Historique - Les chaudière et machine à vapeur 
Conférence de l'inspecteur principal Læderich

 

Dans une note datée du 24 juin 1902, l'inspecteur général transmet à l'inspecteur du 6ème arrondissement de Paris le cours enseigné par l'Inspecteur principal Læderich à la Brigade Fluviale. Ce cours devra être conservé aux archives du 6ème arrondissement et mis à la disposition des inspecteurs de cet arrondissement.
Il n'est pas question ici de retranscrire l'ensemble des trente-six conférences de M. Læderich mais il semble opportun de nous intéresser à celles concernant la motorisation et la propulsion des canots (vapeur pour la Mouette et à pétrole pour la Vigie).
Transcription de la conférence manuscrite avec les dessins d'origine.
Remercions à cette occasion MM. Daniel Jourdan et Jean Papoul du service des Canaux de Paris pour la mise à disposition de ce document manuscrit de 120 pages en vue de compléter notre étude.

 


Après avoir passé en revue l'ensemble des moteurs utilisant les forces naturelles comme, le vent, le courant 1, le flottage, le cajolage, 2 la voile, la rame, l'animal, l'homme 3 etc. M Læderich aborde la chaleur agissant directement (vapeur) et (pétrole) ou après transformation (électricité) engendre une force puissante, docile, la plus part du temps économique et d'un emploi presque universel.

Tous ces modes de traction ont, dans le bief parisien, cédé la place à la traction mécanique à vapeur qui s'effectue soit à l'aide de remorqueurs soit à l'aide de toueurs.
C'est de beaucoup la plus sûre et même la plus économique parce qu'elle peut s'exercer sur plusieurs bateaux à la fois qui se partagent ainsi les frais.
En raison de son importance, nous l'étudierons avec beaucoup plus de détails sans toutefois sortir du cadre familier que nous nous sommes tracés.
Il reste toujours bien entendu que tout en cherchant à étendre le plus possible le domaine de vos connaissances techniques, mon but n'est pas de faire de vous tous des théoriciens mariniers, pilotes, mécaniciens ou charpentiers 4 mais des surveillants aptes à comprendre un fait, à le consigner et au besoin à l'expliquer.

La chaleur transforme l'eau en vapeur. Celle-ci est très élastique et cherche à occuper le plus grand volume possible, aussi quand on l'enferme dans un espace clos, elle pousse sur les parois pour s'échapper.
C'est cette force élastique qui est utilisée pour déplacer un piston mobile, dont le mouvement se transmettra à un organe de propulsion, roue ou hélice.
Vous aviez tous remarqué qu'une marmite pleine d'eau chauffée et bien fermée par un couvercle, laissera au moment de l'ébullition échapper un jet de vapeur qui soulèvera le couvercle.
Cette vapeur est donc douée d'une certaine puissance, d'une certaine force qu'on pourra employer à produire un mouvement. Les preuves les plus frappantes de cette puissance est l'explosion accidentelle d'une chaudière dont vous avez entendu narrer les effets effrayants : projection de morceaux de fer partant à grande distance, renversement de murs, etc.
Dans la pratique, la marmite a de très grandes dimensions et prend le nom de chaudière ; elle a d'abord la forme d'un cylindre terminé par une calotte à chapeau extrême. Cette chaudière en partie pleine d'eau était placée au dessus d'un foyer de charbon de terre, de briquettes ou de coke.

En raison du volume considérable d'eau, il fallait employer une grande quantité de combustible pour réduire en vapeur et on ne pouvait cependant obtenir que peu de pression. On arrive à un emploi plus rapide et plus économique par l'emploi des chaudières tubulaires.
Le corps de la chaudière est traversé par un grand nombre de tubes métalliques ouverts aux deux bouts. La flamme du foyer et les gaz chauds de la combustion traversent les tubes avant de se rendre à la cheminée. L'eau se trouve ainsi chauffée dans l'intérieur de sa masse, comme si dans un vase plein de liquide et placé sur le feu on trempait des barres de fer très chaudes.
Toutes les chaudières n'ont pas la même forme ni les mêmes dispositions. La chaudière dont il vient d'être question est la chaudière de la locomotive à flamme directe, la flamme du foyer parcourt les tubes et s'échappe par la cheminée opposée.
Sur les bateaux on emploie surtout la chaudière marine à retour de flamme. La cheminée au lieu d'être à l'opposé du foyer est au-dessus de celui-ci et les gaz chauds avant de s'échapper reviennent sur leur route après avoir léché les tubes et le fond de la chaudière. Cet appareil est employé notamment sur les bateaux à voyageurs du type express.
Si la flamme au lieu de passer dans les tubes passe autour et si les tubes contiennent de l'eau au lieu de gaz chauds, on a la chaudière type Belleville et Niclausse 6. Cette dernière est employée sur les bateaux de la série A. Chacun des tubes constitue une sorte de petite chaudière séparée qui envoie sa vapeur dans un collecteur.

