It don't mean a thing ...

 

UN MOTEUR À SEQUANA ? QUELLE HORREUR !!!

CERTAINS membres de Séquana lors de la visite de l'expo sur les Trophées, au Musée de la Batellerie à Conflans Sainte Honorine, avaient bien repéré une vieille coque de Runabout aux lignes malgré tout appétissantes. Laurent Roblin , le conservateur, avait lâché sa petite phrase: Restaurer cette coque? Oui! Mais avec un moteur d'origine. Pièce de Musée oblige.

Dodge à louer aux US.A. jusqu'aux publicités sur les moteurs d'avion de 800 à 1000 Cv, en passant pudiquement sous silence la foultitude de calendriers.. .de châteaux de la Loire... entre autres ! Avec un acharnement méthodique pendant plusieurs mois, un surfeur séquanais ( pas breton mais tout aussi têtu) a fini par trouver LA petite annonce "du Siècle" : Vends Lycoming complet, avec inverseur. A partir de cet instant tout est allé très vite; mails, fax, coups de fil, et... US. dollars ont crépité entre Chatou et Sacramento (Californie).

Qui, à ce moment là, eut été capable d'imaginer la suite de cette aventure. Un vent de révolution soufflait sur la quiétude de Séquana. Les accros "Aviron" et "Voiles" fronçaient déjà les sourcils ! Laisserait-on à un canot automobile, la moindre chance de survie dans un atelier où les senteurs de bois et de vernis régnaient traditionnellement, sans aucune intention de laisser la moindre place aux relents d'essence, d'huile et de gasoil ?

Les premières recherches sur des pistes plus ou moins connues ne donnèrent aucun résultat. Il y avait bien un autre Dodge dans le centre de la France, mais son moteur était cassé, et de plus, il n'était pas à vendre. Petit à petit, Lycoming et Introuvable étaient synonymes. Toutefois ce défi, maintenant presque rumeur, ne disparaissait pas pour autant des esprits.

Soudain, au hasard d'un test sur les moteurs de recherche d'Internet, il s'est avéré que les mots Dodge et Lycoming déclenchaient à eux seuls quelques centaines de sites, donc de réponses potentielles. Cependant la diversité des réponses s'étendait de la dernière voiture Dodge à louer aux U.S.A. jusqu'aux publicités sur les moteurs d'avion de 800 à 1000 CV, en passant pudiquement sous silence la foultitude de calendriers... de châteaux de la Loire... entre autres ! Avec un acharnement méthodique pendant plusieurs mois, un surfeur séquanais (pas breton mais tout aussi têtu) a fini par trouver LA petite annonce "du Siècle" : Vends Lycoming complet, avec inverseur. A partir de cet instant tout est allé très vite ; mails, fax, coups de fil, et... U.S. dollars ont crépité entre Chatou et Sacramento (Californie).

Après 28 jours de mer, LE moteur a fait son entrée triomphale dans l'atelier le 21 Août 2001, où la coque confiée par le musée était déjà sous anesthésie décapante depuis presque un mois. L'équipe constituée des "Dodgers" a rencontré Laurent Roblin pour définir en commun ce que devait être une restauration type Musée et rapidement, non sans quelques grincements de dents : l'atelier avait changé de parfum. Son Acajou N°6 a viré à Octane 98 ! sans crise d'asthme heureusement!

UNE RESTAURATION SOUS HAUTE SURVEILLANCE

LA COQUE, après décapage, a été expertisée pour fixer les impératifs de remise en état. Si les bordés et le pont appelaient un travail certain, le fond et la partie basse du tableau arrière gorgés d'huiles et d'hydrocarbures ne devaient plus souiller le reste de la coque. Marc Ginisty et Boris Proutzakoff ont bien voulu nous conseiller, et la coque a retrouvé un fond solidement installé sur une quille en chêne neuve. Puis la coque a reçu joints, peintures et vernis en quelques couches suffisantes pour bien nourrir le bois, mais sans trop, pour ne pas succomber au syndrome du sucre d'orge. Vaigrages, varangues et carlingues vérifiés ou refaits au besoin, l'intérieur de la coque a été vidé de tous ses accessoires avant d'être repeint ou reverni. Les pièces en bronze ont retrouvé leur éclat et les pièces mécaniques leur fonctionnalité. Les appareils du tableau de bord ressuscité, ont été confiés à un spécialiste, généreux. Dans le même esprit tout l'accastillage terni est passé dans un bain de nickelage pour préserver l'aspect authentique et les pièces trop longues ont été décapées et rafraîchies à la main.


On se prépare à la fête
Le groupe moteur-inverseur subissait, en même temps l'autopsie classique, révélant un bilan encourageant, d'un poussoir de soupape cassé et un plateau d'inverseur sur lequel manquait un doigt.
Vraisemblablement, le précédent utilisateur avait-il réalisé un "marche AV - marche AR" trop brusque. Démarreur et dynamo ont été testés et révisés à l'extérieur, et les plus curieux des Dodgers ont glissé leurs doigts dans le carburateur et le distributeur d'allumage.
Après avoir fait une cure de peinture fraîche dans le nord de la France, le moteur a connu une longue convalescence pendant que toutes les pièces révisées ou refaites reprenaient leurs places. Les mémoires ont été fortement sollicitées, tout va bien quand on démonte, mais pour remonter...

