Baguenaude

La ligne Pont Charles-Albert—Roquestéron
26,6 Km. 

Marc André Dubout

La Génèse
La déclaration d'utilité publique date du 10 février 1906 et la mise en service intervient dix-sept ans plus tard, le 29 juillet 1923. La mise en service de la ligne fut retardée par des éboulements survenus sur la ligne du Daluis qui ont monopolisée les équipes de cantonniers.
Un mois après l'ouverture un accident du à un problème de freinage vint interrompre l'exploitation de novembre au 15 décembre 1924, à peine un an après sa mise en exploitation. L'inauguration eut lieu le 24 juillet 1924 en grande pompe avec MM. les préfet, maires des communes traversées, et bien sûr banquet, Marseillaise, etc.

 

L'exploitation
Il y avait deux trains quotidiens dans chaque sens. Le parcours durait 2 heures et 40 minutes.


Collection J. Imbert

La ligne de l'Estéron avait 2 groupes de motrices comprenant :

La ligne Pont Charles-Albert—Roquestéron au fil des cartes postales et au gré des archives

Pont Charles Albert

La gare de Pont Charles-Albert à l'époque de la ligne de l'Estéron.
La gare tête de ligne de Pont Charles Albert. Aujourd'hui c'est une halte des Chemins de fer de Provence.
Le pont Charles-Albert était, à l'époque, un pont en fil de fer comme les construisait Marc Seguin mais ce pont n'était par conséquent pas conçu pour accueillir une voie métrique et ses lourds convois. Il a par conséquent fallu le reconstruire en 1913 pour le passage du tramway. Comme les pont de la Mescla sur la ligne de la Tinée et celui de ?? sur celle de Menton—Sospel il a été construit en béton armé. Aujourd'hui c'est un pont en poutre, large et moderne.
La vallée du Var telle qu'on pouvait la voir du tramway. La rampe de 40 %o permet de passer l'altitude de 123 m. à celle de 458 m. (Gilette).

Senegore
À Senegore il y avait un embranchement vers Bonson

Gilette PK 7,3
Les anecdotes ne manquent sur le tramway entre Pont Charles-Albert et Gilette situé 335 m. plus haut.
Après avoir traversé le pont Charles-Albert, le voie s'élevait en accotement de la route GC 17 en rampe de 40 %o. On dit que par les raccourcis, les gens arrivaient à Gilette avant le tramway

Le prix du billet pour se rendre à Nice était de 10,60 F.
Collection J. Imbert
Dans Gilette, la voie passait dans la rue principale (rue de la Fontaine) et donc sous ce pont au dessus duquel il y avait une fontaine qui existe toujours. Parfois il y avait des infiltrations et l'eau tombait du le fil aérien et au passage de la motrice cela produisait des arcs électriques impressionnants. En tout cas d'après la comptine, cela amusait beaucoup les enfants.
Collection J. Imbert
Dans la rue principale entre maisons et falaise, la voie serpentait avant d'arriver à la gare
Collection J. Imbert
La gare de Gilette devenu un bureau de poste. Il y avait une voie d'évitement bien que les trains ne se croisaient pas dans cette gare près du terminus de Pont Charles-Albert. Motrice Aam de douze places assises plus un compartiment à bagages et deux attelages fermés. Sur ce cliché on distingue bien l'archet à renversement automatique dont étaient pourvues ces motrices. Le courant électrique passait dans un transformateur à bain d'huile avant d'alimenter les deux moteurs à collecteur Latour de 75 Cv (1913).
Collection J. Imbert
Cliché similaire envoyé en 1922 avec l'arrivée du tram à la station. Se dirigeant vers Roquestéron, il circule sur la voie de droite comme beaucoup de secondaires.
Collection  Charles Veglio
La gare est devenue la poste, un autre mode d'acheminement.
Photo Google-Map
Tunnel de Collebelle typique du réseau des Tramways des Alpes Maritimes, reconnaissable avec une taille supplémentaire dans la roche pour le passage de la ligne électrique. PK10,2

Vallée de l'Esteron

La ligne, en accotement gauche du GC17 (côté aval) et suivait la vallée de l'Estéron d'abord en pente puis en rampe.