Sur les grues, les chaudières sont verticales et les tubes ont la même direction, au lieu d'être placés horizontalement comme dans les chaudières des bateaux. On rencontre souvent sur ces engins des chaudières Field à tubes pendants. Les tubes fermés du côté du foyer sont ouverts à la partie supérieure et contiennent de l'eau. Dans ce cas pour assurer les mouvements du liquide chauffé il est nécessaire de placer un deuxième tube dans le premier.
Il existe enfin pour les moteurs de faible puissance une chaudière sans eau ; c'est la chaudière Serpolet à vaporisation instantanée

L'appareil consiste en un gros tube épais, aplati, contourné en serpentin et percé dans toute sa longueur d'une ouverture en fente longue et très étroite. Cette vapeur est utilisée immédiatement pour actionner le moteur. Cette chaudière d'un volume très réduit n'est pas sujette à faire explosion car le tube est très résistant et la quantité de d'eau lancée chaque fois est très petite. Elle est utilisée sur les bateaux de plaisance de faibles dimensions.

La production de vapeur dans un vase complètement fermé n'est pas sans quelques dangers. Si on chauffait continuellement il arriverait un moment où la pression intérieure serait plus forte que la résistance de la chaudière. Celle-ci volerait en éclats tuant ou blessant les voisins.
La première condition est donc d'avoir une chaudière en bon métal suffisamment épais. On emploie généralement des tôles d'acier doux. La deuxième condition est de veiller à l'entretien de la chaudière ; c'est l'affaire du mécanicien et du propriétaire ; cet entretien est contrôlé par des visites de la Commission de surveillance. De plus on adapte à l'appareil des organes placés sous l'œil et sur la main du mécanicien qui le préviennent continuellement de ce qui se passe dans la chaudière ; il existe même un organe qui fonctionne automatiquement. Le tout constitue les appareils de sûreté.
L'ensemble de la chaudière est composé de différentes parties ayant chacune un nom propre dont il est à peu près indispensable de connaître les principaux.
La partie extérieure de la chaudière, celle qui se présente d'ensemble à l'œil, qui cache ou supporte tout le reste se nomme le corps.
C'est une tôle d'acier courbée dont les extrémités sont assemblées par des rivets.
À l'intérieur sont les tubes insérés aux deux extrémités dans une plaque tubulaire. Ces tubes à travers lesquels passeront le flamme ou les gaz chauds du foyer sont recouverts d'eau.
Le dernier tube supérieur doit être recouvert d'au moins 10 cm d'eau (art. 21 du décret du 9 avril 1883) 7  
Au-dessous des tubes et dans l'intérieur du corps est placé le foyer composé d'une série de barreaux de fer formant la grille sur laquelle on brûle de la houille, des briquettes et du coke
La flamme du foyer lèche la face intérieur du faisceau tubulaire sur la partie appelée ciel de foyer ; elle rencontre ensuite un petit mur généralement en briques réfractaires dit autel où elle se redresse pour pénétrer dans la boîte à feu. Elle traverse les tubes chauffant aussi l'eau sur plusieurs points à la fois, se rend dans la boîte à fumée puis dans la cheminée.
L'ouverture du foyer, dite gueulard est fermée par une porte de foyer. Les escarbilles et les cendres tombent à travers la grille dans le cendrier fermé aussi par une porte.
À mesure que l'eau s'échauffe elle se transforme en vapeur et se rend à la partie supérieure de la chaudière qu'on nomme chambre ou dôme de vapeur. Sur le dôme est adapté un tube de prise de vapeur fermé par un robinet ou une vanne et qui conduit la vapeur du dôme à la machine motrice. 
On peut encore remarquer sur la chaudière une ouverture ovale qui permet de procéder au nettoyage. C'est le trou d'homme fermé par une plaque placée à l'intérieur de la chaudière et maintenue par une bride. Ce système de fermeture qui est assuré par la pression elle-même est dit autoclave.
Sur l'avant de la chaudière et fixée à elle par des rivets se trouve une médaille en cuivre rouge portant au centre un gros chiffre et un peu partout des séries de petits chiffres placés sous l'autre, c'est le timbre.
Avant d'utiliser une chaudière le propriétaire doit lui faire subir une épreuve hydraulique devant la commission de surveillance. Cette épreuve sert à déterminer la pression que la chaudière peut subir sans danger. Pour cela on remplit la chaudière d'eau puis à l'aide d'une pompe on introduit à force une nouvelle quantité d'eau qui pour se loger refoulera les parois de la chaudière comme le fera plus tard la vapeur. L'essai est toujours fait à une pression supérieure à celle qui sera utilisée en marche (art.13 du décret).
Si la chaudière résiste, si elle ne présente pas de fuites, la Commission frappe les rivets d'un poinçon représentant l'image d'une tête de cheval
8 et mentionne la date de l'essai par trois chiffres indiquant le jour, le mois et l'année.
Ainsi la médaille ci-contre signifie que la chaudière a été éprouvée pour 6 kilos de pression le 3 mai 02. 
Cette épreuve se renouvelle au moins tous les quatre ans pour les bateaux de commerce et tous les deux ans pour les bateaux à voyageurs. Sa date est chaque fois mentionnée comme il vient d'être dit.
Quand on dit qu'une chaudière travaille à 6 kilos de pression, on entend par là que chaque partie de sa surface de 1 cm carré de l'intérieur de la chaudière subit de dedans en dehors un effort de refoulement, une pression équivalente à l'effort exercé par un poids de 6 kilos déposé sur ce centimètre carré.
Le timbre indique la pression que le mécanicien ne doit pas dépasser, il faut donc que celui-ci sache à chaque instant qu'elle est la pression dans l'intérieur de la chaudière. 
Il sera renseigné par le manomètre. Cadran en métal recouvert d'un verre sous lequel se déplace une aiguille dont la pointe est continuellement en regard d'un chiffre indiquant la pression actuelle.
Cette aiguille est mise en mouvement, grâce à l'intermédiaire de petites tiges levier
L L' par le déplacement d'un tube métallique creux fermé à une extrémité et ouvert à l'autre pour recevoir la vapeur de la chaudière. Ce tube est recourbé et quand il ne contient pas de vapeur amène l'aiguille à 0°.
