Le chemin de fer et la littérature

 

LUC CHASTAN dit MANSOIF GERARD

 

Un train

Sous le vent
les grands peupliers se penchent vers la terre.
La pluie claque contre la vitre et le toit.
Insensible au temps, le train s'enfonce dans la grisaille ;
ses roues sur les rails, composent une musique un peu folle.
La grande plaine sommeille sous la pluie,
la rivière semble s'être arrêtée de couler.
Dans le couloir, il y a des gens qui passent sans arrêt
et des gamins qui se poursuivent en riant.
De temps en temps un contrôleur demande les billets.
Il y a aussi cette fille, collée à la vitre,
son regard va plus loin que l'horizon,
plus loin que les nuages.
Le train traverse un village,
des enfants sortent de l'école
et font bonjour avec leurs petites mains.
De grands sourires illuminent leurs visages
coincés sous les chapeaux de pluie en plastique jaune.
Assis en face de moi, au bord de la vitre,
il y a un
vieux qui claque des dents,
et qui répète sans arrêt: "Sale temps, sale temps !"
À côté de lui, un petit gros veut se donner l'air important,
avec son costume acheté à l'hypermarché du coin
et sa cravate rouge avec un gros soleil jaune.
Il parle sans arrêt de choses qu'il ne connaît pas.
Par moments, il regarde sa montre et crie tout haut :
"C'est une honte,

ce train a encore deux minutes trente de retard,
plus rien n'est respecté ;
Ah je vous jure qu'elle époque !"
Sur ma banquette,
il y a un type qui dort en ronflant bruyamment.
Et puis, il y a la fille dans le couloir,
douce inconnue aux cheveux d'ébène,
sourire énigmatique, Joconde des temps modernes.
Cette fille si belle, qui ne dit rien.
Dehors, toujours la pluie, toujours le vent,
et ce train qui continue son chemin, pour un autre ailleurs.

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