Collebelle PK 12

La gare de Collebelle.
La tranchée de Ciavarlina.
Le tunnel de Cabanala PK 16,2 juste avant Vescous. Vues vers Roquestéron et Pont Charles-Albert

À Collebelle d'après d'après les souvenirs d'une dame que j'ai eu le plaisir d'avoir au téléphone, il y eut un accident dans la descente. Sans doute un problème de freinage comme les T.A.M. en avaient fréquemment.



Comme sur toutes les lignes des T.AM. les déraillements et autres accidents étaient fréquents même si la gravité n'était pas toujours avérée. Les principales causes étaient dues d'une part au profil accidenté de ces lignes de montagne et à la défaillance du freinage des motrices dont l'adhérence au freinage dans les pentes pouvaient entraîner des dérives puis un fatal déraillement dans la courbe qui suivait. Là encore l'établissement économique en accotement des routes dont le tracé n'avait pas été prévu pour la voie ferrée y était pour quelque chose. Tout ceci sans compter l'humidité des rails dans ces pays de montagne et le glissement que produit les feuilles à l'automne. Le freinage de type Wenger était accompagné d'un freinage par récupération et d'une manivelle agissant sur 4 sabots.
Collection J. Imbert
Il y eut quelques accidents spectaculaires. Un après la halte de Collebelle où dans la descente, après une courbe, le wattman avait sauté de sa machine voyant qu'il ne put la maîtriser. La motrice se coucha côté montage, entraînant la seconde et un wagon de marchandises contenant des traverses. C'était le 1er novembre 1924 l'année de l'ouverture de la ligne et trois mois après son inauguration officielle.
Il y eut aussi comme souvent sur les secondaires électrifiés un décès par électrocution. Un cultivateur voyant la ligne aérienne sur le sol, au lendemain d'une nuit d'orage, voulut la mettre sur le bas-côté de la voie et fut foudroyé sur le champ.
Collection J. Imbert
 

L'accident du 2 novembre 1924.a été relaté dans Le Petit Niçois  
Info transmise par M. Charles Veglio, document Archives départementales des Alpes-Maritimes 

Transcription de l'article

Après l'accident les trois voitures se sont renversées sur la route. La motrice a été buter contre des poteaux ; la seconde voiture est couchée au travers de la route ; le dernier wagon, dont les attaches ont cassé, a versé en sens inverse.
Il y a un peu plus d'un mois, le 20 septembre dernier, le monde officiel de notre département inaugurait la ligne de tramway allant du Pont Charles Albert à Roquestéron par Gilette
Hier, un très sérieux accident venait arrêter le trafic de cette ligne qui depuis son inauguration fonctionnait à la satisfaction des populations des villages et hameaux intéressés. Ajoutons de suite que cet accident, bien que grave - comme on le verra par la suite - n'a causé la mort d'aucune personne et qu'on espère sauver les quatre blessés, bien que deux soient grièvement atteints.
Fait curieux, il y a un an et un jour exactement un accident à peu près identique se produisait sur la ligne de Villeneuve-Loubet et comme hier des employés du train étaient blessés.

Par un matin de Toussaint
Hier matin à 6h25, un train formé de deux motrices et un wagon pour marchandises quittait Pont Charles Albert pour Roquesteron. De nombreux voyageurs avaient pris place dans les deux premières voitures qui étaient complètes. Le wagon de marchandises transportait 6 tonnes de traverses en bois. La plus part des voyageurs descendaient à Gilette d'où le train poursuivait sa route ayant encore six ou sept voyageurs.
Parmi eux se trouvaient M et Mme Jules Aubert, demeurant à Nice, 19 rue d'Alsace-Lorraine, M. Pleinera, Officier administratif de la Chefferie du Génie à Nice , M. A. Bonhomme, demeurant à Grasse, quartier Benaud, M. Marius Farau, cultivateur, ce dernier allait à Pierrefeu et les autres voyageurs se rendaient à Roquesteron, ainsi que M Désiré Jauffrel, conducteur de chemin de fer Sud-France qui était en permission.
La wattman du train, Monsieur Adolphe Faissole, 30 ans demeurant à Roquesteron, le conducteur, M. Marius Fredy, agé de 52 ans retraité à l'Arsenal de Toulon demeurant à Roquesteron, avec sa femme ayant également pris place sur une voiture, M. Honoré Saurin, âgé de 26 ans, célibataire habitant à Gilette, brigadier, poseur de la compagnie.
À la halte de la Collebelle, un autre employé poseur des tramways départementaux montant dans une voiture, M. François Bruni, âgé de 34 ans, marié et père d'un charmant bébé depuis une quinzaine de jours.
C'est à 400 mètres environ de la Collebelle, - à 4 km 860 exactement de Gilette - que se produisait l'accident à 9h35. Dans quelles circonstance exactement ? C'est ce qui n'a pu encore être établi, les blessés qu'on n'a pu interroger étant tous employés de la Compagnie et les seuls qui, sans doute, s'en sont rendus compte.
Cependant d'après les personnes entendues sur les lieux de l'accident et l'état des voitures renversées, voici ce que nous présumons :