À mesure que la pression augmente la vapeur force le tube à se redresser et à entraîner l'aiguille. En face le chiffre correspondant à la pression limite est tracé un index rouge (dans l'exemple choisi c'est en face de 6°).
Le mécanicien doit faire en sorte que l'aiguille ne dépasse jamais ce chiffre 6. Bien que la première qualité soit d'être attentif, on peut trouver un négligent qui oubliera de surveiller les indications de son manomètre.
On remédie aux suites d'une coupable inattention en installant un appareil qui fonctionnera tout seul automatiquement pour empêcher la pression de monter trop haut. Cet appareil est la soupape de sûreté qui n'est en résumé qu'un bouchon placé sur un trou pratiqué dans la chaudière et qui sautera au moment nécessaire. Ce bouchon entre sous une tubulure adaptée au trou de la chaudière et y est maintenu par une barre de métal ou levier qui pèse sur lui à l'aide d'un contrepoids. L'emplacement et la masse de ce contrepoids sont réglés de façon que sur la tête du bouchon il exerce une pression exactement égale à celle que la vapeur  arrivée à son maximum exercera sur la base dudit bouchon.
Il doit y avoir sur chaque chaudière deux soupapes, chacune d'elles doit suffire à maintenir à elle seule la pression limite. Lorsque l'aiguille du mano sera arrivée au regard de cette limite, 6 par exemple, la soupape devra se soulever et laisser échapper de la vapeur jusqu'à ce que l'aiguille soit revenue à 6.
Le règlement interdit formellement de surcharger les soupapes, c'est à dire d'ajouter un poids à la charge, ce qui peut s'obtenir soit en augmentant la masse du contrepoids, soit en éloignant celui-ci du bouchon. La surcharge retarde le moment de soulèvement et permet à la pression de monter et plus forte raison est-il interdit de caler ou de paralyser les soupapes, ce qui les empêche complètement de fonctionner. Ces défenses sont parfois enfreintes par les mécaniciens, conseillés par des capitaines imprudents pour pouvoir en temps de grosses eaux franchir un rapide. Il y a là un véritable attentat à la sécurité publique que vous devez signaler sans merci quand vous le constatez.
Pour s'assurer si les soupapes sont chargées on les soulage c'est à dire on les soulève très légèrement lorsque le mano indique presque la pression limite. Je vous conseille de ne jamais faire cette expérience qui demande à être exécutée avec délicatesse et que seuls peuvent essayer ceux d'entre vous qui sont mécaniciens. Si on soulève trop, on s'expose à des ébullitions qui peuvent entraîner de l'eau dans les cylindres et avarier le moteur.
Au lieu de la soupape à leviers vous trouverez souvent des balances dans lesquelles le levier est remplacé par un ressort à boudin qui presse sur le bouchon. Ces soupapes sont plus difficiles à charger ou à caler.
Ces appareils ne suffisent pas à assurer la sécurité. Il faut encore que le mécanicien connaisse à chaque instant la hauteur d'eau dans sa chaudière. S'il y en a trop il peut y avoir des entraînements d'eau qui causeront des avaries aux cylindres s'il y en  a trop peu, des parties de chaudière peuvent rougir et au moment où on remettra de l'eau il y aura une vaporisation exagérée et la chaudière pourra éclater.
Le mécanicien sera renseigné par le tube indicateur de niveau d'eau, tube en verre qui communique avec la chaudière et placé de façon que le milieu à peu près soit à hauteur du niveau à maintenir. Ce milieu indiqué par un index de niveau d'eau.
Le tube porte en haut et en bas des robinets et à la partie inférieure un 3ème robinet de purge  qui sert à désobstruer le tube quand il est bouché par les saletés de l'eau.
Si le tube casse ou s'il fonctionne mal le mécanicien a un deuxième moyen de contrôle dans les robinets de jauge qui consistent en trois robinets pénétrant dans la chaudière, placés l'un au-dessus de l'autre et en contact avec l'eau ou la vapeur. S'il ouvre ces robinets le mécanicien doit voir sortir de la vapeur du robinet supérieur, de l'eau par celui du milieu et par celui du bas.
Si le robinet du milieu donnait de la vapeur et celui du bas de l'eau, c'est signe qu'il faut alimenter. Si tous donnent de la vapeur c'est que l'eau a trop baissée. Dans ce cas, il ne faut pas alimenter car si des tubes ont rougi il y a risque d'explosion ; il faut retirer ou mettre bas le feu, laisser refroidir le métal et n'alimenter qu'après. 
Un mécanicien doit s'assurer plusieurs fois par jour que ses robinets de jauge fonctionnent bien, puisque le maintien d'une quantité constante d'eau est une des conditions de sécurité.
Pour le fonctionnement de la chaudière, il faut assurer le ravitaillement de celle-ci au fur et à mesure que la transformation en vapeur use de l'eau. On y parvient à l'aide des appareils d'alimentation qui comptent parmi les appareils de sûreté.
Il faut à une chaudière deux appareils d'alimentation dont un indépendant du fonctionnement de la machine motrice.
On trouve presque toujours une petite pompe alimentaire qui est mise en mouvement par le moteur et qui est réglée de façon à lancer dans la chaudière à chaque tour de machine une quantité d'eau à peu près équivalente à celle dépensée. Ce seul appareil ne suffit pas, car même au repos de la machine, la chaudière consomme un peu.
Il en faut donc un autre qui puisse fonctionner par ses propres moyens : on a alors l'injecteur Giffard qui grâce à un courant de vapeur pris directement aspire de l'eau et la refoule dans la chaudière ; on a aussi le petit cheval, pompe à vapeur à moteur indépendant, qu'on peut faire fonctionner à volonté pendant le repos de la machine.
On exprime enfin souvent la qualité d'une chaudière par la surface de chauffe. On appelle ainsi l'ensemble de toutes les parties de la chaudière en contact avec l'eau et léchées par les flammes ou les gaz chauds. Cette surface comprend le ciel, le boîte à feu et les tubes. Plus cette surface est grande, plus l'eau sera chauffée sur de nombreux points à la fois et plus la chaudière produira de vapeur en un temps donné.

