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            ...de Suzanne 

sur les traces de l'Hirondelle à Cenon-sur-Vienne

Marc André Dubout

17 juillet 2011

Cette année Suzanne n'a pu suivre ses yoles préférées Mouche et Jako sur la Vienne de Moussac à Cenon-sur-Vienne parce que le déficit en eau de la rivière ne l'a pas permis. Même les embarcations du canotage ont eu des difficultés à suivre le cours de la rivière sans sortir, ça et là, de l'eau. 

Alors Suzanne est restée seule au ponton du petit port de Cenon en attendant que son équipage la réveille par un beau dimanche pluvieux. Et oui la pluie aussi a son charme.
À 10h00 nous quittons le ponton pour rejoindre le centre de la fête du canotage. La pression n'y est pas mais nous sommes en retard et le public n'y verra que du feu. Bien vite, notre premier passager monte à bord. Accostage délicat sur une rive escarpée et montée à bord difficile sans mettre le pied à l'eau. Notre invité est un hôte de marque puisque c'est le président de l'Association de la Batellerie sur la Vienne et bien vite, autour de la machine qui tourne imperturbablement, la discussion s'engage sur l'Hirondelle qui a vogué aux temps jadis sur les flots de la Vienne entre Cenon et Châtellerault.
Les belles aux chapeaux fleuris, élégamment  accoudées à l'hiloire.
Alors on part dans un autre temps tout en naviguant sur les mêmes rives. Ce n'est pas une randonnée mais des ronds dans l'eau pour le plaisir de tous, de l'équipage et de ceux qui regardent un "vapeur" naviguer à nouveau sur la Vienne.
Il y a longtemps, bien longtemps, puisque c'était dans les années 1880 un petit bateau à vapeur naviguait sur la rivière... mais laissons la parole à Michel qui en a entendu parler.
L'Hirondelle, c'était un bateau à vapeur qui faisait une douzaine de mètres de long, un bateau en acier riveté qui avait été acheté par Madame Fradin qui tenait une guinguette à Cenon. Elle l'avait acheté pour ramener sa clientèle de Châtellerault. à Cenon Le bateau faisait la navette tous les dimanches et les châtelleraudais aimaient beaucoup venir manger la friture de goujons sur les bords de la Vienne, chez "la mère Fradin" à Cenon.
L'idée qui traîne dans la tête de nombre de châtelleraudais est de reconstruire cette Hirondelle. L'idéal serait de pouvoir exploiter ce plan d'eau qui est magnifique et se marierait formidablement avec la manufacture d'armes de Châtellerault qui est contemporaine. À l'autre bout du plan d'eau, il est un ancien moulin au fil de l'eau, le Moulin de Chitenay qui comporte plusieurs éléments de technologie de cette époque. Il produisait de la glace, de l'électricité, il y avait des pompes à eau... 
Tout ça pourrait faire un ensemble cohérent et historique.
D'autant qu'à Châtellerault, il y a une capacité industrielle et une tradition manufacturière.

Une guinguette au bord de l'eau comme sur la Marne

À Cenon sur les bords de la Vienne c'est à l'ombre des tonnelles que les Châtelleraudais buvaient le petit vin blanc. La guinguette des époux Fradin accueillait chaque dimanche les gens de la ville qui venaient ripailler et passer l'après-midi à danser ou à pratiquer le canotage.
C'est en 1867 que les Fradin achetèrent un restaurant à Cenon en bord de Vienne, restaurant qui remporta très rapidement un franc succès pour la qualité de ses omelettes aux goujons ou de sa matelote d'anguilles.


La guinguette Fradin très renommée dans la région de Châtellerault en 1903
Les citadins y venaient par le "tacot" 1, en voiture hippomobile et même à pied depuis la sous-préfecture toute proche jusqu'aux jours de 1880 où les Fradin décidèrent d'acquérir à Nantes la "Belle Hirondelle", un ancien remorqueur de servitude transformé en bateau de promenade pour assurer la liaison Châtellerault—Cenon-sur-Vienne. Désormais la "mère Fradin" voyait tous les dimanches le petit embarcadère se remplir de citadins qui venaient passer la journée sous les frondaisons.
La guinguette atteint l'apogée de sa réputation en 1907 et six ans plus tard Joséphine Fradin, la mère de la guinguette au bord de l'eau décéda. Une page de vie locale était tournée. 
En 1921 Germain Massard, arrière petit-fils, transforma le restaurant en maison de vacances et son frère remplaça la brave machine à vapeur par un moteur thermique... modernisme oblige.

