VIGIE : vedette de surveillance de la Seine

Marc André Dubout

À l'occasion de notre « Équipée Impressionnistes » une série de conférences avaient été données pour animer et informer le public venus nombreux y assister. Marie-Christine qui avait organiser ces séances m'avait demandé de faire une présentation de la vedette de surveillance de la Seine : Vigie.

C'était l'occasion de me retourner sur ces nombreuses heures passées aux archives de la Police à la recherche de son histoire, des Brigadiers et Agents de la Paix qui l'ont fait vivre et qui l'ont avec respect menée jusqu'à nous.

Alors parler de la Vigie, ce n'est pas une mince affaire. Plus de 110 ans d'existence, une activité soutenue à travers un siècle entier en traversant deux guerres sans subir de dommages, c'est presque miraculeux. Sa vie peut se résumer à trois grandes périodes :

  • 1904 - 1985 : son histoire

  • 1985 - 2010 : la restauration au sein d'AMERAMI

  • 2010 - aujourd’hui : les manifestations et randonnées

1904 - 1985 : Son histoire

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Son histoire commence avant la date précitée. En effet lorsqu'elle fut acquise par le Préfet Louis Lépine en 1904 pour la jeune Brigade fluviale qu'il venait de créer pour l'Exposition Universelle de 1900, la vedette naviguait déjà et appartenait au Sieur Bezenech à Issy-lès-Moulineaux, l'acte de vente ayant été signé le 5 novembre 1903. Le prix convenu et accepté était de 6 000 Francs. C'est en délibération du Conseil Général du 12 décembre 1903 que fut autorisé cet achat. Sa mise en service date du 2 février 1904. Donc c'est d'occasion qu'elle entre au sein de la Brigade fluviale en tant que vedette de surveillance de la Seine.

« La Vigie est actionnée par un moteur à pétrole Filtz d'une force de 16 chevaux, ses dimensions sont de 8,60 m. de long, 1,80 m. au maître bau ».
En novembre 1908 son moteur est remplacé par un moteur Panhard de 24 CV.

Elle rejoint une autre vedette achetée quelques mois plus tôt : la « Mouette » dont les dimensions étaient similaires sans être pour autant son sister-ship comme souvent on l'entend dire.

La « Mouette », anciennement devisée "Iris" était bien actionnée par une machine à vapeur de 6 HP à condensation et une chaudière Field timbrée à 8 bar mais déjà les affres de l'utilisations se font sentir et elle est désarmée le 6 juin 1096 et vendue à un brocanteur 275 Francs. Elle aura effectué 258 sorties et duré 28 mois au sein de la Brigade fluviale.

Mais revenons à la Vigie qui arborait le pavillon de la Préfecture de Police sur « le Grand fleuve parisien ». L'exploitation dans les premiers temps était la suivante : "Nuit et jour les deux canots partiront à tour de rôle de deux points extrêmes, Charenton en amont et Suresnes en aval pour se rencontrer en un point déterminé. Cette stratégie permet de balayer le fleuve et ses berges, lesquelles à la tombée de la nuit deviennent le repère des "gens sans aveu".

À bord des hommes éprouvés, tous recrutés comme Gardiens de la Paix feront huit heures de service sur leur bateau de jour comme de nuit. Aussi en 1904 un projecteur à acétylène atteignant une puissance de 6000 bougies est installé qui permet d'éclairer les zones sombres des rives de la Seine.

En 1910, la grande crue centenaire donne à notre vedette une grande activité de sauvetage et trois ans plus tard, le 8 décembre elle fait naufrage à l'écluse de la Monnaie. Heureusement le lendemain elle est renflouée et acheminée à son garage Ile Saint Louis.

Les maraudes nocturnes donnent la chasse aux braconniers. Des journalistes téméraires n'hésitent pas à accompagner les Gardiens de la Paix à bord de la Vigie pour narrer le lendemain, les pêches interdites aux boulettes de coque du levant ou à l'épervier ou encore au filet électrique ou à la bouteille de carbure. Dans le filet il y pouvait y avoir 500 Kg de poissons mais si les malandrins se faisaient arrêtés, la prise était alors distribuée aux hôpitaux de Paris et à l'Assistance publique.