Lorsque la vapeur a atteint dans la chaudière une pression utilisable on la fait passer dans le moteur à l'aide du robinet de prise de vapeur ou vanne que l'on ouvre.
La vapeur traverse le tuyau de prise de vapeur et se rend dans la boîte à tiroir
Avant de décrire ce dernier appareil et d'expliquer le fonctionnement du tiroir, nous allons chercher à comprendre le mouvement de va et vient du piston, dans un appareil beaucoup plus simple qui fût d'ailleurs employé à l'origine de l'utilisation de la vapeur.
Supposons un cylindre métallique dans lequel peut se mouvoir un piston
P.
De chaque côté du cylindre tant à la partie supérieure qu'à la partie inférieure on perce un trou, on en a ainsi 4 qu'on réunit 2 à 2 de chaque côté par un tube. Au milieu de chacun des deux tubes on en soude un autre
A et E. À proximité des trous on place des robinets R, R1, R2, R3.
Supposons qu'on ferme les robinets opposés
R et R2 et qu'on ouvre R1, et R3. Supposons aussi que la vapeur arrive de la chaudière par un tuyau A. Cette vapeur trouve 2 routes : celle du haut est fermée par le robinet R, celle du bas est ouverte par le robinet R3
Elle va suivre cette dernière route qui l'amènera sous le piston, sans qu'elle puisse s'échapper par
R2 qui et fermé.
En raison de sa force élastique la vapeur va soulever le piston. Celui-ci comprime l'air qui est au-dessus de lui et le chasse par le robinet
R1 qui est resté ouvert.
Le piston va arriver jusqu'au haut du cylindre.
À ce moment fermons les robinets qui étaient ouverts et ouvrons ceux qui étaient fermés. La vapeur qui continue d'arriver trouve le robinet du bas
R3 fermé ; elle ne passe plus par là. Elle trouve le robinet du haut R ouvert, elle va suivre ce dernier chemin car l'autre robinet R1 est fermé. Elle va donc pousser le piston vers le bas. En descendant le piston chasse sous lui la vapeur qui est restée dans le cylindre du coup précédent.
Celle-ci sort par le robinet
R2 qui est ouvert et s'en va par le tuyau d'échappement E.
Lorsque le piston sera complètement descendu nous recommencerons la 1ère opération, puis après la nouvelle montée, nous recommencerons la seconde opération et ainsi de suite. En ouvrant et en fermant alternativement les robinets opposés en
X, nous permettrons au piston de continuer son mouvement.
Vous avez tout de suite compris que cette façon de procéder ne peut servir qu'à une explication. Dans la pratique, il est indispensable d'ouvrir et de fermer les robinets  jusqu'à 180 fois par minute ; aussi a-t-on remplacé ces robinets, qui ont cependant servi à l'origine, il y a une centaine d'années, par une distribution automatique qui se fait à l'aide du tiroir.
Le tiroir a assez bien la forme d'un couvercle de boîte cubique, dont les bords seraient rabattus en dehors en
B, B'. Il est muni d'une tige métallique qui servira à la manœuvre.
Ce tiroir est contenu dans une boîte à tiroir fixée contre le cylindre C. Il glisse sur une plaque G, G' très polie qu'on appelle la glace. Cette glace est percée de deux trous O, O' communiquant avec le cylindre et que l'on nomme les orifices d'admission ou les lumières.
Pour comprendre la manœuvre de ce tiroir T nous allons d'abord supposer qu'on le manœuvre à la main à l'aide de la tige t. Tirons la tige vers le bas de la figure la lumière du haut O est ouverte, celle du bas est recouverte par la partie rabattue du tiroir et par conséquent bouchée. La vapeur qui a pénétré dans la boîte à tiroir glisse le long du dos du tiroir passe en O et pénètre dans le cylindre au dessus du piston qu'elle va refouler vers le bas. L'air si c'est le 1er coup de piston ou la vapeur qui avait été introduite au coup précédent est chassé par le piston passe dans la lumière O', entre sous le tiroir et s'échappe par le tuyau d'échappement placé en E.
Quand le piston est animé au bas de la figure poussons la tige du tiroir vers le haut, la lumière du haut se ferme, celle du bas s'ouvre. La vapeur va entrer par la lumière du bas, pousser le piston vers le haut qui refoulera par la lumière
O la vapeur du coup précédent.
Cette vapeur passera dans le tiroir et s'en ira dans le tuyau d'échappement en continuant de pousser le tiroir. Dans un sens ou dans l'autre nous ferons mouvoir le piston.
Le procédé est déjà beaucoup plus rapide que celui des 4 robinets et au besoin on pourrait manœuvrer le tiroir à la main. Mais cette manœuvre serait fatigante et surtout irrégulière. On oblige le tiroir à fonctionner automatiquement à l'aide de l'excentrique ; appareil fondé sur des propriétés géométriques que vous n'avez pas à connaître et que je ne développerai pas.
