QUOI DE PLUS SIMPLE QU'UN AVIRON ?
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Apprentissage du plaisir
nautique.
Grav. de H. Daumier. XIXe s.
©D.R. |
L'aviron, c'est un peu le bâton du pèlerin, la houe, l'araire,
la hache de pierre. C'est un outil qui entre dans la matière,
il est le prolongement de la main qui s'appuie dans l'eau pour accomplir
son travail.
Depuis combien de temps l'homme s'est il servi d'une rame pour faire
avancer un esquif ? Un mien ami, rameur à ses heures, qui préparait
une thèse sur "l'évolution de la jarre mycénienne
à 3 anses".... ne riez pas, c'est très sérieux,
m'a assuré que des bateaux mus à l'aviron sillonnaient
le Nil 3500 ans avant notre ère !
Et pourtant ! Il est curieux de constater que le maniement d'un bateau
à voile a fait l'objet de nombreux ouvrages de théories,
alors que la technique de l'aviron ne semble pas avoir retenu l'attention
des théoriciens, hormis les experts du domaine sportif...
Tout un chacun est capable de "taper" dans l'eau avec une
rame, mais pour en tirer toute l'efficacité, il y a un monde
de subtilités à découvrir. Passer un coup d'aviron
efficace demande autant de patience que d'observation. Ici pas d'intermédiaire,
c'est avec son corps que l'on règle l'affaire, que cela soit
à l'anglaise (assis le dos à la marche) ou à la
vénitienne (debout face à la marche). Les mains, les bras,
les épaules, le dos, les jambes jusqu'aux doigts de pieds, doivent
se mettre d'accord pour intervenir au bon moment. Lorsque l'on arrive
à faire fonctionner toute cette mécanique de façon
cohérente, le bonheur n'est pas loin ! Glisser sur l'eau est
la plus belle des récompenses...
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UN AVIRON POUR RAMER OU UNE RAME POUR NAGER ?
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Extr. du Manuel du Petit charpentier de marine. Edité
par la "flotte française". Paris, 1926. |
Le Littré pas plus que le Larousse ou le Petit Robert n'offrent
de réponses convaincantes ! Par contre et par expérience
je ne m'aviserai pas de parler à un rameur vénitien de la
qualité de son aviron et de même je me garderai bien de parler
de sa rame à un rowingman. En fait il semble bien que la distinction
soit géographique. Grosso modo, au nord de la Loire on parlera
d'aviron et au sud il sera préférable d'utiliser le terme
de rame.
Pour bien nous comprendre, nous entendons par aviron un ustensile utilisé
pour propulser une embarcation ayant un point d'appui solidaire du bateau
qu'il fait avancer, On éliminera les avirons destinés
à la seule fonction de gouvernail.
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Il se compose de trois parties :
- La poignée, c'est l'endroit ou se place la, ou les mains.
- Le manche, de longueur variable suivant le type d'embarcation il
peut être rond ou asymétrique, il se termine par la palette,
de géométrie variable suivant les utilisations.
- A cela il faudra ajouter la fourrure, en cuir ou en plastique. Elle
a pour fonction d'éviter l'usure au point d'appui.
C'est dans son utilisation extrême, le sport, que l'aviron a
fait l'objet de nombreuses études et donc des modifications les
plus significatives dans sa forme et sa structure.
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Aviron "Monolithe"
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L'aviron "monolithe" est en bois plein, généralement
la palette est symétrique, on le trouvera couramment dans les embarcations
de pêche, dans les bachots, les annexes des yachts de plaisance.
En plus de sa fonction classique il pourra, dans certain cas, servir de
godille. La disparition progressive du métier d'avironnier se fait
durement sentir, et la qualité des avirons proposés de nos
jours sur certains bateaux de loisir peut être qualifiée
de lamentable. Certes l'instrument est rustique mais cela ne l'empêche
pas de répondre à un besoin et d'avoir une fonction. Il
mérite un peu de réflexion avant d'être mis en œuvre.
Pour son application dans le domaine maritime, on se reportera à
l'excellente description faite par François Vivier dans son livre
Construction bois , les techniques modernes Edition du Chasse Marée.
Elle est éclairée par l'expérience et la compétence
de l'auteur qui ne sont plus à démontrer. |
Avironde "Hétérogène"
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L'aviron hétérogène est creux, asymétrique.
