Felin Hen
Marc
André Dubout - Patrick Mourot
Interview de Patrick Mourot (Tacot des Lacs) - 22 mai 2011
La Baldwin n°5104 de 1917 est une locomotive 131T (type Prairie) de l'Army
Transport Corps (USATC) construite à 250 exemplaires et envoyée en France pour l'Armée Française en 1918. Après la guerre,
ne trouvant pas d'utilisation au sein de l'armée ni dans l'industrie, elle a été vendue aux carrières d'ardoise de Penrhyn
1 dans le Pays de Galles
pour tracter les trains d'ardoise sur la ligne principale reliant les carrières
à la mer. C'est là qu'elle a été baptisée "Felin Hen" 2. Peu utilisée, elle
a été expédiée en Australie à Brisbane en 1940 alors que ses deux consœurs
Llandegai, Tregarth ont été ferraillées. En Australie elle tracte les wagons
de canne à sucre et reçoit le n°4 au Moulin de Fairymead, près de Bundaberg
3.
Son bissel avant étant la cause de trop nombreux déraillements, elle a été
transformée en 031T en 1956. De nouveaux réservoirs lui ont été attribués
à cette époque et en 1965 elle fut remisée dans un parc de Bundaberg. Par la
suite elle a été acquise par le BSTPS pour sa restauration et démontée.
Vue l'étendue du travail de restauration, elle a été cédée à Patrick Mourot
en 2002 où elle arrive au Tacot des Lacs.
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Felin Hen le
21 mai 2011 pour sa remise en marche officielle, juste avant l'allumage.
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Vue de trois quart
avant le long du quai près du dépôt.
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Patrick
ne le cache pas a toujours eu un "faible" pour les Baldwin. Pour lui
cette locomotive semblait être la plus belle locomotive en voie de 60 et elle
manquait à sa collection. Depuis longtemps il avait envie de voir évoluer ce modèle de
locomotive sur le réseau du Tacot des Lacs. Malheureusement sur la planète à part cette carcasse qui était restée dans une association
il n'en restait pas une seule. Alors un jour il a décidé de prendre contact avec
le propriétaire qu'il avait connu par l'intermédiaire d'une famille d'anglais, les Brewer
en voyage en Australie.
"Si tu veux cette locomotive, tu écris à cette adresse".
C'est alors que commence sérieusement l'aventure. Sans l'avoir vue, sauf en
photos prises par des amis, il achète ce qui reste de la locomotive, c'est à
dire le châssis, les roues motrices et arrière, la chaudière et des éléments de la cabine et de la caisse arrière.
Il informe la sucrerie de son intention de redonner vie à cette machine et
cette dernière participe gracieusement à son transport vers la Seine-et-Marne. Felin
Hen arrive en 2002 au Tacot des Lacs.
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Felin Hen à son
arrivée au Tacot des Lacs.
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On est loin du
résultat final. Tout l'avant a été tronqué. La plaque tubulaire avant a
été démontée, il a fallu la re-riveter sur la virole. Et puis plus rien de
la carrosserie.
(Photo Hazel Brewer © avec son aimable autorisation)
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La restauration
Commence alors le travail de restauration ou plutôt reconstitution parce qu'à
son arrivée il manquait les deux tiers de la locomotive.
Tout d'abord il a fallu reconstituer le bissel avant supprimé. Comme les roues arrière étaient les mêmes que les roues avant,
Patrick a fait une empreinte de la roue arrière comme modèle pour refaire les autres.
Pour cela, il a fallu faire de la fonderie, l'équivalent de 900 kg de ferraille.
Par ailleurs, la rareté des documents existants l'a obligé à faire des recherches
iconographiques pointues. Dans cette quête Richard Dunn 5
qui avait fait un travail sur des locomotives de ce type lui transmis un plan d'élévation et des photos de détails.
C'est ainsi qu'ont pu être reconstruits le châssis avant et le bissel avec sa
suspension.
Ensuite il s'est attaqué à la chaudière dont la plaque tubulaire avant été démontée
et au dossier administratif qui était inexistant. Côté chaudière, Patrick a
dû apprendre à faire du rivetage parce qu'aucune d'entreprise était capable d'exécuter
ce travail. Ce sont des rivets de 22 qui fixent la plaque à la virole et c'est
en Angleterre qu'un ami lui a trouvé des rivets adéquats. La chaudière était en parfait état parce qu'en 1950 elle avait été refaite à neuf en Australie, foyer, etc.
Il a donc riveté la plaque avant, remis des tirants et l'ensemble du faisceau tubulaire
Côté dossier il a fallu tout reconstituer, note de calcul, analyse de
matière, mesure des épaisseurs, etc.
À partir de là, le chantier était bien avancé en tout cas prometteur puisque
l'espoir de voir rouler Felin Hen était assuré légalement.
Ensuite ce fut le travail de reconstruction de la carrosserie, des soutes à eau,
de la cabine, du plancher et de la caisse arrière. Il a dû refaire aussi
la cheminée, la porte de boîte à fumée
- à l'américaine - parce qu'elle avait été transformée. Et puis il manquait les traverses avant, arrière, les anti-dérailleurs, les attelages, pleins de détails mais qui font beaucoup de travail.
Commencée en 2002 pour être terminée en 2010, c'est un véritable exploit
d'autant qu'entre temps Patrick a travaillé sur d'autres matériels.
Par chance un ami lui a trouvé un tender, un wagon citerne qu'on mettait derrière la machine pour avoir
plus d'autonomie et sur lequel on pouvait stocker le bois ou le charbon. C'est une citerne de la Guerre de 14, une pièce rare sur un châssis Pershing, un châssis universel qui pouvait recevoir divers aménagements.