On comprend facilement que si on laisse le tiroir dans une position intermédiaire entre le poussé et le tiré, la vapeur ne peut s'introduire dans aucune des deux lumières ainsi bouchées et alors la machine est à l'arrêt.
Au départ le tiroir est mis en mouvement par un déplacement de l'excentrique opéré par le mécanicien à l'aide d'un levier qu'il a toujours sous la main. Ce levier appelé coulisse de Stephenson du nom de son inventeur permet de renverser la marche ou la vapeur de marche arrière. Le fonctionnement de cet organe est trop compliqué pour être décrit ici.
Ce déplacement de bas en haut et de haut en bas du piston dans le cylindre se continuant donne un mouvement alternatif en ligne droite qui ne peut être utilisé tel quel. Pour faire mouvoir une roue ou une hélice qui tourne continuellement il faut transformer ce premier mouvement en un autre qui sera continu et circulaire. On y parvient par l'intermédiaires de deux organes : la bielle et la manivelle. Ces deux organes sont d'un usage courant et bien connu dans la machine à coudre et dans la meule du rémouleur. Dans l'une et l'autre, une pédale donne comme le piston un mouvement alternatif et presque rectiligne qui se transforme en mouvement circulaire du volant.
L'extrémité de la tige du piston s'articule avec une pièce de métal rigide nommée bielle. Cette bielle s'articule elle-même à son autre extrémité avec une deuxième pièce appelée manivelle qui est fixée d'autre part à l'arbre de couche et se termine par l'hélice.
Le croquis fait comprendre sans plus amples explications que lorsque l'extrémité de la tige du piston descend en ligne droite, la bielle droite en
1  prend une position de plus en plus inclinée jusqu'en 2.
Elle se redresse pour se replacer dans le prolongement de la tige du piston en
3, s'incline de nouveau jusqu'en 4 pour se remettre droit à son retour en 1. Pendant tous ces mouvements, la tête de la manivelle a décrit une circonférence et l'arbre de couche entraîné a fait un tour complet.
Pour que la tête de bielle suive toujours un chemin bien droit on guide son déplacement par des coulisseaux qui glissent sur des glissières bien polies et bien graissées.
La machine que nous venons d'étudier est le type de la machine simple par excellence. On la dénomme la machine à pilon. Après chaque mouvement du piston la vapeur qui a servi au déplacement est renvoyée dans la cheminée. On l'appelle aussi machine à échappement.
Les machines que vous êtes à même de voir sur les bateaux sont plus compliquées. On y trouve notoirement deux cylindres au lieu d'un. On a alors une machine compound.
Cette vapeur que nous envoyons dans la cheminée a encore une certaine force. Rien que le bruit qu'elle fait en s'échappant (ex. les locomotives) nous l'indique. Au lieu de la laisser s'échapper immédiatement on la fait passer dans un autre cylindre où elle finira d'utiliser sa force élastique, où elle se détendra.
Le premier cylindre, le plus petit où la vapeur agit avec toute la force qu'elle possède dans la chaudière sera dénommé cylindre haute pression ; l'autre, beaucoup plus grand sera le cylindre basse pression ou de détente.
Certaines machines possèdent un 3ème cylindre où travaille encore la vapeur après son passage dans les 2 premiers ; on les dit machine à triple expansion.
Une deuxième complication dans les machines usuelles provient de la suppression de l'échappement et de son remplacement par la condensation.
Pour renvoyer dans la cheminée la vapeur qui a servi dans le dernier cylindre le piston est obligé de dépenser une certaine force ; il faut  qu'il surmonte la résistance qui a encore cette vapeur et qu'on appelle la contrepression 9. Si on pouvait faire disparaître cette vapeur après son utilisation plus utilement employée au fonctionnement même du propulseur. On réalise cette disparition de la contrepression par la condensation.
Après son travail dans le dernier cylindre la vapeur se rend dans un réservoir le condenseur. Là elle est arrosée par une pluie d'eau froide qui constitue l'injection, elle se transforme en eau et laisse le vide derrière elle. Dès lors non seulement le piston n'a plus à vaincre la contrepression mais il est en quelque sorte aspiré par le vide.
En outre l'eau du condenseur s'échauffe au contact de la vapeur qu'elle arrose et comme le sert à alimentation de la chaudière, elle y arrive déjà chaude.
La condensation a donc un double avantage : meilleure utilisation du travail, moins de chaleur à fournir à la chaudière. Ce double avantage se traduit par une économie de combustible.