Voilà la vie et l'activité de la vedette sequanaise jusqu'à la guerre, après laquelle on pouvait encore lire dans le journal que "la Vigie était la meilleure vedette".

En 1955 la Vigie reçoit un moteur Couach d'une puissance de 55 Cv, puis en 1970 un Renault marine, moteur qui était toujours en place jusqu'à sa cession.

Et oui après de bons et loyaux services, la Vigie est radiée des effectifs des unités de la Brigade fluviale, le 7 mars 1985, et est retirée du service le 13 novembre. Elles est remise à AMERAMI par le Préfet Ph. Massoni pour "éviter sa destruction" et pour « qu'elle retrouve un jour le Grand Fleuve parisien".

1985 - 2010 : la restauration au sein d'AMERAMI

AMERAMI se devait de la refaire naviguer. Cela a pris du temps. En 1991, une tentative de classement MH n'aboutit pas. Un projet de restauration a fait l'objet d'un cahier des charges et le Président Jacques Chauveau avait souhaité que la motorisation (la 4ème) soit à la vapeur comme pour la première "Mouette".

En 2000 le Commandant de la Brigade fluviale demande que la Vigie soit présente pour célébrer le centenaire de la Brigade fluviale.

En 2002, l'École d'Hydrographie de St Malo transformée en bibliothèque confie à AMERAMI une machine à vapeur White & Son de 1890 anciennement propulseur de Mildred. Sous cette impulsion Vigie part à Bordeaux pour la réalisation de quelques travaux (condenseur, carlingage, coque) et quelques années plus tard, elle arrive à Nautique-Sèvres où une équipe de quatre personnes s'active à sa remise à l'eau. En effet, la Brigade fluviale sollicite une fois encore AMERAMI pour son 110ème anniversaire et nous nous sommes donnés pour objectif de la faire naviguer à la vapeur à cette date, quai Saint Bernard (siège de la Brigade fluviale).

La première chauffe eut lieu à Sèvres en février 2010, le mois suivant c'est sur le canal de l'Ourcq à Pantin et le 29 juin après une descente du canal Saint Martin, Vigie est présente pour la célébration du 110ème anniversaire de la Brigade fluviale où le Préfet de Police M. Gaudin inaugure le "Morvan". Les deux unités ; la plus ancienne et le plus récente sont face à face quai St Bernard. Les anciens de la Brigade fluviale sont revenus la voir à flot sur la Seine.

Depuis elle a deux ports d'attache, la Brigade fluviale, quai St Bernard et la Villette dans la darse du Rouvray aux Canaux de Paris.

2010 - aujourd’hui : les manifestations et randonnées

Le Préfet Massoni voulait qu'elle retrouve un jour le "Grand Fleuve parisien", c'est fait, mais la Vigie qui n’avait jamais quitté la Seine allait ensuite connaître bien des aventures sans compter les nombreuses remontées et descentes du canal St Martin.

Sa première participation fut le Téléthon 2001 sur le canal St Martin dans la froidure et en partie sous la pluie. Puis l'année suivante elle fait une escapade à Sequana par le canal Saint Denis où elle retrouvait Suzanne.

En 2013, elle remontait le canal de l'Ourcq jusqu'à Port aux perches (217 Km. aller-retour) dans l'Aisne.

En 2014 elle descendait la Marne d'Épernay à Paris (221 Km.) avec d'autres bateaux à vapeur.

En 2015 avec "De Loyre en Seyne en bateau à vapeur" (231 Km.) elle fit la jonction entre les deux grands fleuves que sont la Loire et la Seine par le canal de Briare, le canal du Loing, non sans avoir traversé le pont-canal de Briare.

En 2016 la crue de la Seine nous empêcha de descendre la rivière de Chatou à Poses mais ce ne sera que partie remise pour 2017.

Voilà les aventures de Vigie depuis qu'elle re-navigue, sans compter les diverses manifestations (Téléthon, Sevran, Créteil, Larrostréa, Joinville, Festival de Loire, Brest 2016), et les nombreuses balades sur la Seine.

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