Un dimanche à Pithiviers

MAD

Ce jour-là, il faisait beau en Beauce, les blés ondulaient sous le soleil et la poussière soulevée par les moissonneuses emplissait l'air d'une odeur de récolte bénéfique. Il était onze heures lorsque j'arrivais au dépôt. René brûlait de veilles herbes et le ronronnement du T15 résonnait au fond de la voie de desserte du grill. Dans la remise sous la hotte, la Meuse "Les Fontenelles" montait en pression tranquillement. 
C'est David et JP qui étaient de traction ce jour-là. Petit à petit l'équipe d'exploitation arrivait et vers midi et demi nous nous retrouvâmes tous au foyer des agents pour l'apéro, à l'ombre du cerisier, contents de nous retrouver. Le grand poêle était silencieux, seul l'ordinateur passait en boucle des photos d'autres épopées ferroviaires. La table était dressée et au cours du repas chacun y allait de ses histoires de tractionnaires, comme au siècle dernier, au même endroit, les "anciens" du Pithiviers-Toury. Au mur des photos d'anciens en noir et blanc rappelaient leur présence et ils semblaient dire : ne nous oubliez pas. Le repas fut animé, vivant, chaleureux, puis après le café chacun regagna son poste. Nathalie à la gare, Picsou accompagné de Séverine comme chef de train, Anita au wagon bar. La Meuse en exposition et en réserve se tenait en pression sur la voie d'évitement près de la grue à eau. Le T15 se mis en tête de la rame, poussa, légèrement pour retirer la cale, c'est JP qui prenait la première rotation. 
A 14 heures précises, le coup de sifflet retentit et lentement le train s'ébranlât dans la descente retenue par le lourd Gmeinder. Je restais avec Michel sur le quai, nous le regardions s'éloigner, puis disparaître dans la courbe avant le pont du chemin de fer. Je profitais du calme revenu pour visiter pour la nème fois le musée et saluer René au poste des souvenirs. Sur la voie de 60, La 030T Decauville, la Decauville type 3 et une DFB étaient exposées chacune dans une livrée remarquable comme l'AMPT sait les présenter. Au fond dans l'ancienne forge une exposition sur le 40ème anniversaire retraçait en images ce moment fort. Puis le sifflet du T15 retentit et ses vibrations se firent sentir dans la rampe. La rame était pleine. D'autres voyageurs montèrent et David remplaça JP après la remise en tête. Je montai avec lui en cabine. Il serra la rame pour en extraire la cale et au coup de sifflet, il laissa doucement filer le train dans la descente. Nous passâmes devant le grill, puis ce fut la courbe avant le pont du chemin de fer et la courte descente, vers le PN où le signal d'arrêt était fermé. Avant, il y avait un carré, mais maintenant, c'est un signal lumineux comme pour les vrais tramways de la ville. Picsou et Séverine descendirent munis du drapeau rouge pour assurer la sécurité aux  PN successifs et la croisée VN/V60 de l'usine d'engrais qui vient de fermer. Le locotracteur tressautât. 

A la dernière Valenciennes, les deux chefs de trains grimpèrent sur le marche-pied et le convoi accéléra dans la rampe pour atteindre sa vitesse de croisière. Nous laissâmes derrière nous, les dernières usines, puis nous passâmes sous le pont de la déviation. A tribord, la route rectiligne suit la voie sans la quitter, à bâbord des champs de blé s'étendent à perte de vue, une véritable mer d'or sur laquelle notre vaisseau sur rail semblait surfer dans un bruit assourdissant, celui de son moteur 6 cylindres. Nous arrivâmes bien vite à Bellebat, cette fois par le côté de la boucle qui longe la route et le train s'arrêta devant le BV. Sur le quai de la gare des voyageurs assis buvaient en regardant le train. De l'autre côté du quai sur la voie qui lui est réservée, le wagon bar, éternel, était ouvert comme chaque dimanche. Un petit air de guinguette régnait à l'ombre des acacias. Je descendis. David fit la remise en tête, Séverine fit l'attelage et tranquillement, le train reparti vers Pithiviers. La pluie nous fit espérer un instant la mise en service de la machine à vapeur, mais elle ne fut pas suffisante et par sécurité pour les champs en attente de moisson, c'est encore le diesel qui assura le dernier train. A son retour la Meuse regagna le dépôt, puis une fois la rame calée et la voie bloquée par le taquet, le Gmeinder fit de même. Nous nous retrouvâmes au foyer des agents, la journée était finie.
C'était un dimanche à Pithiviers.

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