Pour contribuer au bon fonctionnement du moteur on doit installer sur celui-ci certains accessoires.
Les plus nombreux sont les graisseurs.
Bien que le cylindre dans lequel va et vient le piston soit parfaitement alaisé et poli, il faut diminuer autant que possible par un bon graissage le frottement du piston sur la paroi intérieure du cylindre. On y arrive en versant continuellement un liquide lubrifiant (huile, vaseline, etc.) par un godet graisseur placé au-dessus des cylindres.
Pour la même raison on fait tourner la manivelle dans une petite anse métallique où elle baigne dans un liquide gras ou savonneux.
La tige du piston sortant du plateau inférieur a besoin d'un jour par lequel pourrait s'échapper la vapeur. On bouche ce jour avec de l'étoupe maintenue dans un presse-étoupe ou avec une garniture métallique composée de copeaux métalliques. Il en est de même pour la tige des tiroirs. 
Aux deux extrémités des pistons on trouve un petit robinet purgeur que le mécanicien ouvre après un arrêt prolongé pour laisser échapper l'eau que la vapeur en refroidissant a déposé. Sans cette précaution l'eau qui ne se comprime pas serait poussée avec force conte les plateaux de cylindres et pourrait les briser.
Près de la pompe à air se trouve un robinet d'injection que le mécanicien ouvre au départ, ferme à l'arrêt et manœuvre en cours de marche pour régulariser la quantité d'eau nécessaire à la condensation 10.
Il existe un petit appareil destiné à vider l'eau qui entre dans la cale par le jour existant entre l'arbre de couche à sa sortie du bateau et son fourreau. On l'appelle pompe de cale s'il a la forme d'une pompe et éjecteur ou siphon s'il fonctionne par la seule aspiration de la vapeur de la chaudière.
Enfin dans la cheminée nous trouvons souvent un souffleur tuyau qui laisse s'échapper de la vapeur prise à la chaudière et qui est destinée à actionner la combustion du foyer par l'aspiration d'air qu'il produit. Ce souffleur sert aussi à diminuer un peut de quantité de fumée produite et joue partiellement le rôle de fumivore.
Ne quittons pas le local de la machine des bateaux à voyageurs sans dire un mot de la production de l'éclairage électrique.
Sur les bateaux express, cet éclairage est produit par un petit moteur à pilon, installé à part et qui à l'aide d'une courroie de transmission fait tourner rapidement une petite dynamo génératrice d'un courant électrique.
Celui-ci vient porter au rouge des petits fils de charbon disposés dans un petit globe dit ampoule où on a fait le vide.
Sur les bateaux de la série A au lieu du moteur à piston on a une turbine de Laval qui n'est autre chose qu'une roue à aubes obliques, enfermée dans une boîte percée de 2 ouvertures. La vapeur de la chaudière passe par une des ouvertures rencontre les aubes auxquelles elle communique sa vitesse, fait tourner la roue qui qui actionne une dynamo et sort par l'autre ouverture. La turbine se comporte un peu comme un moulin à vent, à ailes très nombreuses. Le vent est remplacé par un jet de vapeur ou mieux encore comme ces petits ventilateurs que l'on met aux fenêtres des appartements  et qui tournent sous l'impulsion de l'air de la pièce pour s'échapper dehors.

