L'art et la manière de transporter nos bateaux 

François CASALIS

Le transport de nos bateaux est toujours une opération délicate qui est souvent génératrice de mauvais traitements. À chaque chargement chacun y va de son idée, parfois guidée par l’expérience, souvent par l’intuition et dans ce cas cela peut être grave de conséquences. Un chargement fantaisiste un jour d’affluence sur l’autoroute cela peut finir mal, très mal. C’est en partie la raison pour laquelle les assureurs sont plus que frileux pour assurer les remorques et dénoncent les contrats aux premiers pépins. Donc prudence et réflexion, mes frères ! Cela va faire maintenant un bout de temps que nous nous promenons avec des bateaux en remorque et un certain nombre de techniques ont fait leurs preuves. 
Il me semble intéressant d’en faire partager les lecteurs assidus de la Feuille à l’Envers.

Les voiliers et canots à moteur.
Les voiliers ne posent pas trop de problèmes, compte tenu que pour la plupart ils ont une remorque dédiée. Encore faut-il ne pas oublier de mettre les boucles de serrage sur le côté droit de la remorque afin d’éviter de s’exposer aux voitures lors d’une inspection ou de la reprise d’un serrage. Éviter de se servir du bateau comme une malle poste et le surcharger d’accessoires. Se méfier comme de la peste des montages bricolés pour fixer les accessoires. J’ai le souvenir ému d’un safran de Monotype en train de planer sur l’autoroute devant ma voiture juste avant l’entrée d’un tunnel un jour d’affluence, adrénaline garantie ! 
Vérifier le gonflage des pneus. 
Pour ces remorques, une peinture réfléchissante ne serait pas superflue en cas de défaillance du système d’éclairage… 

Les bateaux à l’aviron
En préambule, il faut bien se dire que ces bateaux ne sont pas faits, et en particulier ceux qui sont bordés à clins, pour se promener à 110 km/heure en plein soleil sur les autoroutes de France et de Navarre ! Jamais les constructeurs de l’époque n’ont intégré ce paramètre. 
Autant les passer au séchoir à cheveux pendant cinq heures ou plus !
Donc qu’on se le dise, ils n’aiment pas ! 
Alors que faire ?
Voyager par temps de pluie ? Attendre les ondées pour partir ? C’est une solution mais peu pratique il faut le reconnaître. 
Voyager de nuit ? C’est déjà mieux qu’en plein soleil mais pas toujours commode d’autant plus que l’éclairage de certaines remorques laisse à désirer ! De ce point de vue, je pense que peindre la face arrière de nos remorques en peinture réfléchissante est une mesure salutaire.
Reste le pyjama de Marc Ronet ! C’est indéniablement une bonne solution pour éviter le plus violent du « choc thermique ». Marc a réalisé, il y a déjà quelques années, pour transporter « GIBON », un canoë français Dossunet, un pyjama fait de serpillières cousues entre-elles et transfilées avec un «bout» pour en assurer la fermeture. À condition de s’arrêter régulièrement pour arroser le dit pyjama, ce moyen est efficace pour éviter la déshydratation de la coque à défaut de celle du conducteur…

Le sanglage !
Le moyen le plus confortable ou le moins traumatisant pour les bateaux consiste à les faire voyager suivant la technique dite de la « balançoire ». La méthode qui consiste à les installer à l’envers sur les hiloires est à éviter en raison, d’une part du frottement des hiloires sur les portants de la remorque (même protégés avec des mousses ce n’est pas satisfaisant) et d’autre part, du fait de leur construction, parce que les pointes avant et arrière ne sont pas maintenues, sauf à fabriquer des supports spéciaux compliqués et générateurs de déboires. 
Rien ne vaut la « balançoire » : nous avons fait des milliers de kilomètres sans histoire en employant cette technique, encore faut-il bien maîtriser la chose. 
Pour décrire ce qui va suivre je me suis inspiré de la technique mise au point par Pascal Baudiau, le charpentier du Roastbeef. Cela doit vous rappeler quelque chose… Il a perfectionné ce système au Rowing Club de Port-Marly pour déplacer les bateaux courts, du temps où il entraînait les équipages féminins !
Extrémités de la sangle

Les sangles supports seront réalisées avec des ceintures de sécurité achetées à la casse locale. Celles que nous utilisons ont été approvisionnées par Guy d’Houilles il y a plus de dix ans, elles n’ont jamais trahi leur homme. Les extrémités seront équipées comme le montre les photos, d’un côté on conserve l’attache du constructeur, de l’autre il faut fabriquer une boucle en métal dans laquelle on passe une chaîne, le cordonnier local coud la chose en doublant les coutures.
Pour le reste les sangles du commerce sont suffisantes (en évitant les sangles à cliquets très traumatisantes pour les vernis en cas de relâchement imprévu).

Bracelets caoutchouc

Pour fixer les avirons 
On peut utiliser des morceaux de chambre à air pour verrouiller l’aviron en place. Bien que nous utilisions ce procédé couramment, je persiste à penser que c’est une erreur. En effet ces bracelets faits maison sèchent dans le temps et deviennent cassants et bien entendu s’ils doivent céder ils le font en cours de route avec toutes les conséquences que l’on peut imaginer. La bonne mesure consiste à les changer fréquemment. Mais je préfère, de loin, deux sangles entrelacées, même si cela bouge un peu…

 

Le bateau sur ses sangles

Le chargement de la remorque se fait d’abord par le bateau du bas que l’on dépose la quille sur les sangles supports , grâce à la chaîne on règle l’altitude du bateau de façon suffisante pour éviter que la quille vienne talonner sur la remorque en cas de chaos .Sangle de ceinturage

Deux sangles supports sont nécessaires pour une yole de 7 m : on les place le plus près possible des renforts du bateau.
Pour les bateaux plus grands on augmente le nombre de sangles supports.
L’opération de ceinturage se fait en passant une sangle secondaire dite de ceinturage sous les sangles supports comme pour faire un paquet. Il est inutile de serrer violemment ; par contre il est nécessaire que la sangle support emmaillote bien le bateau.
La sangle descendante
Il faut une grande sangle qui va avoir pour effet d’éviter le balancement du bateau pendant le trajet. On peut en prévoir deux par bateaux mais une seule peut suffire. Cette sangle dite «descendante» sera passée en aller et retour sur un renfort le plus bas possible de la remorque. Le serrage sera intime et sans violence (photo 7).
Voilà, l’opération est terminée.

Il vous reste à vérifier que la prise électrique fonctionne ! C’est généralement un grand moment de plaisir car malgré une norme européenne bien établie, il y a toujours un malin qui bricole les branchements pour la plus grande joie de celui qui viendra ensuite. Les prises à broches nickelées sont très efficaces. J’en profite pour féliciter les grands dépendeurs d’andouilles qui chez les constructeurs automobiles déterminent l’emplacement des prises électriques de remorques. 
Ah, les merveilleux pithécanthropes, les sublimes héritiers du babouin des Indes, qu’ils aillent donc nous faire, un jour seulement, la démonstration de reptation sous la voiture pour aller brancher la prise mâle en dessous du pare-chocs bien loin, de façon à ce que toute la gadoue de la route vienne gicler sur la chose. Bref, si j’en tenais un, il s’en souviendrait de sa prise !
Dernière précaution : n’oubliez surtout pas de vérifier la pression des pneus avant de partir et bonne route !

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