Le carnet du CFC
Petite histoire de la locomotion à vapeur terrestre
MAD
Le premier projet pour l'application de la vapeur à la locomotion terrestre fut celui d'Isaac Newton en 1680. Sa machine rudimentaire est décrite dans "l'explication de la philosophie newtonnienne". Elle se compose d'une chaudière sphérique montée sur une voiture. La vapeur s'échappant par un tube vers l'arrière pousse le véhicule en avant par un effet de réaction. Le conducteur, mécanicien règle le débit de vapeur au moyen d'un levier relié à un robinet.
En 1759 le docteur Robison entrepris Watt encore ignorant de ces principes. Ce fut le point de départ de recherche dont on connaît l'aboutissement.
En 1765 le docteur Erasmus Darwin, poète, philosophe et médecin, futur associé de Watt proposa de construire un "char flamboyant" qu'il dessina. Repris par Edgeworth qui en publia un mémoire en 1878 dans lequel il proposa l'établissement de roues garnies de rails, sur lesquels les voitures eussent été traînées par des chevaux ou par des cordes enroulées sur un cabestan mu par la vapeur.
En 1790, Nathan Read, qui travailla sur l'introduction de la vapeur appliquée à la marine, proposa une voiture à vapeur dont la figure jointe à la demande de brevet montre quatre roues dont les deux, à l'arrière, sont munies de pignons portés sur le moyeux et mises en mouvement à l'aide de crémaillères fixées aux tiges de pistons. La chaudière produit la vapeur qui est amenée aux cylindres par des tuyaux. L'avant-train, mobile, est manœuvré par un volant horizontal au moyen de cordes ou de chaînes. Des robinets servent à interrompre ou réguler l'admission de vapeur. L'inventeur alla jusqu'à orienter les tuyaux d'échappement vers l'arrière pour en utiliser l'effet de réaction de la vapeur expulsée. En exposant les plans de sa voiture, Read comptait en tirer des ressources financières pour les mettre à exécution, malheureusement le projet ne connut pas de suite et l'inventeur se consacra à l'application marine de la vapeur.
La première
expérience sérieuse succéda aux projets abandonnés. En 1769, Nicolas Joseph
Cugnot, officier d'artillerie, construisit une voiture qui fonctionna en
présence du Duc de Choiseul, ministre de la guerre. Les fonds avaient été
fournis par le Comte de Saxe, mais l'expérience ne rencontra qu'un succès
mitigé, aussi reconstruisit-il en 1770 une seconde machine qui est toujours
exposée au Conservatoire des Arts et Métiers.
Le fardier de Cugnot a été construit par le mécanicien Brézin. Le châssis
et le mécanisme sont soigneusement agencés, les cylindres à vapeur avaient 13
pouces de diamètre et la machine d'une grande puissance. Elle se compose de
deux poutres de fort équarrissage s'étendant d'un bout à l'autre, supportées
en arrière par deux roues très solides, et en avant, par une autre plus
lourde, mais plus petite. Cette dernière porte sur tout son pourtour des
parties saillantes, destinées à mordre dans le sol lorsqu'elle tourne, de
façon à lui donner plus de prises. La roue unique est mise en mouvement par
deux machines à simple effet, une de chaque côté, auxquelles la vapeur est
fournie par une chaudière à l'avant de la voiture. Le mouvement est
communiqué à l'avant de la voiture au moyen de rochet, comme l'avait proposé
Papin; il pouvait être renversé lorsqu'on voulait faire marcher la voiture en
arrière. Sur le corps du véhicule est un siège pour le conducteur qui dirige
la machine au moyen d'une série d'engrenages permettant de déplacer tout le
système de 15° ou 20° dans un sens ou dans l'autre. Le plan général de
construction de cette locomotive parut assez satisfaisant; mais la chaudière
était trop petite et l'appareil dirigeant ne permettait pas de manœuvrer
rapidement la voiture.
Cugnot qui servit dans les armées de France et d'Allemagne mit fin à ses
expériences à cause de la mort et de l'exil de ses deux protecteurs. Il
recevait une rente de 660 livres du gouvernement français et mourut en 1804 à l'âge de
soixante dix-neuf ans.
En 1784
Watt dans un
de ses brevets fit comprendre expressément la machine locomotive et son aide
Murdoch construisit cette même année un modèle de locomotive qui pouvait
marcher à grande vitesse. Ce modèle est encore visible au Musée des Brevets
de South Kensington à Londres.
La machine de Murdoch était munie d'une chaudière à carneaux, et son
cylindre avait 3/4 de pouces de diamètre, la course du piston étant de 2
pouces. Les roues motrices avaient un diamètre de neuf pouces et demi. Le
modèle de William Murdoch développait une vitesse de 6 à 8 milles à l'heure, ses
petites roues motrices faisaient de 200 à 275 tours par minute.