Le Déraillement
En quittant Collebelle, la route a une descente assez forte et un tournant sur la droite à 400 mètres environ. Pour atteindre ce tournant, le wattman commença à mettre les freins mais il dut s'apercevoir que l'élan du train ne ralentissait pas assez. Lorsqu'il vit sa voiture quitter les rails pour s'engager sur une bordure de terrain à gauche où il brisait et arrachait deux poteaux supportant les fils électriques, le wattman sautait de la voiture par la portière et allait rouler sur la route.
La première motrice sortie complètement des rails se renversait sur le flanc droit sur un petit talus situé à gauche de la route et précédent un ravin et la voiture suivante se retournait sur le flanc droit également sur les rails en obstruant complètement la route qu'elle allait barrer en largeur. Le wagon de traverses, dont les attaches avec la deuxième voiture avaient cassé, se renversait, lui sur sa gauche.
Comme le montre notre photo , voilà donc la position des trois voitures après l'accident qui s'explique par les constatations suivantes : Les freins de la première motrice n'ont pas fonctionné ; ceux de la deuxième au contraire se sont serrés à bloc et ceux du wagon de marchandise n'avaient pas été reliés aux motrices et n'ont donc pu servir.

Au secours des blessés
Que la plus part des voyageurs s'en soient tirés à peu près indemnes et qu'il n'y ait eu que quatre blessés grièvement, c'est presque incroyable en constatant l'état des voitures sur la route. Mais il en est heureusement ainsi !
Lorsque les voitures furent renversées,  les occupant valides dégageaient les blessés qui étaient les employés de la Compagnie Frédy Bruini, Saurin et Faissole
Le Brigadier de Gendarmerie Barandon , le Gendarme Dubeau, M. Brezès, juge de Paix de Roquesteron, prévenus arrivaient ensuite sur les lieux et procédaient à leur enquête respective.
Une ambulance était demandée à Nice et aussitôt arrivée vers 14 heures elle y retournait emmenant les quatre blessés à l'Hôpital Saint Roch, c'était une voiture des Ambulances Automobiles de la Côte d'Azur, 1 place Gambetta. Pendant ce temps, les premiers soins leur étaient donnés par le médecin de Gilette. Entre temps tout les trafic était naturellement interrompu sur la ligne, un autobus du service de la Haute Vallée venait de Roquestéron pour chercher les voyageurs allant dans cette commune.

L'enquête administrative
À 14h15, arrivaient sur les lieux , pour se livrer à leur enquête, MM. Couturier, Inspecteur de la Compagnie du Sud-France, Talent, Inspecteur de la Traction,  Fouquet Inspecteur de la Voie.
À 15h35, arrivaient à leur tour MM. Israël et Lotier, Ingénieurs du Contrôle des Ponts & Chaussées et M. Capiello, Wattman Chef du Sud-France.
D'après les constatations de MM. Israël et Lotier, le wattman n'aurait plus été maître de la marche du tramway environ 800 mètres avant le lieu de l'accident. Ce serait d'autre part le conducteur qui se trouvait dans la deuxième motrice qui aurait serré les freins à cette voiture voyant le danger.
Ces Messieurs se rendront de nouveau aujourd'hui sur les lieux en compagnie de l'Ingénieur en Chef des Alpes Maritimes pour terminer l'enquête.
Ceux, que surprenait cet obstacle soudain, étaient les petits coureurs cyclistes de Nice—Puget-Thénier—Nice qui s'inquiétèrent de leur passage - à partir de 14h35 - des victimes.

À l'Hôpital Saint Roch
Les blessés furent reçus à l'Hôpital Saint Roch par M. Gasigila, interne qui leur prodiguait ses soins les plus éclairés.
Leur diagnostic est le suivant :
- François Brun, fracture ouverte de la jambe gauche
- Honoré Saurin, contusions peu graves sur tout le corps
- Marius Frédy contusions peu graves à la tête et aux reins
- le plus gravement atteint est le wattman Faissole qui a reçu une forte commotion cérébrale.
 Nous leur faisons les vœux les plus sincères pour le rétablissement des blessés.

