De la théorie à la pratique

Jean Jack GARDAIS

Si chacun sait à quelle température bout l’eau, beaucoup moins nombreux sont ceux qui imaginent ce qui se passe au delà de cette valeur, première porte entre ouverte sur le monde merveilleux de la vapeur où très naturellement, dès qu’il est prononcé ce mot entraîne des milliers de Toot Toot et autres Tuut tutte …
Dès le début de la construction de Suzanne, néophyte, j’ai cru bon d’apprendre la vapeur pour en comprendre les applications. Une aventure unique partant d’un plan peu bavard et d’un moteur d’origine !! Première remarque très pertinente de la part des amis vaporistes rencontrés… S’agissant de vapeur… on ne parle plus de moteur mais de machine !! « Anecdote, certes, mais comme disait un vieil outilleur, « si tu veux parler technique, il faut être précis ! 
«.Aucun des chemins qui s’ouvraient à moi ne me permettait de me lancer dans une telle aventure, sans passer par la case théorie, et je n’ai pu me sentir à l’aise qu’après avoir passé de longues heures, à piocher des infos dans des livres et encyclopédies d’époque, à distiller les conseils généreusement prodigués par ceux qui baignent dans la vapeur - comme poissons dans l’eau - de la Seine ou du Lac de Genève, sans oublier la perfusion si riche en renseignements de l’ami, professeur Es Chaudières Verticales, dont la discrétion n’a d’égale que la gentillesse. Pulls et polaires, vins chauds, nous ont permis de résister aux fraîcheurs de l’hiver lors de réunions très initiatiques où il n’était pourtant question que de vapeur !!! 
Les beaux jours ont vu éclore les premiers plans, les premiers devis, et la mise en conformité de la machine pour son adaptation marine dans la coque de Suzanne.
La chaudière est définie théoriquement, les calculs de stabilité peaufinés, il reste simplement à boucler la consultation des fournisseurs potentiels pour décider à qui confier une si importante réalisation. L’Europe n’a pas été épargnée puisque quelques devis ont traversé la Manche mais l’authenticité de ce projet nous fait rêver d’une belle plaque, made in France !! Et autour de tout cela, se sont ouverts des dossiers sur les équipements annexes.
Si les manomètres, vannes et robinets sont encore en vente chez des fournisseurs spécialisés, il faut fouiller de longues heures sur les sites de ventes aux enchères sur le net pour trouver le sifflet à vapeur ou la soupape d’époque… en état de fonctionner . C’est très aléatoire. Alors en bon puriste, s’il en est, pourquoi ne pas repartir du brevet d’invention Schindler d’époque. Et le révérend…Père Spicace de redessiner, d’adapter, et de mettre en fabrication. Ca fait partie du patrimoine !!!
A noter également le geste très apprécié d’un visiteur, qui ayant travaillé longtemps sur chaudière Field avait encore chez lui le sifflet d’alarme ! Cette alarme de niveau a sa place toute trouvée sur la future chaudière. Et tout cela sans compter la fameuse boîte en bois dans laquelle certains vaporistes ont déposé leur participation matérielle en nous confiant : ça pourra toujours vous servir… Que tous soient remerciés.
La période des bains de mer a permis de solliciter un fabricant nantais d’hélices et de lignes d’arbres, et un atelier vendéen m’a embauché pour fabriquer quelques ringards, pelle à charbon, et bâti machine, dont j’avais pris soin d’établir les plans d’après des croquis d’époque . 
La porte du gueulard, la grille de foyer ont été dessinées toujours au plus proche de ce qui existait au tout début du siècle. Reste à terminer l’étude du cendrier entre le foyer et la coque mais c’est, dans tous les sens du terme très chaud car il n’est pas question que la moindre petite escarbille aille faire une bise à la coque en acajou. Toutes les précautions seront prises et des croquis déjà préparés.
L’installation de la mécanique marquera le passage du virtuel de la théorie aux dures réalités de la pratique. Mais cela sans trop d’appréhension car avec la complicité du Chemin de fer Chanteraines, j’ai eu le plaisir et l’honneur de goûter aux joies de la vapeur. La première fois pour retrouver ce que j’avais pu lire dans les livres ou ce qui m’avait été expliqué. Le soir venu quand on m’a confié la loco en me disant roule ! … toutes les parties de mon corps ont vraiment tremblées !!! Mais cette initiation était indispensable.
Pour continuer mon apprentissage, la seconde séance était plus tournée sur les façons de produire la vapeur et de consommer au mieux l’énergie qui s’en échappe. Avec tous mes remerciements pour cette belle journée, bien remplie physiquement, mais combien pleine d’informations indispensables.
Et le Maître a fait un clin d’œil à l’apprenti. A la prochaine fois . . . Et c’est ainsi que l’on passe de la théorie à la pratique … tout simplement disait il !

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