Samuel Smile dans sa biographie des Stephenson relate une anecdote amusante de
William Murdoch voulant essayer de nuit sa locomotive. Il parait qu'un soir,
après avoir fini sa journée de travail à la mine, Murdock résolut de faire
l'essai de sa locomotive. Dans ce but, il se rendit sur l'avenue conduisant à
l'église, à un mille environ de la ville. L'avenue était un peu étroite et
bordée de chaque côté de haies élevées. La nuit était sombre, et Murdock
était parti seul pour faire son essai. La lampe à esprit de vin allumée,
l'eau ne tarda pas à bouillir, et voilà la machine partie, l'inventeur courant
après. Il entendit tout à coup des cris de détresse. L'obscurité de la nuit
ne permettait pas de distinguer les objets, cependant, en suivant sa machine, il
reconnut bientôt que ces cris de détresse provenaient du digne pasteur de la
paroisse, qui, se rendant à la ville pour quelque affaire, s'était trouvé
face à face dans ce chemin désert avec un petit monstre en feu, qu'il
déclarait plus tard avoir pris, à ses sifflements, pour le démon en
personne.
Cependant Murdock, ne fit rien pour pousser plus loin son idée de locomotive et
lui donner une forme plus pratique.
C'est alors que l'idée de la vapeur considérée comme moyen de traction
s'empara des esprits dans les bassins houillers du Nord de la Grande-Bretagne
où se faisait sentir le besoin impérieux de quelque moyen de transport plus
efficace que le cheval. Mais avant de s'appliquer au chemin de rails, la
locomotive s'appliqua aux chemins de terre.
En 1789, un certain Thomas Allen pris un brevet d'invention pour le transport
des marchandises au seul moyen de la vapeur.
Par la force des choses, machine à vapeur et chemin de fer devaient arriver à se rencontrer, l'usage des chemins à ornières étant devenu général dans les pays de mines.
Rien ne fut toutefois
exécuté à une plus grande échelle. C'est en 1800 aux États-Unis qu'un jeune
apprenti charron, Oliver Evans proposa d'utiliser des pressions nettement plus
importantes, faisant alors fi de la condensation, pression qu'il eut l'idée
d'appliquer à la locomotion terrestre. Après avoir pris l'avis du professeur
Robert Paterson de l'université de Pensylvanie, il commença la construction
d'une voiture à vapeur qui devait être mue par une machine sans condensation.
"Je ne doute pas que les machines n'arrivent à faire marcher les
bateaux contre le courant du Mississipi, et des voitures sur des grandes routes
avec grand profit...
Le temps viendra où l'on voyagera d'une ville à une autre dans des voitures
mues par des machines à vapeur et marchant aussi vite que les oiseaux peuvent
voler, 15 ou 20 milles à l'heure... Une voiture partant de Washington le matin,
les voyageurs déjeuneront à Baltimore, dîneront à Philadelphie et souperont
à New-York le même jour"
En 1804,
Evans utilisa une de ses machines pour transporter un grand bateau
à fond plat, construit par ordre sanitaire de Philadelphie, pour le nettoyage
des bassins le long des quais de la ville. Il adjoint au bateau des roues, y
plaça une machine à vapeur de 5 chevaux de force et nomma cet étrange
véhicule "Oruktor Amphibolis".
Dans la machine d'Evans, la roue est mise en mouvement par une bielle
suspendue à l'extrémité d'un balancier dont l'autre extrémité est soutenue
par un cadre. Le corps de la machine est porté sur des roues auxquelles des
courroies transmettent le mouvement de la poulie placée sur l'arbre qui porte
la roue. A l'arrière on voit la roue à palettes (aubes). Evans avait
envoyé Joseph Sampson en Angleterre pour que ce dernier montre ses plans à Trevithick,
Vivian et autres ingénieurs anglais.
L'étrange véhicule se déplaça à travers les rues de la ville et une fois
mise à l'eau, c'est la roue à aube, à l'arrière, qui pris le relais. En
septembre de la même année il soumis un exposé sur le transport à vapeur sur
les routes ordinaires en admettant des voitures chargées à 10 barils de
farine et marchant à raison de 50 milles par 24 heures, ce qui équivalait
à 10 chariots attelés de 5 chevaux.
Evans travailla également à la construction d'un steamer ainsi qu'à
l'élaboration de la chaudière à carneaux. Evans ne parvint jamais à obtenir
en Amérique le succès que Watt eu en Angleterre. Il construisit néanmoins des
machines à vapeur jusqu'à sa mort en 1819. Issu d'une famille de meuniers, il
continua aussi à améliorer les techniques de minoterie. Il écrivit"The
Young Steam Engineer's guide".
Dès 1786, William Symington préoccupé par l'application de la vapeur à la marine, construisit un modèle de voiture à vapeur sans remporter de résultats pertinents. Il fallut attendre 1802 pour voir apparaître la voiture à vapeur de Trevithick, élève de Murdock dont le nom se trouva plus tard lié à l'industrie ferroviaire. Cette voiture est encore visible au Musée des Brevets de South Kensington à Londres.