Le trafic interrompu
Tout le trafic sur la ligne des tramways départementaux Pont Cherles Albert—Roquestéron est pour quelques jours naturellement suspendu. Peut-être pourra-t-on avant la remise complète de la ligne en exploitation, faire assurer le service jusqu'à Gilette et retour.
La route comme nous le disions plus haut est complètement obstruée par la deuxième motrice. Après l'accident, aucune voiture n'a pu, dans la journée, circuler.
Au moment où nous quittons les lieux , une équipe de terrassiers arrivait pour ouvrir un passage dans le talus à droite de la route car on ne peut pas toucher aux voitures à terre tant que les enquêtes officielles ne sont pas terminées. Cependant la nuit et la journée d'aujourd'hui seront au moins nécessaires pour ces travaux.V.S.

source
http://www.basesdocumentaires-cg06.fr/archives/ImageZoomViewerPA.php?WDIDDOC=2005113151655959104300&WDVOLUMEID=VOL239&j=02&m=11&a=1924&journal=1

Vescous PK 16,3

La gare de Vescous 

Pierrefeu PK 18,7

La gare de Pierrefeu est devenue un réfectoire scolaire. Vue en direction de Roquestéron.
Photo Charles Veglio

Vallon Le Ranc PK 23,9

La gare a été vendue à un particulier. 
Photo Charles Veglio

Roquestéron PK 28,6 

Le pont du Riou PK 28, juste avant Roquestéron qui évite un virage en épingle. Ce pont enjambe le vallon de la Villette.
Le tablier du pont sert de sens unique pour les voitures descendant vers Charles-Albert.
L'ancienne gare terminale de Roquestéron sur le site de l'ex-Trésor Public. Il y avait une petite remise pour les automotrices.
La gare le jour de l'inauguration, la population en liesse pose devant l'automotrice.
Collection J. Imbert

Construite tardivement Il n'y a pas de cartes postales en indiquant la présence du tramway à Roquestéron.

Il en coûtait 20,60 F. de Roquestéron terminus de la ligne à Nice, préfecture des Basses-Alpes (Alpes-Maritimes).
Collection J. Imbert

Dès 1925 le coefficient d'exploitation1 étant de 2,23 on regretta bien vite la suppression des autocars mis en service en 19142
Le dernier convoi circula le 29 avril 1929 et l'année suivante la ligne fut déclassée. Vint ensuite la dépose de la voie, rails et traverses mais d'après un article de journal une automotrices fut oubliée dans la remise de Roquestéron, il fallut la démonter pour l'acheminer par la route.

Pour mémoire sur le réseau d'intérêt général du Sud France la ligne fut électrifiée de Pont Charles-Albert à Plan du Var sans doute pour permettre au matériel roulant des T.AM. d'être transféré de la ligne de l'Estéron à celle de la Vésubie.

Notes :
  • 1  le coefficient d'exploitation est le rapport des dépenses divisé par les recette, soit dépenses = 2163 0000 F. et recette = 960 000 F. S'il est supérieur à  il est déficitaire, inférieur à 1 il est bénéficiaire.
  • 2  En général c'est l'autocar qui remplace le chemin de fer d'intérêt local or sur cette ligne il semble que ce fût (éphémèrement) le contraire.

Sources :

  • Mes visites de la ligne.
  • "De Nice à Chamonix les réseaux secondaires des alpes françaises" - Jean Robert - G. Fuseau (Montreuil) - 1961
  • "Gares de la Côte d'Azur et du Haut-Pays Alpes-Maritimes" - Marie - Equinoxe - 2008
  • "Les tramways des Alpes Maritimes" - Delaveau - MTVS - n°46 - 1988
  • "Les voies ferrées secondaires des Alpes-Maritimes" - Riffaud - MTVS - 1978
  • "Tramways des Alpes maritimes (TAM) et Sud-France" - Magazine des Chemins de fer Régionaux et Urbains - n° 146 - 1978.
  • "Tramways des Alpes maritimes (TAM) et Sud-France - Compléments" - Magazine des Chemins de fer Régionaux et Urbains - n° 150 - 1978.
  • Wikipedia

Sites :

 

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