Historique - La Conférence de l'inspecteur principal Læderich

 

Dans l'énumération des sources d'énergie fournies par la chaleur nous avons cité outre la vapeur, le pétrole et l'électricité.
Cette dernière est encore peu employée sur l'eau, divers essais ne lui ont pas été très favorables. Nous la laisserons donc de côté puisque avant tout je cherche à vous expliquer ce que vous voyez.
Il en est tout autrement du pétrole qui après avoir conquis la route de terre est en train de monopoliser la navigation de plaisance grâce à la simplicité et à la propreté de son emploi ainsi qu'à la facilité de l'approvisionnement.
Au premier aspect, un moteur à pétrole fait au non initié, l'impression de quelque chose de compliqué et d'incompréhensible. Des manivelles à tourner, des manettes à manœuvrer de la carburation à régler, de l'allumage à fournir.
En réalité le fonctionnement est simple ; sa compréhension est à la portée de tous ; seuls les accessoires très nombreux donnent au moteur un air rébarbatif.
Le moteur à pétrole, ou pour mieux dire, le moteur à essence est un moteur à explosion. Tout le monde connaît au moins par ouï dire les effets d'une explosion de gaz d'éclairage. Le soir on a oublié de fermer un robinet à gaz placé dans une cave, dans un magasin. Le lendemain matin au moment où on pénètre avec une lumière, une formidable explosion retentit, tout vole de côté et d'autre, la maison tremble sur sa base ; un certain nombre de personnes sont blessées, brûlées. Que s'est-il passé ? Il s'est produit une combinaison chimique et un effet physique. Le gaz qui est un carbure d'hydrogène s'est combiné avec l'oxygène de l'air pour former de l'acide carbonique. Cette combinaison a provoqué un effet mécanique qui amène au contact du feu une détonation suivie de flammes et de refoulement.
Il n'y a donc pas de doute sur ce point, le gaz d'éclairage mélangé à l'air est capable comme la vapeur de produire une force que l'on peut utiliser.
Or l'essence vaporisée ou pulvérisée et mélangée à une certaine quantité d'air se comporte absolument comme le gaz et fait explosion comme lui. (ex. les explosions si fréquentes de lampes à essence). Dans les mêmes conditions l'alcool se comporte de même (ex. les explosions moins fréquentes de lampes à alcool).
Si nous faisons arriver ce mélange dans un cylindre muni d'un piston mobile et que nous y mettons le feu, nous avons un moteur à explosion présentant une grande analogie avec le moteur à vapeur possédant une action plus brutale.
Dans un réservoir isolé on a versé le contenu d'un bidon d'essence. Le réservoir communique par une tubulure avec un autre muni d'un flotteur où l'essence est maintenue toujours à un même niveau. Pour obtenir ce dernier résultat on munit une tige terminée par un pointeau
c'est-à-dire par un bouchon conique qui ouvre l'arrivée de l'essence lorsque le niveau diminue et qui par conséquent le flotteur descend et qui la ferme lorsque le niveau est atteint et que le flotteur a remonté.
conf2_02.jpg (15864 octets)De ce réservoir à flotteur l'essence passe dans un tube dont l'extrémité est à hauteur du niveau de l'essence dans le flotteur et qui est enfermée dans une boîte appelée le carburateur. Lorsque le piston du cylindre fonctionne il aspirera l'essence qui, obligée de passer par un ajutage se vaporisera. La vapeur ou poussière d'essence ainsi formée va rencontrer de l'air qui entrera dans le carburateur par une ouverture pratiquée sur le côté, et fermée par une valve qu'on peut ouvrir plus ou moins, de façon à faire rentrer plus ou moins d'air. Ce mélange de l'essence ou vapeur avec l'air donne la carburation.
L'air ainsi carburé est appelé dans le cylindre où il se rend par un tube.
Dans le cylindre, il rencontre soit un tube en platine porté au rouge par une lampe qui brûle à l'extérieur soit une étincelle électrique qui est donnée par la décharge d'un commutateur. Dans ce dernier cas le courant électrique passe à l'intérieur d'un tube de porcelaine qu'on nomme bougie.
Le mélange d'air et d'essence étant enflammé, il y a explosion et dégagement de chaleur ; le piston est chassé puis revient sur sa vitesse pour expulser les produits de l'explosion qui consistent en vapeur d'eau et en acide carbonique.
Le piston est articulé à une bielle qui transmet son mouvement à une roue ou volant. Ce dernier est calé sur un arbre de couche qui en tournant entraîne avec lui une hélice.
