ordinaires. Il s'appuie sur des
calculs qui montrent que la traction sur rail est dix fois supérieure alors que
la vitesse l'est trois ou quatre fois.
En 1817, il construit, pour le Duc de Portland, une locomotive pour transporter
le charbon de Kilmarnock à Troon. Elle fonctionna jusqu'en 1848. Cinq ans plus
tard, c'est l'ouverture de la courte ligne du chemin de fer de Hetton et des
docks près de la Wear, dont il était l'ingénieur. C'est la première fois
que dans les esprits le nom de "chevaux de fer" émergea. Ces cinq
machines construites étaient capables de remorquer des trains de 17 wagons de
charbon représentant une masse de 64 tonnes.
Enfin
en 1823, il est choisi comme ingénieur pour la construction de
la maintenant célèbre ligne
de Stockton à Darlington afin de mettre les charbonnages de Durnham en
communication avec la mer. C'est à cette occasion qu'avec l'aide financière de Thomas Richardson, il ouvre l'usine
de construction de machines qui deviendra plus tard un établissement renommé.
Il abandonne définitivement les rails en bois, recouverts de fer pour le rail en fer de
20 livres au yard (environ 10 kilos au mètre).
La
locomotives n°1 fut livrée juste avant l'ouverture de la ligne le 27 septembre
1827. Elle pesait 8 tonnes, sa chaudière contenait un unique carneau droit,
dont une extrémité formait le foyer. Les cylindres étaient verticaux et
reliés directement aux roues motrices. Les manivelles des roues étaient à
angle droit l'une sur l'autre, de façon qu'au moment où l'une des machines
était au point mort, l'autre exerçât son effort maximum. Les deux
paires de roues motrices étaient accouplées par des bielles horizontales. Un
jet de vapeur dans la cheminée produisait le tirage nécessaire. Elle pouvait
atteindre la vitesse de 16 milles à l'heure. Les rampes de la ligne étaient
commandées par des machines fixes.
Alors que les locomotives tiraient des wagons de charbon, les voitures
voyageurs, elles, étaient tirées encore par des chevaux.
Cette machine fut plus tard exposée sur un piédestal en gare de Darlington.
Lors de l'établissement de la ligne Liverpool-Manchester il y eut des heurts
entre les gens qui avaient des intérêts dans les systèmes de diligence et
les promoteurs de chemin de fer. A cette occasion Stephenson prônât l'abandon
total des chevaux en arguant qu'il pourrait construire une machine qui pourrait
atteindre la vitesse de 20 milles à l'heure, ce qui lui attira les critiques
des gazettes et l'opposition de ses adversaires. Les travaux qu'il exécuta sur
cette ligne (tranchées, tunnel) contribuèrent au succès de l'entreprise. Il
en organisa les moindres détails (plaques tournantes, changements de voie,
etc.).
Un concours fut organisé pour la construction d'une machine. Quatre étaient en
lisse la Novelty, la Sans pareille, la
Cycloped (engin mu par un cheval), la Rocket et la Persévérante.
La Novelty pesait trois tonnes. Elle atteignit la vitesse de 28 milles à heure. Mais, suite à un accident de soufflerie, sa fiabilité la disqualifia définitivement.
Pendant les années qui suivirent,
George Stephenson se consacra à l'amélioration et
la
construction de nouvelles lignes de chemin de fer en Grande-Bretagne.
Stephenson passa le reste de sa vie à voyager en Europe où il fut reçu par les plus hauts dignitaires
avec les honneurs qu'on lui reconnaissait. Pour le plaisir ou pour ses affaires,
ces voyages lui permirent d'étudier la construction de nouveaux chemins de fer.
