La FORCOLA*

Francesco Matarese

En collaboration avec le musée Fournaise, la préparation de l’exposition « A vos rame canotiers » a été l’occasion de nous documenter sur des techniques un peu plus éloignées de notre bassin habituel

Venise tire sa raison d’être de l’eau qui l’entoure, la pénètre. 

Au début refuge (pour ses habitants) puis cité-état, de nos jours Venise nous envoûte de son charme «hypnotique».
Si ses habitants fuyant les invasions trouvèrent refuge sur les îlots, cette eau qui arrêta les hordes barbaresques n’a pas du leur rendre la vie facile. Mais on s’habitue à tout ! Et ces gens s’y sont tellement habitués qu’ils y vivent depuis le 5ème siècle. Cependant la vraie grandeur de Venise ne commence qu’au 9ème siècle lors de son installation sur les îles du Rialto pour échapper aux visées des Francs.
A Venise on se déplace en gondole depuis la nuit des temps, presque exclusivement, faisant face à l’étroitesse des canaux (160) entre les îlots (180) et l’ensemble situé à 4 kilomètres du continent : se déplacer c’est avancer, reculer, virer, croiser, accoster… Autant de manœuvres auxquelles les gondoliers ont du s’adapter. Pour commencer ils se sont mis debout pour ramer, et de manière à voir devant, et avec un seul aviron. 
Les gondoliers ‘nagent’ d’un seul coté, ils ont remplacé ce que nous appellerions un tolet, par une sorte de fourche et ils ont ‘banané’ (horizontalement) leur embarcation pour ne pas avoir à ramer de chaque côté afin d’avancer droit devant.
La fourche (forca,) en question, quelle invention! la FORCOLA, ils y ont mis du temps pour arriver à finaliser cet étrange objet, des siècles. La forcole souvent considérée comme une œuvre d’art, une sculpture, quel instrument ingénieux…
En fait d’instrument, ce sont plutôt «des» instruments, car il faut distinguer les forcoles de proue de celles de poupe. En plus formes et dimensions sont fonctions de l’embarcation et aussi, dans le cas de bateaux de course ou de parade, en rapport avec la corpulence et le style du rameur.
A savoir, pour qui veux bien l’entendre : question réglages, ce qui se rapporte au rameur est également vrai pour la ‘pédana’ ce morceau de plancher où se tient le rameur.
La forcole est donc la ‘scalmièra’ (le tôlet, la dame de nage) conçue pour que le gondolier nageant à la façon ‘veneta’ donc debout et faisant face au sens de la marche, puisse dans toutes les situations de lieu ou de trafic, continuer dans ses intentions de navigation. 
Dans les forcoles chaque courbe, chaque arête a une fonction précise. Dans une forcole de poupe il y a 8 points d’appui pour l’aviron (voir image)

1 : démarrage2 : nage courte lors d’un croisement avec une autre embarcation
3 : virage rapide à gauche
4 : nage normale
5 : siada (déport ?)
6 : déplacement latéral à droite
7 : nage en arrière
8 : ralentissement ou virage rapide à droite, quasiment une rotation sur place

Ces 8 fonctions peuvent être réparties (c’est selon les types d’embarcations) entre forcoles d’avant (proue) et d’arrière (poupe) 
Le bon bois des forcoles est le noyer de préférence, ou du poirier. On utilise souvent aussi du cerisier mais il est moins prisé.


* curiosité venixienne (prononciation locale de vénitienne)

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