Au sujet de la motorisation de la Vigie

Le sujet de la motorisation de Vigie a fait l'objet d'une polémique dans le chasse-Marée n° 254 de novembre 2013, aussi c'est plus pour informer les lecteurs en quête de vérité que les "polémiqueurs" dont la cupidité prime que ces quelques lignes tentent d'apporter un explication.

Chacun a le droit de savoir. 

À vrai dire ce n'est pas "pétrole ou vapeur" mais "pétrole, puis essence, puis diesel... et enfin vapeur".

Le Pétrole
Sur le site, il est clairement écrit qu'à l'origine la vedette acquise par le Préfet Louis Lépine en 1904 était mue par un moteur à pétrole Filtz d'une puissance de 16 CV. D'ailleurs Monsieur Filtz lui-même a participé aux essais en marche dans le Bassin Alma-Auteuil le 23 mars 1904 avec M. Pijot Inspecteur des Mines, M. Pluyette Sous-Ingénieur des Mines, M. Girard Inspecteur Divisionnaire de la Circulation et des Transports et M. Guillemin Inspecteur Général de la Navigation. Les photos de l'époque retrouvées aux archives de la Préfecture de Police l'attestent clairement. Il ne s'agit pas d'une machine à vapeur comme pour la Mouette autre canot acquis et essayé le 23 décembre 1903 au Bassin de Neuilly-Courbevoie.
Deux ans plus tard le moteur de la Vigie est changé au garage Petit à Boulogne (2 mars 1906). 
En 1908, un rapport de l'inspecteur principal Girard propose quelques transformations urgentes à apporter à la Vigie et à la Mouette. 
« Le moteur de la Vigie est trop fatigué pour assurer un bon service. Il donne des pannes, il faut s'en débarrasser... » Il propose « de mettre le moteur de la Mouette dans la Vigie et remettre en état celui de la Vigie ». 
C'est Monsieur Filtz qui se chargera de ces modifications.

Du pétrole au diesel en passant par l'essence
Dans un rapport, adressé par l'Officier de Paix principal Boulon au Commissaire de Police chargé de la Brigade Fluviale, on apprend qu'en juin 1955 le moteur fut remplacé par un moteur à essence Couach d'une puissance de 55 Cv, puis en mars 1970 par un moteur Renault Marine de 55 cv, moteur toujours en place lors de sa cession.
Cette vénérable vedette appréciée des brigadiers qui l'ont pilotée a servi au sein de la Brigade Fluviale (Paris) jusqu'en 1985 (13 novembre) date à laquelle le Préfet Ph. Massoni, Directeur des Services Techniques de la Préfecture de Police, l'a confiée aux Amis du Musée de la Mer pour l'Atlantique (aujourd'hui AMERAMI) pour "éviter sa destruction" et qu'elle retrouve un jour le "Grand Fleuve parisien". 

Du diesel à la vapeur
De 1985 à 2000 la Vigie est silencieuse, garée dans un hangar sous une bâche rudimentaire, agonisant lentement. La Brigade Fluviale encore très attachée à "sa vedette" souhaite qu'elle participe à son centenaire, quai Saint Bernard. C'est une demande officielle de Monsieur André Treps, Directeur de la logistique de la Préfecture de Police. Après une remise en état de présentation sommaire (coque), elle participe à l'évènement. À cette époque la Vigie perd sa motorisation et M. Jacques Chauveau, président d'AMERAMI ayant eu connaissance d'une machine à vapeur inutilisée dans la bibliothèque de l'École des mécaniciens de St Malo propose de l'installer dans le canot. 
C'est à cette époque qu'il demande des "éléments d'archives de nature à permettre une restauration la plus proche possible de l'origine".
La cérémonie se teindra en septembre 2000 à l'occasion du baptême du nouveau remorqueur de la BF "Ile-de-France". 
En 2001, le Président d'AMERAMI Hubert Foillard, suite à cette première tranche de travaux et à l'intérêt que la Brigade Fluviale porte à la vedette écrit : « Nous entamons maintenant la restauration complète de la vedette, en l'équipant d'une propulsion à vapeur caractéristique de son époque, même si c'était sa sœur la "Mouette" qui était motorisée de cette façon ».
L'impulsion était donnée, l'action qui a suivi ne s'est plus arrêtée.
En 2002, le Directeur de l'École Nationale de la Marine Marchande confie la machine de St Malo à AMERAMI, une équipe se constitue dans les locaux de Nautique-Sèvres avec pour objectif de faire naviguer la Vigie pour le 110ème anniversaire de la Brigade Fluviale où elle remporta un grand succès.

