Le chemin de fer et la littérature
Iouri Bouïda
Le train zéro
C'était
justement l'époque où on avait commencé à opérer la relève des équipes de
locomotives à la station Neuf. On avait ouvert l'usine de réparation dont le
colonel était si fier : des ateliers d'assemblage tout en longueur,
soixante-dix ponts roulants pouvant supporter deux à deux cent cinquante
tonnes, des machines-outils avec quarante grues mobiles, zéro virgule huit mètre
cube d'air, deux cents mètres cubes de gaz et mille cinq cents kilowatts d’électricité
pour les travaux de soudage prévus sur une locomotive, des usines comme ça, il
n'y en avait que sur cette ligne, nulle part ailleurs, et tout ce qu'il y avait
de plus moderne, la meilleure qualité, le fin du fin, pour que tout se passe
sans la moindre anicroche, ric-rac...
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Il passa dans l'équipe
de réparation des voies. Avec deux ou trois cheminots, il partait de l'autre côté
du pont, vérifiant chaque crampon, chaque traverse, chaque boulon. Remplacer.
Rajouter. Resserrer.
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L'entretien des voies, le
pont, la station, le télégraphe, le réservoir d'eau, le charbon, la scierie,
l'usine de réparation, le bar, le train zéro. C'était ça la vie. seulement
maintenant, le train zéro ne s'arrêtait plus à la station Neuf : pour une
raison quelconque, il n'y avait plus besoin de relever l'équipe, ce n'était
plus ici qu'on faisait le plein d'eau et de charbon. Peu après un petit convoi
était arrivé en plein jour, avec des wagons de voyageurs dans lesquels les
ouvriers de la scierie avaient embarqué avec leurs misérables biens et leurs
enfants - et ils étaient partis. Puis ce fût le tour des ouvriers de l'usine
de réparation. On démonta les machines de la scierie, les ateliers, les grues
et les machines-outils, on les chargea sur des plate-formes, les gens grimpèrent
dans les wagons et ils disparurent.
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