C'est celui du canotier, inspiré de l'aviron de compétition.
Il a fait l'objet d'un artisanat de qualité. |
L'évolution de la Palette
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L'évolution de la forme de la palette a commencé de façon
significative après la deuxième guerre mondiale avec une
accélération notoire ces trente dernières années.
Auparavant l'aviron dit pelle anglaise était universellement
utilisé, puis viendra la pelle dite pelle Mâcon, très
décriée à l'époque par les anciens qui la
qualifiait de " pelle à tarte ". Que diraient-ils de
nos jours avec les pelles H ou encore les lentilles dernières
nées des établissements Dreissigacker, le grand manitou
de la fibre de carbone et de l'aviron sportif moderne.
D'une façon générale plus la palette offre une
surface importante, plus elle prend appui sur l'eau et plus le coup
d'aviron est propulsif. Cette évidence à une limite, celle
de la capacité du rameur à " accélérer
" la passée dans l'eau indispensable à l'efficacité
du coup d'aviron. Une palette trop importante gêne considérablement
la ramerie, c'est lourd, c'est pénible, c'est dur à tirer.
Là encore c'est une histoire de dosage et l'avironnier a (avait
?) toute sa raison d'être pour guider son client en tenant compte
de sa morphologie, de son programme de navigation et de son embarcation.
N'importe quel aviron ne va pas n'importe où, pour n'importe
qui !
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Un brin de technique est nécessaire pour passer un coup d'aviron
efficace et confortable. Le numéro 17 de la Feuille à
l'Envers a déjà traité, dans les grandes lignes,
de cette question. Nous allons essayer d'aller plus loin dans les remèdes
aux inconvénients constatés !
J'en profite pour dénoncer une hérésie trop communément
répandue celle de "l'aviron galère" à
croire que chez certains de nos contemporains pratiquer "l'aviron"
c'est aller en pénitence ! Il faut souffrir, que cela se voie,
il faut que cela fasse mal... Qu'ils aillent se flageller ailleurs !
S' il est vrai que la compétition sollicite les réserves
d'énergie dans des limites au delà du supportable, on
peut aussi ramer avec plaisir en souplesse avec vélocité
et pourquoi pas avec grâce.
Pour y arriver il est souvent utile de pratiquer quelques réglages.
Cela n'a rien de compliqué !
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En premier lieu, observer son bateau et relever l'entre axe, pour un
armement en couple c'est la distance entre les axes des dames de nage
tribord et babord. Sur les embarcations "modernes" cette valeur
tourne autour de 1.62m à 1.65m.
Sur nos bateaux de tradition cela peut "tomber" à 1.50m
voire 1.30m dans certains cas !
En toute logique, on choisira des avirons plus petits. On pourra également
jouer sur la surface de la palette.
Il faut faire des essais comparatifs et choisir le meilleur compromis.
C'est une question de sensation et d'expérience. Un aviron c'est
un peu comme une chaussure de montagne, il faut se sentir bien avec
lui en l'utilisant. Il faut parfois essayer plusieurs paires pour trouver
la bonne !
On va agir sur trois paramètres : La coiffe, la longueur du
bras de levier intérieur, le croisement.
Ces réglages ne sont possibles que sur les avirons de couple
dont le manche est asymétrique et présente une face plane,
le dos !
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Premier acte : régler la coiffe !
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Ce réglage est incontournable quelque soit le type d'embarcation,
le négliger (ce qui est courant y compris dans les clubs sportifs)
c'est à coup sûr la galère ! Si la coiffe est trop
forte l'aviron saute hors de l'eau ! Si elle est négative l'aviron
coule ! L'un et l'autre défauts transforment une sortie agréable
en un véritable calvaire, le rameur se crispe sur ses avirons
en tentant de les discipliner et c'est l'horreur, et il a beau faire,
il n'y a aucune solution. Plus ça ira plus cela va se gâter.
Comment intervenir ? En premier lieu sur l'inclinaison de la dame de
nage.
Quand c'est possible, c'est ce qui est le plus simple et le plus recommandable
! Si de nos jours toutes les dames de nage se ressemblent et son réglables,
à l'époque nos constructeurs mettaient un point d'honneur
à équiper leurs bateaux avec "leurs" dames de
nage, chacun étant persuadé d'avoir le modèle idéal.