Depuis elle navigue régulièrement, pour le plus grand plaisir de son équipage, son port d'attache se trouve à la Brigade fluviale, quai d'Austerlitz.

Concernant le classement MH
Le classement est évoqué pour la première fois en 1991 (lettre de J. Chauveau du 27 décembre adressée à Madame Aubert de la Division du Patrimoine Mobilier ).
Malgré des avis favorables on apprend que :
· Le dossier repasse devant la commission en raison de son changement de propriétaire 
· le navire a déjà été inscrit considérant l'aspect emblématique de son activité 
· La commission, considérant que ce navire a déjà fait l'objet d'un examen qui avait conduit à son inscription à l'inventaire supplémentaire, rejette la proposition de classement. 
C’est cette ambiguïté qu’il faut lever. À notre connaissance si la Vigie a fait l'objet d'une demande d'inscription à l'inventaire supplémentaire des Monuments Historiques en 1991-2, la lettre de l’exemplaire de l’arrêté ministériel et la lettre de notification du Préfet de l’époque portant classement n'ont pas été retrouvées dans les archives d’AMERAMI).

En l'espace d'un siècle, il est impossible d'imaginer qu'un canot de service, intensivement sollicité n'ait pu subir de modifications. C'est déjà un miracle que la Vigie comme de nombreux autres canots de la Brigade Fluviale ne soit pas disparue. N'oublions pas que la première Mouette de dimensions similaires a disparu trois ans après son acquisition (désarmée le 6 juin 1906) et que deux autres unités de la BF ont porté cette devise, la dernière étant un canot Seyler.
Nous avons bien conscience que le travail que nous avons effectué n'est pas une remise à l'identique de l'état d'origine. Nous avons eu seulement la passion et le plaisir de faire revivre un canot historique par son activité de service public, un canot qui pendant près d'un siècle a sauvé des vies humaines, un canot qui plus de 28 ans après avoir quitté la BF reste gravé dans la mémoire des brigadiers qui l'ont piloté.

Rêve
Mais si nous trouvons un moteur à Pétrole Filtz... pourquoi ne pas tenter une nouvelle aventure ?

VIGIE n"est pas classée MH.
Lors de la demande de classement MH, il n'y avait aucune motorisation d'installer. La demande ne concernait que la coque nue, donc sans motorisation.
AMERAMI a motorisé, à défaut, la Vigie comme l'était l'autre canot de la Brigade Fluviale : La Mouette, d'une machine à vapeur. Seule solution pour retrouver une certaine authenticité et permettre à ce canot exceptionnel, faisant partie de notre patrimoine fluviale, de l'histoire de la Préfecture de Police et donc de Paris, de pouvoir re-naviguer "sur le grand fleuve parisien".

Quant à son inscription, et pas classement, nous ne connaissons que le rapport de la Commission de classement MH du 18 mai 1992.
Rapporteur : M. Destremeau, signé : Le Chef du bureau des Monuments Historiques Francis Jamot
Le dossier repasse devant la commission en raison de son changement de propriétaire
le navire a déjà été inscrit considérant l'aspect emblématique de son activité
La commission, considérant que ce navire a déjà fait l'objet d'un examen qui avait conduit à son inscription à l'inventaire supplémentaire, rejette la proposition de classement.

Une seule certitude, Bourg-la-Reine n'est pas dans le 94 mais bien dans le 92

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