Nos écrits de janvier 2023
C’ETAIT HIER, 8 MARS
Alors, comme ça,
j’existe un jour par an ?
Un jour par an c’est peu non ?
Très peu, même si on dit que je ne sais pas compter.
Un jour par an pour me découvrir, savoir que j’existe, c’est court.
Alors, je ne vais pas m’attarder.
Violée à 11 ans par beau-papa, elle a dû subir une césarienne dans le
secret.
Oui, mais que faisait-elle là, aussi ?
Vous êtes sûr que ce n’est pas elle qui l’a aguiché ?
Fragile, dites-vous ? Hum … méfiance …
Elles sont malignes et sorcières. Et ne vous fiez pas à son jeune âge.
En Algérie, des jeunes femmes se pendent avec leur voile.
Non mais, où vont-elles chercher tout ça ?
On leur a tout pris pourtant,
On les surveille, même quand elles sont enfermées dans la cuisine.
Ah ! L’imagination, où ça va se nicher tout de même !
On dit les femmes inventives, mais là, chapeau !
La femme Rohingya tient dans ses bras son bébé fruit d’un viol
collectif.
Chut ! on lui a dit de ne surtout pas en parler parce que, en tant que
musulmane, être violée et par un non-musulman de surcroît, c’est un
billet pour l’enfer. Direct.
C’est de sa faute aussi, elle est trop belle et elle s’est un peu trop
éloignée du village.
L’esprit aventurier c’est réservé aux hommes, elle n’avait pas compris
ça cette idiote.
Et puis, à la guerre comme à la guerre !
Bing ! encore un coup de poing bien placé qui lui retourne le cerveau,
histoire de le remettre dans le bon sens !
Parce que, depuis quelque temps, Madame veut sa liberté et s’exprimer.
Elle étouffe comme elle dit.
Tiens ! ça va t’apprendre à respirer !
Oh ! Il semblerait qu’elle ne respire plus, justement.
« C’est que, M. Le Président, je l’aimais tellement ! C’est pas un crime
d’aimer n’est-ce-pas, d’aimer
passionnément ? »
Pfftt ! siffle le fouet à l’oreille de la femme jugée comme infidèle,
pour lui apprendre à ne pas accepter celui à qui on l’a donnée dès sa
naissance.
Le tribunal, dans sa grande mansuétude, a convoqué le public qui,
visiblement, apprécie le doux son que tu lâches à chaque coup, comme une
petite chanson.
Cent fois, il a de quoi se régaler !
C’est ton public désormais, toi qui rêvais de notoriété, et sans
dépenser un sou pour le budget pub !
Ça finit par porter ses fruits de regarder la télé-réalité. C’est pas
beau la vie ?
Jeu de dames,
Jeu d’échecs.
Femme des podiums, affamée et oubliée demain
Femme des panneaux publicitaires, identifiée à un sac à mains
Femme de milliardaire, humiliée et condamnée à se taire
Femme larguée, sommée d’élever la progéniture
Femme, moitié de l’humanité
Ah ! il est vrai que je ne sais pas compter,
Apprendre à rester à sa place,
Apprendre à rester, envers et contre tout, désirable, drôle, légère,
imperceptible,
Ça serait cela, être féminine ?
Demain est un autre jour,
J’ai encore le temps d’apprendre.
Cécile EVEN