L'embarcadère accueillant les crinolines et chapeaux haut-de-forme
Non loin de l'embarcadère du restaurant Fradin. Suzanne sur les traces de l'Hirondelle
L'expression "sur les traces" est appropriée puisque nous avons retrouvé l'ancre du navire qui est passée de la proue de bateau au rocher d'une demeure où elle est exposée en trophée. Mais en fait est-ce vraiment l'ancre de l'Hirondelle ? ou plus tôt une histoire qui se propage, parce qu'elle est trop largement dimensionnée pour notre embarcation. Peu importe elle nous fait penser à elle.
À Châtellerault, l'embarcadère de l'Hirondelle, sur la rive droite en amont du barrage de Chitré
Le départ avait lieu à Châtellerault vers l'ancien pavillon bleu sur la rive droite de la Vienne en face de la manufacture 2. La traversée ne durant pas plus d'une demi-heure, un départ toutes les heures fut à la fois possible et prometteur. 
L'Hirondelle (en 1912) au départ de Châtellerault juste en face de la Manufacture.
L'ambiance à bord de l'Hirondelle entre Châtellerault et Cenon. Chapeaux et canotiers sont de sortie pour cette escapade à l'ombre de la guinguette.
Vue de l'étrave, noter au premier plan les briquettes rangées devant la chaudière horizontale.
L'Hirondelle en 1915. Noter l'ancre en figure de proue qui a été préservée dans un jardin à proximité de la rivière. Qui soupçonnerait d'où elle vient ?
Nénesse, le fils des aubergistes, est aux commandes en bleu de chauffe et coiffé d'un béret.
L'Hirondelle accompagnée par un canot à clin. Une image bien familière que l'on retrouve à la même époque sur les bords de la Seine et de la Marne.
Voisinage du canotage et de la vapeur.

Après 1921, l'Hirondelle transporta les ouvriers de l'entreprise de Maurice Rocher, Elle était alors conduite par Camille Morin. Des loisirs de la "Belle Époque", elle passa au labeur de l'entre deux-guerres. À cette époque elle avait déjà perdu sa machine...
                                                                                     ... le charme s'est évanoui.


Le Clain affluent de la Vienne à Cenon.
Son histoire s'achève bien tristement au bord d'un barrage sur le Clain, abandonnée et sombrant dans l'oubli. Dans les années 50 les gadouillots du coin jouaient à bord de son épave. Ils s'en souviennent encore, ils me l'ont dit. 
110717_21.jpg (85793 octets)Rien n'a bien changé depuis un siècle, les rives arborées encadrent une rivière tranquille qui invite au canotage.
Le pont du chemin de fer construit en 1912 pour le passage du train reliant Châtellerault à Chauvigny. L'ouvrage, conçu selon un plan des établissements Eiffel, est composé de piles en pierre reliées par un massif de maçonnerie en arceau. En 1932, la ligne ferroviaire fut supprimée et le pont adapté à la circulation routière. 110717_20.jpg (49763 octets)

Avec Jean-Jack et Pierrick nous avons parcouru maintes fois cet endroit de la Vienne entre Cenon et Châtellerault dont les rives n'ont guère changé en espérant retrouver les traces de l'Hirondelle de la mère Fradin mais les rives sont restées muettes gardant pour elles leur secret, excitant en nous l'espoir de pouvoir revoir un jour naviguer l'Hirondelle. Même le pont du tacot qui a vu si souvent évoluer la petite embarcation bien familière n'a pu répondre à nos questions.

Notes :

  • 1 110717_22.jpg (65573 octets) Le tacot de Châtellerault à Chauvigny
  • 2 La manufacture de Châtellerault

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13h30 arrêt déjeuner

15h16 départ 

15h45 barrage de Châtellerault

16h30 retour Cenon-sur-Vienne

 19h30 arrêt et levage

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