Historique - La Conférence de l'inspecteur principal Læderich |
Cette conférence sur les organes de propulsion intéresse aussi bien la Vigie que la Mouette, le principe étant le même, indépendamment de la motorisation : pétrole ou vapeur. C'est la raison pour laquelle nous en retranscrivons ici le texte. Par ailleurs cette conférence est très instructive quant à la conduite des canots motorisés. |
L'étude du moteur et de sa
mise en train par la vapeur de la chaudière (ou le moteur à pétrole) se
termine tout naturellement par quelques considérations sur l'organe de
propulsion ou propulseur dont le rôle est de permettre au bateau d'aller
de l'avant, de l'arrière, de s'arrêter.
Le propulseur prend appui sur l'eau, c'est le cas de l'hélice, de la roue à
aubes ou bien il prend appui sur une chaîne, c'est le cas du toueur.
L'hélice, propulseur le plus généralement employé n'est en réalité
qu'une grosse vis dont les filets très saillants ont été partiellement
évidés. Cette vis s'enfonçant dans un écrou, qui ici est représenté par l'eau,
chassera ce qui se trouve devant elle, c'est-à-dire le bateau. S'il s'agissait
d'un écrou ordinaire la vis devrait à chaque tour avancer de la quantité
égale à son pas. Il n'en est pas tout à fait ainsi pour l'hélice qui
gaspille environ 1/4 du travail que lui fournit le moteur.
Ce gaspillage tient à plusieurs causes :
L'hélice a aussi sur la
direction du bateau une influence déviatrice très légère sur la marche avant
et très accentuée sur la marche arrière.
Ainsi le bateau sans gouvernail et placé bien droit dans une direction
repérée à l'avance tendra à s'en écarter : l'avant gagnera peu à peu vers
la droite. Sur la marche arrière l'écart sera rapidement considérable et
l'arrière du bateau se rejettera fortement vers la gauche. Les pilotes
expriment ce résultat en disant que l'hélice tire à gauche. On
explique cette déviation par ce fait que l'hélice étant composée de
plusieurs branches, celles-ci ne travaillent pas toutes de la même façon.
Celle qui se trouve à la partie supérieure refoule une masse d'eau moins
considérable que celle qui se trouve à la partie inférieure. Cette dernière
éprouve donc une résistance plus forte que celle éprouvée par la 1ère.
Il se passe là quelque chose d'analogue à la façon dont se conduit un canot
dont une rame effleure la surface de l'eau tandis que l'autre rame s'enfonce
profondément. Le canot tournera du côté où la rame est plus enfoncée.
Si on combine l'action de l'hélice et celle du gouvernail il importe de savoir
que le mouvement de l'hélice est sur la marche avant, favorable à l'action du
gouvernail pour la direction du bateau, parce qu'en tournant elle projette de
l'eau sur le safran du gouvernail. Par contre si l'hélice ne tourne pas, ses
ailes masquent le gouvernail, s'opposent à l'arrivée de l'eau sur le safran et
le bateau se dirige moins bien. Dans une manœuvre qui exige une certaine
précision, accoster un ponton par exemple, il ne faut pas compter réussir à
arriver exactement du large si l'hélice ne tourne pas. Vous avez peut-être
remarqué
que les capitaines de bateaux à voyageurs lorsqu'ils sont à proximité d'un
ponton, mais au large font marcher le moteur afin de pouvoir se redresser,
quitte à dépasser le ponton et à revenir par la marche arrière. S'ils ne
prenaient pas ce soin de faire mouvoir légèrement l'hélice pour projeter un
peu d'eau sur le gouvernail et lui donner de la sensibilité, ils ne pourraient
se redresser à temps et ne réussiraient qu'à bronquer 1
le ponton.
Il importe enfin de ne pas ignorer que l'action de l'hélice lors de la marche
arrière ralentit peu la vitesse.
La résistance nécessaire pour amortir la course d'un bateau c'est-à-dire sa
lancée ou son erre dépend surtout de sa longueur, de son poids, de
sa forme et de sa vitesse. On a pu constater lors des collisions que malgré la
marche arrière immédiate des deux côtés il n'y avait pas moins pénétration
violente.
En ce qui a trait à la longueur, un bateau stoppé parcourt encore 5 ou 6 fois
sa longueur. Quant à la forme il est évident que plus le bateau est taillé
finement mieux il vaincra la résistance passive de l'eau. Un bateau fin coupe
l'eau, un grossier la bourre. Enfin pour apprécier l'effet de la vitesse et du
poids prenons par exemple un bateau à voyageurs qui vient à vitesse normale
heurte un bateau arrêté. La force de pénétration qu'en mécanique on appelle
la force vive est égale à la moitié de la masse multipliée par le carré de
la vitesse. Or la marche d'un bateau à voyageurs c'est-à-dire son poids est de
70 000 kilogs, s'il marche à raison de 15 kilom. à l'heure sa vitesse à la
seconde est de 15000/3600 = 4 m. environ. D'après la formule sa force de
pénétration sera de 70 000*4*4/2 = 560 000K appliquée sur la partie du bateau
touchée. Comme les étraves des bateaux à voyageurs sont très aiguës ce
poids formidable s'applique sur une toute petite surface et vous serez peut
être étonnés de la facilité avec laquelle lors d'une collision un bateau à
voyageurs entre dans un bateau en bois, une péniche par exemple.