Les appareils à vapeur sont sujet à des avaries dont l'importance est souvent assez sérieuse pour ne pas causer d'accident mais qui parfois obligent le bateau à s'arrêter, ce qui constitue un incident.
L'avarie peut intéresser la chaudière ou le moteur
Pour la chaudière l'accident le plus grave à craindre est l'explosion.
Dans les appareils qui contiennent une grande masse d'eau et de vapeur comme les chaudière marines l'explosion peut être très violente : une déchirure même peut devenir très dangereuses par la grande quantité de vapeur et d'eau projetée sur les hommes de la machine. Dans les chaudières aquatubulaires (Belleville, Niclausse, etc.) dont chaque tube constitue une chaudière de petite dimension l'accident est en général limité à un ou plusieurs tubes ; le tube se crève, déverse son contenu dans le foyer qui peut s'éteindre.
Il importe dans ce cas que la porte de garde placée sur la partie avant des tubes, du côté de la boîte à fumée, soit bien et solidement fermée, sinon la vapeur sortie d'un tube déchiré pourrait blesser le mécanicien.
Les explosions sont en général dues à un entretien défectueux de la chaudières qui sur un point a été corrodée et dont la tôle a diminué d'épaisseur, et par suite de résistance ou bien le mécanicien a laissé tomber trop bas le niveau d'eau des tubes ont rougi et à l'alimentation, la vaporisation trop rapide de l'eau a déterminé une pression trop élevée. Quand une tôle ou un tube a été rougi, on dit qu'il a reçu un coup de feu.
Les accessoires des chaudières peuvent aussi subir des avaries.
Le tube de niveau d'eau qui est en verre casse assez fréquemment par suite de refroidissement. Il se produit alors une détérioration analogue à celle d'un coup de pistolet ; la vapeur et l'eau sortent avec bruit mais sans grand danger par les robinets qu'il suffit de fermer.
Une soupape surtout la soupape à levier peut se dérégler à la suite d'un choc. La vapeur qui sort avec fracas s'échappe en général dans la cheminée.
Le tuyau de prise de vapeur qui réunit la chaudière à la machine se crève quelque fois ou bien le joint qui assure l'étanchéité de la jonction sur la chaudière peut sauter. La vapeur se répand en abondance dans la chambre de chauffe où les hommes de service risquent d'être gravement brûlés. Le mieux dans ce cas est de fermer le robinet ou la vanne de prise de vapeur qui est souvent à hauteur du pont à portée de la main des passagers.
En ce qui concerne la machine, les cylindres peuvent être avariés par fêlure du plateau à la suite d'un oubli de purger au départ ou d'un entraînement d'eau de la chaudière dans le cylindre.
Les coulisseaux et les glissières peuvent s'échauffer par défaut de graissage ou gripper par introduction de poussières ou de sable. De même pour les excentriques trop serrés dans leur collier. Dans ces cas on refroidit en versant de l'eau froide ou de la graisse et on desserre.
Les tiges de pison ou des pompes cassent parfois.
Les condenseurs s'échauffent par suite d'un mauvais réglage de l'injection qui est insuffisant ou bien parce que l'arrivée de l'eau à la crépine extérieure est bouchée par des herbes. Ils s'engorgent si on oublie de fermer l'injection pendant les arrêts.
Tous ces incidents et d'autres encore qu'un mécanicien attentionné peut presque toujours éviter sont d'autant de causes d'arrêt au moins momentanés du bateau, le public ne prend généralement pas garde à ces accidents dont il n'est préservé qu'au moment du débarquement. ; mais par contre il s'affole s'il entend un bruit un peu violent suivi d'un échappement de vapeur ; il débarque à la hâte au premier ponton souvent dans des conditions dangereuses.
Dans ce cas  recommander le calme et en donner l'exemple. Un mot suffit parfois à calmer une panique naissante.
Un jour sur un bateau à voyageurs le poids d'une soupape tombe. La vapeur sort avec fracas, les voyageurs sont apeurés. À la première station les hommes surtout s'apprêtent à sauter par dessus les bastingages. Le receveur impuissant regarde ; je lui dis à très haute voix et d'un ton moqueur "Laissez donc débarquer les froussards". Tout le monde est resté à bord.