Ce tender était dans un jardin et servait à
l'arrosage. pour compléter il a trouvé un wagon couvert fermé dans une ferme à côté de Pithiviers, ce qui fait
qu'il a un train historique complet avec un wagon plat qu'un ami espagnol lui a offert.
Voilà donc une rame complète qui peut accompagner cette machine qui est classée
Monument Historique.
Si on mettait une Baldwin originale à côté de Felin Hen, plus d'un tomberait le
panneau car
Patrick l'a reconstruite à l'identique en respectant les manières de faire.
Il a riveté là où il y avait du rivetage, cintré les tôles à l'identique. Même la visserie qu'on aperçoit à l'extérieur, c'est une visserie à
froid faite à la main à l'époque, visserie que il a retrouvée dans une charpente de garage démonté.
Les accessoires
Les injecteurs ne sont pas ceux d'origine qui ont disparu, ce sont de vieux injecteurs et la
robinetterie qui représente la robinetterie de sécurité, est neuve, aux normes d'aujourd'hui,
pour garantir la sécurité.
La chaudière est timbrée à sa pression d'origine, c'est à dire 12,5 bars.
En ordre de marche la machine pèse 16 tonnes.
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Sur la porte de
boîte à fumée la plaque constructeur 5104 en caractères bien américains
et autour de la plaque l'inscription "The Baldwin locomotives Works
- Philadelphia U.S.A."
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Le pivot du bissel
avant entièrement reconstruit à l'identique
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Le cylindre gauche
surmonté de sa boîte à tiroir. Une distribution bien connue.
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La crosse
solidement ancrée d'un côté sur le cylindre et de l'autre sur le
châssis.
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Le secteur de
distribution
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La bielle motrice
qui attaque l'essieu arrière et la bielle d'accouplement qui transmet
l'effort aux autres essieux.
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Dans la cabine
spacieuse toute la robinetterie est neuve. Ici, on voit le manomètre avec
derrière la nourrice et les vannes de l'injecteur, du souffleur. Au premier
plan le régulateur horizontal, c'est bien une machine américaine... De
l'élégance dans le geste.
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L'injecteur gauche
bien français celui-là... peut d'une ancienne 030T Decauville ?
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Le levier de
changement de marche majestueux peint en rouge bien sûr... une pièce
maîtresse
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Le régulateur vu
du dessous. À droite la conduite de vapeur de l'injecteur droite.
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En façade les
niveau d'eau encadre la plaque constructeur et le timbre (12,5 bars). En bas
la porte du gueulard.
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Sur cette photo, on
semble être prêt à tirer sur le régulateur !
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L'allumage et après
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Patrick dans la
cabine et Philippe qui s'apprête à craque l'allumette
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Ça y est, c'est
parti il faudra attendre trois heures pour atteindre la pression de service.
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Pendant ce temps
là moi je joue avec la verticale. Tout d'abord remplir la chaudière qui n'a
pas été allumée depuis cet hiver. Pas la peine de gratter la grille comme
on ne brûle que du bois il n'y a pas de scories.
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Et puis je ne suis
pas seul. Mes moussailons de la vapeur sont là pour m'aider Timothée
et Alexis. Une sacrée équipe
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Avec un feu bien
mené, en une demie heure c'est
prêt..
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Allez ça y est le
mano frise les 8 bars on ne va pas tarder à partir pour
de nouvelles
aventures.
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Tiens un copain !
Lui non plus n'a pas le droit de tourner il faut dire qu'il manque l'arbre de
transmission... il ne risque pas de fumer.
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Sur le pont sur le
Loing. Stéphane et Véronique sont sur le marche-pied avant pour filmer.
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Et puis une petite
photo de famille avant de revenir à la gare.
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Video
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où l'on croise
devinez qui ? Felin Hen, la seule qui roule en France... que dis-je... sur
la planète.
Il y en avait qu'une Il l'a trouvée... Respect !
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Video
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Et d'autres video sur Youtube
Notes
- 1 En 1924
Penrhyn
(Pays de Galles a acheté trois 131T Baldwin pour l'exploitation de sa
ligne principale, cependant les déraillements fréquents les ont
disqualifiées auprès des Hunslet.
Ces trois locomotives : Llandegai, Tregarth et Felin ont été retirées du service après
trois ans de service.
Tregarth (ci-contre) a été ferraillée en 1940, ainsi que
Llandegai
qui a servi comme chaudière fixe pour le nettoyage.
2 Vieux
moulin
plutôt que Felin la poule
- 3 Bundaberg
Sugar possède un vaste réseau ferroviaire de canne à
sucre comprenant environ 950 km. Pas moins de 40 trains de canne
fonctionnent 24heures sur 24 au cours de la saison de broyage qui s'étend généralement de mai à Novembre de chaque année.
Le réseau est encore aujourd'hui très actif et l'entreprise accorde une grande importance à la sécurité de
ses employés et des communautés concernées.
- 4 Baldwin Locomotive Works était un constructeur américain de
locomotives, situé à Philadelphie, en Pennsylvanie. Bien que la société a été très
productive en locomotives à vapeur, le passage à la production de diesel,
a eu moins de succès.
La Société a cessé sa production de locomotives en 1956 et a fermé ses portes en 1972.
Son fondateur, Mathias W. Baldwin débute son activité en 1832,par la construction de petites machines à vapeur mais sa firme devint dans les années 1920 le plus grand constructeur mondial de locomotives.
- 5
Narrow gauge to no Man's land - US Army 60 cm gauge railway of the first world war in France
- Richard Dunn - 1990
Sites :
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