Prosper Yop'La Boum

Restauration d'une baladeuse

DÉCOUVERTE DANS UNE MAISON DE CAMPAGNE DES ANDELYS

Au cours d'une brocante aux Andelys, nous faisons la connaissance d'un particulier désirant se débarrasser d'une "barque" et d'un canoë canadien qui dormaient dans une écurie depuis des lustres.

ÉTAT D'ORIGINE


Baladeuse Prosper

Les deux bateaux sont à l'état d'épave, le canoë est difficilement réparable, 75 % des membrures cassées ou pourries, bordés cironnés... mais la " barque " s'avère avoir des bordés et un pontage en acajou. La pointe avant est défoncée et la sole en sapin trouée et mal réparée. Des photos en sont faites pour soumission aux collègues séquanais qui valident l'acquisition. Après avoir dormi pendant plusieurs années dans les locaux annexes de l'association, notre périssoire trouve une place dans le garage à bateaux de la Gare d'Eau. Comme pour toute restauration on commence par le décapage des couches de peinture pour retrouver le bois d'origine et repérer les blessures, coups, trous, gerces... et apprécier l'étendue des opérations de restauration.

RECHERCHES HISTORIQUES


Edmond se prépare
La restauration de deux périssoires de compétition historiques du Musée de la Marine ravive l'intérêt pour notre baladeuse.

Isabelle et Gilles Outin se mettent en chasse. Des cartes postales anciennes prouvent l'existence de nombreuses embarcations du type "baladeuse" ou périssoire. On en trouve dans toute la France, même dans les stations de bord de mer (voir revue Femina). Mais aucun texte, aucun catalogue de constructeur… du moins pour le moment. Nous avons retrouvé l'appellation "baladeuse" sur une photo originale d'avant 1900. Le vocable aussi a disparu de la langue. Sous le terme baladeuse on trouve encore : une lampe portative, une remorque de tramway, un petit rongeur, un plateau à fromages, une popote mobile, un transbordeur de conteneurs, une remorque de vélo, une main… mais point de périssoire !

CARACTÉRISTIQUES

Les périssoires ont eu longtemps la faveur du public car elles présentaient des avantages nombreux :
  • construction simple, réalisable par un menuisier ou un particulier averti,
  • coût abordable par le plus grand nombre,
  • dimensions et poids réduits, donc manutention et entreposage facilités,
  • propulsion à la pagaie double, donc à la portée de tout le monde.

Elles avaient un inconvénient notoire : leur instabilité, d'où le nom de périssoire. Malgré leur grande diffusion, ces embarcations ont toutes disparu. Garées chez le particulier, elles n'ont pas pu être conservées dans les garages d'aviron comme c'est le cas des yoles et canoës français. La flotte Sequana compte deux autres périssoires : "À Dieu vat" et "Rastacouère", toutes deux de construction sartrouvilloise.

Notre baladeuse est construite en formes développables, comme la plupart des bateaux de rivière : une sole en forme, en sapin de 10mm d'épaisseur, bordée par 2 bordés d'acajou de 6 mm ; pas de membrures ni varangues, mais des genoux et des traverses. Le cockpit est protégé à l'avant par un briselames et un hiloire d'acajou de 10mm. Les pointes avant et arrière sont en tranché d'acajou de 6mm. assemblées par languettes et clouées (cuivre et acier zingué) sur les barrots. Les volumes de flottabilité avant et arrière sont obturés par des trappes ovales semblables à celles des canoës français de construction marnaise.

En ce qui concerne les constructeurs nous savons peu de choses: nous savons qu'il était construit des baladeuses au garage Perre à Joinville. Nous pensons que le constructeur Alexandre Lein qui y avait son chantier entre 1890 et 1918 devait en fabriquer, mais nous n'en avons pas de preuve formelle...

RELEVÉS

Gilles Outin a procédé aux relevés de la coque et en a réalisé les plans (voir ci-contre). Gilles a rajouté les éléments manquants, le plancher et les deux dossiers de pagayeurs. Pour le dessin des dossiers, Gilles s'est inspiré de différentes photos de cartes postales anciennes. Leur dessin de formes a nécessité plusieurs essais...

LA RESTAURATION

Le décapage des peintures successives met au jour un très bel acajou que nous avons décidé de vernir. Le trou et les mauvaises réparations de la sole ont été réparés par des pièces en sapin collées à l'epoxy. Le pontage avant était défoncé : il a fallu confectionner un moule de la tonture du pont et coller les morceaux sur une feuille d'acajou de placage. Michel Desplat, avec sa minutie professionnelle, s'est attaqué au difficile problème de la jonction du brise-lames avec l'hiloire. Nous avons du refaire la pointe avant et la marotte arrière. Michel a remonté avec patience tout le puzzle. Nous avons fabriqué un plancher en tous points similaire à ceux de nos canoës français. Aileron or not aileron ? Sur plusieurs photos les baladeuses étaient dotées d'un aileron au niveau de la levée arrière : apparemment il n'y en avait pas trace sur la nôtre. Guy d'Houilles en a fabriqué une qui s'avérera utile pour limiter le louvoiement dû aux impulsions des pagaies. La fabrication des pagaies en forme de feuille de sauge a été confiée à Guy d'Houilles ; Gilles s'est chargé de la fabrication des dossiers. Nous avons fabriqué les mâts et les espars du tendelet. Pour la sole en sapin, nous avions opté pour une protection peinture, extérieur vert, intérieur blanc. Les superstructures et plancher ont reçu 5 couches de vernis brillant de type glycéro. Le tendelet à festons a été taillé dans une cotonnade écrue et rayée carmin ; la coupe et la confection sont dues à l'art d'une ancienne petite main de chez Chanel (on ne se refuse rien).

L'AVENTURE NE SE TERMINE PAS LÀ !


Edmond et Gilles lors du lancement de Prosper
La restauration de Prosper nous laisse quelques questions :
  • Y avait-il des barres de pieds comme sur Rastacouère et comme on en voit sur d'autres périssoires ?
  • À quoi pouvaient bien servir les crochets pivotants de l'hiloire ?
  • À quoi pouvaient bien servir les attaches sur le plat bord ?
  • Ces accessoires n'ont-ils pas été rajoutés par les derniers propriétaires ?
  • Quels chantiers ont construit des baladeuses ? pendant quelle période ? etc..

Sequana aimerait trouver des réponses aux mystères de la baladeuse.

Edmond Ballerin

Ont participé à la restauration de Prosper :
Edmond BALLERIN, Marie-Geneviève BOUBE, Michel DESPLAT, Claude FERNIQUE , Guy LECUYER, Gilles et Isabelle OUTIN, Marie-Pierre TRICART.

Page précédente