Résultat nous nous trouvons devant une véritable panoplie
de dames de nage toute différentes les unes des autres ! Ce n'est
pas fait pour simplifier le débat d'autant qu'un bon nombre d'entre
elles n'offre aucune possibilité de réglage (voir illustration
page 12).
Il faut faire cette opération à deux.
L'un tient l'aviron en place, l'autre mesure l'angle de coiffe avec
un fil à plomb, deux centimètres au bord de la palette
sont suffisants.
On n'oublie pas de vérifier que le bateau soit horizontal dans
les deux sens, longitudinal et transversal !
Si la dame de nage n'est pas réglable, il faut s'armer de patience
! Il va falloir déposer le manchon en plastique ou le cuir, afin
de venir coller une cale biaise au dos de l'aviron puis remettre en
place le manchon ou le cuir. Il faut procéder par tâtonnement
et présenter plusieurs fois la cale "à blanc"
jusqu'à obtenir un angle de coiffe convenable avant de refaire
le cuir ou le manchon.
C'est un travail long et délicat mais indispensable. Je déconseille
les lames de scies à métaux que l'on glisse sournoisement
entre le manche et le cuir en guise de cale ! Le tout rouille immanquablement
et à terme détruit à coup sûr le cuir et
l'aviron !
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Deuxième acte : Vérifier la longueur du bras de levier
intérieur
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De ce point de vue le collier moderne offre unavantage incomparable
de par sa mobilité. Il suffit de desserrer les deux vis de serrage
du collier pour pouvoir faire varier à volonté la longueur
du bras de levier intérieur. Pour ramer de façon confortable
il faut une longueur de 88 cm environ du collier a l'extrémité
du manche. Longueur recommandée pour un entre-axe de 162 à
165 cm. Pour nos "ancêtres" qui présentent un entre-axe
de 130cm on ne pourra guère aller au delà de 75cm. Il sera
intéressant d'envisager des avirons plus petits que les avirons
modernes.... |
Epilogue Le Croisement
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Nous avons déjà abordé cette question dans la Feuille
à l'Envers N°17. On peut faire varier ce croisement de 15 à
20cm tout en conservant une ramerie confortable. |
Comment faire sur les avirons anciens ?
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Il faut ajuster le cuir à la bonne dimension ! Sans oublier
de vérifier que la rangée de clous se trouve sur le dessus
! C'est comme cela que l'on reconnaît un aviron babord d'un aviron
tribord. Pour les colliers modernes il faut faire une marque de couleur
verte pour tribord et rouge pour babord, of course !
Un raffinement parfois très appréciable Si vous choisissez
d'équiper vos avirons de manchons plastique et de colliers modernes
vous aurez la possibilité de faire varier, sur deux ou trois
centimètres, la longueur du bras de levier intérieur.
En augmentant sa longueur vous rendrez la ramerie plus facile, c'est
bien utile sur des plans d'eau agités ou sur des parcours avec
un fort vent contraire. De la même façon on pourra le diminuer
et ainsi augmenter la longueur extérieure de l'aviron et "durcir"
la ramerie, la rendre plus propulsive.
Tout cela c'est une histoire de bras de levier !
Ce réglage est comparable à celui du farteur qui prépare
les skis des compétiteurs, c'est beaucoup de flair et une bonne
dose d'expérience . Pour autant je considère qu'il n'est
pas réservé à la compétition. Le randonneur
est concerné par cette notion, une étape d'une quarantaine
de kilomètres, soit quatre à cinq heures au banc de nage
mérite un réglage adapté aux conditions du plan
d'eau fréquenté. Hélas nos vieux bateaux avec leurs
colliers en cuir n'offrent pas cette possibilité. Une dernière
chose, avant de partir il est indispensable de "suiffer" le
cuir. Inutile d'en tartiner toute la fourrure, juste une touche au dos
suffit ! c'est là que cela porte ! Pour les fourrures en plastique
on préférera le savon noir.
On le voit l'aviron n'est pas n'importe quelle trique bonne à
tout faire ! Quelque soit le bateau, si l'on veut ramer de façon
efficace et agréable, il faut impérativement armer des
avirons adaptés à l'embarcation, au rameur, et aux conditions
de navigation rencontrées.
C'ETAIT TOUT L'ART DE L'AVIRONNIER
François Casalis
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