Vous comprenez aussi dès lors quel faible effet peut avoir l'hélice pour
amortir par la marche arrière et en quelques secondes l'action d'une pareille
force. De cette difficulté d'arrêter un bateau simplement par la marche
arrière découle pour un capitaine l'obligation de connaître parfaitement la
façon dont se comporte son bateau et d'apprécier exactement son erre
c'est-à-dire la longueur qu'il parcoura encore après le moment où la marche
aura été renversée. Au point de vue de la longueur du bateau on peut admettre
que l'erre est égale à 5 ou 6 fois la longueur du bateau. Il sera dès lors
plus prudent de s'arrêter suffisamment à temps pour éviter les collisions et
lorsqu'il sera surpris brusquement appréciera mieux s'il n'est pas préférable de continuer à marcher en manœuvrant
son gouvernail pour un évitage. Il
faut bien se pénétrer qu'en cas de surprise un capitaine n'est pas toujours
condamnable pour l'unique raison qu'il n'a pas immédiatement commandé
la marche arrière.
L'étude de l'action du gouvernail viendra encore confirmer ce principe.
Par contre tout capitaine qui prévoit un embarras ou une gêne, et qui par
conséquent n'est pas surpris doit ralentir son allure et au besoin stopper. En
agissant ainsi, il donne souvent à la gêne le temps de cesser et s'assure, si
une collision survient, le rôle d'adversaire prudent.
Pour terminer ce qui a trait à l'hélice définissons deux expressions souvent
employées. Le diamètre de l'hélice est la plus grande longueur
mesurée d'une extrémité à l'autre de deux branches opposées. Autrement dit
c'est le diamètre du cercle qui envelopperait exactement les ailes.
Le pas de l'hélice ne peut se définir exactement qu'à l'aide d'expressions
mathématiques. Comme il est entendu que ces expressions ne seront jamais
employées ici, cherchons à nous faire une idée du pas par comparaison.
Les branches d'une hélice se présentent à nous comme une surface tordue.
Redonnons à cette surface une forme plane comme si on avait simplement
découpé les ailes dans un fond de boîte. Le pas de cette hélice sera nul.
Tordons maintenant les ailes qui se présentaient en largeur vont se présenter
en épaisseur.
Le pas de cette hélice sera infiniment grand. Pour passer de la
première position à le seconde il a fallu tordre de plus en plus les branches.
C'est la valeur de cette torsion qui exprime le pas de l'hélice.
Dans le 1er cas lorsque le pas était nul l'hélice en tournant aurait
simplement coupé l'eau ; dans le 2è cas lorsque le pas était infini l'hélice
en tournant aurait simplement battu l'eau ; dans les positions intermédiaires
l'hélice aura pris la forme d'une vis et grâce à son pas elle se vissera dans
l'eau.
Afin
de pouvoir opérer son mouvement de rotation dans l'eau l'hélice est fixée à
l'extrémité d'une forte barre de fer cylindrique appelée arbre de couche
dont l'autre extrémité porte la manivelle qui fait tourner l'arbre.
Celui-ci est placé dans la cale au dessus de la quille, dans une position
bien horizontale qu'on obtient en faisant la ligne d'arbre. Cet arbre est
soutenu par des supports placés de distance en distance et qu'on nomme paliers.
Le premier, placé près de la manivelle s'appelle grand palier. Un autre
a une disposition particulière et forme le palier de butée. Si l'arbre
ne faisait que tourner, l'hélice transmettrait son mouvement à cet arbre qui
serait refoulé dans l'intérieur du bateau, repousserait la manivelle et
détraquerait le moteur sans faire marcher le bateau. Pour obliger l'arbre à
transmettre la poussée au bateau on dispose un certain nombre de collerettes
sur cet arbre, et on engage ces collerettes dans les cannelures d'un
pallier fixé au bateau dans des conditions particulières de solidité ; c'est
le palier de butée. Les collerettes poussent sur les cannelures et comme
celles-ci font corps avec le bateau c'est ce dernier qui en résumé subit
l'action de cette poussée. On met plusieurs collerettes pour répartir la
poussée sur un plus grand nombre de points à la fois.
L'arbre traverse ensuite le bateau par un tunnel ménagé dans l'étambot
pour envahir la cale ou lui fermer la voie à l'aide d'un presse-étoupe
qui assure l'étanchéité sans provoquer trop de frottement. Il filtre
cependant toujours une petite quantité d'eau que l'on vide en faisant
fonctionner le siphon de cale ou la pompe de cale.
Les bateaux à vapeur de fort tonnage ont souvent deux hélices placées de
chaque côté de la quille et montées chacune sur un arbre parallèle à la
quille. Chaque hélice est mue par un moteur indépendant et peut ainsi manœuvrer
seule et à contre sens de l'autre. Dans ce cas le virage est
facilité et s'effectue dans un rayon beaucoup plus court qu'avec une seule
hélice car le bateau se trouve alors dans les mêmes conditions qu'un canot
dont le rameur nage avec un aviron, tandis qu'il dénage avec l'autre.
Notes
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