Les explosions très fréquentes échauffent le cylindre à tel point qu'à un certain moment les huiles de graissage seraient brûlées sans pouvoir servir.
Pour éviter cet échauffement excessif on refroidit le cylindre en faisant circuler autour de la portion où se font les explosions, c'est-à-dire de la culasse, un courant d'eau qu'une pompe puise à la rivière et lance autour de la culasse. Cette pompe est mise en mouvement par un petit arbre spécial placé sur un second volant et qui à l'aide d'excentrique de cames, etc. ... assure aussi l'ouverture, la fermeture en temps voulu des soupapes que nous mentionnerons plus loin. On assurera de la même façon le jaillissement de l'étincelle électrique.
Il est bien entendu que le débouché des tubes arrivant au cylindre ou le quittant ne reste pas continuellement ouvert.
Ainsi le tube d'aspiration qui amène le mélange ne reste ouvert que pendant la 1ère descente du piston, celui d'évacuation ne s'ouvre à son tour qu'à la 2ème montée ; l'étincelle ne jaillit qu'après la 1ère montée, etc. Nous avons vu qu'une série de petits organes mis en mouvement par le volant était chargée de ce service.
D'autre part l'ensemble de tout le moteur est en réalité beaucoup plus ramassé que sur le croquis explicatif, lequel est une dissection qui étale et met à nu les organes essentiels, ainsi, flotteur, carburateur, et culasse ne font souvent qu'un comme aspect.
De l'ensemble des réalisations données il reste que ce moteur à essence a une certaine analogie avec le moteur à vapeur.
Le carburateur a pris la place de la chaudière, l'explosion représente l'arrivée de vapeur, le piston est chassé, dans les deux cas il y a échappement dans l'un et l'autre.
Il y a toutefois de grandes différences dans le mode de fonctionnement. Ainsi la vapeur agit alternativement sur une face du piston puis sur l'autre face. L'explosion d'air carburé ne se fait que sur une face toujours la même et une fois sur deux seulement. Le piston d'une machine à essence travaille à 4 temps, c'est à dire qu'il ne reçoit l'impulsion qu'une fois sur 4 mouvements qu'il opère.
Au 1er temps le piston s'abaisse uniquement pour aspirer l'air carburé et en remplir le cylindre : c'est l'aspiration. Au 2ème temps le piston monte et comprime le mélange qui était en quelque sorte plus concentré produira un meilleur effet : c'est la compression. Au 3ème temps l'explosion se produit, le piston est chassé, le mélange gazeux se détend ; c'est la détente (il n'y a de travail effectué qu'à ce 3ème temps). Au 4ème temps le piston remonte pour chasser les gaz résultant de la combustion ; c'est l'échappement.
Autre différence, le moteur à essence ne se met pas automatiquement en marche comme le moteur à vapeur. Il faut faire faire au piston plusieurs va-et-vient à la main à l'aide d'une manivelle qu'on place à cet effet. Cette façon de procéder découle du fonctionnement même du moteur. On ne peut pas allumer le mélange avant de l'avoir aspiré dans le cylindre ; et on ne peut l'aspirer qu'en manœuvrant tout d'abord le piston à la main. Une fois le moteur en route il fonctionne de lui-même.
Autre différence. On ne peut pas dans le moteur à essence renverser la marche par une distribution contraire puisque l'admission ne se fait que dans un sens toujours sur la face supérieure du piston. Le moteur marche donc toujours en avant et on ne peut obtenir le mouvement arrière que par une disposition spéciale de l'arbre porte-hélice. Cette disposition assez délicate et que je ne vous décrirai pas consiste en un levier agissant sur un différentiel. Ce différentiel qui unit deux morceaux de l'arbre de couche permet à celui du morceau le plus près de la machine de tourner dans un sens tandis que le morceau le plus près de l'hélice tourne en sens inverse. 
On peut encore obtenir le changement de marche à l'aide d'une hélice à ailes réversibles. Les ailes au lieu d'être fixes sur leur moyeu peuvent pivoter sur lui. Le mouvement de ce pivot est enfermé dans une boîte métallique étanche logée dans le moyeu et il est commandé par un levier que le pilote a sous la main. En tirant ce levier d'avant en arrière on fait tourner les ailes d'un demi cercle. Quand le levier est poussé en avant, l'hélice fonctionne comme toutes les hélices sur la marche avant et le bateau est sur l'avant. En mettant le levier droit, les branches de l'hélice ont tourné d'un 1/4 de rond et alors elles battent l'eau de leur tranchant, le bateau n'avance pas mais il recule pas non plus, il est sur le stop. En tirant le levier vers soi, les branches de l'hélice décrivent encore 1/4 de rond (ce qui fait 1/2 cercle en comptant de la position avant) et fonctionnent en tournant en sens contraire de la 1ère position c'est-à-dire en arrière. Le bateau est alors sur l'AR.