 

Notes
  • 1 le courant encore appelé "la descente sur nage" était pratiquée  mais cette pratique dangereuse qui occasionnait des accidents et obstructions répétés a été interdite dans le bras de la Cité avec l'apparition de la vapeur.
    Il fallait être "un vieux loup de Seine" pour conduire un bateau en descente au fil de l'eau.
  • 2 La cajolage est comme le flottage, mais au lieu d'être au milieu de la rivière, le bateau ou train de bateaux est sur un bord et portant à terre une code d'amarre ou corde de repêchage permettant au marinier de s'arrêté quand il voudra. le problème surgit quand un bateau doit suivre un autre dont le déplacement est très lent.
  • 3 La "halage à col d'homme" était interdit dans la traversée de Paris mais prescrit sur les canaux de la ville pour les bateaux sans moteur mécanique.
  • 4 C'est pourtant dans ces métiers qu'étaient recruté les agents de le Brigade Fluviale
  • 5 Plutôt force
  • 6 voir chaudière Niclausse
  • 7 Ce décret a ensuite été modifié par celui de 1924

    8 La tête de cheval a été remplacée par l'APAVE par le poinçon montrant le profil de Denis Papin (décrets des 23 février 1919 et 2 avril 1926).
  • 9 Écrit comme ça dans le texte  
  • 10 Dans le cas de la condensation par mélange

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