Le chemin de fer et la littérature

 

 

 

L'inauguration du chemin de fer d'Argenteuil

Dimanche 27 avril, par une pluie n'a pas cessé une minute durant cette journée, on inaugurait un petit chemin de fer de quatre kilomètres qui va d'Asnières à Argenteuil.
Monsieur le préfet de la Seine-et-Oise, plusieurs représentants de la Seine, des ingénieurs, les membres du conseil d'administration des lignes de Saint Germain et de Versailles s'étaient donnés rendez-vous à la gare de la rue Saint Lazare, et à dix heures trois quart le convoi qui emportait les invités et la musique du 27ème régiment de ligne est parti de l'embarcadère.
Une station a été réservée à l'extrémité des murs de colombes ; le chemin s'arrête provisoirement à l'entrée du pont d'Argenteuil. La garde nationale de cette petite ville, qui ne craint pas le feu, dit-on, mais qui n'a pas peur de l'eau, à coup sûr, attendait sous les armes, l'arrivée du train ; le maire et les autorités ont reçu les invités : le cortège composé de cinq à six cents personnes, s'est dirigé vers une tente élevée sur les promenades, au bord de la Seine, où l'attendait un excellent déjeuner que la compagnie offrait à ses invités.
Cette inauguration d'un chemin de quatre kilomètres n'aurait pas grande importance, à part le déjeuner, si ce n'était le commencement d'un chemin de ceinture qui reliera entre elles toutes les voies de fer qui viennent aboutir à Paris. En soi, le chemin d'Argenteuil n'a que l'importance d'un chemin vicinal ; mais il est impossible qu'il ne soit pas prolongé d'une lieue au plus, et alors il viendra rejoindre à Ermont la ligne du Nord en communication directe et ferrée avec le ligne de Rouen et du Havre, avec celle de Versailles, et bientôt, par un embranchement inévitable, avec le chemin de fer de l'Ouest.
Que d'autres embranchements de quelques kilomètres, tout au plus, on continue ce système de communication entre le Nord et le chemin de Strasbourg, entre celui de Strasbourg et celui de Lyon, entre la ligne de Lyon et celle d'Orléans, dont à Villeneuve Saint Georges elle n'est pas séparée d'une distance de plus d'une demi-lieue, et le chemin de fer de ceinture sera complètement exécuté.
Le chemin d'Argenteuil est donc la première station de ce vaste réseau qui doit, un jour envelopper Paris et faciliter l'échange et le transport des marchandises ; voilà pourquoi l'inauguration de ce chemin, qui ne serait qu'une impasse, s'il ne devait recevoir un prolongement, a aujourd'hui une certaine importance.
Dès à présent, toutefois, et tout limité qu'il est à la rive droite de la Seine, ce chemin va desservir, à Argenteuil même, une population de plus de cinq mille âmes, que sont loin de compter bien des villes de sous-préfecture, et qui fait un important commerce de plâtres et de vins ; il desservira, en outre, dans tout ce rayon, un nombre considérable de localités industrieuses et commerçantes, en relation actives avec la capitale, et dont la population s'accroît avec une rapidité extraordinaire.
C'est maintenant, en effet, une habitude prise pour la population parisienne : elle s'étend, elle déborde de plus en plus hors de Paris ; elle veut dans la belle saison, secouer la poussière des plâtres de Paris, vivre aux champs enfin et respirer l'air pur.
A Argenteuil, à Asnières, à Courbevoie surtout, s'élèvent des constructions charmantes, peu coûteuses, des villages entiers, on pourrait dire, où grâce au bas prix actuel du parcours du chemin de fer, les familles parisiennes pourront, au prix d'un modique loyer, jouir des loisirs d'une riante campagne, à quelques minutes de Paris.

Source

  • L'illustration du 1er mai 1851 signé Paulin

Page précédente