Nous avons vu que tout le mouvement du moteur commençait à l'allumage. Plus l'allumage se répétera plus il y aura d'explosions et plus de fois le piston sera chassé. Si on avance donc l'allumage on augmente donc le nombre de tours du moteur et par suite la vitesse de marche du véhicule. On dit alors qu'on donne de l'avance à l'allumage.
On peut aussi élever la force du moteur en augmentant les dimensions du cylindre ou en plaçant 2, 3, 4 cylindres l'un à côté de l'autre et chacun d'eux actionnant à leur tour l'arbre d'hélice. On peut arriver ainsi à donner à de petits bateaux la force de 100 chevaux.
On peut au lieu de l'essence utiliser la benzine, l'éther. On utilise aussi l'alcool. Ce dernier produit a l'avantage d'être national et on ne saurait trop en encourager l'utilisation industrielle dans l'espoir que chaque petit verre ainsi amené au carburateur sera détourné de l'estomac humain, machine qui au lieu d'énergie n'y recueille que l'abrutissement de son propriétaire. Jusqu'à présent les résultats n'ont été très satisfaisants qu'à la condition de mélanger 1/2 alcool et 1/2 essence.

Quand il s'agit d'évaluer la force d'une machine on l'exprime en chevaux vapeur; on dit que telle machine développe 100, 200, 300 chevaux vapeur.
Le cheval vapeur représente la force nécessaire pour élever d'un mètre dans l'espace de temps d'une seconde un poids de 70 kilogrammes.
Si vous prenez à terre un sac pesant 70 kilogs que vous l'élevez à hauteur de ceinture et que vous en mettez qu'une seconde nous avons déployé une force d'un cheval vapeur.
Si vous doublez ce poids ou si vous doubler la hauteur ou si vous réduisez de moitié le temps, vous déployez un force de 2 chevaux vapeur et ainsi de suite.
Cette expression de cheval vapeur ne correspond pas du tout à l'effort normal donné par un cheval vivant.
Ainsi pour faire fonctionner d'une façon continue une machine de 10 chevaux-vapeur il faudrait employer 55 chevaux vivants de force moyenne travaillant d'une manière alternative avec les intervalles de repos qu'il est indispensable de leur laisser prendre.
Quand on veut se rendre compte du prix de revient d'une machine en tant que consommation de combustible on prend pour unité de consommation le cheval-heure, c'est-à-dire la quantité de charbon ou autre nécessaire pour fournir la vapeur indispensable à la marche d'un cheval-vapeur pendant une heure.
On dit par exemple d'un bon appareil à vapeur qu'il consomme 800 grammes de charbon par cheval-heure et d'un moteur à essence qu'il consomme 1/2 litre d'essence par cheval-heure.
Cela veut dire que si la machine a une force de 150 chevaux et qu'elle travaille 8 heures, il faudra brûler (150*8) fois 800 gr. de charbon soit 960 kilogs.
La même machine à essence consommerait (150*8) fois 1/2 litre d'essence.
Si la tonne de charbon coûte 45 Francs et le litre d'essence 0,50 Francs, on sait que pour une machine de même force et pour un travail de même durée il faudra 43 Fr de charbon et 300 Fr d'essence.
Un moteur à essence coûte donc en combustible 7 fois plus cher que le charbon.
Quand il est question de combustible on parle aussi de son pouvoir calorifique. On dit par exemple  que le pétrole donne plus de calorique que la houille, qu'elle même donne plus que le bois. On obtiendra à peu près le même résultat en brûlant 4 Kilogs de bois, 2,5 kg de houille ou un litre de pétrole.
On exprime enfin souvent la qualité d'une chaudière par la surface de chauffe. On appelle ainsi l'ensemble de toutes les parties de la chaudière en contact avec l'eau et léchées par les flammes ou les gaz chauds. Cette surface comprend le ciel, le boîte à feu et les tubes. Plus cette surface est grande, plus l'eau sera chauffée sur de nombreux points à la fois et plus la chaudière produira de vapeur en un temps donné.

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