Au cours d'un de ces voyages, il tomba malade et ne se rétablit jamais
complètement. Il se consacra alors à ses houillères et ses usines. Son fils
Robert l'avait entièrement remplacé dans toutes les affaires relatives au
chemin de fer. Simple, sérieux, épris de bon sens, à l'intelligence
affinée, George Stephenson
est le
père du système de chemin de fer à locomotive. Chemin de fer qui a continué
d'évoluer. http://www.twmuseums.org.uk/stephenson/ http://perso.orange.fr/roland.arzul/exposition/debuts.htm
La
Rocket a été construite à l'usine de Robert Stephenson & Cie à
Newcastle-sur-Tyne. La chaudière, longue de six pieds, avait un diamètre de 40
pouces et 25 tubes de cuivre de 3 pouces ce qui lui donna une surface de chauffe
importante. Le tirage était réglé au moyen d'un siphon et d'une colonne d'eau
et les cylindres étaient inclinés, agissant sur une seule paire de roues. Elle
pesait 4,5 tonnes et atteignit la vitesse de 25 à 30 milles à l'heure avec
une voiture contenant trente voyageurs.
Quelques jours plus tard, elle fut mise en pression en moins d'une heure et
parcourut 35 milles en 1 heure 48 minutes avec un train de 13 tonnes. Sa vitesse
moyenne fut de 15 milles à l'heure. La question du choix de traction fut
définitivement résolue.
Elle resta sur la ligne jusqu'en 1847,
puis fut revendue au chemin de fer de Midgelholme. Elle est aujourd'hui conservée au National
Museum of Sciences and Industry de South Kensington.
Le 14 juin 1830, on inaugurait la ligne Manchester-Liverpool et c'est "The
Arrow" (la Flèche) qui accompli le trajet en une heure et demie, avec une
vitesse maximale de 27 milles par heure. Outre "la Rochet", la maison
Robert Stephenson & Cie avait construit sept autres machines pour
l'exploitation de cette ligne, ainsi que de nombreuses voitures dans lesquelles
600 voyageurs prirent places. Cet événement fut le déclencheur de
l'engouement du public et de la presse pour le chemin de fer. Alors que pendant
plus de quinze ans le chemin de fer de Killingworth
fonctionnait dans la plus grande indifférence. Malheureusement, le jour de
l'inauguration, un accident (le
premier du chemin de fer) entacha cette journée mémorable.
Alors que la "Northumbrienne",
accompagnée de la voiture du Duc de Wellington conduite par Stephenson
lui lui-même, alla faire de l'eau sur une voie de garage, la Rocket qui manœuvrait
heurta M. Huskison qui ne l'avait pas entendu venir, lui broyant une jambe.
Placé sur la "Northumbrienne", la machine l'emmena à son domicile, en parcourant
les 15 milles en 25 minutes. Il mourut le soir même des suites de cet
accident. La nouvelle de ce record de vitesse se répandit dans tout le royaume
puis dans toute l'Europe et fut une des causes de l'adoption immédiate
de ce nouveau mode de transport révolutionnaire. Cette première ligne
construite pour 400 voyageurs par jour en vit 1200, puis 500000 cinq ans
après.
Le chemin de fer était adopté sans retour.
En 1840, visionnaire, ses prérogatives ne furent adoptées que plusieurs
années plus tard, comme le frein continu, la sécurité, etc. Certaines de ses
inventions furent reprises par des gens peu scrupuleux qui voulurent en tirer
profit. D'autres, plus intéressés par leur profit que par l'intérêt
général, proposèrent des systèmes farfelus.
L'exemple le plus frappant fut celui du chemin de fer
atmosphérique, dont le
principe fut
imaginé par Papin en 1687 en même temps que sa machine pneumatique à double
effet, puis reprise par Medhurst qui en fit un système d'aspiration par le vide
pour les paquets. Sur les chemins de fer, c'est Clergg et Samuda qui en firent
une application entre Londres et Croydon. Lord Howick, le rival des
Stephenson en fut un adepte convaincu
Un long tuyau de 2 pieds était couché entre les rails de la voie. Ce tuyau
était muni d'un piston parfaitement ajusté auquel était fixée une tige
solide qui traversait une fente courant tout le long du tuyau de la
génératrice supérieure du tuyau et recouverte par une bande de cuir flexible.
Cette tige était attachée à la voiture, qu'il s'agissait de mouvoir. On
faisait le vide d'un côté du piston, et la pression atmosphérique,
s'exerçant sur l'autre face, le poussait en avant, ainsi que le train qui y
était attelé.
En Août 1848, il fut pris par une fièvre intermittente qui l'emporta le 12 du
même mois à l'âge de 66 ans. Aussitôt après sa mort de nombreuses statues
furent élevées en son honneur.