 

Très prudemment, un cahier avec quelques notes et croquis et schémas rendait bien service. Dans les frimas du 09 Novembre 2002 , les "trouillomètres" des Dodgers étaient dans le rouge. Adapté sur un banc d'essai, le moteur a reçu l'huile pour le lubrifier, l'essence pour l'alimenter, et rien de moins qu'un branchement direct sur l'eau du robinet pour le refroidir. Une grande séquence Emotions, filmée en vidéo dans l'atelier Séquana. Il a fallu une kyrielle de tentatives, de réflexions, de réglages et de mises au point, mais à la nième sollicitation du démarreur, dans un nuage de fumées blanches (c'était bon signe !) et dans une ambiance phonique à faire trembler les vitres des immeubles de Rueil, LE moteur a daigné faire ses premiers tours. Partie gagnée de haute lutte, et quelle satisfaction ! Enfin, on savait qu'il tournait et l'avenir laissait aussitôt place au fatidique "contre la montre" pour la mise à l'eau ...en Juin ... pour la fête de Chatou, par exemple !


... if you ain't got that SWING !


Le vapeur au secours de moteur !

CUIR, BRONZE ET...ADRENALINE !

LES INGRÉDIENTS étaient réunis. Une belle coque et un beau moteur, il ne manquait plus qu'une bonne finition pour obtenir une belle Pièce Montée ! Mais qui dit finition, dit aussi des milliers de détails à régler. Non seulement il a fallu statuer sur la remise en état de la corne d'étrave et son nickelage mais sélectionner le sellier pour nous refaire les sièges et le garnissage, le tout pour un prix compatible avec le Budget Prévisionnel.

Impossible de passer sous silence "la Saga de la Nana du Dodge" à savoir l'emblématique figure de proue, La "Flying Lady". Manquante sur ce bateau, trouvée sur Internet, mais à un prix trop américain, nous avons choisi de la faire refondre par le Lycée technique Ronceray de Bezons. Deux modèles très proches de l'original ont été présentés par des artistes de Sequana et quelques temps après une Flying Lady en bronze nous a été fournie pour l'étrave du Dodge.

PENDANT cette période de finition, le moteur a émis quelques bruits qui ont fait fortement douter les motoristes. A J- 40 du lancement, nous avons préféré, pour la pérennité du moteur, faire recharger en régule les portées de bielles et de vilebrequin. Une partie chaude autant pour les délais que pour le budget mais laissée aux mains d'un artisan, orfevre en la matière. Et pendant ce temps, des écrous de bielles commandés par Internet aux USA, faisaient le voyage de Chatou.

Grâce à une escapade gastronomique vers Nogent le Rotrou, les fils électriques façon 1930 ont été approvisionnés et l'ensemble du faisceau a été reposé, même si certains corpulents ne se sont pas dégonflés, face au manque d'espace dans la coque ! Toutes les pièces d'accastillage ont retrouvé leurs places sur le pont du bateau et toutes les vis de fixation étaient préalablement nickelées ! Le pare brise en deux parties, même s'il a offert quelques sueurs froides aux monteurs, tombait tout à fait au galbe du pont.

Mâtereaux Avant et Arrière, (avec la petite lampe qui brille sur tout l'horizon !) portaient fièrement flamme constructeur et pavillon national, comme pour remercier de ses efforts, notre charmante couturière. Une bavette spéciale protection au remplissage du réservoir a, entre autres, été mise au point C'est sûrement pour cela, qu'en Juin, la lumière est restée allumée tard dans la nuit à la gare d'eau.

LE GRAND JOUR du 22 Juin est arrivé très vite. L'ambiance autour du bateau s'est très vite tendue. Comme un long courrier avant de traverser une grosse perturbation, le personnel Dodger était "aux postes de sécurité". Et toujours pas de réponse aux questions imbéciles qui hantent les esprits, même des plus calmes dans ces moments là : Qu'est ce qu'on a oublié ? Et ça ? Est ce que ça va marcher ? ... Et tous ces gens autour du bateau ? Qu'est ce qu'ils attendent ??? ... Vers 16 Heures, sitôt passés les discours officiels, la musique de L'Ensemble de Jazz du Vésinet couvre presque les applaudissement du public, au coup de hache symboliquement libérateur du lancement du SWING. Quelques mètres sur le ciment, une belle vague et hop... il flotte, et après une courte escale au ponton, il démarre.
À cet instant, part sur les flots, un festival de symboles :
Celui de la confiance, de la participation,de l'endurance, de la persévérance.
Mais surtout celui sans lequel rien n'aurait été possible: celui de l'amitié et de la bonne humeur ...
Et ce n'est pas ce qui manque à Séquana.

JJ GARDAIS

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