Nos écrits de décembre 2022
LA SONNERIE
On sonne à la porte. J’ouvre. C’est un choc. J’écarquille les yeux. Je n’arrive pas à y croire. Je pense que je suis victime d’une vision. Je ferme les yeux et les rouvrent simultanément en me pinçant très fort le bras jusqu’à meurtrir ma chair… Cette situation est décalée, c’est une farce. Ce n’est pas possible…depuis tant d’années passées, d’ignorance, de non-dits, d’incompréhension, bref tout un pan d’histoire familiale enfouie, tapie, resurgit et me frappe de plein fouet au visage, en plein jour. Evènement époustouflant que je n’aurai jamais imaginé depuis ton absence, ton refus de communiquer que ce soit physiquement ou alors par téléphone ou bien par courrier électronique. Tu ne te manifestais uniquement que par ton invisibilité chronique.
Mais aujourd’hui, à cet instant présent, tu es bien là, en chair et en os, face à moi. J’en suis médusée. Tu te tiens dans l’encadrement de la porte, légèrement appuyé sur la plinthe en bois. Je te regarde toujours ébaubie, kaï kaï et je t’observe. Tu n’as vraiment pas changé, toujours la même allure, bien sûr tu as juste vieilli. Ton dos s’est légèrement vouté. Quelques rides sont apparues sur ton visage et au coin de tes yeux mais ton regard est toujours aussi pénétrant. Et finalement malgré ce temps passé, tu as gardé un certain charme et une prestance naturelle…
Qui aurait pu divulgâcher ta venue ? Personne je pense. Tu avais rompu tous tes liens avec qui que ce soit, famille, amis, relations. Tu avais choisi de te retirer de la société en quelque sorte, et préférer l’éloignement, la solitude. Tu exprimais peut-être ainsi ton refus des responsabilités, de ne devoir rien à personne et tout simplement vivre détaché, LIBRE !
Face à toi, muette, je me rends compte que je suis en train d’échafauder dans ma tête, toute une histoire à ton propos, TON histoire. Et tout à coup un tintamarre assourdissant, mélange de musique, de cris, de vaisselle cassée, envahit notre sphère où nous sommes englués tous les deux, toi et moi, sans un mot, sans un son.
Saperlipopette, quelle situation étrange ! Mais comment en sortir ?
NICOLE ROBERT